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Des CoCos à la noix : vers une nouvelle crise financière ?

Mardi 20 juin, la Bremer Landesbank – une banque régionale allemande – a annoncé qu’elle annulait le paiement des intérêts sur deux obligations spéciales dites CoCo bonds. La nouvelle est passée presqu’inaperçue dans la presse, et pourtant, les questions qu’elle pose pourraient faire trembler le monde de la finance…

Vous n’avez rien compris à ce charabia* ? Pas de panique, on va tenter de clarifier tout ça !

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CoComençons par le commencement…

Pour simplifier, on peut résumer le métier d’une banque (outre ses conseils, bien sûr) à recevoir l’épargne de certains clients et à prêter de l’argent à d’autres clients. Pour que le système fonctionne, il faut toutefois que la banque soit toujours capable de rembourser les épargnants lorsque ceux-ci viennent retirer leurs fonds.

En raison de cette contrainte, et afin de pouvoir prêter suffisamment d’argent (que ce soit des crédits commerciaux, hypothécaires, du leasing, …), la banque ne peut pas compter uniquement sur l’argent des épargnants. Elle se finance donc également sur les marchés financiers.

D’accord, mais CoComment ?

© Vincent Arlettaz

Il existe essentiellement deux manières de se financer : D’une part, les actions, dont les détenteurs sont copropriétaires de la banque. Ils se partagent les bénéfices (sous forme de dividendes), mais sont aussi les premiers à perdre leur mise en cas de déficit ou de faillite.

D’autre part, les obligations, dont les détenteurs sont de simples créanciers prêtant de l’argent pour une période donnée, et en échange d’intérêts définis à l’avance. C’est un investissement généralement moins rentable (sur le long-terme) que les actions, mais qui est prioritaire pour être remboursé, et donc encourt également moins de risques.

Ce n’est pas si CoCompliqué !

Certes ! Mais la science financière ne s’arrêtant pas là, elle a inventé, au milieu du XIXème siècle, les «obligations convertibles». Il s’agit, de fait, d’une obligation (comme on l’a vu ci-dessus), mais que le détenteur peut, librement, décider de transformer en un nombre prédéfini d’actions. L’instrument est intéressant car il permet, grâce à cette conversion, de profiter des bons résultats économiques, le cas échéant, ou de rester simple créancier sinon.

Et c’est à partir de là qu’on a imaginé les CoCos…

Les CoCos ? KésaCoCo ?

Les «CoCo bonds», ou «contingent convertible bonds», sont un type particulier d’obligations convertibles. Mais là, la conversion en action ne dépend pas de la volonté du détenteur, mais se produit automatiquement si un événement prédéfini se produit.

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L’idée est née en 1991, pour faire face à certaines crises financières, et a été popularisée (et plus largement utilisée) après la crise des subprimes. L’idée est assez simple : tant que tout va bien, ses détenteurs ne sont que de simples créanciers, qui n’ont pas droit à une part des bénéfices. Mais si la banque a des problèmes de capitalisation (par exemple lorsque de nombreux clients viennent retirer leur épargne), la conversion se déclenche et transforme ces créanciers en copropriétaires, améliorant immédiatement la situation financière de la banque.

Mais alors, CoComment ça peut poser problème ?

Les CoCo bonds sont, naturellement, des instruments risqués. En effet, en cas de problèmes, les créanciers se retrouvent directement transformés en actionnaires, pouvant donc très rapidement perdre l’entier de leur investissement. Mais, à ce moment-là, précisément parce qu’ils deviennent copropriétaires de la banque, il peuvent donc désormais participer direction de celle-ci.

En outre, en échange du risque accru, les intérêts de ces CoCos sont plus élevés que ceux offerts pour une obligation normale. Jusque là, tout va bien…

CoComme toujours, le diable se niche dans les détails.

L’exemple de la Bremer Landesbank est particulièrement criant : la banque a décidé, suite à des problèmes financiers, d’annuler le paiement des intérêts.

CC BY-SA 4.0 - Jürgen Howaldt
Siège de la Bremer Landesbank, à Brême

Mais les conditions générales de ces CoCos (ce qu’on appelle, en finance, le prospectus) définissent clairement que cette annulation n’entraîne pas la conversion en actions. Les créanciers perdent donc une partie importante de leur investissement, sans, pour autant, devenir co-décisionnaires.

Pire encore, ce même prospectus prévoit que la banque est libre d’utiliser les sommes ainsi économisées comme bon lui semble – et ce, sans restriction.

Le risque est donc important qu’une banque lèse les détenteurs de CoCo bonds pour poursuivre d’autres objectifs que ceux pourquoi les CoCos ont été conçus (e.g. payer davantage de dividendes à ses actionnaires ou de rémunérations à ses dirigeants). Ceux-ci passeraient donc, en quelque sorte, d’assureurs à dindons de la farce.
Si cela se généralise, on ne trouvera bientôt plus grand monde pour souscrire à ces instruments, et les banques redeviendront beaucoup plus vulnérables…

Du coup, CoComment on évite ça ?

Il faut donc s’assurer que ces CoCo bonds ne puissent pas être détournés de leur but premier : servir de coussin de sécurité en cas de crise. Pour cela, il faudrait renforcer les règles prévues par le prospectus, par exemple en s’assurant que le non-paiement des intérêts force la conversion en action, ou que l’argent ainsi économisés ne puisse être utilisés que dans des buts bien spécifiques.

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La marge de manoeuvre des banques s’en trouverait certes réduite. Mais, in fine, c’est une condition nécessaire pour garantir leur survie en cas de coups durs…

 

 

* Si vous avez compris ledit charabia, l’auteur vous remercie vivement pour l’indulgence de votre lecture…

© Number 10

No, No, No, Mrs May !

À 18h, Emmanuel Macron s’entretiendra à Paris avec Theresa May. Leur principale préoccupation sera certainement l’avenir du continent. Mais c’est plutôt vers le passé qu’ils devraient jeter un regard…

Nul doute que le locataire de l’Élysée accueillera poliment celle du 10 Downing Street. Par gentillesse, il s’abstiendra sans doute de parler d’élections législatives. Alors que la France semble avoir décidé de donner une large majorité parlementaire au parti du Président, le Royaume-Uni a refusé de faire la même faveur à la Première ministre. Deux résultats, il est vrai, influencés par un système électoral d’un autre temps, qui biaise les résultats au hasard du découpage territorial.

Theresa May vient avec un objectif simple : trouver, sinon un allié, du moins un partenaire avec qui négocier une sortie ordonnée de l’Union Européenne. Au centre des discussions, l’avenir des milliers de citoyens européens en Grande-Bretagne et des milliers de Britanniques expatriés dans le reste de l’UE et l’avenir des relations commerciales entre les deux économies. Sur ces deux points, la position du Royaume-Uni semble s’être assouplie après le scrutin de jeudi.

Mais un autre point crucial devrait également être évoqué : celui de la facture que l’UE souhaite présenter à son futur-ex-membre : potentiellement plus de 100 milliards d’euros. 38 ans après Margaret Thatcher, c’est à l’Europe de réclamer «I want my money back».

© University of Salford Press Office

Le souvenir de Margaret Thatcher sera certainement présent dans l’esprit de Theresa May. L’actuelle Première ministre est contestée dans son propre parti depuis son échec aux élections législatives, tout comme l’était la Dame de Fer en 1990, après la prise de mesures impopulaires. Et c’est bien au beau milieu d’un voyage à Paris, pour se rendre au sommet de Fontainebleau, que Margaret Thatcher a été débarquée de la tête du parti conservateur. En arrivant à l’Élysée, Theresa May espérera sans doute que l’histoire ne se répètera pas…

Mais les espoirs de la Première ministre ressemblent à des illusions. De l’avis de plusieurs négociateurs européens, «ce n’est pas comme si elle vivant sur la planète Mars, mais plutôt dans une autre galaxie bien éloignée». Vouloir concilier les promesses faites lors de la campagne du Brexit, profiter des avantages de l’UE et s’affranchir de ses conditions semble, en effet, bien irréaliste. Et là, c’est Emmanuel Macron qui endossera les habits de la Dame de Fer pour lui répéter simplement «Non. Non. Non.».