La Chine affirme ses ambitions planétaires

Avec près d’un milliard et demi d’habitants, la Chine ne cesse d’accroître sa présence dans l’économie mondiale. Elle affirme notamment ses ambitions planétaires en multipliant les investissements directs à l’étranger. L’Europe, dont la Suisse, figure parmi ses cibles privilégiées. Par son ampleur et selon la lecture que l’on en fait, cet engagement international inquiète ou rassure.


Avec ses investissements extérieurs massifs la Chine est en passe de devenir un exportateur net de capital. En 2016, pas moins de USD 234 mrds ont été investis à l’étranger par des entreprises chinoises pour des acquisitions ou des prises de participation. Un montant record dix fois supérieur à celui enregistré en 2007 (Fig. 1).

 

Fig. 1. Opérations de fusions et acquisitions chinoises à l’étranger (en USD mrds)

 

Plusieurs raisons expliquent cette frénésie d’achat. Les acteurs publics et privés chinois sont aujourd’hui face à un ralentissement des exportations et de l’activité économique domestique. Pour y remédier, les entreprises du pays multiplient les acquisitions internationales, afin d’acquérir de nouvelles capacités de production pour se transformer ou s’adjuger un avantage concurrentiel. Il s’agit aussi pour elles de diversifier les risques financiers face à la dépréciation du yuan.

Une présence globale

En acquérant le savoir-faire des marques étrangères, les sociétés chinoises gagnent rapidement en notoriété, évitant de devoir construire une marque internationalement reconnue, opération coûteuse et chronophage. Par ce biais, elles peuvent également atteindre une position concurrentielle dans des secteurs où la barrière d’entrée est élevée, à l’image du secteur allemand des machines-outils où de nombreuses acquisitions ont été effectuées.

Les autorités chinoises veulent que leur pays assure une présence globale. Avant 2013, les acquisitions étaient menées par des consortiums semi-étatiques – ChemChinas, Cnooc ou CNNC – qui rachetaient des multinationales dans les secteurs comme les matières premières, l’énergie ou l’agro-alimentaire. Entre-temps, la stratégie s’est sophistiquée. Avec l’émergence de la classe moyenne, la Chine veut axer son économie sur la consommation. Aussi, les investissements se font-ils dans le domaine de la haute technologie, de l’automobile, de l’immobilier, des réseaux de distribution ou encore des loisirs.

L’Europe en point de mire

Le marché américain a plus d’une fois été choisi pour les investissements chinois. Toutefois, les mesures protectionnistes prises par les Etats-Unis incitent désormais les Chinois à se tourner vers l’Europe, qui est ainsi devenue une destination favorite d’acquisitions (Fig. 2). En 2015, USD 20 mrds ont financé une palette d’achats tous azimuts: dans l’immobilier, en particulier des hôtels (Louvre Hotels Groups) et des bureaux, l’assurance (SNS Reaal Insurance), les banques (Espirito Santo), le tourisme (Club Med), les clubs de football (AC Milan). Les investisseurs ont ciblé des entreprises en difficulté financière du secteur automobile comme Volvo ou Pirelli, ou des sociétés avec un savoir-faire telles que le fabricant allemand de machines-outils KraussMaffei.

 

Fig. 2. Répartition sectorielle des acquisitions en Europe 2014-2015

 

La Suisse n’a pas échappé à l’appétit des investisseurs chinois. L’OPA en cours, à USD 43 mrds, lancée en février 2016 par ChemChina, premier groupe chimique chinois, sur le semencier suisse Syngenta est la plus grosse opération de rachat menée par une entreprise chinoise à l’étranger. Les acquisitions dans le secteur agro-alimentaire revêtent une importance stratégique pour Pékin qui veut se garantir les moyens de subsistance alimentaire. Mais d’autres achats ont aussi concerné des entreprises suisses : Eterna et Corum (horlogerie), Palace Luzern (hôtellerie), Gate Group Gourmet (restauration).

Intégrer l’économie mondiale

Ces importants investissements chinois ne manquent pas d’inquiéter. Certains craignent qu’en absorbant les technologies clef et le savoir-faire, les entreprises chinoises finissent par détruire la base industrielle de leurs concurrents. Anticipant ce danger, certains gouvernements bloquent les acquisitions susceptibles d’affecter la sécurité du pays. On peut cependant aussi voir cette démarche sous un autre angle en relevant tout d’abord que, contrairement aux acquisitions faites par les fonds d’investissement américains dans le but d’une revente, la plupart des entreprises passées en mains chinoises ne sont pas restructurées et ne perdent pas d’emplois. Mais ce qu’on peut surtout percevoir à travers ces offensives, c’est le signe positif que la Chine entend s’intégrer dans l’économie mondiale.

 

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« Notre plate-forme collaborative est en phase avec l’environnement actuel »

La Banque Bonhôte & Cie SA, à Neuchâtel, a mis en place une plate-forme d’investissement et d’échange d’informations consacrées aux fonds de placements. Steve Métrallet, son coordinateur et initiateur, explique le fonctionnement et les objectifs de cette nouvelle entité dénommée Bonhôte Fund Solutions (BFS).

Steve Métrallet, quels sont les objectifs de la plate-forme Bonhôte Fund Solutions ?

En activité depuis une année, cette plate-forme réunit un pool de partenaires institutionnels désireux d’échanger des informations et des opinions sur les marchés, les fonds de placement, mais surtout sur leurs besoins d’allocation. C’est une approche collégiale, une mise en commun de ressources intellectuelles et de capital d’investissement.

Quels problèmes cherchez-vous à résoudre ?

Nous cherchons principalement à identifier les meilleures opportunités d’investissement et, in fine, à en faire profiter les clients de nos établissements. Nous soutenons également certains gérants de fonds dans le développement de leur activité. Par son mode de fonctionnement, notre plate-forme répond aux besoins des investisseurs, car ses participants sont en contact direct avec les clients finaux.

Quels sont les critères de sélection de vos fonds ?

 Nos paramètres de sélection sont à la fois quantitatifs et qualitatifs avec une emphase sur ces derniers. Nous avons également de fortes exigences pour ce qui est de la transparence du portefeuille et de l’accessibilité du gérant.

De quelles compétences dispose cette plate-forme ?

Les participants à BFS sont des organes décisionnaires de banques, tiers-gérants et family offices, avec de fortes compétences en investissement et dans la sélection de fonds. C’est dans le collectivisme que la plate-forme trouve sa valeur. Les membres se retrouvent trois ou quatre fois par année. Le reste du temps, nous travaillons sur différents projets par équipe de deux à trois personnes. Nous avons une approche multi-sources où chacun peut contribuer aux flux d’information et nous  communiquons de manière très réactive et directe dans un groupe de discussion réservé aux membres du pool.

Le cercle est-il complet ?

Afin que la plate-forme puisse développer et perdurer l’esprit de partage et de cohésion qui la caractérise, nous avons délibérément limité le cercle à une douzaine de participants. Gérant collectivement une fortune de près de 25 milliards de francs, ceux-ci se connaissent bien et ont du plaisir à se trouver pour échanger. Comme ils représentent des établissements financiers de taille moyenne, ils peuvent prendre des décisions rapidement. Les quelques sièges encore vacants seraient plutôt destinés à de grands partenaires institutionnels.

Et vous n’êtes présents qu’en Suisse romande ?

Pour l’instant en tout cas, mais nos premiers succès nous laissent penser qu’il y a le même potentiel en Suisse alémanique. Le défi, c’est de trouver la personne susceptible de fédérer suffisamment de participants. Nous sommes entrés dans l’ère du partage, et notre plate-forme collaborative est en phase avec l’environnement actuel.

Avez-vous déjà obtenu des résultats, et si oui, comment les mesurez-vous ?

Nos résultats se mesurent par le capital qui est investi dans les différents projets. Notre premier succès a été la participation au lancement, en collaboration avec Bordier FinLab, le laboratoire d’idées de Bordier & Cie, du fonds Sectoral Biotech Opportunities, qui approche aujourd’hui les 100 millions de dollars.

Comment définissez-vous votre catalogue d’activités ?

En début d’année, nous définissons les directions dans lesquelles nous entendons investir et fixons les priorités en termes d’allocation. Pour l’heure, nous finalisons  deux transactions pour la fin de l’année, et 2017 se présente sous les meilleurs auspices. Nous sommes en présence d’un nouveau paradigme lié à un environnement de hausse des taux. Il va donc falloir se tourner vers des solutions innovantes pour compenser l’absence de rendement sur la partie obligataire. De quoi trouver de nombreuses opportunités d’investissement en dehors des sentiers battus.

Malgré un choix rigoureux de ces fonds, vous n’êtes pas à l’abri d’un mauvais pas. Quels sont les pièges que vous devez éviter ?

L’analyse collégiale que nous portons sur chaque dossier minimise grandement le risque d’écueil. En croisant, par exemple, les regards d’un expert en investissement direct, d’un sélectionneur de fonds traditionnels et d’un spécialiste en placements alternatifs, notre spectre d’analyse est plus complet et notre risque d’erreur est réduit.

Quels sont les secteurs les plus porteurs pour les fonds de placement ?

Nous avons ici une attitude assez agnostique. En fait, c’est la qualité du gérant qui prédomine et non un biais sectoriel. La présidence de Donald Trump pourrait  favoriser les projets de développement des infrastructures aux Etats-Unis. Nous n’allons cependant pas courir tête baissée à la recherche de fonds d’infrastructure. En revanche, nous chercherons le bon gérant qui saura sélectionner les meilleures opportunités qui s’offrent actuellement sur le marché nord-américain.

Quels sont les fonds qui présentent aujourd’hui les meilleures chances de développement ?

On a tiré à boulets rouges sur les hedge funds. Il y a cependant, dans ce domaine, des stratégies pertinentes qui ont la flexibilité nécessaire pour profiter d’un environnement de taux difficile ou d’une volatilité accrue sur les marchés.

La réglementation européenne en matière de gestion collective de fonds se renforce sans cesse. Quelle influence cette modification a-t-elle sur les activités de BFS ?

Ces changements n’ont généralement pas trop d’incidences. Ils resserrent un peu notre champ d’application, car ils restreignent le nombre d’investisseurs susceptibles d’accéder aux produits. Aussi, essaie-t-on d’avoir les produits les plus normalisés possibles, les plus en ligne avec les réglementations en vigueur. Dans cet esprit, nous facilitons l’accès au marché européen à des gérants non-européens. Une SICAV luxembourgeoise, société d’investissement à capital variable, a, par exemple, été créée pour un gérant américain.

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