Carl Vogt et Eric Bauce : choix controversé de recteurs

En 1874, Carl Vogt devint le premier Recteur de la nouvelle Université de Genève. En 2023, Eric Bauce, choisi par l’Assemblée de l’Université, en deviendra peut-être le nouveau Recteur. Il est frappant de voir le télescopage des controverses avec deux personnalités nées hors de Genève porteuses de choix de société. Osons la comparaison entre les deux figures et regardons l’enjeu pour l’Université.

 

Carl Vogt et Eric Bauce : les similarités à 150 ans de distance

A deux siècles de distance, les deux personnages ont des similarités étonnantes : Vogt et Bauce sont chacun des « naturalistes », l’un étudiant les vertébrés, l’autre les insectes. Les deux font une carrière académique hors de Genève, l’un à Giessen (Allemagne) l’autre à Québec (Canada). Les deux ont une expérience de direction universitaire. Les deux sont porteurs de projets sociétaux de leur temps : éducation pour tous pour l’un, transition socio-écologique pour l’autre.

A celles et ceux que cette comparaison choquerait, rappelons les mots de Johann Chapoutot professeur à Sorbonne Universités (Paris) et spécialiste de l’Allemagne au XIXe et XXe siècle : Vogt «a un profil qui serait celui de jeunes scientifiques brillants d’aujourd’hui, épouvantés par le négationnisme et l’inaction climatique des gouvernements, et qui s’engageraient dans la désobéissance civile ».

 

Les différences

A delà des ressemblances, Vogt et Bauce diffèrent de manière notable. L’aura scientifique de Vogt était à l’époque immense au point d’être cité par Charles Darwin dans l’introduction de The Descent of Man, en 1871. Rappelons que le racisme scientifique et le sexisme de Vogt ne sera reconnu qu’à notre époque. Les estimables travaux en entomologie de Bauce n’ont pas cette renommée.

La différence la plus pertinente entre les deux est leur connaissance locale de l’Université à diriger. Vogt était déjà actif dans l’Alma Mater depuis 1852 comme professeur de zoologie et dès 1870, il participa à la réforme de l’Académie fondée par Jean Calvin. Le professeur québécois Eric Bauce a dix années expérience comme vice-recteur de l’Université de Laval au Canada mais aucune à Genève.

 

La capacité de porter le projet est la question qu’il faut poser

L’exercice de comparaison par l’auteur de ces lignes vise à montrer que le choix d’une personnalité étrangère à Genève porteuse d’un projet actuel de société doit nous enthousiasmer aujourd’hui comme ce fut le cas au XIXe siècle. La véritable question est de savoir si Eric Bauce est capable de porter ce « un projet fédérateur et porteur d’avenir ». Même s’il nous n’est pas donné de connaître ce projet présenté à l’Assemblée de l’Université de Genève, créditons ce projet d’importance.

L’auteur de ces lignes fait remarquer qu’Eric Bauce parait bien plus un homme avec une carrière derrière lui à 3 ans de la retraite qu’un homme avec l’avenir devant lui. De plus, les raisons qui l’ont fait échouer à devenir Recteur à l’Université Laval en 2017 et 2022 ne sont pas évoquées dans la Cité du bout du lac. En l’état, il est très difficile de penser qu’Eric Bauce pourra porter un projet d’avenir et de transition socio-écologique.

 

L’enjeu pour l’Université de Genève est de remonter la pente

L’enjeu avec la confirmation du futur recteur a été déjà largement commenté dans les pages du journal Le Temps avec la rédactrice en cheffe, un professeur honoraire d’histoire et un écrivain connu. Leurs arguments valent véritablement d’être lus par celles et ceux qui s’intéressent à l’avenir de l’Université de Genève.

Votre serviteur pense que l’enjeu est encore plus crucial au vu de la baisse de l’Université de Genève dans les rankings ces dernières années et de la tourmente dans laquelle est plongée l’Université avec l’agitation sur les conférences internes et sur la commission Carl Vogt. Ces rankings sont importants pour attirer les talents des étudiants comme les jeunes académiques. Il faut le réaliser : l’Université de Genève n’a plus le même rang qu’il y a vingt ans. Un nombre important de ses talents est parti ailleurs dont Lausanne et Zürich au bénéfice de ces académies. Les exemples en biologie et en astronomie sont bien connus. De plus, le rectorat actuel est sous l’accusation de ne pas défendre la liberté académique avec des esclandres lors de trois débats dans ses murs en 2022. Les difficultés extérieures (exclusion d’Horizon Europe) et intérieures mettent en péril l’Université.

Les signaux d’alarmes s’accumulent sur l’Alma Mater de Genève. Il est temps que son autorité de surveillance, le Conseil d’Etat, se penche avec courage et sans biais politique sur le choix du nouveau Recteur. Construire l’avenir de l’Université est plus important que de suivre formellement l’esprit de la loi.

 

Note :
– Les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique pour faciliter la lisibilité du texte. L’information présentée s’applique à tous les individus indépendamment de leur sexe et leur genre à moins que le contexte ne l’indique autrement

Carl Vogt : un anthropologue de son siècle, comme Charles Darwin

En septembre 2022, le Rectorat de l’Université de Genève a décidé de changer le nom du bâtiment Uni Carl Vogt situé au boulevard éponyme. Cette décision controversée permet à votre serviteur de découvrir les diverses facettes de l’œuvre de Carl Vogt au-delà de son héritage raciste et misogyne.

Ce premier chapitre se concentre l’évolution de l’Homme vue par Carl Vogt et par Charles Darwin. Malgré de notables différences, les deux naturalistes partagent leurs vues sur l’évolution humaine, les différences entre races humaines et la supériorité de l’homme blanc.

 

Situation historique de Carl Vogt

Pour situer le personnage, August Christoph Carl Vogt est né en 1817 en Prusse et le fils du professeur de médecine libéral Philipp Friedrich Wilhelm Vogt (1789-1861) et de sa femme Louise Folle. Médecin et naturaliste du XIXe siècle Carl Vogt est connu pour sa défense du matérialisme et de l’évolution de Charles Darwin, créateur et premier recteur de l’Université de Genève remplaçant l’ancienne Académie mais aussi propagateur de thèses racistes et sexistes. Vogt est mort à Plainpalais (Genève) en 1895.

 

L’ouvrage de Vogt de 1865 sur l’Homme est à la fois la première œuvre grand public sur l’anthropologie darwinienne et extrêmement choquant par ses positions racistes et sexistes

Carl Vogt âgé de 47 ans, alors professeur de zoologie à l’Académie de Genève et Président de l’Institut Genevois, publie en 1865 un ouvrage grand public intitulé « Leçons sur l’homme, sa place dans la création et dans l’histoire de la terre ». En 16 chapitres tirés de cours publics en 1862 et 1864, Carl Vogt y développe des leçons d’anatomie comparée entre les diverses «races » humaines et des singes. Vogt y défend la théorie polygéniste qui est l’hypothèse d’une humanité aux origines diverses et aux « races » diverses. Vogt fait des « Noirs » et d’autres « races » dites « primitives » comme les Aborigènes d’Australie les intermédiaires entre l’homme blanc et le singe » comme le résume un Mémoire de Master en 2020 de l’Institut de Hautes études internationales et du développement à Genève.

Cet ouvrage de 600 pages (édition française de 1865) fut le premier livre de vulgarisation d’anthropologie darwinienne et il contient aussi (liste non exclusive) des chapitres de neuro-anatomie (4e leçon) et de sciences naturelles avec l’hérédité et la fécondités des hybrides (14e leçon), la légende d’Adam, l’origine des hommes et son expansion géographique (15e leçon), et une 16e et dernière leçon sur l’origine de la diversité des formes de vie dont la cellule, la forme élémentaire et la théorie de l’évolution (darwinisme).

Dans les dernières pages des Leçons sur l’homme (pages 627 et 628), de manière étonnante et prémonitoire, Carl Vogt décrit un mélange des populations humaines suite à la globalisation du monde aboutissant à une homogénéisation de l’espèce humaine : « Par le travail incessant de son cerveau, l’homme s’élève peu à peu de son état de barbarie ; dans les autres souches, races ou espèces, il finit par reconnaître ses frères, il se mélange et croise entre eux. Les innombrables races mixtes (humaines) remplissent peu à peu les intervalles qui existaient auparavant entre les types primitivement si opposés entre eux, et malgré la constance des caractères, malgré la résistance que les races primitives opposent au changement, elles finissent par être lentement ramenées à l’unité par la voie de la fusion ».

En gardant en tête la 14e leçon, le lecteur attentif voit que selon Vogt ces mélanges entre populations liés à la globalisation ne seraient pas tous identiques : les Blancs deviendraient stériles à force de vivre sous les tropiques sauf à se mélanger, les Noirs ne pourraient pas se mélanger aux Blancs pour cause d’infécondité, les Juifs pouvant s’adapter à la vie dans les deux hémisphères pourraient garder leur propre identité sans se mélanger et les mélanges entre Hispaniques et Amérindiens seraient extraordinairement féconds ! Vogt finit son ouvrage avec une dernière page anticléricale et antireligieuse contre les pasteurs s’opposant aux matérialistes et aux Darwinistes. En toute dernière phrase des 600 pages, Vogt conclut pour ses amis « qu’il vaut mieux être un singe perfectionné qu’un Adam dégénéré.».

Ce résumé et ces analyses montrent que l’ouvrage de Vogt est entaché de sexisme, de poncifs coloniaux et négrophobes sur des bases de racisme scientifique qui faisait consensus à l’époque. Dans un élan de pédagogie populaire, il a popularisé à la fois la théorie de l’évolution et le racisme scientifique. Le succès de ces Leçons de Vogt fut important avec des traductions en 8 langues et une reconnaissance internationale.

La promotion de la théorie de l’évolution dans la population était un enjeu d’importance en 1865 au contraire de l’inégalité des « races humaines ». A l’aune de notre époque, la condamnation de ce racisme scientifique mérite une mise en contexte historique (contextualisation) comme l’annonce de l’Université de Genève du 29 septembre 2022 le mentionne explicitement. En plus du contexte historique, la portée de cette « science » raciste doit être comparée avec l’importance du reste de l’œuvre de Vogt.

 

Charles Darwin écrit en 1859 « L’Origine des espèces » puis en 1871 “The Descent of Man, and Selection in Relation to Sex” (l’évolution de l’Homme et la sélection par la reproduction sexuée)

En 1859, Charles Darwin publie « l’Origine des Espèces », ouvrage grand publique qui est la base de la biologie évolutive. Au départ de cet ouvrage clé est le tour du monde débuté en 1831 par Darwin comme naturaliste avec l’Expédition Beagle. Le périple du Beagle dura 5 ans et permit à Darwin de voir des fossiles au Brésil, de « misérables sauvages » en Terre de Feu, la diversité des tortues de Galapagos et les diverses situations des peuples indigènes (Tahitiens, Maoris et Aborigènes de Tasmanie). Dès 1837, Darwin a une idée claire de la proximité des espèces entre elles, leur évolution et de la sélection naturelle. Après une longue maturation, Darwin publie « L’Origine des Espèces » en 1859 qui est un succès immédiat au Royaume Uni et des éditions étrangères et traductions dès 1860.

En 1860 déjà, Darwin expliquait que sa théorie de l’évolution s’appliquait aussi à l’Homme sans l’avoir détaillé dans son livre sur l’évolution. Douze ans plus tard, Darwin publia «The Descent of Man, and Selection in Relation to Sex » en 1871, 6 ans après l’ouvrage d’anthropologie darwinienne par Vogt. L’ouvrage de Darwin y décrit en presque 700 pages l’évolution humaine, les différences entre les races humaines et les sexes, le rôle dominant de la femme dans la sélection sexuelle et les implications sociétales de la théorie de l’évolution.

Dans l’introduction de The Descent of Man (2e édition page 1), Darwin cite l’éminent naturaliste Carl Vogt qui constate en 1869 le consensus parmi les naturalistes en faveur de la théorie de l’évolution et de l’abandon du créationnisme. L’enjeu pour Darwin était alors la question du moteur ou des moteurs de l’évolution. Darwin promouvait la théorie de la sélection naturelle par la reproduction sexuée.

Darwin démontre l’évolution de l’homme à partir d’une forme de vie préexistante inférieure grâce à l’anatomie comparée (chapitre 1). Il note la proximité anatomique entre l’homme et les singes hominidés, mais aussi les différences comme la pilosité réduite et le faible odorat. Tout en notant l’odorat nettement plus développé chez les « races de couleur foncée » que les « races blanches et civilisées…ce qui n’empêche pas les Esquimaux de dormir dans une atmosphère des plus fétide ni la plupart des sauvages de manger de la viande avariée » (pages 17-18).

Darwin discute de développement de l’intelligence et des facultés morales depuis le début de l’humanité par le processus de sélection naturelle (chapitre 5). Darwin décrit les temps primordiaux où les tribus avec le plus grand nombre d’hommes (sexe masculin) avec plus de talent et d’armes supplantent et absorbent les autres tribus (page 128). « A notre époque, les nations civilisées supplantent partout les nations barbares…par leurs savoirs qui résultent de leur intelligence. Il est donc très probable que chez l’humain, les facultés intellectuelles ont été principalement et graduellement améliorées par la sélection naturelle » (page 128). Les capacités sociales, de transmission du savoir, de sympathie, de loyautés, d’altruisme (comme combattant) et des vertus sont décrites comme clé pour la prévalence des tribus qui les pratiquent (pages 131-132).

Le fameux darwinisme social est initié par Darwin lui-même qui compare la sélection naturelle parmi les sauvages et celle dans les sociétés civilisées. Chez les sauvages, les faibles sont vite éliminés tandis que « nous autres, hommes civilisés, faisons tout notre possible pour arrêter le processus d’élimination ; nous construisons des asiles pour les imbéciles, les mutilés et les malades; nous instituons des lois sur les pauvres ; et nos médecins déploient leur plus grande habileté pour sauver la vie de chacun jusqu’au dernier moment ». Darwin discute de l’impact négatif d’une sélection réduite dans les nations civilisées (la propagation des personnes faibles), et d’un éventuel manque de soins et supports aux plus faibles («un bénéfice contingent, avec un mal présent écrasant »). Darwin conclut « nous devons donc supporter les effets indubitablement mauvais des faibles qui survivent et propagent leur espèce » (chapitre 5, pages 133-134).

Au chapitre 7, Darwin investigue la valeur des différences entre les races humaines et s’interroge sur l’existence d’espèces humaines différentes. Si Darwin note bien l’immense variabilité individuelle (page 26), il note aussi les indubitables différences entre les races humaines au niveau morphologique, susceptibilité aux maladies, émotionnel et partiellement en facultés intellectuelle (pages 27 et 167). Sur des observations de fertilité conservée après croisement de races humains et de découvertes archéologiques d’outils similaires dans le monde, Darwin conclut que toutes les races humaines sont de la même espèce et partagent la même origine avec un ancêtre unique. Darwin rejette l’idée de créations séparées comme d’espèces humaines séparées avec des évolutions parallèles depuis des espèces de singes différentes. Dans la section sur l’extinction de races humaines (page 181), Darwin offre la description de la quasi-extinction des Tasmaniens aborigènes et les réductions des populations aborigènes du Queensland (Australie) comme des Maoris. Darwin constate l’inévitable compétition entre tribus ou races avec la suprématie des nations civilisées sur les barbares (page 182). Finalement, pour expliquer l’apparition des différences entre races humaines, Darwin propose la sélection par reproduction sexuée (page 192), sujet qui occupe les 2 tiers de l’ouvrage.

 

La comparaison des écrits de Vogt et Darwin montre des vues divergentes sur l’origine de l’Homme et les « Noirs »

Première différence, Darwin a clairement tranché sur l’origine de l’espèce humaine avec une thèse « monogénique » soit une espèce ancestrale unique issue d’un groupe d’individus. Au contraire Vogt a penché pour une origine humaine avec une thèse « polygénique » soit des évolutions parallèles à partir de singes différents. Au XIXe siècle, la dérive des continents n’était pas connue ni l’effet de la Grande Glaciation sur le niveau des mers. La thèse « polygénique » n’était alors pas absurde. L’avancement de l’anthropologie a clairement validé la thèse d’un ancêtre unique venant d’Afrique pour tous les hominidés découverts à ce jour.

Seconde différence, Darwin voit l’apparition de divergences continuelles entre les races humaines et les compétitions entre elles. Il décrit les cas bien réels d’extinction de races humaines passées ou présentes comme celles des Tasmaniens. C’est l’arbre de l’évolution avec la mort de certaines branches. Au contraire, Vogt évoque une convergence des races humaines par effet de la globalisation.

Le prix Nobel de médecine en 2022 a été attribué à Svante Pääbo pour l’étude génétique d’hominidés disparus (Néandertal et Denisovan) qui ont contribué aux patrimoines génétiques humains en Europe, Asie et Mélanésie. Au début des études génétiques archéologiques, l’incessante divergence des races (ou sous-espèces) était la vision acceptée dans une logique darwinienne : aucun ADN Néandertal ne se trouvait dans l’ADN humain moderne. Les découvertes récentes de Pääbo confirment à la fois la thèse « monogénique » de Darwin et –dans une certaine mesure- la vision de l’unification humaine de Vogt.

Une troisième différence en Vogt et Darwin concerne leur opinion sur les peuples « noirs » africains et australiens (Aborigènes). Vogt décrit des croisements infertiles à terme avec la race blanche et une infériorité de la race « noire ». Darwin ne mentionne pas de tels poncifs négrophobes.

 

Mais Vogt et Darwin s’accordent sur la supériorité des blancs masculins et sont des « libéraux »

Vogt et Darwin sont tous deux des personnages de leur siècle et partagent des visions d’inégalité entre les races et les sexes. Vogt utilise les différences morphologiques et soi-disant d’intelligences entre les races et les sexes. Darwin décrit les différences morales entre les sauvages et les civilisés et utilise la théorie de la sélection par la reproduction sexuée pour justifier la position sociale des femmes.

Si les idées inégalitaristes de Vogt avec les descriptions d’infériorité des Noirs et des femmes sont évidentes à nos yeux du XXIe siècle, celles de Darwin sont plus subtiles avec les termes de sauvages systématiquement appliqués aux personnes de couleur et de nations civilisées aux pays occidentaux. Par ailleurs, Darwin applique le rôle de moteur d’avancement évolutif du genre humain aux hommes tandis que les femmes en sont réduites au choix du meilleur partenaire pour l’évolution.

Vogt et Darwin étaient les deux fermement opposés à l’esclavage. Par ses voyages, Darwin a été convaincu de l’intelligence de personnes de couleur tel Jemmy Button, un indigène de la Terre de Feu qui devint une célébrité en Angleterre. Dans leurs inclinaisons libérales, Darwin n’a jamais soutenu une forme de coercition ou autoritarisme pour l’eugénisme social et Vogt a promu l’éducation pour tous et l’entrée des femmes à l’Université de Genève.

 

L’impact des écrits d’anthropologie de Vogt et de Darwin

La théorie de l’évolution et celles reliés à l’anthropologie et la sélection naturel ont eu un impact énorme sur l’histoire des sciences et notre compréhension actuelle de la biologie et de la médecine. Pour ne citer qu’un exemple, la biodiversité ne saurait être étudiée, comprise et protégée dans l’apport de la biologie évolutive. Les apports positifs théories de Darwin et leur promotion par Vogt ne peuvent et ne doivent pas être oubliés.

Pour autant, les sévères préjudices apportés par Vogt et Darwin ne doivent pas être ignorés. Ainsi le « darwinisme social » a été conceptualisé par Darwin qui reprit les idées d’eugénisme par son cousin Francis Galton. Darwin a aussi donné un verni scientifique à la soi-disant supériorité du génie des nations occidentales. Vogt a clairement propagé des idées racistes avec l’infériorité des « races noires » (négrophobie) et misogynie.

Le racisme scientifique et les idées inégalitaristes du XIXe siècle ont été le terreau pour des politiques racistes au XIXe siècle (Australie et autres) et les horreurs du XXe siècle avec des génocides, le nazisme et les politiques de stérilisation des pauvres et retardés dans de nombreux pays dont les Etats-Unis.

Pour conclure, Darwin et Vogt ont été des acteurs clés de l’histoire de l’anthropologie, nous devons nous souvenir des aspects positifs comme négatifs de leur héritage.

Note :
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le Capitol à Washington

La résilience de la démocratie américaine grâce aux élections des Secrétaires d’Etat

Brad Raffensperger, Secrétaire d’Etat de Géorgie devint connu internationalement lorsqu’il refusa de « trouver » 11’780 votes lors d’un appel avec le Président Trump. Raffensperger vient d’être réélu à son poste contre la candidate démocrate Bee Nguyen. Tous les candidats « America First » ont perdu sauf un. A l’exception de Diego Morales en Indiana un état solidement républicain, les candidats niant la défaite de Trump ont été battus en Arizona, Michigan, Minnesota, Nevada et Nouveau Mexique. Ces résultats sont rassurants pour les fondamentaux de la démocratie américaine.

Ce sujet d’élection américaine est à l’évidence en dehors des sciences de la vie mais les lecteurs verront à la fin le lien avec Genève et un engagement plus personnel de votre serviteur.

 

L’élection présidentielle en Géorgie en 2020 contestée sans fondement par Trump

Biden gagna l’élection en Géorgie en novembre 2020 suite à des élections bien organisées par Brad Raffensperger et son directeur opérationnel Gabriel Sterling. Suite à ce résultats, Raffensperger fut l’objet d’attaques républicaines sans substance et les bulletins furent recomptés manuellement malgré les réclamations démocrates. La victoire de Biden contre Trump fut confirmée avec 12’670 bulletins (0.25%). Le 20 novembre, Raffensperger certifia les résultats et fut avec sa femme l’objet de menaces de mort. Sterling appela publiquement Trump à condamner ces menaces et à arrêter d’inspirer de tels actes de violence.

« Je veux juste trouver 11’780 votes » demanda Trump pendant une heure le 2 janvier 2021 à Raffensperger qui refusa catégoriquement. L’appel fut enregistré. Raffensperger et Sterling ont témoigné des actes anti-démocratiques de Trump à la commission d’enquête du Parlement américain quelques mois plus tard.

 

Brad Raffensperger défia les pronostics et a été réélu

Il y a une année, la candidature de Raffensperger était considérée comme morte. Un candidat républicain (Jody Hice) qui contestait les résultats des élections fut supporté par Trump. Hice fut écrasé par Raffensperger lors des primaires républicaines. Raffensperger.

Raffensperger vient de battre la candidate démocrate Bee Nguyen qui a essayé de le dépeindre comme un extrémiste. L’association républicaine supervisant les élections des Secrétaires d’Etat (Republican State Leadership Committee) par la voi de son président Dee Duncan a salué la victoire de Raffensperger en le décrivant comme « un conservateur respectueux du droit dédié à rendre plus facile le vote et plus dure la tricherie ». De manière notable, Duncan n’a mentionné aucun des candidats « America First ».

 

Les élections des Secrétaires d’Etat, un combat clé pour la présidentielle de 2024

Dans le passé, les élections de Secrétaires d’Etat n’offraient guère d’intérêt. Avec leur rôle dans l’organisation et la certification des présidentielles, ces élections sont devenues des objets de convoitise. Certains alliés de Trump et des donateurs auraient planifié de prendre contrôle des appareils électoraux des états pivots avec des candidats « America First » inféodés à Trump. Ainsi le candidat républicain au Secrétariat d’Etat au Nevada (Marchant) répétait que Trump avait gagné l’élection en 2020 et qu’il promettait que si lui-même était élu, Trump serait de nouveau président en 2024.

En réaction, ces candidats ont alarmés des démocrates, indépendants et certains républicains. L’argent à disposition de ces élections pour les démocrates était de 10 contre 1 envers les républicains. A la fin, la population a préféré la stabilité dans toutes ces élections de Secrétariat d’Etat excepté en Indiana.

 

Sterling, bras droit de Raffensperger, parla en faveur de la démocratie à Genève

Gabriel Sterling a été invité à parler de la défense de la démocratie lors d’une conférence co-organisée par la chancellerie d’État de Genève, l’Institut des Hautes Études  Internationales et du Développement et l’Université de Genève (Comment sauvegarder la démocratie ?, à l’Université de Genève, le 4 octobre 2021). Sterling fut accueilli par une chaleureuse série d’introductions dont celle du Recteur.

« Le scandale est que je sois connu, le scandale est que je sois invité ». C’est ainsi que  Sterling commença une vivante évocation de la dernière élection présidentielle aux USA et de sa conviction du bon déroulement de l’élection en Georgie. Il plaida aussi pour l’engagement citoyen comme « public servant » pour le maintien des institutions démocratiques et aussi pour les communautés locales.

 

La leçon pour la démocratie suisse et un engagement personnel

Après avoir vu l’assaut du Capitol le 6 janvier 2021 soit quelques jours après l’appel de Trump à Raffensperger pour renverser un résultat d’élections démocratiques, votre serviteur a été très impressionné par le discours de Gabriel Sterling qui montrait qu’en 2020 une série d’élus démocrates et républicains avaient tenu bon face au Trumpisme.

De manière convaincante, Sterling montrait aussi l’importance de l’engagement de chacun dans la vie démocratique y compris locale. Pour ma part, cela s’est traduit en engagement à devenir Président du Conseil Communal du village vaudois où j’habite. La présidence comporte la charge du dépouillement des diverses élections. Tâche que je trouve essentielle à la vie démocratique. Tout aussi essentielle est la confiance que la population accorde à ces dépouillements comme au fait de pouvoir recompter les bulletins en cas de contestation comme cela fut arrivé en Géorgie. En bref, c’est la fierté d’être un « public servant ».  

 

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Se vacciner à nouveau contre le COVID, le choix de la cigale ou de la fourmi ?

Un deuxième booster anti-COVID après le premier est recommandé par les autorités fédérales de santé pour les personnes avec un système immunitaire affaibli. Depuis peu les autres personnes éligibles à ce rappel doivent payer de leur poche. Seraient-elles des cigales car elles ne le feraient que pour voyager ?

Le 10 juillet 2022, le Conseil Fédéral a fixé les conditions de prise en charge des frais de la deuxième dose de rappel anti-COVID (booster). Ainsi, les personnes âgées et à risque continueront à pouvoir recevoir une dose de rappel gratuitement. Au contraire, les autres personnes devront s’acquitter des frais de vaccination selon les conditions édictées par les cantons. Le raisonnement est qu’il n’y aurait pas de raison médicale pour ces personnes «demandent une vaccination de rappel contre le Covid-19 pour partir en voyage devront la payer elles-mêmes ». Bref, ces personnes ne seraient que des cigales migratrices qui devraient prendre leurs responsabilités.

La décision du Conseil Fédéral de fin de gratuité générale de la vaccination anti-COVID est d’un contraste frappant avec les efforts effectués en 2021 pour assurer un bon degré de vaccination. Depuis, les variants delta et omicron sont arrivés en Suisse et une très large part de la population a une immunité vaccinale ou hybride ou est décédée du COVID. Bref, la pandémie serait derrière nous et donc il était temps de revenir à une politique de santé publique de prévention minimaliste. Malheureusement, il n’en est rien.

La situation épidémique du COVID-19 en Europe n’est pas bonne comme le décrit Marc Gozlan avec un interview d’Antoine Flahault (Université de Genève) dans le Temps le 13 juin 2022 :

  • Le variant Omicron BA.5 s’est propagé au Portugal depuis mi-avril et a causé une importante vague épidémique avec de nombreux décès des personnes de plus de 80 ans
  • Un échappement partiel de ce variant BA.5 même après 3 doses et des campagnes de vaccination « anciennes » pourraient expliquer ce rebond épidémique
  • Les variants BA.4 et BA.5 domineront rapidement en Suisse selon une annonce du service de virologie au HUG (Genève) le 11 juin

Dans ce contexte, il n’est pas surprenant de voir que les infections en Suisse sont de nouveau à la hausse depuis début juin 2022. La hausse est modérée mais claire. Dans cette situation que l’OFSP suit certainement de près, une bonne nouvelle est qu’une nouvelle version du vaccin MODERNA a commencé à être produite et que cette version est efficace selon une annonce du 8 juin 2022.

La décision du Conseil Fédéral de fin de gratuité générale de la vaccination anti-COVID n’est pas justifiée au regard de la situation épidémique en Europe et en Suisse avec l’arrivée maintenant des nouveaux variants BA.4 et BA.5. Cette décision ne prend pas en compte l’entourage des personnes âgées, les soignants et les personnes désirant se prémunir contre la nouvelle vague. Cette décision ne permet pas de prolonger l’immunité dans une partie volontaire de la population et ainsi d’éviter une montée trop brutale des cas. Pire les autorités fédérales ne semblent pas prêtes de prendre des mesures de sanitaires même minimales avant une hausse des hospitalisations soit un indicateur sanitaire tardif. Décisions qui seront à nouveau du ressort des cantons. Dans la même ligne, les valeurs seuils épidémiques et sanitaires pour prendre des mesures ne sont pas connues comme le déplore Antoine Flahault et il n’y a pas de promotion de la très nécessaire vaccination des femmes enceintes au contraire de la France.

Pour répondre à la question de la cigale et de la fourmi, les personnes adultes et jeunes éligibles à un 2e rappel ne sont pas toutes des cigales prêtes à partir chanter cet été mais aussi des personnes en contact avec des personnes âgées qui restent au poste. Ces dernières sont bien les fourmis de la fable. Quant au Conseil Fédéral, il parait déjà être en mode vacances pour la gestion de l’épidémie COVID.

 

Note :
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La taxe de 1% sur l’innovation continuera d’être payée par les PME. Comment corriger l’erreur ?

La suppression du droit de timbre sur l’émission de capital propre vient d’être refusée par le peuple qui n’a pas été informé que trois quarts de cette taxe continuera d’être payés par les PME et des start-ups. Il faut corriger cette absurdité sans tarder.

 

Une victoire de la gauche basée sur le mépris des PME et des start-ups qui investissent dans l’innovation et leur croissance

Le projet d’abolition du droit de timbre concerne uniquement les compagnies augmentant leurs fonds propres a été combattu avec succès par la gauche et des syndicats. Ils viennent de gagner avec un clair non à plus de 60%. Les arguments fourbis par les référendaires ont été de deux ordres : « une fragilisation des services publiques » et une « arnaque du droit de timbre ».

L’argument de l’impact négatif sur le financement de l’Etat par la suppression de l’imposition des augmentations de capital propre a mis en avant par la gauche. Une perte de 250 millions pour un 0.3% du budget fédéral a été clairement énoncée et sans tromperie.

Au contraire, l’argument de la soi-disant « arnaque du droit de timbre » a été habilement mise en scène dans un contexte de « plan à plus long terme consiste à exonérer totalement le capital et à taxer uniquement le travail et la consommation » (SPS_Stempelsteuer_Factsheet_FR.pdf). Cet argument est évidement contestable car chaque changement d’imposition a de fortes chances de passer aux urnes.

Les référendaires ont simplement ignoré les PME et les start-ups qui ont besoin de capital afin d’investir dans l’innovation et leur croissance. Ils ont concentré leur argumentation sur les « grands groupes » en n’évoquant qu’à peine les starts-ups et nullement l’innovation. Où est le problème ?

 

Méprise des votants sur l’identité des compagnies payant le droit de timbre lors d’augmentation de capital propre

Les faits sur cette forme de droit de timbre sont têtus :
une majorité des augmentations de capital en Suisse dépasse 1 million et est de fait soumise à cette taxe (l’exonération n’a lieu que pour le premier million et sous certaines conditions lors d’assainissements)
90% des investissements taxés sont le fait de PME qui sont des entreprises de moins de 250 employés
– environ trois quarts du produit de cette proviennent même de PME (selon une analyse détaillée publiée dans mon blog le 6 février 2022)
– aucune augmentation de capital par une multinationale suisse n’a pu être trouvée par les référendaires qui ont utilisé le terme de « grands groupes » ou de « grands groupes d’entreprises » qui n’est en rien défini dans le droit fiscal fédéral
– le produit de cette taxe n’est pas attribué pour promouvoir l’innovation mais le produit entre simplement dans le budget général de l’Etat fédéral

Le problème est donc que le référendum a donc été lancé et gagné pour résoudre une soi-disant arnaque qui n’existe pas : un cadeau fiscal à des multinationales !

Pour enlever tout doute aux lectrices et lecteurs, cette méprise sur le dos des PME et des start-ups continue d’être soutenue becs et ongles par la gauche : au résultat du refus de la réforme de la taxation à 1% sur l’émission de capital propre, « l’investissement dans les services publiques a été préféré ..à des cadeaux à quelques entreprises et à des multinationales » déclarait Delphine Klopfenstein Broggini, conseillère nationale écologiste (émission spéciale info, RTS la première, 13/02/2022). Quant aux représentants romands PS, ils se réjouissent cette victoire « cela va être une super occasion pour rebondir et décoller » (interview de Samuel Bendahan, vice-président du PS; RTS1, 19h30, 13/02/2022).

 

Comment à la fois respecter le verdict populaire et corriger cette taxe absurde de 1% sur l’innovation qui n’existe quasiment plus qu’en Suisse ?

Le rejet de la réforme partielle du droit de timbre est clair avec 63% de non et un seul canton acceptant la réforme. La taxe de 1% sur les augmentations de capital propre va donc rester. Toutefois, le problème est que les PME et les start-ups vont continuer d’en payer les trois quarts. PME et start-ups que la gauche et les syndicats affirment ne pas vouloir viser et au contraire vouloir soutenir.

Le problème de ce droit de timbre est significatif pour les PME et start-up suisses qui vont continuer à perdre 1% de leurs investissements dans l’innovation et leur croissance, à agir dans un contexte difficile avec l’Union Européenne et à vivre dans un écosystème plus compétitif avec des multinationales suisses qui seront bientôt soumises au taux de taxation des bénéfices à 15% selon les règles de l’OCDE.

Il y a un chemin clair et possible pour résoudre le problème de cette taxe du droit de timbre touchant plus de 90% des PME innovantes et concernant peu les grandes entreprises et très rarement les multinationales. Il faut augmenter le niveau d’exonération de la levée de fonds propres pour permettre aux PME de pouvoir mener à bout des projets d’innovation tout en ne créant pas de mailles fiscales pour les entreprises multinationales.

 

A quel niveau devrait l’exonération de la levée de fonds propres ?

Avoir en tête le type d’innovation et d’exportation qui a lieu en Suisse permet de fournir une première estimation. Les secteurs les plus exportateurs suisses comprennent les industries pharmaceutiques, chimiques et horlogères. Dans ces secteurs, il faut souvent investir au minimum 100 millions de francs avant de pouvoir être bénéficiaire. Parfois bien plus. Les augmentations de capital des start-ups suisses en 2019, 2020 et 2021 permettent de valider cette limite avec les plus grands tours d’investissement dépassant 100 millions*. Une exonération à 100 million d’augmentation de capital permettrait d’épargner les PME et start-ups comme finalement le désire l’Economie et le prétend la Gauche.

Pour autant, il ne faut pas créer de trous dans la maille fiscale et pour cela les entreprises matures générant des revenus importants et les compagnies internationales doivent continuer d’être soumises au droit de timbre sur l’émission de fonds propres. Dans un effort de lisibilité, une limite de 100 millions de revenues dans l’année précédente ferait que le droit de timbre serait toujours appliqué.

 

Cette double limite de 100 millions pourrait être acceptable et mérite un examen rapide lors des débats sur la future révision de fiscalité en ligne avec l’OCDE

Une telle révision du droit timbre sur les augmentations de capital aboutirait à une importante réduction des revenus de cette taxe. Parmi les 250 millions, peut-être 75 millions seraient toujours perçus. Cette perte de 175 millions soit 0.2% du budget fédérale serait absolument supportable à la vue de l’augmentation de la taxation des bénéfices des « grands groupes » et des revenus futurs liés aux investissements dans l’innovation par les PME.

 

Cette correction de la taxe de 1% sur l’innovation serait en conformité avec le verdict populaire, devrait rassurer les partis de gauche et les syndicats et ne pas provoquer d’opposition chez les associations économiques qui affirment –avec raison- que les «grands groupes » ne lèvent que très rarement du capital. Cette discussion doit avoir lieu en même temps que la révision du droit fiscal des entreprise qui doit et va être entrepris afin d’appliquer une taxation à 15% des grands groupes en accord avec l’OCDE.

*Les PME et start-ups qui effectuent de « mega-round » ont toutes effectué de précédentes levées de capital et donc les augmentations cumulatives de capital dépassent largement 100 millions. Ce sujet est évoqué dans mon post du 6 février sur le même sujet.

Pourquoi taxer l’innovation et la croissance à 1% ?

Le 13 février nous votons aussi sur la suppression du droit de timbre sur l’émission de capital propre. A qui profitera cette suppression ? Est-ce une étape de plus vers l’appauvrissement de l’Etat ? Les réponses diffèrent radicalement entre les partisans de l’abolition et la gauche. Qu’en est-il en 8 questions ?

 

Quelles sont les transactions taxées en 2020 ?
Le projet d’abolition du droit de timbre concerne uniquement les compagnies qui augmentent leurs fonds propres (levée de capital). En 2020, 250 millions d’impôts ont été récoltés par l’administration fédérale. Les investissements taxés à 1% dans les compagnies ont totalisé 25 milliards de francs pour 2’286 transactions. 2.4% des transactions ont concentré la moitié (50.5%) des investissements (12.9 milliards) avec une moyenne de 234 millions de francs pour chaque de ces 55 transactions. Cinq de ces grandes transactions (1 sur 10) a été le fait de start-ups comme en 2019 et en 2021 (moyenne de 228 millions en 2019 et 213 millions en 2021).

98% des transactions taxées (2’231 transactions) ont contribué à la 2e moitié (49.5%) des montants levés avec du droit de timbre. Dans ce groupe, les levées de fond pour les entreprises suisses concernées avaient une taille moyenne de 5.4 million de francs (43x plus petite que le top 55 !). 261 de ces transactions l’ont été pour les start-ups (98% des augmentations de capital pour start-ups) avec une taille moyenne de 4.4 millions. De manière surprenante, parmi les transactions soumises au droit de timbre, la répartition et la taille des levées de capital des starts-ups est très similaire à celles des compagnies usuelles.

En 2020 en Suisse, la médiane des toutes les levées de fond taxées ou non était de 2 millions et la médiane pour les levées de fonds des start-ups était de 2.9 millions pour le 1er et 2e tour (9 millions pour les tours 3 et plus). En conclusion, on note que la majorité des augmentations de capital en Suisse est taxée et qu’après le 1er tour de financement, la vaste majorité des tours de financement des starts-ups est aussi soumise au droit de timbre !

 

Quelle est la taille des entreprises soumises au droit d’émission sur capital propre ?
Les référendaires décrivent ces 55 transactions comme le fait de « grands groupes » (brochure de votation p40). L’identité de ces entreprises n’y est pas révélée. Si des entreprises connues comme les grandes capitalisations boursières comme celles de l’indice SMI en faisaient partie, les référendaires n’auraient manqué d’utiliser l’argument. Ces très grandes entreprises rachètent plutôt leurs propres actions plutôt que d’en émettre ; ainsi Novartis a annoncé le 1er février 2022 vouloir racheter pour 15 milliards de dollar ses propres actions. Cette  somme équivaut à plus de la moitié des augmentations taxées de capital en Suisse en 2020 !

Selon le conseiller national valaisan socialiste Emmanuel Amoos « le droit de timbre n’est pas un impôt sur les PME » en citant l’exemple du canton de Zug. Ce canton contribue à hauteur de 55 millions pour cet impôt (22%) malgré le relatif petit nombre de PME. Cet argument est pour le moins contestable quand on remarque que Zug accueille une proportion importante des financements pour start-ups (11% en 2019).

Au contraire selon Vincent Simon (Economiesuisse), « les levées de fond concernent à 90% les PME » selon le fait que les 1706 grandes entreprises de Suisse ne lèvent pas des fonds propres chaque année (les grandes entreprises sont définies par une taille de 250 et plus employés). Cet argument est supporté par les chiffres bien publiés pour les levées de fond des start-ups. Parmi les 10 « mega-financements » de 2019 et 2021, 7 des 9 compagnies sont des petites et moyennes entreprises (PME soit moins de 250 employés) et seules deux compagnies (GetYourGuide et Nexthink, moins de 1000 employés chacune) sont de « grandes entreprises ».

Au final, le droit de timbre concerne à plus de 90% des augmentations de capital par des PME et environ un quart de l’impôt pourrait être le fait de financements de grandes entreprises de plus de 250 employés. Ces entreprises ne sont toutefois pas de grands groupes internationaux fleurons de la bourse suisse.

 

Quelles sont les entreprises non-concernées par cette réforme du droit d’émission sur capital propre ?
Les points suivants ne sont pas contestés ou ne font pas de doute :

– les personnes privées comme les actionnaires ne sont pas concernés car seules les personnes morales (entreprises) lèvent du capital.
– les commerces de titres  et celui des primes d’assurance continueront à être soumis au droit de timbre. Ce droit de timbre continuera à être appliqué au secteur financier et des assurances.
– les entreprises qui n’augmentent pas leurs fonds propres ne sont pas soumises au droit d’émission sur capital propre. Ce sont 99% des 600’000 entreprises de Suisse.
– lors d’une création d’entreprise, la création de capital est rarement en dessus de 1 million et n’est pas taxé. Pour les start-ups, c’est aussi le cas comme le fait remarquer Samuel Bendahan dans le Temps. Cette affirmation est toutefois trompeuse au sujet des start-ups dont la très vaste majorité effectue de multiples augmentations de capital qui sont soumises au droit de timbre dès le 2e tour (voir plus haut).

 

Pourquoi les entreprises augmentent leurs fonds propres ?
Les entreprises qui dégagent du bénéfice depuis longtemps sont capables d’auto – financer leurs investissements pour leur croissance ou l’innovation. Ces entreprises établies n’ont donc guère besoin de financement extérieure par de la dette ou par augmentation de capital. Il est possible que ces entreprises décident d’un emprunt pour financer un projet pour des raisons financières et pourront obtenir un crédit vu leur situation bénéficiaire. Comme le financement par augmentation de fond propre est bien plus onéreux que par endettement, ces entreprises n’ont aucun besoin d’ augmentation de capital.

Dans le cas d’entreprises PME avec un modèle d’affaire usuel et sans innovation particulière, les financements se font souvent par endettement ou par ligne de crédit bancaire. Si la PME a un modèle d’affaire éprouvé, une bonne gestion et des conditions d’activité usuelles (le contraire donc de la situation de pandémie), une rentabilité minimale pourra être atteinte.

La situation des jeunes entreprises, d’entreprises innovantes, d’entreprises en forte croissance ou de start-ups* est encore différente. Ici, le risque est élevé et les besoins de financement sont élevés. Il n’y a aucune capacité d’auto – financement. Pour une partie, un financement par endettement sera possible (exemple : machine ou immobilier). Pour le cœur de métier, l’investissement dans l’innovation ou la croissance aura bien lieu par l’augmentation de capital malgré les coûts plus élevés.

Les start-ups se financent pour l’essentiel par des augmentations de capital en série. Ces investissements qui sont publiés fièrement permettent de voir la nature des efforts de développements de ces compagnies suisses : 52% dans la fintech, 35% dans le healthcare (biotech, medtech, IT)…et 2% dans les produits de consommation. 98% des investissements a lieu effectivement dans des secteurs hautement innovants.

Pour le dire simplement, la quasi-totalité des augmentations de capital taxées en Suisse a lieu pour financer l’innovation et la croissance des PME.

 

Concrètement que représentent ces 250 millions ?
Selon Samuel Bendahan dans le Temps, ces 250 millions équivalent à 300 lits de soins intensifs. Pour rester dans la santé, cette somme représente plus que le financement de deux fleurons vaudois de l’innovation en l’oncologie : en 2019 ADC Therapeutics et Sophia Genetics qui ont levé un total de 176 millions et emploient presqu’un total de 300 personnes.

 

Quel est l’importance de cette réforme du droit d’émission sur capital propre pour l’Etat ou pour les compagnies ?
250 millions représentent 0.3% du budget de l’Etat fédéral qui a un taux d’endettement extrêmement bas et qui est perçu comme un émetteur de toute première classe d’obligations. 250 millions est le même ordre de grandeur que les 178 millions d’aides supplémentaires pour les médias pourtant soutenues par la gauche pour la votation du 13 février (brochure de votation p52).

Pour les PME, 250 millions représentent 1% de leur budget pour l’innovation ou leurs projets de croissance. Ces compagnies –il faut le rappeler- n’ont pas l’assise et la sécurité financière des grands groupes internationaux encore moins celle de la Confédération Suisse. A l’évidence, le produit du droit d’émission sur capital propre représentent bien plus pour les PME que pour l’Etat fédéral.

 

Dans quel contexte de la durée s’inscrit cette réforme du droit d’émission sur capital propre ?
Selon Martine Doucourt, députée socialiste au Grand Conseil neuchâtelois, cette réforme s’inscrit dans la suite d’une série de baisses répétées des revenus de l’Etat orchestrées par la droite. Cette accusation mainte fois répétée par la gauche est toutefois totalement contredite par les chiffres de l’OCDE qui montre une stabilité de la taxation des compagnies et des personnes physiques depuis 20 ans en Suisse. Ces taxations sont par ailleurs dans le gros du peloton des pays de l’OCDE.

Pour le futur, les revenus de l’Etat suisse vont très probablement augmenter avec la hausse décidée internationalement de la taxation minimale des entreprises à 15% en coopération avec l’OCDE. L’avantage compétitif suisse de la taxation réduite des bénéfices des entreprises serait diminué d’autant. Quant à l’absence de taxation sur les gains en capital, la Suisse n’est pas la seule à avoir cet avantage. La Belgique a cette même pratique et propose des conditions cadres aussi bonnes voir meilleures aux entreprises innovantes.

 

Quelle est la situation dans les autres pays pour les augmentations de fonds propres ?
Cette taxation sur l’augmentation de capital date d’une époque fiscale lointaine en Suisse et n’existe plus dans la plupart des pays. Il y a quelques exceptions comme la Grèce.

Pour d’autres pays qui soutiennent l’innovation, la situation est bien différente et plus favorable qu’en Suisse. Ainsi, dans l’Union Européenne, des centaines de millions sont affectés aux financements des start-ups. De manière directe ou indirecte, pour un euro investi par une entité privé, jusqu’à un euro publique est investi en parallèle. En Suisse, si un investisseur met un franc, l’entreprise privée reçoit 99 centimes ; en Europe, si un investisseur met un euro, l’entrerprise peut recevoir 2 euros.

 

En conclusion…
Le débat de cette réforme du droit d’émission sur capital propre s’inscrit dans un débat classique gauche-droite et de prime abord, il est difficile de démêler le vrai du faux. J’ose espérer que cette recherche des données économiques en particulier sur les start-ups est convaincante pour démontrer que ce sont bien les PME qui sont touchées par ce droit de timbre. C’est bien l’innovation et la croissance qui sont taxées à 1%. Il faut se demander pourquoi donc ?

Maintenir cet impôt, c’est ne pas voir que c’est chaque année l’opportunité perdue de permettre à une compagnie suisse de devenir une future actrice mondiale comme Logitech, Roche, Novartis ou Nestlé. Et c’est croire faussement que cela revient à taxer ces géants qui ne lèvent que très très rarement du capital.

Pour ma part, je crois en l’avenir de l’innovation en Suisse et je vais voter résolument OUI à la suppression du droit d’émission sur capital propre.

* en Suisse, les entreprises start-ups n’ont pas un statut légal défini. La définition usuelle est toutefois celle d’une jeune entreprise qui génère peu ou pas de revenus, qui a besoin d’investissements importants pour développer son modèle d’affaire et qui est à gros risque d’échec. Une partie des start-ups est « high tech » / « deep tech » et développe des technologies innovantes qui leur permettront d’avoir une croissance important et un impact clair dans leur secteur.

PS:
à lire l’article sur la même thématique dans le Temps du 10 février: “Les start-up, un casse-tête pour le fisc suisse” par Aline Bassin
https://www.letemps.ch/economie/startup-un-cassetete-fisc-suisse

Quand aurons-NOUS un vaccin contre les variants COVID-19 ?

Le 20 septembre 2020 dans un post, je posais la question « Quand aurons-NOUS un vaccin contre le COVID-19 ? Comprendre la question, y répondre et voter ? » et de manière provocative j’y posais une autre question «Finalement, pourquoi ne pas débattre puis prévoir déjà une votation sur la stratégie vaccinale contre le COVID-19 ? ». Grâce aux anti-vax et à leurs cousins anti-masques et anti-toute mesure, nous y sommes bientôt avec la votation du 28 novembre sur la loi sur les mesures anti-Covid.

Trève de débats politiques, il est temps d’aller de l’avant et se demander comment les vaccins peuvent être proposés contre les variants du SARS-CoV-2. Après une promesse en juin par le CEO de Pfizer à la conférence du G7, il y a enfin des nouvelles avec des essais cliniques en cours et un article dans la plus prestigieuse revue scientifique (Nature) a fait le point le 28 octobre. En voici les grandes lignes :

  • Les entreprises pharma occidentales parmi les 3 premières à avoir développé des vaccins anti-Covid (Pfizer, Moderna et AstraZeneca) préparent une génération suivante de vaccin pour faire face à de possibles variants pire que le variant delta.
  • Les vaccins actuels contre le virus original de Wuhan fournissent une bonne protection du moins contre les formes graves de la maladie et les hospitalisations. Mais il y a un clair besoin de préparer une riposte vaccinale contre des futures variants possiblement pires. En particulier, le variant beta est déjà problématique car les anticorps des immunisés ou infectés par d’autres variants protègent mal contre ce variant.
  • Si la technologie mRNA ou vecteur viral permet de rapidement produire des vaccins mis à jour, il faut passer par des essais cliniques rigoureux afin de démontrer leur efficacité et leur sûreté.

Plusieurs essais cliniques avec des vaccins de 2e génération contre les variants SARS-CoV-2 sont en cours. En voici quelques détails :

  • BioNTech/Pfizer a un essai clinique en cours recrutant 930 participants contre le variant beta avec un design expérimental rigoureux (randomisé, contrôlé avec placebo). De plus, depuis août, il y a un essai clinique avec un vaccin contre les variants delta et alpha.
  • Moderna mène un essai clinique avec 300-500 participants pour tester des vaccins formulés contr le beta, delta ou une combinaison beta-delta-original.
  • AstraZeneca a débuté en juin un essai clinique avec 2500 participants avec un vaccin contre le variant beta. Les participants peuvent avoir été vaccinés par un vaccin à mRNA ou le vaccin AstraZeneca.

Les essais cliniques avec des vaccins dirigés contre les nouveaux variants ne sont pas faciles à mener pour plusieurs raisons dont la difficulté de recruter des volontaires qui n’ont jamais été vaccinés ou qui ne veulent simplement pas se porter volontaire. En particulier, le design le plus rigoureux (randomisé et contrôlé avec un placebo) est difficile à mener à cause de la disposition de vaccins déjà approuvés. Il est toutefois possible de mener des études dites « real world » et d’ »immunogénicité » (mesure des anticorps induits par le nouveau vaccin).

Une autre difficulté est lié aux futurs choix des autorités de santé et des commissions de vaccination qui devront un jour éventuellement devoir se positionner face à un nouveau variant qui s’échappe ou non à l’immunité naturelle, vaccinale ou mixte ? Probablement, la manière de mesurer le besoin sera le nombre de patients hospitalisés et parmi ceux-ci les cas en soins intensifs.

Si la technologie permet déjà de designer très rapidement des nouveaux vaccins mRNA contre de nouveaux variants et possiblement les produire assez rapidement, il est à parier que le savoir-faire pour évaluer les vaccins anti-nouveaux variants et les déployer sera acquis avec les saisons. Finalement, comme les vaccins annuels contre la grippe.

 

PS1: je n’ai ni ai eu aucun lien d’intérêt avec la pharma ni avec des compagnies développant, fabriquant ou commercialisant des vaccins à mRNA anti-infectieux.

PS2 : pour les activistes anti-vax en Romandie, la question est aujourd’hui : A qui le tour ? Une figure vaudoise du mouvement anti-vaccin et anti-pass soigné à l’hôpital

François de Siebenthal incarne l’opposition aux mesures sanitaires dans le canton de Vaud. Le politicien nie la dangerosité du Covid et refuse la vaccination. Il se trouve au soins intensifs, malade du Covid.

PS3 01.12.2021: réduction du risque d’hospitalisation associée à la vaccination en Suisse

Crédit photographique : Qimono from Pixabay

Discussion hallucinante avec un couple sceptique sur le COVID

Après plusieurs posts sur le COVID, je ne résiste pas à relater une discussion surréaliste dans le tram  avec un jeune couple ne portant pas le masque. 

Etant dans un tram d’une ville suisse cette semaine, je constatais que le jeune couple à côté de moi ne portait pas leur masque malgré l’obligation de le porter. En voici le résumé d’un dialogue hallucinant mais tout à fait courtois :

Moi (LO) : je vous remercie de mettre votre masque car il protège contre la transmission
Couple inconnu (CI) : comment vous le savez ?
LO : il y a des études qui le montrent et je suis médecin. Les statistiques sont claires
CI : ces histoires sur le COVID sont inventées (note : les deux mettent leur masque)
LO : vous ne croyez pas au COVID ?
CI : non le COVID existe mais les chiffres sont faux
LO : les études cliniques avec leur analyse statistique sont claires
CI : ah bon quoi ? Vous croyez aux statistiques ?
LO : ah vous ne croyez pas aux chiffres et calculs comme ceux qui ont permis de construire le pont que nous traversons ? Vous n’avez pas confiance dans les ingénieurs ?
CI : mon opinion vaut la vôtre et vous avez votre opinion et nous avons la nôtre
LO : non, mon opinion ne vaut pas la vôtre après ma formation et ce n’est pas mon opinion ce sont des faits scientifiques et cliniques
CI : il y a des médecins qui ne croient pas aux vaccins
LO : mais ils sont une infime minorité, il n’en y a qu’une poignée de médecins romands anti-vax et en particulier aucun spécialiste de maladies infectieuses ou soins intensifs
CI : le vaccin ne marche pas car on a autant de cas qu’en 2020 il y a un an
LO : vous oubliez le variant delta et les régions de Suisse ou USA ou Europe où le taux de vaccination est bas où les non-vaccinés sont bien plus hospitalisés. Pire, la Bulgarie a avec le record mondial de taux de mortalité par semaine et le nombre de morts cumulés par rapport à sa population. Pire, les vieux non-vaccinés y meurent comme des mouches et les hôpitaux sont pleins. (note : visiblement, ce couple ne connait pas la situation dramatique en Bulgarie)
CI : je n’y crois et je ne fais confiance qu’à mon « gut feeling »
LO : vous avez tort de faire confiance à votre « gut feeling » pour choisir un traitement. Si on était resté aux « gut feeling » on soignerait encore les maladies infectieuses avec des saignées et des lavements comme au Moyen-Age (note : la discussion s’arrête car je suis arrivé à la gare).

Cette discussion –courtoise il faut le rappeler- s’est déroulée dans une atmosphère hallucinée où le couple inconnu avait l’impression de voir un extra-terrestre et moi d’atterrir sur une planète peuplée de « platistes ». Finalement, cette discussion montre l’énorme fossé entre certains pans de la population et les médecins et scientifiques et aussi l’absence de confiance envers les mesures sanitaires qui sont les moins sévères de toute l’Europe de l’Ouest (excepté la Suède).

Il est encore temps de retomber sur terre et il ne faut pas oublier de voter OUI à loi “Modification du 19 mars 2021 de la loi COVID-19” qui contient une série de mesures responsables et proportionnées contre l’épidémie, de nombreux soutiens à l’économie, à la presse et au monde culturel, et l’extension de droits politiques pour les initiatives et référendums.

 

PS1: je n’ai ni ai eu aucun lien d’intérêt avec la pharma ni avec des compagnies développant, fabriquant ou commercialisant des vaccins à mRNA anti-infectieux.

PS2 : pour les supporteurs du Pr Raoult : il faut regarder cette énième controverse parue dans Le Parisien le 19 novembre à propos de de résultats scientifiques contestables sur l’hydroxychloroquine, controverse ouverte par sa propre équipe scientifique.

Crédit photographique : Dapple Designer from Pixabay

Les messages fallacieux des radios US et des antis loi COVID

Certains podcasts et radios américaines produisent des émissions scientifiquement trompeuses sur le Covid. Les opposants de la loi Covid aussi. Et certains meurent des complications d’infection.

 

Un article du New York Times paru le 12 novembre « On Podcasts and Radio, Misleading Covid-19 Talk Goes Unchecked » montre les graves dérives de certains médias. Voici quelques extraits :

  • Rick Wiles, un pasteur qui se décrit lui-même comme un “journaliste citoyen“, affirme que les vaccins Covid-19 contiennent “un œuf qui éclot en un parasite synthétique et se développe dans votre corps“, dans l’épisode du 13 octobre.
  • Marc Bernier a cité une affirmation non fondée selon laquelle “45 000 personnes sont mortes après avoir pris le vaccin” (épisode de juin).
  • Buck Sexton a récemment avancé la théorie selon laquelle les vaccinations massives contre le Covid-19 pourraient accélérer la mutation du virus en souches plus dangereuses.

Cette dernière théorie semble trouver son origine dans un article de 2015 sur les vaccins contre une affection du poulet appelée maladie de Marek. Son auteur, Andrew Read, professeur de biologie et d’entomologie à la Penn State University, a déclaré que ses recherches avaient été “mal interprétées” par les militants anti-vaccins.

 

Dans le dépliant politique «LIBRES, La voix de la raison » qui est le fer de lance envoyé comme aux ménages suisses contient un nombre inquiétant d’affirmations scientifiquement fausses ou trompeuses :

  • « un prof. d’Harvard : le vaccin n’empêche pas la contagion ». La citation bien que réelle est trompeusement citée, oublie qu’une absence de preuve n’est pas une preuve de l’absence et se fourvoie avec des arguments catégorielles (voir mon post du 12 novembre «Socrates n’est pas un coronavirus ». Encore important, cet argumentaire omet de citer la vaste littérature sur l’efficacité du vaccin à prévenir la contagion (voir mon post du 11 novembre « Le port du masque est efficace pour réduire la transmission, le vaccin aussi »).
  • « La directrice des CDC : les vaccins n’empêchent pas l’infection». Ici la référence fournie est un interview tronquée avec un sous-titre « Vaccines CANNOT prevent COVID transmission anymore » ne reflétant pas les paroles de Rochelle Walensky comme en attestent divers interviews dont celui-ci. Plus important, de multiples études cliniques ont depuis démontré que la vaccination continue à prévenir la contagion y compris celle du variant delta.
  • «rien ne prouve en effet que le port général du masque limite l’infection de manière statistiquement significative » selon Michael Esfeld (prof. de philosophie à l’Université de Lausanne). Cette affirmation est clairement fausse avec de multiples études cas-contrôle démontrant que statistiquement le port du masque réduit la contagion en particulier chez les non-vaccinés.

Si les affirmations de ce dépliant politique supporté par la droite nationaliste suisse sont d’un style plus sobre que celles des radios américaines, leurs propos scientifiques sont tout aussi trompeurs. Ces propos scientifiquement faux sont associés à des non-observations de mesures sanitaires et des décès en trop comme le cluster fatal dans une maison de retraite à Obwald. Sept des neuf résidents décédés n’étaient pas vaccinés et le personnel ne portait pas le masque. Ironiquement, Marc Bernier (cité ci-dessus), animateur de talk-show à Daytona Beach, en Floride, fait partie des animateurs de talk-show qui sont décédés de complications liées au Covid-19 après avoir exprimé des opinions anti-vaccination dans leurs émissions (source : New York Times).

Ces affirmations publiques contre les mesures de préventions anti-Covid aux USA comme en Suisse sont lamentables vu le nombre évidences cliniques supportant la vaccination apportant un rapport bénéfice/risque clair pour tous les adultes, la vaccination prévenant la transmission comme le port du masque (chacun avec 2/3 de réduction environ). Il y a toutefois de l’espoir aux USA avec des radios de qualité ou quelques détracteurs revenant à la raison comme Bill Cunningham. En Suisse, les citoyennes et les citoyens auront l’occasion le 28 novembre de s’opposer à ces frauduleuses affirmations scientifiques en votant fortement OUI à la loi COVID-19.

PS1: je n’ai ni ai eu aucun lien d’intérêt avec la pharma ni pour les vaccins à mRNA anti-infecteux.

PS2 : à lire le très bon post du Dr Jan von Overbeck sur la vaccination paru le 3 novembre 2021 « Nos problèmes de riches : les vaccins Covid-19 ! »

PS3 : tableau 1 extrait de « COVID-19 vaccine surveillance report Week 45 » du gouvernement britannique

Crédit photographique ” Fotocitizen from Pixabay”

Socrates n’est pas un coronavirus

Les opposants aux mesures sanitaires, aux campagnes de vaccination et au certificat Covid commettent régulièrement des erreurs de logique à cause d’un emploi inadéquat des syllogismes.

Voici une série d’exemples :

  • Madame Suzette Sandoz, blogueuse au Temps, remet souvent en question la vaccination anti-Covid et dans son post « Question de pur bon sens », elle écrit :
    «On ne sait pas exactement quelle étendue d’immunité confèrent les vaccins à notre disposition…
    On sait en revanche que le vaccin … n’empêche pas de contracter la covid,…
    On conclut de ce qui précède qu’il ne peut être exercé de contrainte quelconque en faveur de la vaccination et …qu’aucune personne ne doit être vaccinée contre la covid sans avoir préalablement signé une déclaration de consentement éclairé. »
  • Dans les divers forums de journaux romands dont la Tribune, on lit typiquement :
    « La vaccination protège de l’infection.
    Les non-vaccinés peuvent transmettre le virus.
    Donc, les non-vaccinées ne peuvent pas infecter les vaccinés et ne représentent pas de risque pour les vaccinés.
    Or les vaccinés ont peur des non-vaccinés et poussent ces derniers à se vacciner.
    La conclusion est que la vaccination actuelle n’immunise pas. »
  • Dans le dépliant politique « La voix de la raison » distribué en tout ménage le 11 novembre 2021, on peut lire l’argument suivant en page 2 :
    « les personnes vaccinées sont porteuses de virus
    et peuvent être contagieuses,
    (
    donc il n’y a) aucun fondement du point de vue médical (au certificat Covid) »

Ces raisonnements et bien d’autres sont basés sur le très classique raisonnement logique appelé syllogisme qui est bien décrit dans Wikipédia en français comme Wikipedia en anglais. Un syllogisme fort connu est celui sur Socrates : « Tous les hommes sont mortels, or Socrate est un homme; donc Socrate est mortel ». Les curieux verront que le post de Madame Sandoz ressemble fortement au classique syllogisme d’Aristote de type modal avec une première prémisse contenant un « peut-être », une seconde prémisse de type mineure et un prédicat (conclusion).

Quels sont les problèmes avec ces raisonnements basés sur le syllogisme ? Ils sont nombreux :

  • Les syllogismes peuvent être valides sans être vrais. Ainsi le syllogisme peut être valide formellement sans être conclusif car tous les prémisses ne sont pas forcément vrais.
  • Les syllogismes sont fréquemment faux de manière involontaire (paralogisme) ou volontaire (sophisme). Ainsi, une conclusion absurde et paradoxale est déduite comme « Jésus est le fils de Dieu. Joseph est le père de Jésus. Donc Joseph est Dieu »
  • Pour décrire le monde réel, les syllogismes n’apportent guère d’avancement et sont rarement applicables comme le notait déjà Sextus Empiricus un médecin phylosophe grec du IIe siècle.
  • Pour les vérifications expérimentales, les syllogismes sont rarement utiles, ce qu’a bien révélé Francis Bacon au XVIIe siècle

Dans la pratique moderne scientifique en médecine comme en biologie, les raisonnements déductifs basés sur des syllogismes ont été remplacés depuis des siècles par des raisonnements par exemple basés sur des données expérimentales permettant de déduire des liens de causalité et des analyses statistiques rigoureuses.

Pourtant les syllogismes continuent d’avoir un attrait particulier et entier chez les juristes avec une fameuse blogueuse au Temps, des avocats pratiquant des plaidoiries qui ne sont fort heureusement pas « protocolées » dans les jugements des tribunaux et bien évidement des philosophes qui sont cités par les mouvements anti-vax opposés à la soit-disant dictature sanitaire. Dans ce contexte, il est révélateur que les mathématiciens et les statisticiens semblent particulièrement attirer la colère de ces mouvements.

En pratique, pour comprendre et apprécier les enjeux médicaux et scientifiques de société, il faut avec vigueur éviter ces syllogismes, se méfier des arguments de type catégoriel comme « le vaccin n’empêche pas la contagion » (page 3 de « La voix de la raison ») et …éviter de s’inventer biostatisticien.

PS: je n’ai ni ai eu aucun lien d’intérêt avec la pharma ni pour les vaccins à mRNA anti-infecteux.

Aristote et crédit photographique avec une image “morhamedufmg from Pixabay”