Mitholz

Le jour où la montagne explosa. Il y a 75 ans, le drame de Mitholz.

Quand un petit village suisse fait parler de lui. Il est 23h30, ce 19 décembre 1947, quand une série de violentes déflagrations réveillent en sursaut toute cette région située l’Oberland bernois. En effet, de violentes explosions se produisent au dépôt de munitions de l’armée suisse, situé près de la gare ferroviaire de Lac Bleu-Mitholz : le dépôt de munitions qui a explosé comprend huit magasins, dont trois au moins ont sauté. 

 

Près de la moitié des 7000 tonnes brutes de munitions entreposées sous terre volent en éclats. Dans un chaos apocalyptique, elles provoquent ainsi l’effondrement d’un pan de la montagne et délogent environ 250 000 mètres cubes de roche.

Après une nuit d’épouvante, l’ampleur du désastre se précise dès le lendemain matin : neuf morts, sept blessés et 200 personnes sont sans abri. Les dégâts sont considérables et le village de Mitholz n’est plus qu’un amas de ruines avec des dégâts abyssaux.

Ce drame survient six ans après l’explosion à Chillon – le 25 septembre 1941-, puis un an et demi plus tard après l’explosion du fort de Dailly à Saint-Maurice – le 28 mai 1946-, causant la mort de dix ouvriers.

Aujourd’hui, Mitholz est un village qui compte 120 habitants. Il fait partie de la municipalité de Kandergrund, sur la route de Frutigen à Kandersteg, à 7 kilomètres de la station de Frutigen sur la ligne Spiez-Frutigen.

Cette catastrophe a longtemps été considérée comme la plus grande explosion non nucléaire du monde. Toutefois, pendant des décennies, le danger a été sous-estimé et une évaluation réalisée en 2018 a conclu que les résidus de munitions déversés pourraient provoquer une nouvelle explosion aux conséquences dévastatrices.

Une population dont le cœur bat très fort, inquiète à juste titre, car la situation est d’autant plus grave qu’il se trouve encore près de 3.500 tonnes brutes de munitions, dans les décombres de l’installation et dans les éboulis.

Mitholz
Une photo légendée parue à la une du “journal de Genève”, le 27 décembre 1947, ©LeTempsArchives.ch

Et comme si cela ne suffisait pas, les habitants doivent quitter leur maison pendant une dizaine d’années, à cause de ce dépôt enfoui dans la montagne depuis la Seconde Guerre mondiale qui est jugé encore dangereux : le coût de l’assainissement du site devrait dépasser le milliard de francs.

Enfin, pour couronner le tout, s’y ajoutent des centaines de tonnes de boues contaminées qui ont été déversées dans la carrière de la commune, dont certaines semblent contenir des substances toxiques.

Depuis lors, d’autres explosions ont eu lieu, à l’instar de Göschenen : le 18 août 1948, à 11 heures, un incendie se déclare dans un tunnel de munitions. Et le dernier en date remonte à 1992, au col de Susten : une explosion de plusieurs centaines de tonnes de munitions survient dans l’entrepôt de Steingletscher, six personnes y perdent la vie.

Seulement voilà, après ces événements tragiques, la Confédération autorise l’armée à abandonner le matériel produit pendant la Seconde Guerre mondiale, et ce, jusqu’en 1962 . Celle-ci jette son dévolu dans les lacs suivants : lac de Thoune, lac de Brienz, lac des Quatre-cantons, lac Léman, lac de Zurich, lac de Walenstadt et le Rotsee (Charrière, 2019)

En outre, ce ne sont pas moins de 8000 à 9000 tonnes de munitions qui gisent au fond des lacs suisses.

Les lacs ont servi de poubelle à munitions à toutes les armées, mais quel est véritablement l’impact sur l’environnement de cette poudrière subaquatique?

S. K

 

 

 

Bibliographie

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Serge Kurschat

Historien diplômé de l'Université de Franche-Comté, multientrepreneur, chroniqueur sur le blog du journal Le Temps.

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