La Suisse ne souffrira pas du réchauffement climatique

La Suisse se réchauffe plus vite qu’elle ne le devrait. C’est un fait scientifique. Depuis lundi, elles [1] sont 440 grévistes venus de 38 nations pour une semaine d’échanges avec des scientifiques qui disent vouloir mettre leurs savoirs au service de l’humanité. En tête de lice, cette chère Greta Thunberg.

Mais, si les faits démontrent que la Suisse se réchauffe, je vous annonce qu’elle ne souffrira pas.

Je demande donc d’arrêter toute action visant à faire dévier notre Titanic humanitaire de sa trajectoire

Je refuse en effet qu’une partie de la population – hier infime, aujourd’hui fourmillante – consacre son temps, son argent et son énergie pour déranger nos consciences en plein été, période de l’année où on peut enfin prendre son pied en Suisse.

De toute façon, au vu de l’inertie des commandantes de notre embarcation, je suis prête à parier beaucoup de cash que notre Titanic n’arrivera pas à éviter l’iceberg du réchauffement.

Et sachez que je n’en ai cure. J’ai travaillé toute ma vie pour être en première classe sur ce Titanic. Mon but ultime est d’avoir les moyens de réserver un bateau assez confortable et sécurisé pour naviguer seule en cas d’impact???.

Ce n’est pas de ma responsabilité ni de ma faute si certaines personnes n’ont pas assez bien géré leur argent de manière à anticiper tous les risques. Y compris celui de l’iceberg qui nous arrive en pleine figure.

De toute façon, quand j’aurai rejoint mon Yacht, je ne verrai plus ces misérables qui tentent de survivre sur leurs planches en bois. J’amarrerai au premier port venu et décollerai pour rejoindre ma chère patrie.

Je suis d’ailleurs très heureuse que la Suisse se réchauffe…

J’ai grandi à Marseille et suis amoureuse du climat méditerranéen. Dans quelques années, plus besoin de voler jusqu’en Croatie en fin de printemps ou début d’automne pour me dorer la pilule. La Croatie sera en Suisse.

Six mois par année, je pourrai me baigner sur des plages où je me sens en sécurité : le pied ! Ah mais zut ! Comment ferai-je pour les semaines de canicule comme je les ai connues enfant ? À l’époque, je venais me réfugier à Moutier chez mes grands-parents histoire de récupérer de nuits raccourcies par une chaleur étouffante et respirer un air moins pollué.

J’oubliais. Je ne compte pas déménager de Suisse. Donc, j’aurai de l’argent. Je ferai comme je l’ai appris aux Etats-Unis. Je mettrai un climatiseur dans ma maison et achèterai une voiture. Ainsi, je n’aurai pas à vivre les volets fermés toute la journée, ni à marcher sous un soleil de plomb pour prendre mon bus, ni à supporter les odeurs de poubelles moisies par la chaleur.

D’ici là, les entreprises se seront adaptées et j’aurais un bureau climatisé bien agréable. J’aurais peut-être même encore assez d’argent pour servir quelques bières et glaces aux personnes qui travaillent à l’extérieur et qui, puisqu’elles viennent pour la plupart de pays chauds, ne devraient pas souffrir autant que moi.

Et quand il fera vraiment trop chaud, je m’achèterai un billet pour le Grand Nord et prendrai une Villa avec piscine afin de reposer mon corps éprouvé par la chaleur.

…D’ici là, j’aurai la clim et un bateau 

Certes, je regretterai le cycle des saisons. Je l’ai tout particulièrement apprécié en arrivant à Genève en octobre 2003. Cet automne-là, j’ai découvert le concept du stratus. Vous savez, ce brouillard où vous ne voyez pas à cinq mètres. Mais au moins, je n’aurai  plus à subir Madame la Bise qui fouettait mon visage en traversant la plaine de Plainpalais et traversait mon manteau provençal extrêmement mal adapté à la violence de cette dame. Le soleil automnal sera plus radieux et le vin meilleur.

On arrivera à Noël sans neige. Pas de souci : j’achèterai un mini canon à neige pour nourrir ma nostalgie. Et pour le ski, ce n’est pas si grave, j’ai eu beau persévérer, il est encore difficile pour moi de trouver du plaisir à faire la queue au télésiège après ma semaine de travail.

Je me mettrai à la peau de phoque et suivrai les traces des personnes qui auront fait le même choix que moi. Mais pour une autre raison : le manque de neige en basse altitude. On sera de plus en plus nombreuses à aller se ressourcer de plus en plus haut.

Certes, les animaux seront perturbés par ces arrivées massives. Mais bon, nos bêtes ont l’habitude de s’adapter aux être humaines que nous sommes. Elles le font depuis la nuit des temps donc pourquoi changer une équipe qui gagne ?

Les pins, qui auront remplacé nos hêtres et chênes, ajouteront une pointe de vert dans notre paysage hivernal. Puis le printemps arrivera.

 

Je l’attendrai avec moins d’impatience et aurai une joie moins intense à voir éclore les premiers bourgeons. Mais cette source d’émerveillement sera remplacée par mon bonheur de naviguer sur le Léman, une bouteille de Rivella ou Coca-Cola bien fraîche à la main, et les montagnes verdoyantes à l’horizon.

Oui, parce que d’ici là, j’aurais mon propre bateau. J’aime la vitesse alors je le veux rapide. En plus, je travaillerai certainement loin de chez moi et aurai subi les embouteillages toute la semaine. Alors le soir et le weekend, je voudrai évacuer ce stress accumulé et appuyer fort sur les gaz pour m’isoler au milieu du lac. J’ai déjà appris à ne pas jeter mes mégots à l’eau et à ramener ma bouteille PET dans la bonne poubelle. Ma conscience sera tranquille!…

 

Merci de ne pas déranger ma conscience quand je prends soin de moi

Enfin, tranquille…Je serai plus âgée et aurai mes petites habitudes : le téléjournal pendant mon repas. J’aurai quelques petits soubresauts de pitié en voyant mes frères et sœurs marseillais souffrir encore plus durement qu’aujourd’hui. Mon cœur se serrera à l’évocation des gens fuyant l’avancée du désert, la montée des eaux ou la perte de leur habitat amazonien. Je mangerai une bonne glace Smarties ou Ben & Jerry’s pour me consoler.

À ce propos, j’espère que j’aurai encore accès à ces géants de l’agroalimentaire pour me préparer des bons petits plats surgelés. Mais surtout que leurs entreprises continuent à nourrir l’économie suisse, ceci afin d’assurer à moi et mes compatriotes assez de moyens financiers pour faire face sans souffrance au réchauffement climatique.

 

Au pire du pire,  je mettrai mon meilleur des pires pull de Noël pour aller à la plage

Certaines vont me dire que je rêve : jamais je ne connaîtrai le climat méditerranéen en Suisse.  D’autres me diront que j’exagère mais que je n’y suis pour rien. Que c’est la faute à Greta Thunberg qui a lavé mon cerveau.  Une pauvre adolescente paumée qui, telle une Pinocchio des temps modernes, se fait actionner les ficelles par Gepetto. Il tire sur ses connexions neuronales, anime sa bouche et actionne son mégaphone. Dans la peau de Gepetto, vous aurez évidemment reconnu le méchant et cruel GIEC & Cie.

À ces mises en garde, je réponds que je suis de nature optimiste : la Suisse arrivera un jour à la hauteur du sud de la France. Et mon côté pragmatique fait que je prévois toujours un worst-case scenario. Dans le cas qui nous occupe, ce serait apprendre, dans quelques décennies, que toutes ces scientifiques, politiciennes, activistes et autres citoyennes se sont trompées dans leurs calculs ou ont été manipulées par Gepetto & Cie, ou ont paniqué trop vite. Voire les trois à la fois.

Dommage collatéral : nous aurons fait trop d’effort pour dévier la trajectoire de notre Titanic. L’iceberg n’était qu’un glaçon. Gepetto a fini mangé par une baleine.

Traduction de la métaphore : la planète ne se réchauffe pas. La Suisse ne devient pas la Croatie. Pas de souci, je suis prête : je mettrai mon pull préféré pour aller à la plage.

 

PS : c’était ironique 😉

J’espère que le lectorat aura compris le ton ironique de cet article. Je serai évidemment présente ce vendredi à 15 :00 pour aller puiser dans la sagesse et l’énergie des jeunes et contribuer à faire dévier le Titanic de sa trajectoire fort dangereuse, voire meurtrière.

Cet article s’inscrit en effet dans le contexte de la Climate Strike qui aura lieu 9 août 2019 à 15 :00, Place de la Gare à Lausanne. Il s’agit d’une manifestation internationale du climat avec des jeunes grévistes venus de 38 pays d’Europe et de toute la Suisse.

 

Notes

[1] Cet article étant auto-biographique (et étant une femme…), le genre féminin est adopté quand je parle de moi. Pour le reste, le genre féminin est également adopté lorsque le neutre n’était pas possible. Ce choix a été fait afin de faciliter la lecture. Cela n’a aucune intention discriminatoire. Pour des raisons d’égalité dans la représentation des deux genres, le genre masculin sera adopté dans le prochain article lorsque le neutre ne sera pas possible.