Jean-Philippe Bonardi : Nouveau souffle pour HEC Lausanne

Depuis le 1er août dernier, c’est le Professeur Jean-Philippe Bonardi qui tient les rennes des HEC Lausanne, succédant ainsi au Professeur Thomas Von Ungern-Sternberg. Depuis quelques années, la faculté connaît un succès grandissant. Selon le journal HEConomist – journal des étudiants des HEC Lausanne – c’est la branche de l’Université qui connaît la croissance la plus importante avec en moyenne 10% de nouveaux arrivants supplémentaires chaque année. Fort de son expérience en tant que professeur de stratégie au sein de la faculté, Jean-Philippe Bonardi n’a qu’un seul objectif en tête : montrer au monde la vraie valeur de son institution. Comment va-t-il s’y prendre ? Interview avec un homme qui voit les choses en grand.

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JG : Jean-Philippe Bonardi, quelles sont selon vous les plus grandes forces d’HEC Lausanne ? Lesquelles souhaitez-vous mettre en avant pendant votre mandat ?

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JPB : Merci d’abord pour votre invitation. HEC Lausanne a pour moi trois grandes forces. D’abord, ses professeurs. Nous avons une faculté extrêmement innovante et à la pointe dans beaucoup de domaines. Ce qui différencie HEC Lausanne, c’est sa recherche et sa capacité à produire des idées, de nouvelles théories puis de les tester empiriquement. Nous proposons ainsi de nouvelles approches pour penser la globalisation, utiliser au mieux les big data, analyser les guerres, comprendre la grande révolution à venir en matière d’urbanisation, explorer les humanités digitales, anticiper les évolutions du système monétaire international, etc. Nous explorons ensuite comment les entreprises et les individus peuvent répondre à ces grands changements.

Cette recherche de pointe est d’ailleurs reconnue à l’extérieur. En guise d’exemple, notre école est aujourd’hui une des seules en Europe à disposer de plusieurs financements ERC (European Research Council), qui sont parmi les plus prestigieuses pour des chercheurs, ainsi que de nombreux financements du Fonds National Suisse.

La seconde force d’HEC, ce sont ses étudiants. Nous attirons beaucoup des meilleurs étudiants en Suisse et en Europe, mais au-delà de leurs qualités académiques nos étudiants apportent encore beaucoup plus à notre école, notamment par l’intermédiaire de leurs associations qui organisent des événements importants tels que le concours Start, qui contribue à financer un projet entrepreneurial, le Prix Strategis, qui récompense une start-up déjà bien avancée, le Bal HEC, la Coupe de Golf et beaucoup d’autres choses. Ce qui me fascine chez ces étudiants, c’est leur énergie et leur fibre entrepreneuriale. Toutes les associations se sont d’ailleurs regroupées l’an dernier pour créer la semaine de l’entrepreneuriat. Tout cela est une aubaine et crée une dynamique fantastique pour HEC Lausanne.

Enfin, la troisième force d’HEC Lausanne vient de son réseau et la profondeur de ses racines et de ses contacts dans le bassin lémanique et au-delà : entrepreneurs, entreprises, organisations internationales, administrations publiques, think-tanks, organisations à but non-lucratif, etc. Il y a là un gisement extraordinaire sur lequel nous nous appuyons pour nos cours, pour placer au mieux nos étudiants, pour nous conseiller sur notre stratégie, et une foule d’autres choses. Je souhaite d’ailleurs que nous renforcions encore cet aspect car il est extrêmement important pour que notre école continue de se développer et rayonne au sein de son environnement.

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JG : Pourquoi un étudiant étranger viendrait-il étudier dans votre faculté ?

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JPB : Au-delà des cours, programmes et de l’ouverture vers la recherche dont j’ai parlé précédemment, notre école dispose de nombreux atouts pour un étudiant étranger. D’abord, HEC Lausanne fait partie des meilleures écoles en Suisse et en Europe. De ce fait, les plus grandes entreprises recrutent chez nous, et donnent accès pour les bons élèves à des carrières très rapides. Ensuite, le campus est extraordinaire, non seulement par son site naturel mais aussi par la présence des autres facultés de l’Unil, par la proximité de l’EPFL, voire de beaucoup d’autres comme l’Ecole Hôtelière, l’ECAL, etc. HEC Lausanne se trouve au centre d’un hub éducatif extraordinaire, qui offre de fantastiques perspectives en termes d’échanges intellectuels et de vie sociale.

Enfin, HEC Lausanne est aujourd’hui une école très internationale. La plupart de nos programmes de masters, PhD et EMBA sont délivrés en anglais et attirent de nombreux étudiants étrangers. Nous recevons aussi beaucoup d’étudiants en échange, si bien que notre école intègre facilement des étudiants étrangers.

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JG : Aujourd’hui, HEC Lausanne est systématiquement derrière l’Université de Saint-Gall dans les classements internationaux. Comment expliquer ce retard ?

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JPB : Ce que vous appelez du retard ne reflète pas vraiment la réalité du terrain. L’Université de Saint-Gall est évidemment une excellente institution, et nous sommes ravis qu’elle nous accompagne pour former les meilleurs étudiants. Toutefois, Saint-Gall dispose d’une arme que nous n’avons pas : la possibilité d’offrir des masters spécialisés et donc très restrictifs et sélectifs à l’entrée. Ce sont ces masters, par exemple leur Master en ‘Strategy and International Management’, qui comptent relativement peu d’étudiants et qui permettent à ces étudiants de très bien se placer à la sortie. Pour notre part, et du fait de notre appartenance à l’Université de Lausanne, nous effectuons une sélection durant nos programmes, mais pas à l’entrée. Notre Master en Management, qui est classé cette année 21ème dans le classement du Financial Times, compte près de 150 étudiants au départ. Cela rend certes difficile de figurer au plus haut dans les rankings, mais ne nous empêche pas de fournir une éducation de très haute qualité.

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JG : Quels sont les classements qui comptent à vos yeux ? Que faut-il faire pour un jour être en tête de ceux-ci ?

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JPB : Laissez-moi commencer par dire que les classements ne sont pas une obsession pour moi. Ils sont certes importants puisque nos étudiants, professeurs et partenaires les regardent, mais ils sont avant tout aujourd’hui des outils de marketing pour les écoles, et développer une stratégie uniquement pour bien figurer dans ces classements serait extrêmement réducteur et à courte vue. Nous préférons insister sur la qualité de nos programmes et de nos étudiants, développer leurs qualités analytiques, de leadership et d’innovation, renforcer nos relations avec les entreprises, travailler sur l’internationalisation de l’école, etc. : ce sont là des mesures concrètes qui feront monter l’école et construiront notre marque. Les bonnes places dans les classements suivront.

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JG : Quels sont les liens existants aujourd’hui entre l’EPFL et HEC Lausanne ? Comment comptez-vous profiter des opportunités de collaboration que la proximité des deux institutions représente ?

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JPB : Nos liens avec notre voisin de campus sont nombreux, et l’attitude est à l’entraide plus qu’à la concurrence. Notre département de finance et le leur partagent les mêmes locaux, un séminaire commun et un programme doctoral. Les départements de management assistent aussi souvent aux séminaires les uns des autres, et une grande partie des cours de EMBA des deux institutions sont offerts en commun et coordonnés par nos soins. Nous enseignons aussi à l’EPFL dans le contexte du programme SHS. Cette attitude d’entraide fait la beauté du système Suisse. Le développement de l’EPFL est une bonne chose pour HEC ; pas l’inverse.

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JG : La plupart des grandes écoles et institutions d’Economie, de Management ou de Business sont indépendantes de leurs Universités. Est-ce un scénario envisageable au sein de l’Université de Lausanne ?

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JPB : Ce scenario n’est pas à l’ordre du jour pour HEC Lausanne aujourd’hui. Notre modèle est fondé sur un financement public, et tant que ce financement permettra notre développement, nous aurions beaucoup à perdre à chercher l’indépendance. Pour vous donner un exemple, je discutais récemment avec deux collègues doyens de grandes business schools américaines. Quand je leur demandai combien de temps ils consacraient aux activités de fund raising, leur réponse (indépendante) fut très proche : environ 75% de leur temps… En d’autres termes, chercher des fonds est la tâche la plus importante à laquelle ils s’attèlent, et de loin. Beaucoup des autres dimensions qui font qu’une école est de haut niveau, notamment la recherche et les programmes, passent donc au second plan. Ce n’est clairement pas ce que je souhaite aujourd’hui, ni pour notre école … ni pour moi en tant que doyen !

Obtenir des financements privés venant de l’industrie et de l’économie est certes intéressant pour une école comme la nôtre car elle renforce nos liens avec notre objet de recherche et d’enseignement, nous offre de la visibilité et quelques moyens additionnels. Toutefois, il ne faudrait pas que cela devienne un esclavage qui nous contraindrait plus qu’il nous aiderait.

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JG : Comment voyez-vous HEC Lausanne dans cinq ans ?

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JPB : Notre ambition est claire. Elle est de faire d’HEC Lausanne une des meilleures écoles d’économie et de management en Europe. D’excellents chercheurs et enseignants, de très bons étudiants, un réseau d’anciens élèves forts, un campus magnifique au cœur d’un hub éducatif : nous avons tout ici pour atteindre nos objectifs. Il nous reste maintenant à renforcer encore nos programmes, mieux diffuser les résultats et l’impact de notre recherche, développer nos partenariats internationaux et renforcer nos relations avec les entreprises et notre formation continue. Du pain sur la planche, donc, mais aussi des défis fascinants à relever.

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JG: Jean-Philippe Bonardi merci pour votre temps, nous vous souhaitons bonne chance pour le palpitant mandat qui vous attend. 

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Julien Grange

Julien Grange a fait ses études d’économie entre HEC Lausanne et la Stern School of Business de NYU, New York. Il vit aujourd’hui à Londres et travaille pour une entreprise active dans le développement et le financement de projets immobiliers en Europe. Il se passionne pour le devenir du monde et celui de ses habitants. En tête de sa liste pour le Père Noël chaque année : une boule de crystal. Elle n'est pas encore arrivée, mais elle ne saurait tarder.

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