« Notre plate-forme collaborative est en phase avec l’environnement actuel »

La Banque Bonhôte & Cie SA, à Neuchâtel, a mis en place une plate-forme d’investissement et d’échange d’informations consacrées aux fonds de placements. Steve Métrallet, son coordinateur et initiateur, explique le fonctionnement et les objectifs de cette nouvelle entité dénommée Bonhôte Fund Solutions (BFS).

Steve Métrallet, quels sont les objectifs de la plate-forme Bonhôte Fund Solutions ?

En activité depuis une année, cette plate-forme réunit un pool de partenaires institutionnels désireux d’échanger des informations et des opinions sur les marchés, les fonds de placement, mais surtout sur leurs besoins d’allocation. C’est une approche collégiale, une mise en commun de ressources intellectuelles et de capital d’investissement.

Quels problèmes cherchez-vous à résoudre ?

Nous cherchons principalement à identifier les meilleures opportunités d’investissement et, in fine, à en faire profiter les clients de nos établissements. Nous soutenons également certains gérants de fonds dans le développement de leur activité. Par son mode de fonctionnement, notre plate-forme répond aux besoins des investisseurs, car ses participants sont en contact direct avec les clients finaux.

Quels sont les critères de sélection de vos fonds ?

 Nos paramètres de sélection sont à la fois quantitatifs et qualitatifs avec une emphase sur ces derniers. Nous avons également de fortes exigences pour ce qui est de la transparence du portefeuille et de l’accessibilité du gérant.

De quelles compétences dispose cette plate-forme ?

Les participants à BFS sont des organes décisionnaires de banques, tiers-gérants et family offices, avec de fortes compétences en investissement et dans la sélection de fonds. C’est dans le collectivisme que la plate-forme trouve sa valeur. Les membres se retrouvent trois ou quatre fois par année. Le reste du temps, nous travaillons sur différents projets par équipe de deux à trois personnes. Nous avons une approche multi-sources où chacun peut contribuer aux flux d’information et nous  communiquons de manière très réactive et directe dans un groupe de discussion réservé aux membres du pool.

Le cercle est-il complet ?

Afin que la plate-forme puisse développer et perdurer l’esprit de partage et de cohésion qui la caractérise, nous avons délibérément limité le cercle à une douzaine de participants. Gérant collectivement une fortune de près de 25 milliards de francs, ceux-ci se connaissent bien et ont du plaisir à se trouver pour échanger. Comme ils représentent des établissements financiers de taille moyenne, ils peuvent prendre des décisions rapidement. Les quelques sièges encore vacants seraient plutôt destinés à de grands partenaires institutionnels.

Et vous n’êtes présents qu’en Suisse romande ?

Pour l’instant en tout cas, mais nos premiers succès nous laissent penser qu’il y a le même potentiel en Suisse alémanique. Le défi, c’est de trouver la personne susceptible de fédérer suffisamment de participants. Nous sommes entrés dans l’ère du partage, et notre plate-forme collaborative est en phase avec l’environnement actuel.

Avez-vous déjà obtenu des résultats, et si oui, comment les mesurez-vous ?

Nos résultats se mesurent par le capital qui est investi dans les différents projets. Notre premier succès a été la participation au lancement, en collaboration avec Bordier FinLab, le laboratoire d’idées de Bordier & Cie, du fonds Sectoral Biotech Opportunities, qui approche aujourd’hui les 100 millions de dollars.

Comment définissez-vous votre catalogue d’activités ?

En début d’année, nous définissons les directions dans lesquelles nous entendons investir et fixons les priorités en termes d’allocation. Pour l’heure, nous finalisons  deux transactions pour la fin de l’année, et 2017 se présente sous les meilleurs auspices. Nous sommes en présence d’un nouveau paradigme lié à un environnement de hausse des taux. Il va donc falloir se tourner vers des solutions innovantes pour compenser l’absence de rendement sur la partie obligataire. De quoi trouver de nombreuses opportunités d’investissement en dehors des sentiers battus.

Malgré un choix rigoureux de ces fonds, vous n’êtes pas à l’abri d’un mauvais pas. Quels sont les pièges que vous devez éviter ?

L’analyse collégiale que nous portons sur chaque dossier minimise grandement le risque d’écueil. En croisant, par exemple, les regards d’un expert en investissement direct, d’un sélectionneur de fonds traditionnels et d’un spécialiste en placements alternatifs, notre spectre d’analyse est plus complet et notre risque d’erreur est réduit.

Quels sont les secteurs les plus porteurs pour les fonds de placement ?

Nous avons ici une attitude assez agnostique. En fait, c’est la qualité du gérant qui prédomine et non un biais sectoriel. La présidence de Donald Trump pourrait  favoriser les projets de développement des infrastructures aux Etats-Unis. Nous n’allons cependant pas courir tête baissée à la recherche de fonds d’infrastructure. En revanche, nous chercherons le bon gérant qui saura sélectionner les meilleures opportunités qui s’offrent actuellement sur le marché nord-américain.

Quels sont les fonds qui présentent aujourd’hui les meilleures chances de développement ?

On a tiré à boulets rouges sur les hedge funds. Il y a cependant, dans ce domaine, des stratégies pertinentes qui ont la flexibilité nécessaire pour profiter d’un environnement de taux difficile ou d’une volatilité accrue sur les marchés.

La réglementation européenne en matière de gestion collective de fonds se renforce sans cesse. Quelle influence cette modification a-t-elle sur les activités de BFS ?

Ces changements n’ont généralement pas trop d’incidences. Ils resserrent un peu notre champ d’application, car ils restreignent le nombre d’investisseurs susceptibles d’accéder aux produits. Aussi, essaie-t-on d’avoir les produits les plus normalisés possibles, les plus en ligne avec les réglementations en vigueur. Dans cet esprit, nous facilitons l’accès au marché européen à des gérants non-européens. Une SICAV luxembourgeoise, société d’investissement à capital variable, a, par exemple, été créée pour un gérant américain.

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[Flash boursier] La Fed prévoit d’augmenter la cadence des taux

A l’issue de sa réunion mercredi dernier, la Fed a pris une position moins « wait and see » sur les taux.

Considérant les effets potentiels de la politique d’expansion budgétaire à venir, elle a annoncé sans surprise un relèvement de 0.25% du taux directeur qui passera ainsi à 0.50-0.75%. C’est seulement la seconde hausse en dix ans et elle a été décidée, c’est nouveau, à l’unanimité par les membres du comité !

La Fed prévoit pour 2017 des petits pas vers la normalisation monétaire avec trois retouches de taux, plus que prévu. Ses prévisions de croissance du PIB ont également été relevées pour se situer dans la fourchette 1.9-2.3% pour 2017. C’est un vote de confiance dans l’économie américaine, Janet Yellen affirmant que les mesures de relance attendues de la part de l’administration Trump peuvent améliorer les perspectives conjoncturelles et aussi déclencher plus d’inflation. Considérant que l’indice des prix hors composantes volatiles (énergie et alimentation) a été supérieur à 2% tout 2016, la politique monétaire américaine reste expansionniste. Les taux longs se sont déjà considérablement tendus, le rendement à dix ans a touché 2.6%, et nous estimons que le top intermédiaire devrait être proche de 2.8%.

En Suisse, la BNS se montre déterminée à abaisser les taux en territoire plus négatif, vers -1,25% s’il le fallait. Elle estime que les mesures prises pour refroidir le marché hypothécaire ont eu de l’effet. La banque centrale a par ailleurs peu parlé de ses interventions sur le marché des changes. Comme l’EUR est très faible, contre toutes les principales monnaies excepté le franc suisse, elle en achète vraisemblablement, ce qui se verra selon l’évolution de la taille du bilan. La bonne nouvelle, c’est que les actions et le dollar, qui ont bien performé, font aussi partie des actifs de la BNS.

Décembre est habituellement favorable aux actions en termes de saisonnalité. Mais après de belles performances ces dernières semaines, les marchés boursiers sont actuellement sur-achetés. La force du « momentum » pourrait donc s’essouffler entre Noël et Nouvel an. Début 2017, il conviendra d’observer si la tendance de fin d’année est encore présente ou si des rotations de secteurs et régions s’opèrent. Les marchés actions chinois et indien, qui ont subi des corrections après l’élection américaine, sont notamment devenus attractifs.

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« Le gérant de fortune indépendant ne sera plus un homme-orchestre »

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La profession de gérant de fortune indépendant est en profonde transformation. La crise de 2008 et plus récemment deux projets de loi visant à améliorer la protection du client sont principalement à l’origine de ces changements. Eclairage avec Claude Suter, responsable du département gérants indépendants à la Banque Bonhôte & Cie SA

 

Comment définissez-vous le métier gérant de fortune indépendant ?

Il y a deux types de gérants assez différents. Celui que j’appelle «gérant externe»  était employé dans un établissement bancaire et s’est mis à son compte, tout en laissant les fonds qu’il gère essentiellement déposés auprès de ce dernier. Le  gérant vraiment indépendant est, quant à lui, un professionnel de l’investissement, gérant la fortune de sa clientèle déposée auprès de différentes banques dépositaires.

 

Cette profession est en profonde mutation. Quelles sont les raisons de cette transformation ?

La principale est liée à la crise financière de 2008 et aux erreurs de certains grands établissements. Dans de tels cas, pressé notamment par l’opinion publique, le législateur est incité à légiférer. Il augmente le nombre de règles liées à ce secteur d’activité avec le risque d’en faire trop et de surprotéger le client. Son activité n’étant pas régulée, le gérant de fortune est tout naturellement tombé dans son collimateur, l’idée étant d’établir des conditions-cadres l’obligeant à exercer une activité irréprochable. L’arrivée de la technologie a aussi changé la nature du métier. Elle s’est mise au service du gérant pour lui permettre notamment de limiter les coûts liés à l’augmentation des tâches administratives.

Toutefois, certains gérants devront aussi s’attendre à une diminution de revenus en raison du rapatriement dans leur pays d’origine, par suite de déclarations spontanées des clients, des fonds non fiscalisés qui avaient été placés en Suisse.

 

Quelles sont les facettes de ce métier qui passeront ainsi aux oubliettes ?

Un costume que le gérant indépendant ne revêtira plus, c’est celui d’homme-orchestre. Ce personnage qui faisait tout pour ses clients, des investissements en bourse au conseil en passant par le family office. Ceci disparaîtra car les activités d’investissement devront désormais être séparées des activités de contrôle.

 

Deux projets de loi, la loi sur les établissements financiers et la loi sur les services financiers, sont au cœur de cette transformation. Que visent-ils ?

Dans les grandes lignes, ces lois qui sont actuellement en discussion au parlement, imposeront un régime d’autorisation préalable, une surveillance prudentielle, l’obligation d’enregistrement et de formation, une obligation de documentation, ou encore l’affiliation obligatoire à un organe de médiation. Pour faire simple, disons que le législateur veut s’assurer que le gérant comprenne les investissements faits, qu’il soit en mesure de les expliquer à ses clients et qu’ils soient en adéquation avec la propension au risque de ce dernier.

 

Quelles seront les conséquences de l’introduction de ces lois ?

Le client devrait bénéficier d’une plus grande transparence et d’une meilleure protection. Le gérant, pour sa part, devra notamment assumer des coûts administratifs importants engendrés par ces nouveautés structurelles. Des systèmes informatiques, destinés, par exemple, à vérifier si le gérant est autorisé à un investir dans un certain produit pour une typologie de client, devront être mis en place.

 

Bien qu’utiles, ces deux lois se font pourtant attendre…

C’est principalement la surveillance prudentielle qui pose problème. Le législateur souhaite soumettre le gérant à un contrôle très proche de ce qui est imposé aux établissements financiers. Or, celui-ci ne présente pas, comme les grandes banques, de risques systémiques. D’autre part, la FINMA, l’organe de contrôle bancaire, n’a pas les moyens de surveiller les 3000 gérants qui sont en activité. Certains lui prêtent l’intention de vouloir œuvrer en faveur d’une législation suffisamment dure pour réduire leur nombre et, partant, faciliter leur surveillance. A l’heure actuelle, on pense que la  mise en vigueur de ces lois pourrait intervenir en 2018.

 

Cette législation vise-t-elle seulement à améliorer le contrôle ?

Non, il y a aussi l’idée de s’ouvrir au marché européen. Mais l’agenda change. Ce projet a perdu de sa pertinence. La mise en place de l’accord FATCA avec les Etats-Unis et l’adaptation aux normes de l’OCDE ont, par ailleurs, réduit la pression internationale qui pesait sur les autorités suisses afin qu’elles adoptent des règles de surveillance plus strictes.

 

Ces lois vont-elles avoir une influence sur la capacité concurrentielle des gérants suisses ?

Elles ont pour but de mettre tout le monde sur le même pied d’égalité. Aussi, à conditions égales et compte tenu de la qualité de ses services financiers, la Suisse à un avantage comparatif certain. Nous sommes capables de faire des choses que les autres ne peuvent pas. J’ai eu de nombreux échos de clients qui, malgré le fait que l’on se trouve désormais dans un monde transparent au niveau fiscal, gardent leur argent en Suisse, car ils ne trouvent pas la même qualité de service à l’étranger. Pour réduire les coûts de gestion qu’engendreront les contrôles administratifs, le gérant cherchera aussi à cibler ses clients en fonction de leur domicile fiscal.

 

Le nombre de gérants indépendants va-t-il diminuer ?

Une réduction de moitié du nombre de gérants est plausible. Mais je ne pense pas que la masse sous gestion se réduise de manière aussi drastique. Je ne serais d’ailleurs pas surpris si elle restait plus ou moins au niveau actuel.

 

Les gérants indépendants ont désormais tendance à privilégier la collaboration avec des établissements bancaires de taille moyenne? Pourquoi ce phénomène ?

Fixés sur les objectifs de rentabilité, les grands établissements bancaires tendent à industrialiser leurs activités, au détriment du private banking. En travaillant avec des banques plus petites, le gérant indépendant trouve le moyen d’offrir à ses clients un service sur mesure. Il profite toujours des infrastructures techniques de ces banques, comme l’accès au marché, au transactionnel, aux informations, mais conserve le contact humain avec sa banque dépositaire.

 

Malgré l’automatisation, la relation directe avec le client devrait donc subsister?

Nous exerçons une profession de service où la principale plus-value offerte est le conseil. Le monde des fintech est en pleine évolution, ceci ayant comme conséquence une automatisation d’une partie des activités bancaires. Toutefois, la relation de confiance avec le client final est un élément fondamental et continuera à le rester à l’avenir. Compte tenu du flux croissant d’informations et de produits financiers, le client comptera encore d’avantage sur l’expertise de son conseiller.

Rendements négatifs: pourquoi et jusqu’à quand?

 

Ils génèrent l’inquiétude auprès des consommateurs et des investisseurs. Ils mettent en péril le modèle traditionnel de fonctionnement des banques. Les rendements négatifs pèsent sur l’activité économique et financière. On s’en accommode pourtant. Certains acteurs de l’économie n’ont pas d’autre choix que de les accepter. Ce phénomène, unique dans l’histoire de la finance, pourrait toutefois n’être que transitoire.

Les taux d’intérêt négatifs créent une situation étrange, voire absurde, qui n’a pas été envisagée par les théories économiques et financières. L’homo economicus agit de façon rationnelle, il attend donc un rendement positif lorsqu’il investit. En 5000 ans d’historique de crédit, on n’a trouvé aucune trace d’intérêts négatifs. L’idée, qui semblait pourtant reposer sur un solide fondement, que l’argent « travaille » est aujourd’hui mise à mal.

Les banques centrales mènent des politiques monétaires plus souples en pénalisant les dépôts et en réduisant le coût du crédit. La Banque du Japon et la BCE, par exemple, appliquent des taux directeurs (-0.4% pour la BCE) négatifs. Par ce moyen, elles visent à encourager la dépense dans l’économie réelle, à stimuler l’inflation, à exercer une pression sur le taux de change et à rendre les exportations plus compétitives. Elles s’attendent, par ailleurs, à ce que les taux négatifs exercent un effet de redistribution de richesse entre créanciers et débiteurs.

Les rendements négatifs sont également le signe d’une ère de stagnation économique. Engendrée par des facteurs démographiques et sociaux, celle-ci conduit à l’érosion des gains de productivité, à un faible rendement marginal du capital, à des problèmes qui dépassent le champ d’action des politiques monétaires.

 

Une longue liste d’inconvénients

Dans ce contexte inédit, le débat fait rage. Économistes patentés, chercheurs, banquiers multiplient les critiques quant à l’efficacité et aux dangers liés aux taux négatifs. Les banques centrales seraient-elles à côté de la plaque ? On pourrait le penser tant la liste des conséquences indésirables est longue. Même s’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions, on constate, par exemple, que l’effet de ces taux sur l’économie globale est faible. L’investissement des entreprises reste atone, tandis que l’instabilité financière est accrue par la fragilité des banques. Dans la zone euro, le crédit bancaire aux particuliers a peu réagi car l’offre n’était pas limitée auparavant.

De son côté, l’épargnant, dont le rendement des placements traditionnels tend vers zéro, fait grise mine. Le modèle de fonctionnement des banques, des assureurs et des fonds de pension est mis en péril. La marge bancaire, pierre angulaire des revenus des banques de détail, est laminée. Et comme si cela ne suffisait pas, les taux négatifs génèrent de l’anxiété chez les consommateurs et les investisseurs. Au lieu de risquer des pertes sur d’autres actifs, ces derniers acceptent de petites pertes sur leurs liquidités.

 

Taux négatifs, une véritable lame de fond

Et pourtant, les rendements négatifs se propagent. Les institutions, comme les caisses de pension ou les assureurs, doivent s’en accommoder. Elles n’ont pas le choix, obligées qu’elles sont d’assurer la sécurité de leurs placements. Quelques investisseurs privés jouent aussi le jeu. Ils attendent des taux plus bas encore et anticipent une ère de déflation.

On assiste à une marée montante d’obligations gouvernementales à rendement négatif. La dette obligataire souveraine mondiale à rendement négatif, s’élève à 13 trilliards de dollars, dont plus de 8 trilliards d’emprunts japonais (cf graphique 1).

Fig. 1. Répartition du rendement des obligations gouvernementales, pays développés

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Source : Indice obligations gouvernementales Citigroup, au 30 juin 2016

 

La palme revient à la Suisse avec une courbe des rendements de la Confédération sous zéro pour toutes les échéances (graphique 2), ce qui indiquerait que l’investisseur s’attend à une persistance des taux négatifs.

Fig. 2. Rendements obligataires par échéances

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Source : Bloomberg, Banque Bonhôte & Cie SA

 

Les taux négatifs sont-ils viables à long terme ou juste transitoires ? Nous penchons pour la seconde hypothèse. Faute de résultats probants, il est vraisemblable que les Etats en finissent avec l’obsession d’austérité budgétaire et que des politiques expansionnistes prennent le relais, notamment en Europe et au Japon. L’offre accrue de titres d’Etat pour financer la dépense publique devrait ainsi faire remonter les taux.

La question pragmatique que se pose, dès lors, tout investisseur est comment générer un rendement minimal sans prendre un risque exacerbé ? Dans ce contexte, les actions d’entreprises qui versent un dividende stable (valeurs de consommation, pharma…) sont attractives, d’autant plus que ces sociétés pourraient être amenées à racheter leurs titres pour contrer la ponction des rendements négatifs sur leurs liquidités.

 

Ce crash immobilier qui ne vient pas !

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Cela fait des années que l’on annonce un crash imminent de l’immobilier suisse. Force est de constater que le marché se comporte plutôt bien et qu’il n’a pas encore connu la correction attendue. Plusieurs facteurs laissent toutefois présager un avenir plus sombre pour les prix de ce secteur économique. Dans certaines régions, ceux-ci ont atteint des niveaux supérieurs aux capacités financières de la population. D’autre part, l’offre de biens immobiliers ne cesse d’augmenter, alors que la mise en œuvre de l’initiative du 9 février pourrait peser sur la demande.

La résilience du marché s’explique par le fait que chacun des trois segments qui le composent – les propriétés par étage, les logements résidentiels et l’immobilier commercial – sont soumis à des facteurs d’influence différents. La situation est ainsi particulièrement difficile dans le premier. La hausse des prix (voir Fig. 1.) a poussé les autorités politiques et monétaires à prendre des mesures anti-surchauffe. Des restrictions ont été mises en place au niveau des fonds propres, de l’accession à la propriété par l’utilisation du deuxième pilier et de l’obligation d’amortir les hypothèques. Ces dispositions ont aussi incité les banques à se montrer plus prudentes dans leurs politiques de prêts. D’autre part, comme l’offre est devenue plus abondante, ce secteur est soumis à des pressions baissières. Les prix ont d’ailleurs commencé à reculer légèrement dans plusieurs régions du pays, le bassin lémanique notamment. Une partie de l’offre excédentaire tend aussi à se recycler dans l’habitation de location.

Fig. 1. Indice suisse des habitations individuelles (PPE + villas)

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Source : IAZI CIFI, Banque Bonhôte & Cie SA

Institutionnels poussés vers l’immobilier

Dans le segment des immeubles de rendement, la demande provenant des investisseurs institutionnels est énorme. Malgré des rendements faibles, les immeubles de ce secteur offrent toujours aux investisseurs une alternative attractive par rapport aux obligations. Comparé aux rendements négatifs des emprunts de la Confédération, un rendement net de 3% pourra sembler élevé. Sur une période de 10 ans, un immeuble dégagera en effet un cash-flow cumulé d’environ 30%, alors que le même montant investi dans une obligation de la Confédération se soldera par une perte de 5%. En raison de cet important différentiel, les compagnies d’assurances ou les caisses de pension, qui ont un horizon temps très long, s’estiment être très bien protégées contre une baisse de la valeur des immeubles. Le manque de visibilité et la forte volatilité des actions, d’un côté, les taux négatifs sur les liquidités ou les placements les plus sûrs, de l’autre, poussent par défaut les investisseurs institutionnels vers l’immobilier.

La situation est beaucoup plus contrastée dans l’immobilier commercial. Ici aussi, l’état du marché diffère selon la région. On a pourtant constaté une forte hausse de l’offre de surfaces neuves, alors que plusieurs secteurs économiques traversent une période difficile et s’affairent à réduire leur charge en diminuant les surfaces occupées. Ce phénomène est notamment perceptible à Genève, en raison des restructurations et des fusions dans le domaine bancaire. Les surfaces libérées peinent à trouver des locataires, si ce n’est au prix de baisses de loyer, parfois très importantes. Cette pléthore de bureaux ne se traduit toutefois pas sur le niveau des prix; les propriétaires préférant les conserver plutôt que de les vendre à un prix bradé. La situation n’est guère meilleure pour les surfaces dans le commerce de détail. L’augmentation des ventes en ligne grignote le chiffre d’affaires des commerces traditionnels, qui dès lors ont plus de peine à couvrir leurs charges de location.

Un élément commun aux trois secteurs

Un élément est toutefois commun à ces trois secteurs du marché : le niveau des taux d’intérêt. Celui-ci est si bas que l’on peut, sans autre, financer des objets, mêmes s’ils sont très chers (voir Fig. 2.). Le coût d’un emprunt d’un million de francs avoisine les 10 000 francs, celui d’un emprunt de 2 millions, 20 000 francs. Pas étonnant donc que chacun se sente propriétaire dans l’âme.
Si une hausse massive des taux ne se produit pas, un effondrement des prix immobiliers est quasi impossible. Le seul élément susceptible d’avoir une influence très négative, mais dont l’apparition est peu probable à court terme, serait un ralentissement drastique et prolongé de l’activité économique qui entamerait substantiellement le revenu disponible des ménages. Sinon n’oublions pas que si les taux revenaient à leur moyenne historique de 3,5 à 4%, les charges d’intérêts, considérées aujourd’hui comme ridiculement basses, seraient multipliées par trois ou quatre…

Fig. 2. Taux des hypothèques à 5 ans (en %)

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Source : Bloomberg, Banque Bonhôte & Cie SA

Analyse mai 2016 – Les banques centrales au bout du rouleau ?

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Les gouvernements des pays développés se trouvent devant l’impossibilité de relancer ou, du moins, de soutenir la croissance économique à travers des politiques budgétaires plus agressives. En effet, l’augmentation massive de leur endettement survenue après la crise financière de 2008 a poussé les investisseurs à exiger la mise en place de politiques d’austérité destinées à remettre de l’ordre dans des finances publiques qui prenaient l’eau de toute part.

Dans ces conditions et face à l’obligation de maintenir une croissance positive, les gouvernements se sont tournés vers leurs banques centrales, les chargeant de remplacer la stimulation budgétaire par une stimulation monétaire (Fig. 1). En résumé : puisque nous ne pouvons pas emprunter massivement pour financer un déficit budgétaire résultant d’une augmentation des dépenses de l’Etat, chargeons alors la banque centrale de fournir des liquidités tellement bon marché que les ménages et les entreprises emprunteront massivement, les premiers pour leur consommation et les secondes pour l’investissement. L’augmentation de la demande résultant de ce mouvement devait, d’une part, stimuler l’économie et, d’autre part, favoriser le retour d’une certaine inflation, toujours bienvenue lorsque l’endettement est élevé.

 

Fig. 1. Actifs des banques centrales (Suisse, USA, Europe et Japon) en proportion du PIB (en %) et taux de croissance du PIB (moyenne)

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Pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas ?

Les raisons de cet échec sont nombreuses, aussi bien sur le plan structurel que cyclique. D’abord, pour être efficace, la stimulation monétaire utilise le système bancaire comme courroie de transmission. Or, depuis 2008, les contraintes réglementaires imposées aux banques ont explosé et ont pour effet de réduire sans cesse la taille des bilans et le niveau de risque pris par les établissements financiers. Dans ces conditions, comment voulez-vous que les banques augmentent de manière marquée leur portefeuille de prêts ? L’apparition de taux d’intérêt négatifs a, de plus, asséché le marché interbancaire. Les banques ne se prêtent plus d’argent entre elles, car aucune n’accepte les fonds d’une autre pour éviter de se retrouver en excédent de liquidité et de devoir payer des intérêts négatifs…

Cette frilosité est renforcée par la situation des emprunteurs qui, malgré des taux attractifs, ne sentent pas le besoin de s’endetter plus. Les ménages doivent servir une dette déjà lourde et faire face au vieillissement, c’est-à-dire qu’ils ont tendance à moins consommer. Ainsi, a-t-on tout au plus observé une accélération dans le renouvellement des voitures pour bénéficier d’un leasing bon marché. Les entreprises, de leur côté, sont plongées dans une grande insécurité sur l’évolution économique. Et pour cause : le ralentissement des affaires semble se confirmer et le niveau actuel des taux signifie que l’on anticipe une longue période de stagnation, voire de déflation. Autant de conditions peu favorables pour rentabiliser un investissement dans la production. Les entreprises continuent donc d’investir pour maintenir leur appareil de production, mais ne veulent pas en augmenter la taille.

Enfin, les changements intervenant au niveau de la structure de l’économie, notamment avec la désintermédiation, l’économie de partage et la consommation de proximité, freinent paradoxalement la croissance de l’économie physique tout en facilitant l’accès aux biens et aux services. Ces changements sont également de nature déflationniste, car bon nombre des modèles d’affaires qui y sont associés reposent sur une diminution des prix.

Les banques centrales luttent donc contre les vents contraires du ralentissement et de la déflation. Malgré des politiques monétaires extrêmement agressives, elles ne parviennent que très difficilement à inverser ces tendances. Toutefois, au lieu de chercher d’autres recettes, elles ne font qu’ouvrir le robinet toujours plus grand, même si l’entonnoir est tout petit et qu’il ne peut pas absorber plus de débit. C’est une politique vouée à l’échec, car l’excédent de liquidités se déverse dans les marchés financiers (Fig. 2) et crée des distorsions qui seront insoutenables à long terme, comme l’augmentation artificielle de la valeur de certains actifs et l’apparition de taux d’intérêt négatifs.

 

Fig. 2. Flot de liquidité des banques centrales se déversant sur les marchés

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Tout ceci pour essayer d’assurer un cycle économique sans récession… Or, l’économie est comme l’être humain, elle a besoin de respirer, d’inspirer et d’expirer, tout comme elle a besoin du jour et de la nuit. Vouloir prolonger le jour à l’infini ne peut pas être une stratégie gagnante !

 

Percevoir la banque privée du futur, un défi passionnant

Désintermédiation, numérisation, instantanéité, voilà les réalités qui mettent actuellement l’ensemble de notre branche au défi, et les banquiers privés suisses en particulier. Mais concrètement, qu’en est-il exactement?

Par Yves de Montmollin, Directeur général de la banque Bonhôte

Yves de Montmollin Banque BonhôteLa désintermédiation, soit la réduction ou la suppression des intermédiaires dans un circuit de distribution par le biais d’Internet, ne constitue pas en soi un phénomène nouveau. Il y a vingt ans déjà, Amazon bouleversait le marché du livre. Quelques années plus
tard, Apple mettait notamment à mal l’industrie du disque en lançant son service iTunes Store, devenu depuis la première plateforme de vente de musique numérique au monde. Plus récemment, il suffit d’observer le développement spectaculaire des services de taxi Uber ou l’envolée du système de location d’appartements Airbnb pour se convaincre que la révolution numérique est définitivement en marche.

Une nouvelle concurrence

Du côté financier, de nombreuses initiatives interpellent les banques. Qu’il s’agisse de la finance participative – le «crowdfunding» et le «crowdlending» notamment –, des nombreuses Fintechs, ces start-up financières qui voient le jour un peu partout, ou plus simplement de l’intérêt croissant des géants de l’internet (Google, Facebook, par exemple) pour le secteur financier. Il est dès lors utile de se demander comment ce dernier peut ou, plutôt, doit réagir. Et s’il est vrai que les banques commerciales sont confrontées directement à ces nouveaux concurrents, qu’en est-il des banques privées qui gèrent une grande partie de la fortune mondiale et dont l’impact sur l’économie suisse n’est plus à démontrer?

Percevoir ce que sera la «banque privée du futur» et préparer ce secteur à affronter l’avenir est donc le défi passionnant qui s’offre à nous.

Des changements profonds

Car notre industrie devra assurément faire face à des changements en profondeur. L’impulsion des nouvelles technologies de communication, qui conjuguent instantanéité, volumes quasi illimités d’informations et interactivité, bouscule les modèles d’affaires des banquiers privés.

La principale tâche d’une banque privée sera toujours de préserver et de faire fructifier le capital de ses clients, et de les accompagner dans leurs décisions d’investissement. Pour ce faire, elle devra maîtriser les nouvelles technologies, retenir les informations pertinentes et mettre à profit son expertise pour conseiller au mieux ses clients.

La relation avec le client bouleversée

Il est certain que la relation entre le client et sa banque est appelée à se modifier considérablement. L’usage des smartphones explose, les fréquentations de nos sites, via les téléphones portables, progressent à tel point qu’ils se doivent désormais d’être «mobile first»! L’analyse de toutes ces données nous permettra d’obtenir un grand nombre d’informations en temps réel, utiles pour la gestion des avoirs de nos clients. Pour se faire conseiller dans ses décisions, le client pourra contacter en permanence son gestionnaire. Le dialogue avec ce dernier devrait, d’ailleurs, considérablement s’intensifier. La tendance est déjà bien affirmée. Une enquête anglo-saxonne montre, par exemple, que 78% des clients souhaitent désormais avoir des conversations avec leur gestionnaire de fortune par le biais de vidéoconférences, de Skype ou de FaceTime.

Grâce aux informations qui ne cessent de s’accumuler dans ce que l’on appelle le Big Data et à la puissance de calcul phénoménale qui permet d’interpréter ces données, le client se verra proposer des produits financiers taillés sur mesure. Les traces qu’il aura laissées sur la Toile permettront de composer son portefeuille d’actifs en fonction de ses habitudes de consommation et de ses préférences. Des algorithmes le font d’ailleurs déjà. Le client recevra sur ses supports mobiles toutes les informations qui l’intéressent, au risque toutefois qu’il s’enferme progressivement dans ses goûts et ses habitudes. C’est l’inconvénient de l’effet «cookies».

Utiliser les réseaux sociaux

Les réseaux sociaux permettront aux banques de mieux cibler leurs clients et leurs attentes. Aucune entreprise ne saurait rester à l’écart de cette source d’information. Mark Zuckerberg n’a-t-il pas récemment annoncé qu’un milliard de personnes – soit un humain sur sept – s’étaient connectées dans la même journée sur Facebook? Ces chiffres sont d’autant plus intéressants quand on sait que 62% des utilisateurs du premier réseau social du monde ont entre 50 et 64 ans, et qu’ils représentent le public cible du private banking. Les autres médias sociaux poursuivent également leur développement à l’image de LinkedIn, Instagram et Twitter, et la tendance est aux réseaux sociaux dédiés à une thématique précise comme la photographie, la politique ou l’art contemporain. Toujours selon cette enquête anglo-saxonne, 60% des gestionnaires interrogés reconnaissaient avoir trouvé un nouveau client sur LinkedIn.

Il faut désormais l’admettre, nous n’avons jamais autant «liké» et partagé de l’information qu’aujourd’hui, une tendance que les banquiers privés se doivent de suivre. Cela peut sembler antinomique de les retrouver ainsi sur les réseaux sociaux, eux qui cultivaient il y a encore peu de temps le principe du «pour vivre heureux, vivons cachés…». Cependant, la confiance et la sécurité sont essentielles dans une relation bancaire, et c’est là, dans la manière dont elle offrira à l’avenir ses services de gestion de fortune, que la Suisse a une vraie carte à jouer.

L’un des principaux défis sera de s’assurer que la protection des données est garantie et que la sphère privée est protégée. Là aussi, l’évolution de la technologie offre déjà de nouvelles fonctionnalités, telles que la signature numérique ou la reconnaissance faciale ou vocale. Le rôle de la banque privée sera toujours de mettre son expérience de protection de la vie privée au service du client et de s’en porter garante.

En conclusion, dans cet environnement technologique, d’immédiateté, d’informations pléthoriques, la banque privée a, plus que jamais, un rôle à jouer. La valeur ajoutée qui a fait sa réputation et son succès, soit le conseil, la proximité et la confiance, sera plus importante que jamais.

Grâce aux informations qui ne cessent de s’accumuler dans ce que l’on appelle le Big Data, le client se verra proposer des produits financiers sur mesure