Myopie et politique

La politique, c’est un certain regard sur le monde et la volonté le défendre ou le transformer. Mais hélas, à l’image de la vue des hommes, ce regard est parfois affecté par une malformation ou une maladie…

Il y a peu, le PLR a proposé ses mesures pour lutter contre les effets du franc fort. Parmi celles-ci se trouvait notamment une TVA à taux unique – taux pouvant être abaissé en cas de crise économique pour relancer la croissance. Interrogé à ce sujet, un représentant de la FRC accueillait froidement cette idée, doutant que cette baisse soit pleinement répercutée sur le consommateur.
Inconsciemment, cet intervenant a fait preuve de myopie politique. Il ne regarde que de très près le consommateur qu’il souhaite défendre. Ainsi, il ne voit pas que celui-ci fait plus que de consommer. C’est souvent également un travailleur – son labeur lui permettant de financer ses dépenses. Ainsi, une mesure de relance économique ne profitera pas nécessairement à son porte-monnaie lorsqu’il fait ses courses. Et pourtant, en soulageant les entreprises, elle permet de sauvegarder de nombreux emplois – et, avec eux, de nombreux salaires. Au final, le porte-monnaie des individus est sauvegardé. La réelle défense du consommateur est là, pour peu qu’on voit l’entier de l’individu, et non seulement celui qui présente sa carte de fidélité à la caisse de son supermarché.

Dès que l’on obtient une vue d’ensemble, les raisonnements simplistes exposent leurs failles. Réduire les individus à un seul aspect est une faiblesse de réflexion évidente. Comment dissocier celui qui travaille la journée de celui qui fait ses courses le soir ? Comment séparer celui qui fréquente les bancs d’école dans sa jeunesse de celui qui cherche un emploi une fois atteint l’âge adulte ? Comment peut-on découper une seule et même personne afin de la faire correspondre à un programme de parti ? C’est absurde ! Et pourtant, la politique est remplie de ces raisonnements simplistes voulant, par commodité électoraliste, opposer les uns aux autres.

Souvent, d’ailleurs, le discours se poursuit par une autre faille : la vision d’un monde borné et fini. Après avoir opposé deux concepts de façon manichéenne, il se poursuit en prétendant défendre les intérêts de l’un face à l’autre. Il insinue ainsi que toute décision – soutenue ou combattue – ne fait que déplacer l’équilibre dans un sens ou l’autre. Ainsi, ce qui est donné à l’un doit forcément être pris à l’autre. On se trouve, en quelque sorte, à partager un gâteau ; la part de l’un ne peut augmenter qu’au détriment des autres. Que cette vision est fausse et réductrice !

Là aussi, une brève réflexion expose au grand jour la faiblesse de cet argumentaire. Sa contradiction est tellement évidente qu’elle échappe parfois aux yeux de quelques-uns. On peut la trouver, par exemple, dans les bases de la théorie économique : il ne peut y avoir d’échange que lorsque chacun y trouve son compte. Ainsi, en allant chez mon boulanger, j’échange mon argent contre son pain. Lui et moi en sortons gagnants : j’obtiens un croissant ou une pâtisserie qui me sert bien davantage que la pièce que je lui abandonne. À l’inverse, il me cède un produit dont il n’a guère besoin contre le salaire de son travail. Il ne s’agissait pas de partager quoi que ce soit entre nous ; par l’échange, nous nous sommes tous deux retrouvés en meilleure position.

Ce simple exemple se reflète dans la vie politique. Nombreux sont ceux qui, en cas de baisse d’impôt, considère qu’il s’agit de privilégier un groupe face à un autre. Si la fiscalité des entreprises est réduite, la gauche s’égosille contre ce cadeau fait au capital. Si c’est l’imposition des parents plaçant leurs enfants en crèche qui est adoucie, les conservateurs s’époumonent contre ce vol fait à ceux qui choisissent de garder les leurs à la maison. Et la liste serait bien longue…
Toute baisse d’impôt n’est pas nécessairement juste quelle que soit sa cible ; l’admettre serait reconnaître le corollaire qu’une hausse le serait également. Chaque projet est à juger en lui-même. Mais quel qu’il soit, il serait faux de le réduire à un gâteau fiscal à partager entre les uns et les autres. La force ou la faiblesse d’une décision revient souvent à en faire varier la taille davantage que la répartition.

C’est bien là l’enjeu essentiel de la politique : réfléchir avec une vision d’ensemble de la société et des individus plutôt que de les réduire à un seul élément ; adapter ses idées à la réalité et non l’inverse. La politique n’est pas – et ne doit pas être – la division pour opposer les uns aux autres, mais bien la volonté de rendre notre société, dans son ensemble, meilleure pour tous ses membres !

Vincent Arlettaz

Vincent Arlettaz a étudié à Lausanne et Saint-Gall, ainsi qu'à la Richard Ivey School of Business au Canada. Détenteur d'un Master en Finance HEC de Lausanne, il est aujourd'hui économiste, mais aussi délégué du PLR et membre fondateur du Cercle des Libertés.