Quand l’éthique connaît des hics

Des entrepreneurs stigmatisés pour leur soutien au contre-projet à l’initiative «Entreprises responsables», un texte à l’intitulé détourné, des tous-ménages utilisant des logos de médias sans leur consentement: les initiants ne montrent pas vraiment l’exemple qu’ils prêchent.

Rarement campagne aura été aussi âpre dans l’histoire politique suisse. Celle sur l’initiative «Entreprises responsables», soumise au vote du peuple et des cantons ce dimanche, n’a cessé de déraper. Les auteurs de ce texte qui se veut vertueux et exemplaire multiplient les écarts – pour ne pas dire les encarts – ces dernières semaines. Ils ne se contentent plus de stigmatiser les entrepreneurs qui privilégient le contre-projet équilibré proposé par les Chambres fédérales. Ils bafouent allègrement les règles éthiques dont ils se réclament.

Evoquons tout d’abord l’intitulé même de l’initiative: «Entreprises responsables». Elle est devenue, par un tour de passe-passe, «Multinationales responsables», y compris sur les drapeaux appelant à la soutenir qui se multiplient sur les balcons. L’idée est claire: faire croire que seules les grandes entreprises internationales sont concernées. Or il n’en est rien: des milliers de PME pourraient être impactées par les exigences excessives de cette initiative. Abuser ainsi les citoyens n’est guère éthique, on en conviendra aisément. Que dire, ensuite, de l’armada d’internautes qui sévissent sans cesse sur les réseaux sociaux? Prompts à fustiger toutes celles et ceux qui osent se prononcer en faveur du contre-projet, ils ne donnent que rarement l’exemple de bretteurs dignes de ce nom.

Et puis il y a cette série de tous-ménages qui riment eux aussi avec dérapage. L’un d’eux affichait sans vergogne le logo du «Matin dimanche» à l’appui d’une interview où l’ancien parlementaire Dick Marty donnait des leçons de comportement aux entreprises. Plus récemment, un autre tout-ménage a repris le logo de la RTS, ainsi qu’une une fausse citation. Tant l’éditeur Tamedia que la TV publique envisagent la voie judiciaire. Pour de nombreux spécialistes du droit des médias, ces méthodes sont discutables au regard du droit d’auteur et de la protection de la personnalité, car elles laissent entendre que ces entreprises ont pris position en faveur des initiants. Pour le reste, ces tous-ménages à répétition donnent une idée du budget confortable dont disposent ceux qui dénoncent les moyens engagés par les milieux économiques.

Le oui en recul

Ces couacs en cascade ne sont probablement pas étrangers au recul du oui que l’on observe depuis quelque temps dans les sondages consacrés à cet objet. En quelques semaines, nous sommes passés d’un quasi plébiscite de l’initiative à une dernière ligne droite qui s’annonce serrée. C’est l’occasion de rappeler que le contre-projet indirect opposé à ce texte n’est pas la coquille vide que dénoncent les initiants. Il est à la fois exigeant et réaliste. Contrairement à l’initiative, il précise clairement les obligations des entreprises et vise particulièrement le travail des enfants et les minerais à risque. Il repose sur des instruments éprouvés au niveau international et place notre pays dans le groupe de tête des pays en matière de responsabilité des entreprises.

Comme dans toute initiative, chaque camp avance ses arguments dans une démarche démocratique. Avec cette campagne, un pas dangereux a été franchi puisque les initiants manichéens divisent et font pression en cherchant à classer les opposants dans le camp des méchants. Cela ne rend pas service à notre démocratie. Une raison supplémentaire de glisser un non résolu à cette initiative dans l’urne.

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Le télétravail, entre avantages et défis

La deuxième vague du Covid-19 marque le retour en force du travail à domicile, imposé par le Canton «partout où cela est possible», ce qui ne va pas sans contraintes pour le monde de l’économie. Un challenge en termes d’organisation, de communication, de protection des données et de cybersécurité.

Au début de ce mois, le gouvernement vaudois a durci les mesures anti-Covid en prononçant l’état de nécessité. Dans la foulée, il a imposé le télétravail «partout où cela est possible, dans les administrations publiques comme dans les entreprises privées». Pour ces dernières, cela représente un immense défi, car dans leur immense majorité, elles ont joué le jeu en instaurant un respect strict des gestes barrières et des plans de protection rigoureux afin de poursuivre leurs activités sur site. Elles se plient donc aux injonctions étatiques, mais cela ne va pas sans difficultés. D’autant que le caractère «possible» du travail à domicile est sujet à interprétation. Il ne s’agit pas que d’une question d’informatique. A notre sens, il doit notamment être techniquement réalisable, ne pas nécessiter d’investissements démesurés et ne pas empêcher la bonne marche de l’entreprise.

Les résultats de notre enquête conjoncturelle d’automne montrent certes que le home office procure certains avantages. Parmi eux figurent la réduction du stress lié aux déplacements (pour 66% des sondés), un meilleur équilibre entre vie privée et professionnelle, ainsi qu’une augmentation de la satisfaction des employés (59%). Un sondage publié ce printemps abonde dans ce sens: le travail à domicile a connu un essor et un succès considérables pendant le semi-confinement en Suisse. Plus encore, la grande majorité de celles et ceux qui l’ont pratiqué en redemandent.

Notre enquête montre surtout que ce mode de fonctionnement confronte les firmes à de nombreuses difficultés: la communication avec les employés (51%), la protection des données et la cybersécurité (42%), ainsi que le contrôle du respect des horaires de travail (30%). La mise en place de l’infrastructure nécessaire constitue également un challenge pour un tiers des entreprises sondées.

Rien ne remplace les échanges directs

Le télétravail n’est ainsi pas sans défauts. Pour les sphères dirigeantes, il complique singulièrement l’organisation et la gestion de l’entreprise. L’exécution des tâches et le suivi des projets souffrent et nécessitent une énergie démultipliée dans un contexte déjà complexe. L’efficacité pâtit clairement de l’absence de «vrais» contacts. Rien ne peut remplacer les échanges directs avec les collègues, ni même les pauses à la cafétéria, qui contribuent à renforcer l’esprit d’équipe.

Le home office n’est par ailleurs pas fait pour tout le monde, notamment pour des questions d’espace. Travailler depuis un appartement exigu occupé par plusieurs personnes ne permet certainement pas d’accomplir ses tâches dans les meilleures conditions. Ce mode de fonctionnement implique de garder un rythme, de trouver une routine, d’organiser un espace de travail, de s’aérer et de bouger. Certains collaborateurs, en outre, n’apprécient tout simplement pas de travailler à distance.

La pandémie a initié un mouvement irréversible, et il n’est bien sûr pas question de renoncer au télétravail. Il semble d’ailleurs s’inscrire comme un outil permanent, puisque seules 17% des entreprises que nous avons sondées prévoient de ne plus y avoir recours une fois la crise passée. Dans ces conditions, il me paraît indispensable de porter une vraie réflexion sur un phénomène appelé à durer. Les entreprises devraient établir une charte pour en cadrer les modalités. Les organisations économiques de Suisse romande, dont la CVCI, ont d’ailleurs élaboré une «Convention de télétravail» qui constitue un modèle, adaptable en fonction des spécificités des entreprises. A chacune d’entre elles de mettre en place le système approprié.

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Notre économie nécessite un soutien urgent

La deuxième vague de la pandémie touche de plein fouet les entreprises vaudoises, dont certaines craignent pour leur survie. Alors que les perspectives à moyen terme semblent sombres, des aides étatiques conséquentes doivent être versées sans attendre.

L’évolution des différents indicateurs de l’enquête conjoncturelle de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI) publiée lundi le démontre: l’impact de la crise sanitaire actuelle est encore plus fort que lors des crises de 2009 et de 2015. La marche des affaires est ainsi jugée «mauvaise à médiocre» par 36% de nos membres sondés. Et si la situation est particulièrement difficile dans l’industrie, le secteur des services connaît un ralentissement inédit. Conséquence: seul 29% des entreprises envisagent de procéder à des investissements l’an prochain, un taux en nette diminution. De manière générale, les entrepreneurs se montrent très pessimistes concernant l’évolution de leurs affaires pour ces prochains mois.

Notre enquête, réalisée peu avant le deuxième semi-confinement, démontre l’urgence d’un soutien vigoureux à l’économie pour passer ce cap périlleux. Le Canton a annoncé la semaine dernière des aides qui seront malheureusement insuffisantes pour répondre aux besoins du tissu économique vaudois, en dépit du lobbying soutenu des associations économiques, dont la CVCI. Les montants articulés ne peuvent constituer qu’une première étape. Ils devront être réévalués au fur et à mesure de l’arrêt des activités, qu’il faut espérer le plus court possible.

Il est essentiel d’innover

Certes, la réactivation du fonds de soutien à l’industrie, que les milieux économiques appelaient de leurs vœux, va dans la bonne direction. La place industrielle a souffert avec la fin du taux plancher, et la fermeture des frontières a mis à mal son business. Si le canton de Vaud entend garder un secteur industriel de pointe, il est essentiel que ce dernier puisse continuer à innover. C’est dans cet esprit que le fonds doit aussi être utilisé, afin de financer la R&D, vecteur d’innovation et d’emplois.

La Confédération a débloqué ce printemps une aide d’urgence massive (40 milliards de francs) à laquelle toute les entreprises n’ont pas recouru. Certaines ont pu tenir jusqu’ici, mais la deuxième vague leur assène un coup rude qui nécessite de nouvelles aides. Les cantons dénoncent la pingrerie des nouveaux soutiens venus de Berne et renvoient la balle à la Confédération. Il reste que si les autorités décident de fermer des établissements pour raison sanitaire, elles doivent assumer leur décision en leur venant en aide.

L’économie vaudoise a permis à l’Etat de doubler ses recettes au fil de ces dernières années et de constituer ainsi un important trésor de guerre. Au plus fort de la crise actuelle, il paraît dès lors légitime de renvoyer l’ascenseur à ces entreprises qui ont permis un essor extraordinaire à notre canton.

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Une nouvelle salve malvenue contre notre économie

L’initiative qui vise à interdire le financement des producteurs de matériel de guerre dans le monde part d’un bon sentiment, mais ses effets sur les PME seraient extrêmement néfastes, surtout en pleine pandémie. Un rejet s’impose.

Entre la crise sanitaire du Covid-19 et les vifs débats relatifs à l’initiative sur les «Entreprises responsables», elle ne fait pas beaucoup de bruit, en dépit du thème qu’elle aborde. Et pourtant: l’initiative populaire «Pour une interdiction du financement des producteurs de matériel de guerre», qui figure également au menu des votations du 29 novembre, mérite que l’on s’y attarde. Elle fait partie de ces textes bien-pensants mais pas bien pensés, dont les utopistes de ce pays ont, hélas, pris l’habitude de nous gratifier.

Cette initiative, qui émane évidemment du Groupe pour une Suisse sans armée, n’est pas anodine: elle vise à interdire aux fondations et aux institutions de prévoyance, ainsi qu’à la Banque nationale suisse, de financer les entreprises réalisant plus de 5% de leur chiffre d’affaires annuel avec ce matériel. De fait, l’octroi de crédits, de prêts et de donations, ainsi que la prise de participation et l’acquisition de titres, figureraient parmi les types de financements interdits. Pour couronner le tout, le texte demande que la Confédération s’engage afin que les banques et les assurances soient soumises à des conditions analogues.

PME pénalisées

Ce texte aurait un effet dommageable sur notre économie: de nombreuses entreprises qui produisent principalement des biens civils, mais aussi des pièces détachées ou des éléments d’assemblage pour l’industrie d’armement, seraient directement touchées par l’interdiction. La proportion de 5% inscrite dans ce texte pénaliserait des PME – productrices ou sous-traitantes – actives dans le domaine civil, comme des firmes aéronautiques et celles œuvrant dans le secteur spatial. En pleine crise économique, voilà qui constituerait encore un coup malvenu porté contre notre prospérité. Dans leur réflexion, les citoyens doivent comprendre que le matériel de guerre est avant tout vendu pour la défense. La Suisse interdit déjà par la loi le financement de matériel de guerre prohibé, à savoir les armes atomiques, biologiques et chimiques, ainsi que les armes à sous-munition et les mines anti-personnel.

Et puis, soyons réalistes: une interdiction mondiale de financement relève de l’utopie. Elle n’aurait aucun impact sur la production d’armes. Veut-on, comme c’est le cas pour l’initiative sur les «Entreprises responsables», d’un cavalier seul de la Suisse? Si notre pays agit de manière non coordonnée à l’échelle internationale, l’initiative n’atteindra assurément pas son but. Dernier point à ne pas négliger: une industrie axée sur la haute technologie, comme peut l’être celle qui serait touchée par l’initiative, contribue au progrès du pays, et lui permet d’éviter une dépendance par rapport à l’étranger.

Cette initiative ne constitue pas la première salve que doit essuyer l’industrie dans son ensemble. La dernière initiative en date, qui voulait interdire toute exportation de matériel de guerre, a été rejetée par 68,2% des votants en 2009. C’était un 29 novembre. On ne peut que souhaiter un sort identique à celle qui nous occupera ce même dimanche.

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L’accord-cadre mérite mieux qu’une cacophonie nationale

L’accord institutionnel avec l’Union européenne (UE) est en… berne. Devant les doutes émis par les partis politiques et les citoyens, le Conseil fédéral tergiverse. Il s’agit pourtant d’un texte essentiel pour la consolidation de la voie bilatérale.

La pandémie et ses conséquences désastreuses sur la société et l’économie masquent une réalité politique de première importance pour notre pays: la signature de l’accord institutionnel avec Bruxelles devient urgente. Ce texte, en discussion depuis… 2008, doit permettre la mise à jour régulière des accords bilatéraux et leur application harmonieuse entre les partenaires. Il traîne cependant sur le bureau du Conseil fédéral et semble ne plus contenter personne, à part les milieux économiques.

Le gouvernement vient de renvoyer son négociateur en chef avec l’UE, Roberto Balzaretti, et de nommer à sa place Livia Leu, actuelle ambassadrice de Suisse à Paris. Il s’agit du cinquième diplomate en douze ans. Changer le messager ne modifie pas le message: c’est bel et bien le gouvernement qui fixe les objectifs de cette négociation. Cela nécessite du courage, car rien n’est simple dans le domaine de la diplomatie, a fortiori dans le contexte sanitaire actuel.

Il faut le rappeler ici, les enjeux de cet accord sont considérables. Un exemple très concret illustre son importance. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies publie depuis mi-octobre une carte sur l’état de la pandémie dans les régions de l’Union européenne. Elle permet d’identifier le taux de contamination au coronavirus au moyen de codes couleurs. La Suisse y figure, mais en blanc…. tout simplement parce qu’elle n’est pas prise en compte. L’application SwissCovid pourrait être intégrée dans ce processus, mais comme notre pays ne dispose pas encore d’accord sur la santé avec les 27, il n’existe pas de base légale pour participer à ce traçage européen. Bruxelles a rappelé à ce propos que seuls des «progrès sans ambiguïté sur la signature de l’accord institutionnel» permettraient sa prise en considération.

L’industrie serait pénalisée

Pour economiesuisse, sans accord institutionnel, notre industrie souffrirait d’un accès toujours plus difficile au marché d’exportation européen, et l’économie de notre pays en pâtirait largement. L’UE pourrait perdre patience, on l’a vu avec la question délicate de l’équivalence boursière. Après le Brexit, Boris Johnson, premier ministre britannique, a appris à ses dépens que bomber le torse face à Bruxelles n’était guère avisé. A force de blocages, il a fini par se retrouver avec un accord moins favorable que celui négocié au début. Comme l’a rappelé l’ancien diplomate François Nordmann dans les colonnes du «Temps», hier, «la Suisse ne peut à la fois réclamer un accès privilégié au marché commun – l’essence des bilatérales – et se prévaloir de sa qualité de non-membre de l’UE dès que celle-ci lui demande une contrepartie».

La population suisse a donné un signal positif à l’égard de l’Europe en rejetant avec clarté l’initiative de résiliation le 27 septembre dernier. Elle a ainsi réaffirmé sa volonté de poursuivre une voie qui a largement contribué à notre prospérité ces vingt dernières années. Il faut impérativement conclure l’accord-cadre sous peine de voir nos relations privilégiées avec l’UE s’éroder inexorablement, dans une lente agonie. Adieu équivalences à l’exportation, bonjour coopération graduellement réduite à celle d’un État lambda. Un tel destin est inconcevable avec notre premier partenaire commercial. Au Conseil fédéral de montrer la voie.

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Une fausse bonne idée dommageable pour l’économie suisse

L’initiative «Entreprises responsables», sous couvert de bonnes intentions, pose de nombreux problèmes d’applicabilité et met en péril la compétitivité des PME. Le contre-projet, davantage adapté aux réalités économiques, va dans le bon sens.

C’est l’archétype de la fausse bonne idée! Le 29 novembre prochain, nous voterons sur une initiative enjoignant les entreprises qui ont leur siège en Suisse à respecter les droits de l’Homme et les normes environnementales à l’étranger. La démarche est louable, mais l’enfer est pavé de bonnes intentions. Ce texte extrême rendrait les entreprises suisses responsables directement – et sans faute de leur part – du comportement de toutes les sociétés contrôlées sous quelque forme que ce soit et pour l’ensemble de leur chaîne de valeur. Une perspective porteuse d’instabilité pour notre économie. C’est pourquoi la CVCI recommande de le rejeter et de lui préférer le contre-projet indirect, qui renforcerait les obligations des entreprises, sans aller aussi loin que l’initiative.

La conseillère fédérale Karin Keller-Suter l’a martelé hier devant la presse: «L’initiative va clairement trop loin: elle est dommageable pour la place économique suisse et menace les emplois et les investissements en Suisse et à l’étranger.» Il faut en avoir conscience: aucune firme ne connaît tous ses fournisseurs et leurs sous-traitants. Les grandes entreprises en comptent parfois des milliers. On réalise alors le nombre de relations impossibles à contrôler. Les audits permettent certes d’évaluer la qualité des produits, mais dans de nombreux pays instables et gangrénés par la corruption, les clients se heurtent aux limites de ce que leurs fournisseurs veulent bien leur montrer, sans possibilités de mener des investigations plus loin.

Compétitivité mise à mal

Autre défaut rédhibitoire de ce texte: contrairement à ce qu’affirment ses initiants, les PME seraient elles aussi impactées. Les obligations de contrôle et les risques de responsabilité auxquels elles seraient confrontées entraîneraient une augmentation considérable du travail administratif et des frais qu’elles ne pourraient assumer, tout cela au préjudice de leur compétitivité. Pour couronner le tout, l’initiative est unique au niveau international et ne vise que les entreprises suisses, d’où un désavantage concurrentiel extrêmement pénalisant. Il s’ensuivrait une insécurité juridique qui pourrait pousser des entreprises de négoce de matières premières à déplacer leur siège de l’autre côté de la frontière, avec les conséquences que cela impliquerait pour l’emploi, a fortiori dans le contexte pandémique compliqué que nous vivons depuis des mois.

Dans les colonnes du «Temps» d’hier, Jean-Pascal Bobst, CEO de la société éponyme, l’affirme en connaissance de cause: «Oui, nous devons être responsables comme multinationales, non, ne pouvons pas détruire notre compétitivité en Suisse en votant des lois.» Il est ridicule de penser que les entreprises sont des prédatrices sans foi ni loi: la grande majorité d’entre elles ont pris conscience ces dernières années de leurs responsabilités envers l’humanité, même s’il existe évidemment des brebis galeuses. Les sociétés ont tout à craindre des dégâts d’image que pourrait leur causer le non-respect d’un comportement éthique.

Pour autant, rejeter l’initiative ne reviendrait pas à abandonner la préoccupation légitime qu’elle porte. Le contre-projet élaboré par les Chambres fédérales, qui entrerait en vigueur en cas de non à l’initiative, soumettrait les entreprises suisses à des exigences de transparence et de diligence élevées, et placerait la Suisse au rang des pays les plus avancés dans ces domaines. Ce contre-projet va dans la bonne direction. Une voie à suivre dès le 29 novembre prochain.

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Favorisons l’accès des jeunes au marché du travail

La pandémie et la récession qui s’ensuit compliquent l’arrivée des jeunes dans le monde professionnel et pourraient avoir de graves conséquences à long terme. Une étude sensibilise les entreprises à cette problématique. Bon à savoir: le délai pour trouver une place d’apprentissage a été prolongé au 15 novembre.

Les derniers chiffres du Secrétariat d’État à l’économie (SECO) sur la situation du marché du travail donnent la mesure d’un phénomène inquiétant: le chômage des jeunes (de 15 à 24 ans) explose en ces temps de pandémie. Il a ainsi augmenté de 2446 personnes (+13,7%), passant à 20’341 à fin août. Par rapport au même mois de l’année précédente, on dénombre 7199 personnes supplémentaires (+54,8%). La baisse du produit intérieur brut (PIB) due à la pandémie actuelle rend clairement l’accès au monde professionnel plus difficile pour cette catégorie de personnes.

Une récente étude de l’Observatoire suisse de la formation professionnelle a pris la mesure de l’impact de la récession sur l’insertion professionnelle des jeunes en début de carrière. Ces chercheurs ont mis en évidence les mécanismes selon lesquels un départ difficile dans la vie active a un impact négatif à long terme sur le parcours professionnel. Ils en concluent que les employeurs devraient être sensibilisés à cette problématique, et qu’ils devraient embaucher davantage de personnes, même sans expérience professionnelle. Pas toujours évident pour des entreprises encore chahutées par la crise; il faut toutefois garder à l’esprit qu’il peut s’agir d’un investissement pour l’avenir.

Mesures en faveur de l’apprentissage

Se préoccuper des jeunes entrant sur le marché du travail, c’est aussi s’intéresser aux apprentis. A ce propos, signalons que le canton de Vaud a prolongé les délais pour trouver une place d’apprentissage au 15 novembre. L’Etat a en outre décidé, à la demande des associations économiques, au rang desquelles figure la CVCI, de prendre en charge le versement du ½ salaire durant la première année d’apprentissage, de même que pour les apprentis qui ont perdu leur place pour raison économique et qui sont engagés dans de nouvelles entreprises formatrices pour terminer leur formation.

En mai dernier, déjà, j’exhortais les chefs d’entreprise à engager des apprentis à l’heure de la reprise. Même si les perspectives économiques restent floues, le moment est venu de passer à l’acte. L’expérience montre qu’une formation professionnelle solide a une incidence directe sur la santé de l’économie. De nombreuses études l’attestent. Soutenir l’apprentissage, c’est plus que jamais assurer la relève de demain.

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Une mesure fiscale qui favorise la promotion des femmes

Le coût élevé des crèches et la progressivité des impôts poussent bien des mères à réduire leur temps de travail. L’augmentation des déductions pour les frais de garde contribuerait indéniablement à accroître la présence de femmes qualifiées sur le marché du travail.  

On doit presque se pincer pour le croire: l’un des objets les plus contestés des votations du 27 septembre concerne la prise en compte fiscale des frais de garde des enfants par des tiers. La gauche y voit un cadeau fait aux «riches», sous prétexte que seuls ceux qui paient l’IFD en bénéficieraient, soit environ 60% des familles. Au niveau de l’impôt fédéral direct (IFD), le montant maximum déductible serait relevé de 10’100 à 25’000 francs par enfant. En outre, la déduction générale pour enfants passerait de 6500 à 10’000 francs, ce qui soulagerait les familles quel que soit le mode de garde des enfants.

La réalité, c’est que la catégorie la plus concernée par cette réforme est la classe moyenne, celle qui ne reçoit aucune aide de l’Etat, comme des subventions pour les primes-maladie, des prestations complémentaires, etc. Cela fait longtemps que la fiscalité des familles doit être repensée, le moment me paraît donc opportun d’y contribuer. Ces trente dernières années, le poste crèches a explosé dans le budget familial, d’autant plus que leur coût est proportionnel au revenu. Ainsi, à partir de 4 à 5 jours de garde par des tiers, avec la progressivité de l’impôt, le calcul est vite fait: le revenu diminue. Qui voudrait travailler davantage pour gagner moins?

Une charge trop lourde

Il n’est pas rare que des parents – c’est bien souvent le cas de la femme – réduisent leur temps de travail ou quittent leur emploi en raison de la charge que représentent les frais de garde des enfants en bas âge et de l’impossibilité de les déduire totalement des impôts. On estime que 2500 postes à plein temps pourraient être pourvus à court ou moyen terme en prenant des mesures adéquates. L’augmentation des déductions pour les frais de crèche, c’est indéniable, contribuerait à adapter la fiscalité aux dépenses réelles engendrées par la garde des enfants par des tiers, et permettrait aux entreprises de bénéficier de l’apport précieux de femmes qualifiées en plus grand nombre.

Parallèlement, l’accent devrait être porté sur la flexibilisation des horaires de travail, sur la mise en place d’horaires scolaires harmonisés et, surtout, sur un accès facilité à des structures d’accueil pré- et parascolaires. La CVCI et ses membres ont d’ailleurs soutenu, dès sa création, la Fondation d’accueil de jour de la petite enfance en participant au financement des places d’accueil. Seul le cumul de ces différentes mesures permettra aux femmes de prendre leur place sur le marché du travail. Dire oui à un relèvement des déductions pour enfants dans le cadre de l’impôt fédéral direct constituerait incontestablement un pas important dans cette direction.

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Une politique de repli sonnerait le glas de notre prospérité

Les accords bilatéraux, c’est un million de places de travail créées en Suisse, plus de 1% de croissance annuelle du PIB réel, un taux de chômage bas et un salaire moyen deux fois plus élevé que dans l’Union européenne (UE). Renoncer aux bilatérales serait plus que hasardeux à l’heure de la reprise. 

Le matériel de vote pour l’échéance cruciale du 27 septembre est arrivé dans les boîtes aux lettres. Les sondages prédisent un rejet de la dangereuse initiative de résiliation, qui veut mettre fin aux accords bilatéraux I avec Bruxelles. Chacun a pourtant en mémoire le scrutin du 9 février 2014 contre l’immigration de masse, qui avait vu les partisans du repli l’emporter sur le fil. Ne jouons pas avec le feu: le moment est venu d’écrire avec détermination un grand non sur ce bulletin!

A celles et ceux qui en douteraient encore, il est bon de rappeler que la Suisse a connu une période de grande prospérité depuis l’entrée en vigueur des bilatérales I, en juin 2002. Une étude du groupe de réflexion Avenir Suisse, parue la semaine dernière, le confirme: depuis l’introduction de la libre circulation des personnes, «de nombreux indicateurs économiques tels que le produit intérieur brut (PIB) réel par habitant, la productivité du travail et le volume des exportations ont évolué positivement. La croissance moyenne du PIB par habitant pour les années 2002 à 2018 était de 1,02% (1992 à 2002: 0,66%).» Ces chiffres parlent d’eux-mêmes.

La Suisse exporte 1 franc sur 2 vers l’UE, qui est de très loin notre principal client (52% de nos exportations, bien avant les Etats-Unis, 15%, et la Chine, 5%). Nos entreprises ont besoin d’un accès facilité à ce grand marché aussi bien pour vendre leurs biens directement aux plus de 400 millions de consommateurs qu’en tant que sous-traitants de l’industrie européenne. L’initiative de résiliation détruirait la voie bilatérale et n’offrirait aucune alternative viable.

Pas de substitut équivalent

Dans son étude, Avenir Suisse assure qu’un nouvel accord de libre-échange (ALE) global entre la Suisse et l’UE ne constituerait pas un substitut équivalent aux accords bilatéraux, «car un simple accès au marché est moins intéressant pour les entreprises suisses qu’une intégration complète dans le marché intérieur de l’UE. Un ALE augmenterait également la charge réglementaire pesant sur les entreprises. Comme ces nouvelles charges administratives présentent des caractéristiques de coûts fixes, cela affecterait davantage les PME exportatrices que les grandes entreprises.»

On le voit bien, ce n’est pas le moment d’ajouter une crise institutionnelle à celle, sanitaire et économique, que le Covid-19 nous a infligé. Nous avons plus que jamais besoin de partenaires pour relancer notre économie. La Suisse est l’un des pays les plus interconnectés et globalisés au monde. Selon une étude de la Fondation Bertelsmann, notre pays est celui qui bénéficie le plus de la mondialisation à l’échelle planétaire. L’ouverture au monde reste un gage de prospérité. Confirmons-le dans les urnes le 27 septembre.

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L’ouverture sur le monde reste le meilleur gage de notre prospérité

L’accès au marché européen dont bénéficie la Suisse aidera au redémarrage de notre économie dans le contexte sanitaire actuel. Le repli qu’implique l’initiative dite «de limitation» nous empêcherait d’attirer les talents dont nous avons besoin.

La conseillère fédérale Karin Keller-Suter, qui sera l’hôte de la CVCI demain soir pour présenter les enjeux liés à cette initiative, l’a martelé hier matin à la radio: perdre les accords bilatéraux I provoquerait un choc à long terme pour l’économie suisse. Ce n’est pas le moment d’ajouter une crise de longue durée à celle consécutive à la pandémie de Covid-19. Le marché européen, auquel nos entreprises ont accès librement, absorbe plus de 50% de nos exportations. Couper les ponts avec notre partenaire économique principal hypothéquerait lourdement le redémarrage de l’activité et, par voie de conséquence, notre prospérité. S’ensuivrait alors une longue période d’incertitude porteuse de dangers.

Renégocier des accords avec l’Union européenne (UE) dans la foulée serait utopique, car le texte proposé le 27 septembre prochain stipule qu’«aucun nouveau traité international ne sera conclu et aucune autre nouvelle obligation de droit international ne sera contractée qui accorderaient un régime de libre circulation des personnes à des ressortissants étrangers». On a vu avec le Brexit quelles difficultés la Grande-Bretagne rencontre pour recoller les pots cassés avec ses 27 anciens alliés. Voulons-nous vraiment prendre le risque de jeter au rebut une voie bilatérale qui nous a beaucoup apporté?

Sept accords essentiels

La querelle des chiffres fait rage, mais un fait est incontestable: notre pays connaît une grande prospérité depuis le renforcement de notre partenariat avec l’UE. Les entreprises installées en Suisse ont plébiscité, au gré de diverses enquêtes, l’accord sur la libre circulation. Les six autres accords du paquet des bilatérales I n’en sont pas moins importants, car l’adoption de cette initiative sonnerait leur glas en raison de la clause guillotine. Or ces accords assurent aux entreprises suisses un accès largement non discriminatoire au marché intérieur de l’UE dans des secteurs importants, comme les accords sur les obstacles techniques au commerce, sur le commerce de produits agricoles, sur les transports terrestres et aérien, sur les marchés publics et sur la recherche. La fin de ce dernier nous ferait perdre l’accès à des programmes dotés de plusieurs milliards d’euros.

La voie bilatérale a permis de recruter un personnel qualifié que l’on ne trouve pas forcément sur notre territoire. La main-d’œuvre européenne est indispensable à la Suisse, en particulier dans les services, l’industrie et l’agriculture. Le secteur de la santé ne pourrait pas davantage se passer du personnel bien formé venant des pays voisins, comme on l’a constaté depuis le début de la pandémie.

Depuis quinze ans, le système des mesures d’accompagnement a été continuellement développé afin de garantir le niveau élevé des salaires en Suisse. Les diverses adaptations légales et nombreuses améliorations en matière d’exécution ont permis de mettre en place un niveau de protection efficace des conditions salariales et de travail.

Le matériel de vote va arriver sous peu dans les boîtes aux lettres. Il sera alors temps d’apposer un non ferme et sans réserve sur le bulletin de l’initiative dite de limitation.

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