“Let it snow, let it snow…” et gare au pelletage !

Messieurs, après cette petite lecture, vous aurez peut-être une excuse pour ne pas vous précipiter dehors vers le pelletage de cette neige abondamment tombée. Ou alternativement, vous aurez une excellente raison de vous préparer à l’hiver en maintenant votre condition physique.

Ah, cette neige tant attendue, l’or blanc qui recouvre nos champs et flancs de montagnes, promesse de sensations retrouvées chaque hiver, ou presque, sur les pistes. Nous avons été servis. Outre les stations isolées du monde, les trains annulés, les clés perdues dans la fine couche blanche, il y a ce fameux pelletage. Je n’y ai pas échappé aujourd’hui, et c’est pendant cette séance plutôt physique, agrémentée de la sonate No. 3 en si mineur, Op. 58, de Chopin (Martha Argerich, 1965, enregistrement hautement recommandé), que je me suis souvenu de cette étude québécoise1 sur le risque de problèmes cardiaques lors des chutes de neiges abondantes.

L’ÉTUDE

Un groupe de chercheurs de la région de Québec s’est demandé dans quelle mesure il y avait un lien entre la météo rude des hivers canadiens, les chutes de neige, et les hospitalisations ou décès pour maladie coronarienne (infarctus du myocarde). On sait déjà que le froid joue un rôle, car il favorise la fermeture des vaisseaux sanguins (la vasoconstriction) et augmente la pression artérielle, deux phénomènes qui peuvent mettre à mal la perfusion et l’apport en oxygène au cœur. Mais l’association avec les chutes de neige est moins bien étudiée.

Entre 1981 et 2014, sur les mois de novembre à avril, 128’073 personnes ont été hospitalisées pour un syndrome coronarien et 68’155 personnes sont décédées d’un infarctus du myocarde. C’est sur cette population que les chercheurs se sont penchés, en allant comparer les risques de survenue de ces événements cardiaques, en fonction de la quantité et la durée des chutes de neige. Je vous épargne la méthode statistique, mais disons simplement qu’ils se sont donnés les moyens de répondre à la question de manière crédible.

Les résultats sont clairs: le risque de problèmes cardiaques sévères augmente proportionnellement à la quantité de neige tombée (en cm/heure) et aussi à la durée des chutes de neige, mais uniquement chez les hommes. Il y avait certes des femmes parmi ces presque 200’000 personnes (40% en fait), mais les problèmes survenaient chez elles indépendamment des conditions d’enneigement. De quel risque parle-t-on? Entre 14 et 34% d’augmentation pour être précis, selon le type de problème enregistré. Une telle étude avait déjà été réalisée en Suisse il y a 10 ans et avait aussi retenu un lien similaire entre les conditions météorologiques hivernales et le risque de symptômes précurseurs d’infarctus du myocarde2.

LE PELLETAGE DE LA NEIGE EN CAUSE ?

C’est l’hypothèse retenue par les auteurs. Leur étude ne permet pas de le prouver et se sert de quelques a priori: les hommes sont concernés par ce risque lié aux chutes de neige, et possiblement ils sont plus enclins à pelleter intensément. Cette activité physique peut être très intense, faisant monter la fréquence cardiaque et la pression artérielle de manière abrupte et intermittente. Nous savons que les hommes qui ne sont pas régulièrement entraînés s’exposent plus à ce genre de risque coronarien lors d’activités intenses inhabituelles. Possiblement, 1 et 1 font 2 et nous tenons notre coupable, cette satanée neige! La preuve n’est pas là, mais les indices sont suffisants pour qu’une certaine prudence soit de mise.

ALORS, QUE FAIRE FACE À CETTE NEIGE ?

Les quelques principes ci-dessous pourront aider à limiter le risque et je vous recommande de vous en inspirer:

  1. L’intensité de l’activité doit être quelque peu contrôlée, ceci est possible en pelletant plus lentement, et en ne remplissant pas la pelle à ras bord à chaque mouvement. Votre cœur sera moins brusqué, et vous bénéficierez en plus d’un bon entraînement.
  2. Laissez le perfectionnisme à l’intérieur: déblayez ce qui est nécessaire pour l’accès, et laissez la nature (la neige finit par fondre!) et la voirie faire le reste.
  3. Faites le à plusieurs: une activité partagée sera probablement plus plaisante et enrichissante. Pour ma part, j’ai trouvé deux petites mains qui ont adoré contribuer à la tâche.

    Trouvez un partenaire, il vous en sera reconnaissant, et votre cœur également.
  4. Soyez en forme physiquement sur toute l’année: le pelletage sera plus facile, moins intense et donc moins risqué.
  5. Si vous êtes seul, prenez le temps et allez-y tranquillement, par exemple en vous laissant bercer par Chopin…

Bonne semaine

Références

1. Auger N et al. Association between quantity and duration of snowfall and risk of myocardial infarction. CMAJ 2017 February 13;189:E235-42. doi: 10.1503/cmaj.161064

2. Goerre S, Egli C, Gerber S, et al. Impact of weather and climate on the incidence of acute coronary syndromes. Int J Cardiol 2007;118:36-40. http://dx.doi.org/10.1016/j.ijcard.2006.06.015

Boris Gojanovic

Boris Gojanovic est médecin du sport à l'Hôpital de La Tour à Meyrin (GE). Son credo: la santé pour et par le mouvement. Sa bête noire: l'immobilisme. Il s'occupe de tous ceux, jeunes ou moins jeunes, sportifs ou non, qui pensent que bouger mieux les mènera plus loin. Il espère être un facilitateur, tout en contribuant au transfert et à l'échange de connaissances, tant dans la communauté que dans les auditoires.

3 réponses à ““Let it snow, let it snow…” et gare au pelletage !

  1. Nous aurions sans doute pu disserter sur les dégâts que font des mouvements imposés sur certaines maladies neuro-dégénératives dans le milieu médical, mais ce soir, avec ou sans neige, je préfère parler de Chopin et du seul interprète que j’ai réussi à trouver en 67 ans qui joue Chopin au bon tempo et respecte l’intention de chaque note, excepté d’autres interprètes merveilleux totalement inconnus en Pologne ou Russie, loin de notre occident toujours trop pressé, je parlais de Roberto Poli https://youtu.be/8Ii71kZaA34

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