Un milliard au nom de la cohérence

Une large alliance des milieux économiques, scientifiques, culturels, politiques et de la société civile demande au Parlement fédéral le déblocage rapide de la deuxième contribution de cohésion. Une nécessité pour rentrouvrir la porte de l’Union européenne.

Les thèmes brûlants ne manquent pas lors de la session parlementaire qui s’est ouverte lundi à Berne, à l’image du débat sur l’AVS. L’un des points d’orgue est toutefois attendu le 30 septembre avec la discussion sur la modification des arrêtés fédéraux relatifs à la deuxième contribution de la Suisse en faveur de certains États membres de l’Union européenne (UE), le fameux «deuxième milliard de cohésion».

Le Parlement fédéral a approuvé cette contribution en décembre 2019, à la condition que l’UE n’adopte pas de mesures discriminatoires à l’encontre de la Suisse, comme le non-renouvellement de l’équivalence boursière, qui perdure, d’ailleurs. Le Conseil fédéral entend supprimer cette condition et débloquer autant la contribution… que la situation. Il souhaite ainsi montrer à Bruxelles que, malgré la fin des négociations sur l’accord-cadre, il reste un partenaire fiable.

Le Conseil fédéral joue un peu au pompier pyromane, car c’est bien lui qui, en rejetant l’accord institutionnel en mai dernier, a mis le feu aux poudres. A cause de cette décision irraisonnée, notre pays est désormais traité comme un «pays tiers non associé» dans les trois grands programmes de coopération européens relatifs à la recherche (Horizon Europe), à l’éducation (Erasmus+) et à la culture (Europe créative), et demeure ainsi exclu de participations essentielles. Cette situation est dramatique pour les milieux concernés.

Un appel vibrant

Dans ce contexte périlleux, une large alliance des milieux économiques (dont la CVCI), scientifiques, culturels, politiques et de la société civile a adressé une lettre aux parlementaires fédéraux les enjoignant à approuver le plus rapidement possible la deuxième contribution à la cohésion. «Nous avons maintenant besoin de vos votes clairs pour que le Conseil fédéral fasse tout son possible pour que la Suisse puisse à nouveau participer aux trois grands programmes de coopération en tant que partenaire pleinement associé. Faire cavalier seul n’est pas une solution», lit-on dans cette missive.

Aujourd’hui, les chercheurs suisses ne peuvent plus soumettre de demandes individuelles pour les subventions du Conseil européen de la recherche (CER). La perte de ces réseaux et de ces sources de financement affecte non seulement les Ecoles polytechniques fédérales et les universités, mais aussi les Hautes écoles spécialisées, ainsi que de nombreuses entreprises concernées. La Suisse est en mesure de combler un ou deux déficits de financement par des mesures de rattrapage. Mais cela ne saurait compenser les opportunités de mise en réseau tout aussi précieuses, ainsi que la possibilité pour les jeunes chercheurs de constituer et de diriger leurs propres équipes de projet à partir d’ici, grâce aux subventions CER.

La politique européenne de la Suisse se trouve aujourd’hui au point mort. Les Chambres fédérales disposent d’une occasion rêvée de contribuer un tant soit peu à la normalisation de nos relations avec Bruxelles. Ce premier pas, je souhaite qu’elles le fassent sans équivoque le 30 septembre prochain. La Suisse ne saurait éconduire une fois de plus – une fois de trop? – son principal partenaire commercial.

Photo: AdobeStock

Claudine Amstein

Claudine Amstein est la directrice de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, depuis 2005. Après avoir été juriste et secrétaire générale de la Chambre vaudoise immobilière, elle en reprend la direction en 1993. Elle a été constituante au Grand Conseil vaudois, avant d’en être députée pendant dix ans. Elle est très engagée dans les associations faîtières de l'économie suisse.

6 réponses à “Un milliard au nom de la cohérence

  1. Grave erreur stratégique qui démontre une mentalité typiquement suisse qui considère que si l’on se montre “gentil”, la partie adverse va être conciliante.

    Je tiens le pari que l’UE ne bougera pas un cheveu suite à la libération de ce milliard de cohésion.

  2. L’Europe est nécessaire face à la puissance des USA et de la Chine qui ne rêvent et ne font que nous exploiter, par exemple en faisant main basse sur nos meilleurs chercheurs, nos meilleures idées que nous ne pouvons concrétiser par manque de moyens ou de techniciens. Des rêves européens raisonnables sont devenus impossibles. L’adage “l’union fait la force” est plus que jamais vrai. Bien sûr, le monde est relativement en paix pour nous depuis quelque temps. Mais, étant donnée la nature humaine , “homo homini lupus”, forcément ça ne durera pas. Dès qu’on aura oublié les horreurs de la guerre il y en aura un qui croira qu’il pourrait avoir une victoire, exploiter les autres, sans en payer le prix. Et alors la bombe sera employée. Pourrait-on espérer passer directement du concept de nation au concept d’humanité? On n’aurait plus de nation on serait citoyen du monde, de la planète Terre uniquement. Internet, les voyages, la coopération scientifique y contribuent, relativement …et vous voyez la limite de cet espoir. Il faudrait des règles, un moyen de les faire respecter, un intérêt commun bien évident. Cela d’autant plus que la compétition, voire (hélas) la guerre entre les nations contribuent au progrès de l’espèce humaine. Qu’est-ce qui est possible? Réfléchir à des règles parfaites, les améliorer sans cesse, bref élaborer une Constitution rencontrant l’addhésion de tous. Bien difficile mais nécessaire et après tout, cela est accompli au niveau des nations. Il faudrait des règles pour l’Europe qui forcent à respecter les souhaits de tous, distinguer ce qui a un retentissement économique de ce qui relève de traditions, de comportements ou de crispations déraisonnables. Là aussi, pas simple. Le brexit aurait pu être remplacé par un combat des Anglais pour faire respecter leurs souhaits tout en restant à l’intérieur de l’Europe. A ma connaissance, les Européens ne sont pas satisfaits de leurs système institutionnel. La Suisse a eu de grands penseurs dans ce domaine dans le passé, alors! Il faut vite l’amender, l’améliorer. Sinon la fronde contre l’Europe prendra divers visages comme la désobéissance aux lois, les émeutes, le refus national comme la Hongrie etc.. La politique sert à cela. Le parlement européen ne cherche pas assez, donc on ne croit pas en lui, ni en l’Europe. C’est le début de l’éclatement donc de l’affaiblissement. Urgence!

  3. Il semble que personne ne s’intéresse à cette question de manière globale. La Suisse dans ce jeu politique semble totalement ignorante de ses atouts, à l’image d’un joueur de Jass découvrant les règles du jeu au milieu d’un tournoi.

    Ce milliard, que l’on estime le devoir ou pas constitue bien un point de blocage dans notre relation avec l’Europe lui conférant un avantage qu’elle peut utiliser pour pointer notre mauvaise volonté à faire avancer les choses et pour mettre la Suisse sous pression. Avaliser ce versement permettrait de renvoyer la balle dans le camp européen en vue d’ouvrir le chemin à la suite des négociations.

    Je ne discute pas ici le bien-fondé du milliard de cohésion, mais je constate que tout le monde chez nous s’échappe pour ce malheureux milliard sans s’apercevoir que depuis bientôt 10 ans, notre banque nationale a financé les déficits de ces mêmes états européens pour près de 250 milliards de francs et ce sans qu’aucune décision politique ou aval populaire ne soit intervenu.

    Depuis près d’une décennie en effet, la BNS pour faire baisser la valeur d’un franc jugé trop fort (et par là-même le pouvoir d’achat de tous ceux qui en détiennent) a opté pour la planche à billet qu’elle fait tourner à pleine puissance. Avec ces francs fraichement imprimés la BNS a choisi de financer pour une bonne part les déficits chroniques des états européens en achetant des obligations de leurs trésors respectifs. En somme depuis plus de 10 ans, toutes les deux semaines et à l’abri des projecteurs, 1 milliard de CHF s’en vont financer des états parmi lesquels certains nous mettent régulièrement des bâtons dans les roues.

    Si le joueur de Jass suisse finissait par comprendre les règles du jeu et les atouts dont il dispose, il s’apercevrait d’un coup qu’il n’a pas une monnaie d’échange de 1 milliard de francs en main, mais bien un levier autrement plus important et beaucoup plus facilement manœuvrable de 250 milliards de francs.

    Source BNS:
    https://www.snb.ch/fr/iabout/assets/id/assets_reserves
    https://data.snb.ch/fr/topics/snb#!/cube/snbbipo

    1. Je suis absolument nul en Jass, … et pas beaucoup meilleur en économie ( 🙂 ), mais si la Suisse a acheté ces obligations européennes, c’est comme vous le soulignez pour éviter une envolée du cours du franc suisse. Dans ces conditions, disposons-nous vraiment du levier dont vous parlez? Si nous le faisons jouer, n’allons-nous pas voir précisément le cours du franc suisse partir à la hausse, avec toutes les conséquences négatives pour nos industries d’exportation?

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