À l’heure où humilité et empathie ne sont pas des qualités prioritaires, Mathieu Marin fait partie de ces personnes singulières qui sont une source d’inspiration et un exemple pour les autres. Ce professeur d’Aïkido enseigne depuis plusieurs années et travaille comme animateur socioculturel dans un foyer pour jeunes à Sète. Ce héros anonyme a vécu une vie tragique et touchante à la fois et incarne à lui seul, de hautes valeurs humaines.
Un homme d’exception qui a passé sa vie à aider les autres
Même s’il n’a pas de brillance à première vue, le diamant brut possède déjà une lumière particulière qui en fait une gemme incroyable. Cependant, pour faire surgir ce diamant, l’artisan devra le tailler et le désencombrer de toute la matière inutile. Mais après avoir été taillé et poli, ce diamant brut est transformé en un magnifique diamant qui révèle des facettes insoupçonnées aux mille éclats de lumière.
Ce diamant brut passe souvent incognito, comme une perle rare qui n’a pas été découverte ou comme un immense trésor qui dort sous nos pieds. Il en a toujours été ainsi pour Mathieu Marin dont on a trop souvent sous-estimé la valeur. Comme le souligne la psychothérapeute B. Oswald :
« tout le drame de la société, c’est qu’elle n’a pas souvent la capacité de reconnaître la grande valeur de ce diamant brut ; pire encore, elle le rejette comme un caillou sans valeur. »
Ce pupille de la Nation est placé en foyer à l’âge de neuf ans après avoir vécu des scènes traumatisantes.
C’est à l’âge de 14 ans que Mathieu Marin réalise son premier acte héroïque : il se jette à l’eau pour sauver de la noyade une jeune adolescente.
À sa majorité, il rejoint la Marine nationale par vocation et intègre les fusiliers marins à l’École des fusiliers-marins de Lorient. Il passe ensuite la qualification commando et se voit décerner le fameux béret vert qu’il va fièrement porter pendant quelques années, d’abord comme opérateur puis comme Chef d’équipe et ensuite comme adjoint de groupe.
Durant l’année 1997, il participe aux opérations militaires françaises d’évacuation de ressortissants : Pélican I et Pélican II, effectuées en République du Congo. Ces missions permettent de sauver et rapatrier plus de 6000 étrangers, dont près de 1500 Français.
Sa plus grande fierté reste sans aucun doute d’avoir sauvé parmi ces milliers de vies, un nouveau-né :
« Ça tirait sans relâche dans tous les sens. Le bruit était omniprésent. J’essayai de me mettre à couvert puis courus et pénétrai dans la maison sous un déluge de tirs de roquettes et sous les crépitements de mitrailleuses. Le spectacle était dantesque. J’y découvris une succession de cadavres tous défigurés. Le sol était jonché de débris humains. Des corps gisaient, immobiles. Des choses que personne ne devrait jamais voir. La plupart des corps étaient en lambeaux. En voyant le spectacle qui s’offrait à moi, un sentiment de désarroi m’envahit. Mais alors que j’essayais de faire de mon mieux pour retrouver le bébé, j’entendis soudain pleurer. Je le pris et fis de mon mieux pour le sortir sans mettre sa vie en danger. Parmi tous ces cadavres et ces corps épars, ce bébé semblait un miraculé. Je le remis dans les bras de sa mère, qui le serra contre sa poitrine en pleurant de joie. »
Une catastrophe qui n’a été évitée que grâce à son courage et à son sang-froid au milieu de la barbarie, sans jamais faillir à sa mission et au péril de sa vie.
1000 vies sauvées en un jour
Il participe également à une opération non moins importante mais qui est tombée dans les oubliettes de l’histoire : l’Opération Espadon, réalisée le 2 juin 1997 par les commandos marine du commando de Montfort (forces spéciales françaises). Cette évacuation permet de sauver d’une mort certaine, plus d’un millier de personnes de 21 nationalités différentes à Freetown, en Sierra Leone, et ce, en une journée. Il fait partie de ces 20 hommes qui participent ce jour-là, à cette opération.
Néanmoins, après la décision de la professionnalisation des armées, ses supérieurs lui annoncent que son contrat dans la Marine nationale ne sera pas renouvelé.
Sous le choc, sa vie s’écroule après cette annonce abrupte.
Retour à la vie civile
Après avoir été abandonné par l’Institution et par ses supérieurs, Mathieu Marin quitte l’armée en 1998. S’ensuit alors une longue traversée du désert et une descente aux enfers. Il tente de sortir de cette situation difficile en cumulant chômage et petits boulots.
Cependant, malgré les épreuves de la vie, il n’abandonne pas. Il lutte sans relâche et se reconstruit seul.
Il puise son courage et sa détermination dans la pratique des arts martiaux et en fait une école de vie et de spiritualité. Il parvient même à devenir professeur d’Aïkido et enseigne au club d’Aïkido de Gigean.
En 2019, alors qu’il est dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie, il sauve avec l’aide de deux collègues, une femme qui était sur le point de mettre fin à ses jours : elle avait déjà la corde au cou et s’apprêtait à se pendre.
L’histoire ne s’arrête pas là puisqu’aujourd’hui, Mathieu Marin consacre encore sa vie à aider les autres et à rendre service à la communauté. Il tâche d’inculquer ses valeurs à des jeunes qui grandissent dans le foyer des Mariniers situé à Sète; foyer qui l’a recueilli… il y a 50 ans de cela.
Après avoir résisté aux affres du temps, son regard reste toujours lumineux, profond et reconnaissant à la vie.
Jusqu’à ce jour, ses actes de bravoure aux exploits dignes d’une légende n’ont jamais été reconnus pour services rendus à la nation.
Mais une chose est certaine, cet homme a, sans contredit, contribué à améliorer le sort du monde.
S. K