Cette année, la Journée internationale des droits des femmes a lieu dans un contexte extrêmement tendu pour l’équilibre géopolitique. L’invasion des troupes de Poutine en Ukraine jette sur la route de l’exil des millions de personnes, et oblige le peuple ukrainien à se mobiliser face aux visées impérialistes du chef du Kremlin. Loin d’être accueillies en sauveur d’un régime nazi fantasmé, les troupes russes font face à la résistance de tout un peuple.
Le contraste des images
L’image rappelle les heures les plus sombres du XXème siècle : un chef d’Etat va-t-en-guerre, assis confortablement derrière son bureau envoie sa chair à canon sur le terrain et détruit les infrastructures de tout un pays à coup de raids aériens.
Cette image pathétique d’un autre siècle contraste avec celles de nombreuses ukrainiennes qui ont pris les armes aux côtés de leurs frères, amis ou voisins. L’histoire montre que les guerres de résistance contre un envahisseur étranger engendrent une très forte participation des femmes aux combats [1], et c’est le cas encore aujourd’hui.
Dans une chronique du Washington Post reprise par le Courrier international, la journaliste Monica Hesse, souligne “la force des femmes ukrainiennes”. Mais qu’on ne s’y trompe pas : “Personne ne souhaite l’égalité des sexes dans la guerre parce que personne ne souhaite la guerre“, ajoute la journaliste.
La résistance des femmes dans l’histoire
Si l’on a de cesse de mettre au premier plan de l’histoire les guerres menées dans leur immense majorité par des hommes, il est temps de rappeler que les mouvements féministes se sont construits dans la résistance contre la guerre “telle qu’elle est vue par les courants nationalistes et l’impérialisme économique – à savoir un moyen de tirer des profits et de renforcer les rapports de hiérarchie” [2].
Le contexte de guerre froide a favorisé l’émergence “d’un mouvement féministe pacifiste puissant et solide qui revendique le désarmement nucléaire et l’instauration de la paix” [3]. Les Femmes en noir de Bosnie et Serbie illustrent ce mouvement féministe dont la solidarité transcende les frontières nationales.
Traitées de “traitres à la nation”, de “sorcières” ou encore de “putes”, elles manifestaient toutes les semaines à la place de la République, pendant la guerre de Bosnie et le conflit du Kosovo pour lutter contre le nationalisme et la guerre [4]. Dans une démarche de résistance non violente au militarisme, elles revendiquaient la fin du conflit en se réunissant en silence vêtues de noir. Elles ont protégé des objecteurs de conscience et ont aidé les réfugié·e·s. Elles sont désormais activement engagées pour la consolidation de la paix et la reconnaissance des crimes de guerre.
Hier en Serbie, aujourd’hui en Russie
Les mouvements féministes russes actuels font écho à ces formes de résistance. Longtemps considérées comme un mouvement politique non dangereux par les autorités russes, les féministes sont l’une des rares forces politiques encore actives en Russie. Elles ont donc été moins touchées par la répression étatique que d’autres groupes politiques. Désormais, elles protestent dans la rue contre la guerre de Poutine. Dans un manifeste [5], elles appellent les féministes du monde entier à se mobiliser. En voici un extrait:
- Rejoindre des manifestations pacifiques et lancer des campagnes hors ligne et en ligne contre la guerre en Ukraine et la dictature de Poutine, en organisant leurs propres actions. Ne pas hésiter à utiliser le symbole du mouvement féministe de résistance anti-guerre dans leurs documents et publications, ainsi que des hashtags #FeministAntiWarResistance et #FeministsAgainstWar.
- Partager des informations sur la guerre en Ukraine et l’agression de Poutine. Nous avons besoin que le monde entier soutienne l’Ukraine en ce moment et refuse d’aider le régime de Poutine de quelque manière que ce soit.
- Partager ce manifeste avec d’autres. Il est nécessaire de montrer que les féministes sont contre cette guerre – et tout type de guerre. Il est également essentiel de démontrer qu’il y a encore des militant·es russes prêt·es à s’unir pour s’opposer au régime de Poutine. Nous sommes tou·tes en danger de persécution par l’État maintenant et avons besoin de votre soutien.
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Notes
Photo de couverture: Création de l’artiste de rue Seth dans le 13e arrondissement de Paris. Reprise par Terriennes, TV5 Monde, Guerre en Ukraine: visages féminins de la résistance.
[1] Voir Les femmes et la guerre : une approche historique, de Daniel Palmieri et Irène Herrmann, publié par la Revue internationale de la Croix Rouge en mars 2010.
[2] Voir Des femmes contre le militarisme et la guerre, de Cynthia Cockburn, résumé par Angeliki Drongiti dans la revue Nouvelles questions féministes en 2016.
[3] même source.
[4] Voir « Bourgeoises » puis « traîtres à la nation ». Dissidences féministes vis-à-vis du pouvoir étatique, avant et après la partition de la Fédération yougoslave, de Chiara Bonfiglioli, publié par Tumultes en 2009, et Femmes en noir, trente ans de défi au nationalisme serbe, de Maria Moreno Guerrero, publié par le site d’information Atalayar le 1er novembre 2021.
[5] Pour le français : traduction de l’anglais vers le français par le site d’information Ritimo. Manifeste en anglais, traduction du russe vers l’anglais par Anastasia Kalk et Jan Surman pour le site d’information Jacobin, auteur·e·s de l’article Russia’s Feminists Are in the Streets Protesting Putin’s War.