Les catastrophes du Futur

Le GIEC nous alerte cette semaine sur l’urgence de juguler le réchauffement climatique.  Nous savons déjà que les catastrophes s’amplifieront dans les années à venir. Les réductions d’émissions porteront leurs fruits autour de 2050. Si elles restent incontrôlées, les catastrophes s’aggraveront encore.

Les auteurs du GIEC expliquent que les années le plus chaudes vécues jusqu’à maintenant, avec 39,1°C à Genève et la sécheresse de l’été 2022 seront les plus fraiches dans une génération (Otto).  La plupart seront plus chaudes, dangereusement chaudes, avec des canicules à bien plus de quarante degrés.

Une  étude récente s’est penchée sur les inondations du Futur. Elle a examiné les risques pour cinq cent lieux dans le monde, avec les particularités de leurs protection contre la montée du niveau de la mer.

Il s’avère que d’ici trente ans,  la probabilité d’inondation sera dix fois plus grande dans de nombreuses régions du monde.  Elle dépend en partie des aménagements existants, et les risques escaladent le plus rapidement en Amérique centrale, en Europe du Sud, en Afrique du Sud, et en Asie et en Australie.

Cependant, toutes les côtes sont menacées. Les aménagements côtiers actuels seront débordés dix fois plus plus souvent dans trente ans dans 26%-32% des zones étudiées, et certains endroits seront exposés aux flots chaque année.

L’étude prend l’exemple d’une ville hollandaise, Den Helder, qui est protégée  jusqu’au niveau d’inondations millénales.  Elle est entourée de barrières  qui ne seraient dépassées que tous les mille ans, et donc en théorie, elle serait inondée une fois par millier d’années.   

A mesure que les températures monteront, elle courra ce risque tous les dix ans. Elle pourrait être fréquemment submergée en 2116 ou même en 2067 (communiqué Université d’Utrecht).

Cette estimation permet bien sûr de mettre en place des protections et de prévoir des évacuations éventuelles.  Les barrages hollandais peuvent être surélevés, mais dans d’autres pays, des villes plus exposées ne pourront pas  se préparer.

Le coût de l’inondation des côtes de la Planète est estimé par Yale Climate Connection à environ dix trillions (mille millards) de dollars pour une montée du niveau de la mer inférieure à un mètre (blog, Yale).

Les dommages que subiront les côtes africaines sont évaluées par leur modeste valeur actuelle du marché, mais  les villes et les zones agricoles situées au bord de la mer sont très importantes pour leurs habitants et pour la production alimentaire mondiale.  La montée du niveau de la mer menace la moitié des terres cultivées, alors il faudrait tenir compte de la valeur que prendront les terres que nous pouvons sauver lorsqu’elles deviendront essentielles pour nourrir l’Humanité.  Une estimation suggère que les coûts des catastrophes seraient d’1.5 à 4 fois supérieurs aux mesures de prévention (lien IIASA). Le changement climatique affecterait presque tous les éléments de la vie sur Terre, toutes les possessions et les activités humaines et les estimations sont souvent partielles.

Si nous ne réduisons pas rapidement les émissions de carbone, comme le GIEC le demande,  la Suisse subira des canicules mortelles et les côtes du monde seront progressivement inondées à coups d’immenses tempêtes.

 

 

 

 

Yale Climate Connection sur les événements extrêmes et les catastrophes mondiales futures

Un nouvel article de Yale Climate Connection se penche sur les événements extrêmes présents et futurs (lien).

Ils notent l’augmentation d’événements extrêmes et les raisons de leur aggravation rapide récente. Ils relèvent que la combinaison de plus d’énergie thermique et d’une circulation atmosphérique perturbée a rendu les événements météorologiques extrêmes plus fréquents et plus intenses. Les tempêtes bénéficient de plus d’énergie et de plus d’humidité qui entraîne des pluies plus fortes.

Ils notent que les épisodes de chaleur accablante qui devraient se produire une fois tous les 1 000 ans (une probabilité de 0,1 % au cours d’une année donnée) se produisent maintenant une fois tous les 20 ans.

L’Arctique s’est réchauffée de quelques degrés et cela modifie le courant-jet. Il forme des méandres qui provoquent une amplification quasi-résonante des phénomènes extrêmes.

La déforestation et les émissions de particules par l’Homme pourraient aussi jouer un rôle dans l’intensification de vagues de chaleur.

Ils relèvent aussi que les tornades se forment plus au nord, à des périodes de l’année plus précoces, et que les épisodes sont plus abondantes. J’avais rapporté une étude de l’évolution du nombre de tornades qui montrait une très forte augmentation.

Yale Climate Connection note que nous devons anticiper et nous préparer à une augmentation significative des conditions météorologiques extrêmes dans les années à venir.

D’autre part, ils citent un rapport de l’ONU qui a révélé une augmentation des du risque d’événements extrêmes rares par le changement climatique.  Il s’agit de catastrophes mondiales mortelles pour plus de 10 millions de personnes ou destructrices au point de causer de 10 trillions de dollars de dégâts (10 000 milliards), qui constituent une menace d’effondrement total de la société.

Leur article de juillet 2022 (lien) discute ces risques globaux catastrophiques (GRC). Le changement climatique augmente les risques de plusieurs de ces événements. Ils parlent de cinq  types de risque:

1: La sécheresse:

L’événement  catastrophique mondial le plus grave associé au changement climatique pourrait bien être une famine massive causée par des sécheresses extrêmes ou des inondations frappant simultanément plusieurs grands « greniers à blé » producteurs de céréales. Un tel événement pourrait entraîner d’importantes flambées des prix des denrées alimentaires, un choc du système alimentaire, et entraîner la famine massive, la guerre et une grave récession économique mondiale. Cet événement est déjà possible, et l’assurance Lloyds estime qu’il a 14% de chances de se produire dans les trente ans. Je dirais que ce risque est même plus élevé.

2: La guerre:

Historiquement, les famines et l’insécurité alimentaire ont souvent mené à des guerres.  Aujourd’hui, la guerre pourrait être nucléaire et un conflit ‘local’ Inde – Pakistan  pourrait entraîner un hiver nucléaire et 2 milliards de morts.

3: Montée du niveau de la mer

La montée du niveau de la mer aurait des conséquences très importantes sur le monde entier. Selon Yale Climate connection, dans un scénario de réchauffement modéré,  des biens d’une valeur de 7-12 trillions de dollars (7’000-12’000 milliards de dollars), notamment des villes et des zones agricoles,  seraient menacés sur les côtes.  Leur calcul s’appuie sur une estimation des inondations côtières de Kirezci, basée sur le 5ième rapport du GIEC de 2013.  Celui -ci estimait que dans un cas de réchauffement modéré, le niveau de la mer monterait de 28 à 82 centimètres. Les observations des dix dernières années montrent plusieurs signes inquiétants de fonte du Groenland et des glaces Antarctiques. Le sixième rapport du GIEC, établi d’après des données d’il y a environ cinq ans,  contient une estimation de montée du niveau plus élevée. Les observations récentes sont encore plus inquiétantes. L’effondrement de l’Antarctique-Ouest que je discutais dans mon livre en 2016 est un risque réel et pourrait mener à une montée du niveau de la mer de plusieurs mètres. Le climatologue Michael Mann ainsi que d’autres déclaraient récemment que ce risque avait été sous-estimé (lien, lien), il pourrait se réaliser au cours de la prochaine dizaine d’années. Une montée du niveau de la mer de plusieurs mètres suivrait probablement au cours du 21ième siècle, et ses conséquences seraient beaucoup, plusieurs fois plus importantes que les prévisions actuelles.

4: Pandémie

Ils mentionnent le risque que les animaux sauvages privés d’habitat se rapprochent des populations humaines et transmettent de virus. Le changement climatique comporte aussi un risque de nouveaux pathogènes ou de réveil d’anciennes maladies. Ils relèvent enfin que les mouvements humains sont un facteur d’épidémie.  La circulation de microbes dans l’Humanité est vraiment extrêmement rapide par rapport au passé: un jour à Pékin, le lendemain à Heathrow Londres, et le surlendemain dans toutes les capitales du monde.

5: Arrêt de la circulation océanique:

L’augmentation des précipitations et de l’eau de fonte des glaciers pourrait ralentir ou même arrêter la circulation méridienne de renversement de l’Atlantique (AMOC).  Ce système de courants océaniques transporte l’eau chaude et salée des tropiques vers l’Atlantique Nord et envoie de l’eau froide vers le sud le long du fond de l’océan. L’augmentation des précipitations et de l’eau de fonte des glaciers due au réchauffement climatique pourrait déverser dans l’Atlantique Nord d’assez d’eau douce pour ralentir ou même arrêter la circulation océanique de l’Atlantique (AMOC). La conséquence citée, depuis longtemps, est un refroidissement de l’Europe. Il me semble que cet événement est en cours, la circulation océanique donne des signes de ralentissement  mais le changement pourrait être graduel,  sur des décennies, et pourrait surtout apporter des canicules extrêmes en Afrique. Ce phénomène ne se produirait pas seul. En Europe, la météo est modifiée par plusieurs facteurs, tels que le réchauffement global, les changements du courant-jet, le réchauffement de l’Arctique, qui nous amènent des fortes précipitations, et elle pourrait évoluer dune façon différente.

 

Vagues de chaleur à plus de 50°C chaque année aux Etats-Unis?

Une autre analyse statistique se penche sur l’incroyable vague de chaleur survenue en 2021 à Lytton, en Colombie Britannique.  Les températures y ont atteint 49.7°C (le Temps), record absolu du Canada,  plus de vingt degrés au-dessus des moyennes habituelles.

Les auteurs déclarent en préambule qu’il est généralement reconnu que le réchauffement climatique augmentera considérablement l’intensité, la durée et la fréquence des vagues de chaleur dans de nombreuses régions du monde. Cette information vient du GIEC.

Une telle chaleur aurait été impossible sans les changements climatiques causés par l’Homme (le Temps), elle devient par contre de plus en plus probable à mesure que les températures montent.

Ils se concentrent sur la région Ouest de l’Amérique du Nord et estiment les risques qu’une telle canicule s’y reproduise. Ils ont analysé les résultats de modèles climatiques pour cette région.

Si rien n’est fait pour freiner le réchauffement (si les émissions de CO2 suivent le scénario business-as-usual, sans réductions), un tel événement extrême deviendra un fait courant dans la plupart des régions de l’ouest de l’Amérique du Nord.

Si le réchauffement mondial atteint le seuil de 4°C en 2100, la température dépassera les 49,7°C,  pour ainsi dire 50°C, dans 75% du territoire  étudié, qui couvre environ la moitié des Etats-Unis.

Une grande partie de ce pays sera chaque année exposée à des chaleurs étouffantes, et la majorité de sa population serait en grave danger à cause de ces températures. La production agricole sera compromise.

La chaleur montera de toutes part,  une chape épaisse recouvrira le pays, plus de cent millions de personnes y seront exposées simultanément… Il deviendrait impossible de fuir, il ne resterait qu’à se terrer dans des caves, des garages, des abris en sous-sol.

La climatisation deviendrait une nécessité vitale,  mais elle sera menacée par des coupures de courant. La canicule comporte bien d’autres dangers. La vague de chaleur de 2021 provoqué des grands feux, la ville de Lytton a brûlé. En 2022 l’Angleterre a atteint 40°C, très inhabituel pour ce pays, et des nombreux feux s’y sont aussi déclarés.  Ces risques semblent associés. 

Températures maximales en cas de réchauffement global faible (haut), modéré  (milieu) ou fort (bas), à différentes dates. Le petit chiffre en haut à droite  du graphique indique la proportion du territoire qui dépasserait les 49.7°C chaque année. Dong et al, Earths Future, 2023

Les climatologues prévoient que la température dépasserait 50°C chaque année. La variabilité de la météo signifie que certaines années, elle montera de quelques degrés plus haut. La chaleur serait réellement mortelle. 

Ce risque n’est pas du tout limité à l’Amérique du Nord. Une autre étude établissait que l’Est de la France, notamment la Bourgogne et les régions environnantes, atteindrait alors des températures similaires.

Les chercheurs notent que la vague de chaleur de Colombie britannique avait certaines particularités. Récemment, il a été établi que la chaleur a atteint un tel niveau parce que la canicule s’est prolongée et que les sols secs ont amplifié le phénomène, habituellement modéré par l’évaporation de l’eau. D’autre part, les ondulations du courant-jet ont apporté de l’air tropical loin vers le Nord et provoqué la stagnation du dôme de chaleur.

L’étude que je rapporte ici a considéré qu’une telle conjonction d’événements ne se reproduirait pas. Il me semble au contraire que nous pouvons nous y attendre à l’avenir.

Je me suis demandée si je n’exagère pas. Encore une fois, je présente une étude qui annonce des événements très graves en l’absence de réduction d’émissions de carbone, et je la trouve trop modérée.

Voici mon raisonnement: Je crois qu’il est assez évident qu’une vague de chaleur prolongée amène la sécheresse.

D’autre part, les ondulations du courant-jet qui amènent l’air chaud au Nord et provoquent sa stagnation sont plus fréquentes et plus prononcées à cause du réchauffement arctique.  Vont-elles s’aggraver encore?

J’ai trouvé aujourd’hui une étude récente,  effectuée entre autres par Michael Mann et Stefan Rahmstorf. Ils montrent que ce type de phénomènes de stagnation de chaleur au Nord, qui ont causé des événements extrêmes dévastateurs en été, y compris la vague de chaleur européenne de 2003, deviendront plus probables,  plus fréquents à cause du réchauffement anthropique (Mann et al). 

L’analyse des prévisions des modèles climatiques suggère donc qu’à 4°C de réchauffement, les trois-quarts de la région étudiée atteindront les 50°C chaque année.   Ils n’ont pas inclus le risque de variations du courant-jet et de stagnation de chaleur au Nord, mais selon l’étude de Michael Mann, celui-ci augmentera aussi.

Sans lancer de chiffre de températures encore plus effroyable, il apparaît clairement que le danger serait énorme, très étendu et concernerait une grande population, plus de cent millions de personnes. Dans le cas d’un réchauffement plus modéré, une telle canicule pourrait encore se produire, mais pas chaque année.   Bien sûr, des solutions sont mises en oeuvre pour éviter une telle fournaise, et nous devons absolument réduire ce risque autant que possible.

Addendum le 27 mars 2023: Une étude dendrochronologique réalisée sur des arbres millénaires montrant que les températures de l’été 2021 étaient les plus élevées jamais observées dans la région. https://phys.org/news/2023-03-plus-years-tree-historic-extremity.html

Image de couverture par Reimund Bertrams de Pixabay

Risques climatiques: Understanding Risk UR22

J’ai participé à la conférence  Understanding Risk’. La conférence suivait un concept nouveau, décentralisée sur trois continents, en Npuvelle-Zélande, Europe et Amérique du Sud. Ce concept semble très utile . D’une part il évite les vols longs-courriers, d’autre part il a permis de tenir la conférence jour et nuit dans les différents fuseaux horaires, ce qui bien sûr prive les participants du droit au repos. De plus, le site principal de la conférence,  Florianopolis au Brésil, a subi des graves inondations. Je suis sûre que ce concept sera très utile à l’avenir, car la conférence aurait pu continuer aux deux autres sites. Les visiteurs présents ont certainement acquis une précieuse expérience des inondations, j’espère qu’ils ont pu bien voir les problèmes.

Certains ont souligné que pour prévoir les risques, il faut faire une liste des biens existants, puis des dangers qui les menacent. Malheureusement, les risques liés au réchauffement climatique ont été sous-estimés par rapport aux événements réels de dernières années. Si  le calcul se base sur valeur des bâtiments et des infrastructures, les risques que courent les pays pauvres semblent petits. De nombreux bâtiments, parfois tous,  sont menacés, mais ont peu de valeur.

Une représentante de la Dominique dit que l’idéal serait de construire des maisons sûres, aux bons endroits, où les habitants pourraient être en sécurité en cas d’ouragan, et d’éviter les évacuations. Construire des bâtiments résistants constitue un gain très réel. Cela s’avère malheureusement difficile, il semble y avoir peu de zones sûres à la Dominique, toute l’île est menacée de catastrophes.  

L’intelligence artificielle semble améliorer les predictions de risque.  Divers solutions naturelles ou techniques ont été évoquées, la protection contre les vagues des ouragans, sous forme de mangroves, de murs en escalier, de récifs coralliens qui réduisent les vagues et leurs effets. Je crains que la montée de la mer ne dépasse ses défenses dans la deuxième moitié  du siècle. Je n’ai rien entendu sur les risques et la protection des ports maritimes. 

D’autres intervenants ont parlé de parcs urbains qui contiendraient les inondations, et rafraîchiraient les villes. 

Des nombreuses fermes urbaines où les légumes sont cultivés dans des bâtiments, parfois en plusieurs étages, sont en développement. L’idée est que l’immeuble, ou l’école, la résidence de personnes âgées cultivent leurs propres légumes.  Ce sera très utile si les rues sont inondées. 

Une étude récente montre aussi que le risque d’attaque, d’AVC, augmente à chaque degré se réchauffement climatique.

Une prise de conscience des risques de catastrophes telles que les vagues de chaleur et les glissements de terrain semble s’opérer. Elle est visible par une augmentation d’investissements dans les aménagements préventifs. 

Des nombreux systèmes d’alertes par téléphone portable sont en développement.  Des recherches sur l’étendue et les limites des feux de forêt ont été évoquées, notamment l’Australie a eu de graves problèmes, les feux ont seulement pu être arrêtés aux portes de Sydney.  Les études de risques ont besoin de grandes quantités de données, n’hésitez pas à mettre des données à disposition.

L’aspect psychologique a aussi été évoqué. Apparemment, les gens réagissent surtout aux risques qu’ils comprennent bien, et aux risques immédiats, proches. C’est pour la compréhension que je mets tellement les points sur les ‘i’. D’autre part, le public refuse parfois d’agir par respect des traditions.  La connaissance des barrières pourrait permettre une prévention plus efficace.

J’ajoute encore quelques éléments scientifiques que j’ai relevé dans les conférences de la COP: – La capture de carbone chimique est faisable, opérationnelle, et attend seulement les investissements.

Une autre conférence  de la COP27 “Evénements lents et irréversibles” montrait surtout que la mer monterait beaucoup plus  à 3°C de réchauffement qu’à 1.5°C. A la fin de la conférence une femme, s’est présentée comme membre de l’IPCC, donc professeure d’université de climatologie.   Elle est intervenue en demandant : Comment pouvez-vous taire que ces calculs sont très incertains et que les risques pourraient être bien plus graves?  Ce problème a des conséquences sur une grande partie de calculs de risque, qui pourraient bien être encore très sous-estimés. Le climatologue Johan Rockström disait récemment qu’il ne sait pas vraiment quel serait le climat à +3°C.  La Terre pourrait énormément changer.

L’avenir du blé – un monde sans pain?

Le blé est la base de notre alimentation.   Il est malheureusement sensible aux conditions météorologiques. La sécheresse, le stress thermique et l’excès d’eau diminuent son rendement.  Ces extrêmes peuvent entraîner d’importantes pertes de rendement et donc avoir de graves impacts socio-économiques, en particulier lorsqu’ils se produisent dans davantage de régions productrices dans un intervalle de temps relativement court.

Le blé est notamment très sensible à la chaleur au printemps. Une vague de chaleur qui survient tôt a des effets très néfastes sur la production des grains de blé, et le réchauffement climatique provoque justement des tels dérèglements météorologiques.

Il amène aussi des ‘compound  events’ (événements composés?), par exemple des chaleurs et une sécheresse extrême simultanées.  Ces événements sont d’ailleurs liés, la canicule cause des sécheresses et un sol sec amplifie la chaleur, que l’évaporation tempère habituellement.

Ils semblent survenir aussi la même année dans plusieurs pays, par exemple en Australie et en Europe. Certaines années réduisent les rendements au niveau mondial (publication), notamment les années la Nina.  Mais l’effet du climat va croissant. Cette année a  apporté à  l’Europe  la pire sécheresse depuis 500 ans, et a réduit sa production agricole.

La culture de blé a subi des aléas météorologiques en Argentine, ou le transport aussi été affecté par l’assèchement du Rio de la Plata et dans l’Ouest américain, qui s’aridifie durablement (lien).  Les vagues de chaleur précoces ont réduit les rendements de blé en Inde (lien).

L’agriculture s’adapte déjà en décalant la culture de blé plus au Nord, ou plus en altitude.

Les effets du climat se feront sentir de plus en plus, sur toute la Planète. Vers le milieu du 21ième siècle, la culture du blé en Afrique pourrait être compromise.  L’Europe, la Russe et les Etats-Unis seront probablement fortement touchés. Les études récentes suggèrent que le climat affectera à l’avenir la production de blé en Grande Bretagne et en Australie.  Le rendement mondial pourrait être réduit de plus de la  moitié (Reuters). Nous devons nous préparer à des chocs sans précédent. Le blé pourrait succomber au réchauffement climatique.

 

 

 

Les principaux risques environnementaux se trouvent au Brésil et en Russie

J’ai jeté un coup d’oeil sur le rapport Mapplecroft de cet été, portant sur les risques environnementaux  et sur celui de cet automne,  centré sur l’agriculture. Ils estiment les risques environnementaux pour les investissements financiers dans différents pays. Je suppose que leurs données viennent du rapport du GIEC,  et comme les catastrophes climatiques dépassent plutôt les prévisions (feux d’Australie, coûts,  fonte de la glace Arctique et du permafrost, vagues de chaleur), les conséquences pourraient être plus importantes qu’ils ne les décrivent.   L’index d’évaluation inclut l’exposition au changement climatique, la déforestation, le stress hydrique, les lois de protection de l’environnement, ainsi que d’autres, tels que la gouvernance et les droits de l’Homme.

Cette analyse montre que le monde n’est pas assez préparé aux effets en cascade du changement climatique.  La plupart des pays tentent de se prémunir contre les aléas physiques mais les conséquences économiques de celles-ci ne sont pas étudiées, faute de crédits.  Les pays dont l’économie est dominée par l’agriculture sont considérés comme particulièrement exposés.  Il s’agit en particulier du Brésil, avec la culture du café, de la canne à  sucre, du boeuf et du soja (pour l’alimentation du bétail). Le Brésil est touché par le changement climatique, les sécheresses et les inondations, et sa production agricole future est compromise. 

Une des conclusions principales est que la guerre en Ukraine a des graves conséquences sur le marché de l’énergie et des matières premières. En conséquence,  l’Asie se réfugie dans les énergies fossiles. Les minéraux et métaux achetés jusqu’à maintenant en Russie,  notamment le cuivre ou la potasse, devront être trouvés ailleurs.

Je crois que tout cela pourrait facilement être résolu par une meilleure organisation de l’économie. Nous pourrions éviter de jeter des objets en métal ou contenant de minéraux rares. Les engrais chimiques contenant de la potasse pourraient être remplacés par des solutions naturelles.  La production d’engrais azotés pose déjà de nombreux problèmes. Elle est aujourd’hui très importante. La culture des plantes n’en absorbe que la moitié et l’excédent crée une importante pollution. Il contamine les eaux potables et les écosystèmes aquatiques, dont il entraîne l’acidification et l’eutrophication, c’est à dire la formation de zones mortes dépourvues d’oxygène, mortelles pour les poissons.  L’excès de nitrates dans l’alimentation, notamment dans les salades et les épinards peut causer des modifications de l’hémoglobine nocives pour la santé, notamment des nourrissons. Le taux de nitrates dans l’alimentation, en particulier celle des bébés, est régulé mais me souviens d’une émission de la télévision suisse, qui montrait qu’il y en a souvent trop dans les salades, et je consomme souvent des salades bio pour éviter ce problème (article_nitrates1 , article nitrates2). Les particules fines de nitrates dans l’air sont liées à une mortalité accrue, notamment de maladies cardio-vasculaires et respiratoires (étude). La production d’engrais azotés consomme énormément d’énergie, ce qui devient cher aujourd’hui, et a récemment provoqué une immense explosion d’un entrepôt à Beyrouth, qui a causé une centaine de décès.  Ces engrais peuvent par exemple être remplacés par des semis de plantes légumineuses entre les cultures. Celles-ci captent l’azote de l’air comme la fabrication d’engrais chimiques, sans pollution. 

Le passage aux énergies renouvelables pourrait avoir de nombreuses conséquences. Notamment, les panneaux solaires sont fabriqués à 70% en Chine, qui est aussi la source de 60% de minéraux rares, et que cela renforce le pouvoir politique de ce pays.  Ces changements politiques devraient surtout décourager les investissements dans les énergies fossiles.

Le rapport Mapplecroft sur l’agriculture montre que le changement climatique est un grave risque dans ce domaine.   En 2045, le changement climatique sera un risque extrême pour le Brésil, l’Inde, mais aussi pour le sud-est des Etats-Unis et de la Chine. Sept pays européens, dont l’Italie, verront une forte augmentation des risques pour l’agriculture, et tout cela pourrait aussi être sous-estimé. 

Je salue la prise de conscience des conséquences du changement climatique, et l’observation sur les risques en cascade. Ils sous-estiment certainement les effets climatiques, notamment ceux des inondations.  Je remarque dans ce rapport que les principaux risques financiers à court terme sont le Brésil et la Russie.  Il me saute au yeux que cette insécurité est due à des leaders malintentionnés. Je trouve personnellement qu’ils représentent aussi les principaux risques pour la Planète à plus long terme. Bolsonaro, par la déforestation de l’Amazonie (radiofrance), pourrait dérégler sérieusement le climat mondial et créer des problèmes alimentaires pour la Planète entière. De nouvelles élections se sont déroulées au Brésil hier, et le dernier compte rendu préliminaire que je vois sur Facebook donne Lula gagnant, alors cette menace planétaire pourrait disparaître bientôt (CNN vers minuit). Non, maintenant le Monde rapporte un avantage pour Bolsonaro au premier tour !!!

La Russie représente une menace environnementale plus grave encore. Elle agitée spectre de la bombe nucléaire, qui créerait d’immenses dommages. 

Les principaux problèmes semblent dus à une mauvaise gouvernance.  Cela donne une petite idée du potentiel de solutions qui pourraient être réalisées avec de la bonne volonté et des  décisions éclairées.

 

Architecture des catastrophes

Le Futur apportera de nombreux événements extrêmes

Le Forum des 100 du Temps présentait plusieurs beaux projets de villes durables et écologiques.. Les nouveaux quartiers auront des maisons à excellent bilan énergétique, des potagers, des commerces de proximité.  Certains de ces projets étaient en discussion depuis vingt ans, et se réaliseront maintenant, dans les années 2020 (articles du Temps).   

Or aujourd’hui, un déluge s’abat chaque jour sur une ville sur Terre. Le réchauffement climatique provoque des pluies de plus en plus intenses, souvent très localisées. La ville de Londres subit maintenant des inondations toutes les quelques semaines ou quelques mois.  Elles touchent souvent un seul quartier (lien BBC).  

Le climat apporte chaque jour de nouveaux événements: cet été de nombreuses chutes de grêle en Europe,   plusieurs tornades,  et un vent fort qui a causé des dégâts  à Zurich. 

Dans d’autres pays, des catastrophes météorologiques plus fortes se produisent. Comme le président du GIEC l’a confirmé en 2020, elles dépassent largement les prévisions, certains événements atteignent déjà le niveau prévu pour 2100.  Nous avons que le climat s’aggravera, alors ces événements  pourraient survenir chez nous dans les prochaines décennies. 

Les vents violents arrachent des toits d’immeubles en Russie. Ils se détachent par plaques entières de dizaines de mètres.  Des tornades ont touché cet été les mégapoles chinoises à quelques reprises au moins.  Les vents cassent les grues et les échauffaudages, les panneaux de signalisation, les arbres, et promènent les voitures comme des ballons.    Les inondations interrompent le traffic, détruisent les stocks et la machinerie en en sous-sol, et sapent les fondations de bâtiments.  Les glissements de terrain, en augmentation dans l’Himalaya, emportent les routes et les maisons.

L’année dernière, le vent de Derecho dans l’Iowa a brisé des milliers d’arbres et de poteaux électriques et bloqué des routes pendant plusieurs jours, laissant la population sans aide ni ravitaillement à 40 °C. Cet été, un vent fort a causé des dégâts à Zurich, il y a deux ans à Genève. En Chine, les vents ont rendu impossible la marche dans les rues à plusieurs reprises cet été. Si cela augmente, les dégâts deviendront importants. Plusieurs mégapoles ont essuyé des tornades. La grêle cause d’énormes dégâts et les tornades sont extrêmement destructrices.

La chaleur tue très vite, en un jour.

Ces problèmes restent largement ignorés même si certains écoquartiers comportent des grandes bouches d’évacuation d’eau.  

L’étendue et l’ampleur exactes dépendront de l’application des solutions et ne sont pas encore connues Il est difficile d’anticiper l’avenir entre le scénario du GIEC, les risques de réchauffement abrupt plus rapide, la possibilité de géo-ingénierie longuement évoquée dans le dernier rapport du GIEC, et l’intervention de plusieurs volcans, qui pourraient limiter le réchauffement en 2021 et 2022, mais n’entreront probablement pas en éruption chaque année. 

Des changements brusques et graves du climat sont vraiment possibles Les tempêtes pourraient devenir très différentes, en particulier s’il y a un saut soudain de la température de la Terre de 1°C par an, ce qui est possible  lors d’une année El Niño, au cours de cette décennie, ou un peu plus tard, à cause d’émissions explosives de méthane, de la mort de l’Amazonie, etc.

Will Stephen (auteur de cet article important sur les points de basculement) a déclaré dans une interview en mai : » Les trajectoires de températures sont lisses car les modèles ont des problèmes à gérer les discontinuités à grande échelle, les changements brusques. Ils (les points de bascule)  sont des risques extrêmement importants. Je dirais que vous ne pouvez pas les classer dans la catégorie des risques à faible probabilité d’impact élevé, je dirais qu’ils sont des risques à probabilité raisonnable d’impact élevé ». Il parle d’événements très graves, mais peut-être éloignés dans le temps. Cela dit, le Futur est très incertain.

Adaptation aux catastrophes

Aujourd’hui, j’habite dans une maison villageoise vieille de plusieurs siècles.  Face au climat, pouvons-nous encore espérer construire quelque chose qui tiendra aussi longtemps? Pouvons-nous construire des bâtiments qui tiendront cent ans?

Nous devons être très prudents dans les constructions et les infrastructures futures. Nous avons besoin d’une architecture et d’un urbanisme de catastrophes, pour un monde d’ouragans et de décombres.

Nos rues se transformeront de plus en plus souvent en rivières.  Faut- il créer des promenades au 2ième ou 3ième étage des immeubles pour les éviter? Les fondations sont sapées par les inondations, elles devraient être revues et planifiées dorénavant en vu de cet avenir. Un article récent appelle à repenser la résilience (phys). La durabilité doit aussi être considérée dans le sens premier du terme.   Je ne veux surtout pas remplacer les éco-quartiers par des bunkers, la qualité de vie est importante, et la verdure et la communication l’améliorent beaucoup. Cependant, je crois que  nous devons arrêter toutes les constructions fragiles, ou  prévues dans des zones à risque.

Les projets de constructions pourraient aussi être analysés pour leur résistance aux tornades, aux inondations d’un, deux ou cinq mètres, aux ouragans, aux grêles, et les plus résistants auraient la priorité. Ou une autre solution, plus judicieuse, serait peut-être un moratoire quasi-total sur les constructions, jusqu’à ce que des chiffres plus précis sur le événements extrêmes soient disponibles dans cinq ou dix ans.

L’EPFL  devrait  enseigner à tous les ingénieurs et architectes les événements météorologiques extrêmes, la météo du futur, des vingt ou de cent prochaines années.   C’est très difficile parce que les chiffres corrects n’existent pas encore. Il y a au moins trois façons de prévoir ces événements. Une consiste à analyser en détail les résultats de modèles climatiques et y relever les événements   extrêmes possibles. Les climatologues demandent un centre de la taille du CERN pour étudier les catastrophes possibles qui apparaissent dans les modèles climatiques. L’équipe de Sonia Seneviratne à l’ETHZ le fait peut-être.

Une deuxième façon est d’observer les changements actuels, les inondations, ouragans, tornades, à analyser leur rapide progression et à faire des projections pour le Futur.

Enfin, si une règle de progression d’événements climatiques peut être déduite des observations et d’expériences, il est possible de prévoir leur évolution future.

Bien sûr, si nous admettons que le Futur n’est pas encore écrit, les événements extrêmes dépendent de l’action climatique.

Alors d’un côté, il faut établir les valeurs qui définiraient les catastrophes futures.  Elles sont été largement sous-estimés.

A mon avis, nous avons besoin de deux ou même trois instituts de recherche: Un institut de recherche sur le risque climatique, qui étudiera au moins les événements déjà présents sur la Planète Terre: grêles géantes, inondations, tornades. Ils peuvent être enseignés sans probabilité exacte qui sera établie en parallèle.

Un institut de météorologie extrême devrait, en fait, étudier les phénomènes atmosphériques extrêmes et établir des modèles de méga-orages, super-ouragans, hyper-vagues de chaleur que l’atmosphère perturbée pourrait engendrer.  Certains phénomènes météorologiques, actuellement limités aux autres Planètes, pourraient être étudiés aussi.

Un autre institut devrait être consacré à l’adaptation, et prévoir des bâtiments, des matériaux, des routes qui résisteraient à un climat extrême et changeant.  Il devrait tout de suite considérer des événements très graves, et rechercher des solutions pour ceux-là.  Il y a sûrement des adaptations très simples, des canaux, des volets aux fenêtres, et elles doivent être prévues. 

Ainsi, nous regarderions le Futur en face.

 

Addendum le 25 octobre: Grêlon du 21ème siècle

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