A la recherche du banc perdu.

J’ai déjà parlé de l’absence totale de bancs à la gare de Genève, qui fait que si on doit absolument s’asseoir, il faut sortir de la gare pour éventuellement trouver une rare place assise sur un des rares bancs de l’arrêt de tram.

Vous ne le remarquez peut-être pas encore, mais ce banc de bois souvent vert et vernis où vous vous êtes délicieusement assoupi à l’ombre un jour d’été caniculaire, où vous avez rêvassé des heures en pensant avec volupté à tout ce que vous deviez encore faire et que vous n’étiez pas en train de faire, où vous avez dragué tant de fois, d’où vous avez pu observer, peut-être avec une certaine envie, les amours pigeonnières, et bien ce banc est en voie de disparition.

Pourtant Brassens le dit très clairement: ‘Les gens qui voient de travers/Pensent que les bancs verts/Qu’on voit sur les trottoirs/Sont faits pour les impotents/Ou les ventripotents/Mais c’est une absurdité/Car à la vérité/Ils sont là c’est notoire/Pour accueillir quelque temps/Les amours débutants‘… Ne nous étonnons pas si la balance des naissances accuse un dangereux déficit, en particulier dans notre pays.

C’est qu’il y a un processus généralisé de disparation du banc simple et confortable et un processus généralisé de remplacement des survivants par le banc design, pratique et moins cher à l’entretien, en métal, voire en béton, incommode, coupé par des accoudoirs pour être sûr qu’on ne va pas s’en servir comme couchette (très tendance en ce moment d’appauvrissement général).

Alors je fais un appel, et j’espère que MM. Blocher et Freysinger, toujours aux avant-postes quand il s’agit de venir au secours de la patrie, se joindront à ce cri de désespoir d’un utilisateur créatif du banc public: rendez-les nous!

Car ne nous y trompons pas: le banc public est un symbole majeur de la vie en société et de la tolérance, qui permet à chacun, pauvre ou riche, abstinent ou ivrogne, bourgeois ou vagabond, travailleur ou paresseux, de poser ses fesses stressées sur un objet partagé par tous les citoyens.

Et si on considère que le problème c’est que les pauvres ont tendances à les squatter, eh bien au lieu de les supprimer, rajoutez-en un maximum, comme ça il y en aura pour tout le monde.

Signé: un rêvasseur impénitent et frustré.

Zandvoort aan Strand 02

Sergio Belluz

Sergio Belluz est l'auteur de «CH La Suisse en kit -Suissidez-vous!» (Xenia, 2012), de «Les Fables de la Fredaine» (Irida, 2016) et de «Balzac, c'est bien, mais les descriptions sont trop longues» (Irida, 2020). Écrivain, chanteur lyrique et comédien, il se produit régulièrement en Suisse et à l'étranger dans des spectacles mêlant musique et littérature. Il est membre d'Autrices et Auteurs de Suisse (AdS), de la Société suisse des auteurs (SSA), et de Pro Litteris. Photo: Wollodja Jentsch.

5 réponses à “A la recherche du banc perdu.

  1. Article pertinent. Cette situation est le reflet de notre société…

    Pour être tout-à-fait honnête, il existe dans l’aile est de la gare au niveau intermédiaire un petit local avec une quinzaine de sièges qui vont tous dans le même sens, je suppose pour éviter la convivialité… L’accès est confidentiel mais parfaitement libre à tous. Il a le charme d’un autocar standard. Essayez!

  2. Complètement d’accord ! Un exemple à St-Maurice : pas de banc autour du nouveau CO… Si l’on doit attendre son enfant, cela se fait debout… Bravo…

  3. Vous ne devez pas vous rendre souvent à la gare de Genève, ni visiter la ville…

    Concernant la gare, chaque quai est équipé de bancs et comme le fait remarquer Menoge il existe également une salle d’attente.
    Il serait fastidieux et inutile de lister les nombreux cafés et restaurants présents dans cette même gare, ouverts tous les jours et qui offrent chaises et fauteuils propices au repos, à la lecture, à la rêverie ….

    J’ignore ce que fait Freysinger dans son Valais natal, mais en ville de Genève, chaque place, chaque square est équipé de bancs qui s’il n’ont pas la particularité d’être conformes au traditionnel banc en bois, offrent généreusement de la place.

  4. Je confirme les commentaires précédents.
    À titre d’exemple, la situation est _bien pire_ à Lyon (allez Sergio, faut sortir un peu).

    Et je signale à l’auteur que l’on écrit “eh bien” et non “et bien”. Le français est une langue terrible, surtout pour les écrivants ;).

    1. Eh bien les bancs disparaissent surtout en Europe du nord, parole de ‘banquier voyageur’ et d”écrivant’ négligent et rêveur réfugié dans celle du sud!

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