Je vous avais annoncé que Moi non plus, je n’irai pas à la Fête des vignerons. L’idée de cet article est née lors d’un souper avec une amie, souper que nous avions accompagné de quelques bons verres de vin. Le lendemain, j’ai pris mon clavier. À midi, je balançais. Sans relecture ni avis externes.
L’article a explosé les records en termes de visites. Bon, en même temps, j’abordais les sujets qui fâchent : écologie, égalité, consommation d’alcool, transmission du patrimoine immatériel, choix stratégiques en fonction des sponsors sollicités…Seul Jésus a été épargné. Mon côté fille de pasteur sûrement. Ou mon insatiable admiration du message et des comportements que les Évangiles ont transmis à son sujet.
Et là…Un miracle a eu lieu
L’article a fait le buzz. Mais je n’étais clairement pas prête. L’article a atterri sur l’écran des journalistes de Forum. Ils avaient besoin « d’une voix critique » pour discuter de « l’effet Federer ». En gros, en Suisse (et parfois ailleurs), notre amour d’un symbole national nous fait perdre (un peu/beaucoup) en lucidité.
La sagesse populaire dit qu’il n’y a que les cons [1] qui ne changent pas d’avis.
Ma première à la FEVI
J’ai donc accepté d’assumer le rôle de trublionne. En plus, le terrain de jeu était installé à côté de l’imposante arène de la FEVI, le public placé autour des cordons du plateau RTS, le match retransmis en direct sur écran géant et télévision.
À côté, Gstaadt fait pâle figure: je ne suis pas sûre que les cloches des supporters soient admises dans le public.
Je vous épargne la retranscription des arguments et autres coups droits. Je vous épargne également le ralenti sur les doubles-fautes d’un certain jeune homme sur ma droite à l’écran.
Voici en deux phrases le résumé du match. Rien de bien nouveau côté attaques et défenses. Résultat: la figurante, la vigneronne-tâcheronne et la trublionne ont fini par faire alliance pour remporter un match sans suspens.
Ma deuxième à la FEVI
Au vu des retours suite à l’article susmentionné, je souhaitais aller voir la FEVI de mes propres yeux. Histoire de confronter, voire conforter, mes arguments. Il me fallait donc rentrer dans l’arène. Seul hic à cette mission de tous les dangers: toujours le même, mon manque d’argent.
Malgré les appels du pied pour que l’on m’offre un billet, je n’ai rien reçu ???. C’était sans compter sur la ténacité de mon amoureux. D’abord, il m’aime. Ensuite, il est Valdo-Fribourgois. Il voulait donc vibrer pour ce qui n’a lieu qu’une fois tous les 25 ans. Il a réussi à dénicher deux billets sur un site de revente très connu et m’a demandé si j’étais partante.
J’ai dit oui. Forcément.
Je suis venue, j’ai vu et j’ai…
…Eté impressionnée
Un peu à l’intérieur. En même temps, je ne suis pas objective : dur de rivaliser avec les 67’000 places du Vélodrome.
Et beaucoup à l’extérieur. Toute la Suisse semblait s’être donnée rendez-vous dans le centre de Vevey ce samedi soir. Problème: nous n’avions pas réservé de restaurants. Quelle folie de vouloir être spontané dans ses loisirs en Suisse, en particulier quand on vise les places to be.
Seul un bar marocain à moitié vide a pu pallier notre manque d’organisation. À défaut de fondue, nous avons savouré deux délicieuses bières et le meilleur kebab du monde. Et à défaut de danse folklorique vaudoise, j’ai échangé une cigarette contre les Amants de Saint-Jean. Nos partenaires de trocs: une chanteuse française accompagnée de son accordéoniste venu des mêmes contrées. Nous ne pouvions que danser. Priceless.
…Chanté
Un peu à l’intérieur. Merci au virage qui a lancé un « c’est à tribord qu’on chante le plus fort ». Merci au nôtre qui a répondu (et a eu le dernier mot).
Bien davantage à l’extérieur. Perso, je n’avais pas la motivation. J’avais déjà fait un festival à Neuch la veille, dormi en mode camping… et je n’ai plus 20 ans ???. Mais, depuis ma place, j’ai entendu les chants de quelques festivaliers bien lancés.
Inutile de préciser que la différence de taux d’alcool dans le sang était plus que significative entre d’une part, les spectateurs du ON qui sont restés 3 heures sans alcool, et d’autre part, les spectateurs du OFF qui étaient bien lancés pour la plupart.
…Vibré
Beaucoup à l’intérieur. Merci la Ola qui a permis d’avoir une magnifique interaction entre les spectateurs. Merci à la poésie de Finzi Pasca et de son épouse, décédée bien trop jeune (R.I.P). Merci aux magnifiques figurants qui se sont investis sans compter. Merci à tous les animaux qui ont bravé leur stress pour nous réjouir de leurs prestations et de leur chouquitude.
Un peu à l’extérieur. La faute aux Neuchâtelois. Voir anecdote susmentionnée. Mais, croyez en mon expérience, je peux vous dire que c’est là que ça se passait!
…Pleuré
Un peu à l’intérieur. Merci au Rang des vaches et aux chorales d’enfants. Bien trop mignon pour mon cœur d’artichaut.
Un peu à l’extérieur. Mes jambes ne me portaient plus pour aller danser une fois le (long) spectacle fini. Voir anec…OK vous avez compris !
…Ris
Beaucoup à l’intérieur. Un exemple parmi d’autre: les cartes. Elles n’avaient clairement pas une chorégraphie facile. Mais les cartes qui ont bu parce que c’est samedi soir et qui doivent assurer jusqu’au bout : grand moment !
Beaucoup à l’extérieur. Oui je sais, un rien me fait rire…En même temps “une journée sans rire est une journée de perdue”.
…Encore beaucoup de questions en suspens
Mes amis plaisantent beaucoup sur mes questions existentielles. De mon côté, j’avoue que ce n’est pas toujours facile à vivre d’avoir des pourquoi style gamine de 3 ans qui découvre la vie.
Laissez-moi vous livrer quelques-unes de celles qui me trottent dans la tête depuis samedi soir. Peut-être pourrez-vous m’aider à y répondre?
Comment les 100 Suisses tiennent encore debout?
Tous les Securitas rencontrés m’ont dit que nombre de figurants étaient joyeux, voire carrément bourrés, ce samedi soir. Un des responsables avec qui j’ai fumé une clope [2] m’a même confié se demander “comment les 100 Suisses tenaient encore debout”.
“Sûrement grâce à leurs pouvoirs de Maîtres Jedi” lui ai-je répondu.
Mais je ne suis pas convaincue que ce soit la bonne réponse.
Je vous épargne le laïus « j’ai payé cher (enfin mon amoureux), c’est pas pour voir des mecs bourrés en costume de Jedi ! Et quelqu’un peut m’expliquer le rapport de l’armée avec le travail de la vigne censé être mis en avant d’après le prospectus de la FEVI ?! ».
Je passe directement à ma prochaine question.
Pourquoi avoir été soooo XXème siècle côté écolo?
Swiss et Nestlé font partie des « partenaires principaux » de la FEVI [3]. Traduction: ils font partie des acteurs privés qui ont fourni le plus gros morceau du camembert.
La sagesse populaire, en plus de m’éviter d’être con (voir début de l’article pour ceux qui ont du mal à suivre), avance que l’argent est le nerf de la guerre.
Le respect de cet adage expliquerait-il pourquoi il n’y a eu quasi-aucune visibilisation de la viticulture biologique au cours de la FEVI ? Et cela alors même que 20% du vin bio Suisse est produit par le canton de Vaud ? Et que le bio ne cesse de progresser dans les ventes de la grande distribution alors même que le secteur du vin est en crise?
La confrérie a-t-elle voulue respecter la sagesse populaire ?
Vous me répondrez que côté écologie, la FEVI était au top côté tri. Je sais maintenant répondre par coeur à la question “combien de litres d’eau dans le lac pollue un mégot?”

Merci à la Ville de Vevey, Summit Foundation et l’Association pour la sauvegarde du Léman qui sont à l’initiative de cette campagne. Et c’est bien connu: tant qu’on trie, on peut consommer la conscience tranquille.
Aura-t-on le courage de freiner un coup sec et donner un coup de volant pour éviter de se prendre un mur?
Avant toute chose, rappelons qu’il y a urgence climatique et que le virage est à prendre MAINTENANT.
Rappelons que Vevey était la place to be cet été pour les décideurs politiques, médias, associations et autres 400’000 spectateurs.
Rappelons que le changement de cap de notre Titanic humanitaire ne peut avoir lieu que si les commandants le décident.
Rappelons que mettre quelques dizaines d’étourneaux et autres vaches sur un plateau LED (le tout magnifique par ailleurs), ne suffit pas pour se rallier à la cause de l’urgence climatique.
Une fois rappelée ces quelques faits, voici ma dernière question (après, promis, j’éteins mon ordinateur). Y a-t-il (eu) une absence de volonté de la part de la Confrérie (et/ou d’autres « partenaires ») de prendre le virage écologique?
Précisons, si tant est que ce soit nécessaire, que ce virage est réclamé depuis des dizaines d’années sur terres vaudoises. Hier, par quelques vignerons traités d’illuminés par leurs voisins. Aujourd’hui, par des milliers de personnes dans la rue. Demain, par nos enfants qui crèveront de chaud chaque été sur la Rivieira.
Notes
[1]Le genre féminin est adopté quand je parle de moi. Pour le reste, le genre masculin est adopté lorsque le neutre n’était pas possible. Ce choix a été fait afin de faciliter la lecture. Cela n’a aucune intention discriminatoire. Pour des raisons d’égalité dans la représentation des deux genres, le genre féminin sera adopté dans le prochain article lorsque le neutre ne sera pas possible.
[2] Oui, je sais c’était interdit de fumer dans l’enceinte de l’arène. Sauf que j’ai été obligée de snaker le système pour avoir ma dose.
[3]Voir la liste officielle de la FEVI.