Toni Servillo, entre les planches et le grand écran

Portrait. Il est l’un des meilleurs acteurs au monde de ce début de siècle, selon The New York Times. Les Italiens le voient sourire, pleurer et mourir depuis la fin de l’été. Protagoniste de trois films sortis dans les salles italiennes entre septembre et novembre, Toni Servillo est le plus talentueux des acteurs de la péninsule et le plus en vue du moment. Depuis mi-décembre, il incarne un père au cœur d’une tragédie familiale dans La main de Dieu, de Paolo Sorrentino. Cette pellicule marque la sixième collaboration entre le comédien et le cinéaste nés dans la même ville, Naples.

 

Toni Servillo dans La main de Dieu (2021), de Paolo Sorrentino (Photo : Gianni Fiorito)

« Comme un acteur shakespearien plongeant dans la majesté et la monstruosité de rois anciens, il rend vivante l’extravagante humanité – et le profond mystère – d’hommes vivant pour plier le monde à leur volonté. Il capture aussi leur solitude », écrit le quotidien américain. Celui-ci a placé l’acteur de 62 ans au septième rang de son classement des « 25 plus grands acteurs du 21e siècle (jusqu’à présent) ». Le New York Times fait ici référence à deux prestations : les anciens premiers ministres et personnages publics les plus clivants de l’Italie contemporaine, Giulio Andreotti et Silvio Berlusconi. Toni Servillo les incarne dans deux pellicules de Paolo Sorrentino, Il divo (2008) et Silvio et les autres (2018).

Le rôle du président du Conseil ayant gouverné l’Italie dans les années 70, 80 et au début des années 90 lui vaut les plus prestigieuses récompenses cinématographiques italiennes. En près de trente ans de carrière, le comédien napolitain collectionne quatre David di Donatello, les César transalpins, cinq reconnaissances de la part de la critique et deux de la presse étrangère en Italie.

 

« En hiver, je fais du théâtre et en été, je fais du cinéma »

 

« En hiver, je fais du théâtre et en été, je fais du cinéma », plaisantait-il en 2019 dans un entretien à MyMovies. La carrière de Toni Servillo sur les planches est tout aussi impressionnante que celle sur le grand écran. Lors de la promotion de La main de Dieu, sorti dans les salles italiennes fin novembre, le comédien se trouvait dans un théâtre à Naples où il récitait dans une pièce du poète Franco Marcoaldi, qu’il a lui-même mis en scène. Depuis les années 2000, il a notamment réalisé des œuvres d’Eduardo De Filippo et de Carlo Goldoni . « Je ne considère absolument pas le théâtre comme l’antichambre d’un tournage cinématographique, confiait-il encore. Je cultive les deux langages avec la même passion et la même détermination. »

 

Toni Servillo dans La grande bellezza (2013), de Paolo Sorrentino (Photo : Gianni Fiorito)

Cette figure de pointe du théâtre napolitain et du cinéma italien nait en Campanie au début de 1959. Au milieu des années 80, il rencontre le cinéaste Mario Martone, avec qui il fonde la compagnie théâtrale Teatri Uniti, dont il est aujourd’hui encore le directeur artistique. Les deux hommes débutent leur carrière cinématographique ensemble, l’un derrière l’autre devant la caméra, avec Mort d’un mathématicien napolitain, primé à la mostra de Venise en 1992. Toni Servillo participera ensuite à plus d’une trentaine de films et se retrouvera sous la direction de cinéastes tels qu’Antonio Capuano, Matteo Garrone, Roberto Andò, Marco Bellocchio et, bien sûr, Paolo Sorrentino.

 

« Toni Servillo est un acteur qui dispose toujours de nouvelles armes : les rôles qu’il peut interpréter ne sont pas finis. »

 

La relation de ce dernier avec le comédien relève selon le New York Times de la « symbiose rappelant de grandes collaborations du passé : Martin Scorsese et Robert De Niro ; Vittorio De Sica et Sophia Loren ; John Ford et John Wayne ». « Nous sommes assez courageux quand nous affrontons et créons certains personnages, confie à Vanity Fair le mois dernier le réalisateur primé aux Oscars en 2014 pour La grande bellezza. Toni est un acteur qui dispose toujours de nouvelles armes : pour moi, les rôles qu’il peut interpréter ne sont pas finis. Il arrive souvent que les acteurs soient pareils à eux-mêmes, ce qui n’arrive jamais avec Toni. Nous avons fait six films ensemble, il y en aura peut-être un septième et un huitième, je l’espère. »

Il y en a en tout cas eu également un sixième cette même année avec un autre réalisateur cher à Toni Servillo. Ce dernier interprète dans Qui rido io, de Mario Martone, l’acteur et metteur en scène napolitain le plus populaire de la fin du XIXe siècle Eduardo Scarpetta. Extravagant et charismatique, le rôle est taillé sur mesure pour le comédien, qui allie ici ses deux passions, les planches et le grand écran.

 

Toni Servillo photographié par Paolo Pellegrin pour Magnum Photos

Antonino Galofaro

Diplômé en Histoire et esthétique du cinéma à l'Université de Lausanne, Antonino Galofaro est le correspondant du «Temps» en Italie.