Le cinepanettone, la comédie trash du Noël italien

Sortie. Les salles italiennes accueillent chaque fin d’année une comédie liée à Noël. À la mauvaise réputation, le rendez-vous cinématographique est néanmoins immanquable pour de nombreuses familles. C’est parfois même le seul film qu’elles voient sur grand écran. La tradition du genre baptisé cinepanettone, en référence à la pâtisserie typique des fêtes italiennes, et née au milieu des années 80 se poursuit aujourd’hui encore, malgré la pandémie.

Sorti en Suisse ces jours, Chi ha incastrato Babbo Natale? (littéralement, «qui a piégé le père Noël?») s’est placé quatrième au box-office italien lors de son premier weekend d’exploitation, les 18 et 19 décembre dernier, avec près de 670.000 euros de recette. Score honorable, de nombreux spectateurs ayant préféré la toile du dernier Spider-Man, le scandale familial des Gucci ou encore les aventures de l’anti-héros Diabolik, le blockbuster made in Italy de cette fin d’année.

 

Christian De Sica en père Noël dans Chi ha incastrato Babbo Natale ? (2021) de Alessandro Siani

Cette fois-ci, il s’agit de briser le monopole des cadeaux du père Noël. Une société singeant Amazon compte tout faire pour pousser son entreprise elfique à la faillite. Si les ingrédients du cinepanettone tels le duo d’idiots, la femme séduisante et les péripéties absurdes sont bien présentes, la forme s’éloigne du genre. Le réalisateur et acteur napolitain Alessandro Siani reprend les rennes (pardonnez le jeu de mots) de cette variété cinématographique en fin de vie, en supprimant des aspects issus d’un monde révolu.

Le cinepanettone classique se distingue par son intrigue faite de trahisons sentimentales, de sexe suggéré, de blagues salaces et d’acrobaties gênantes, dans laquelle Noël n’est en réalité qu’un prétexte. Il a même sa définition dans le Treccani, le dictionnaire italien de référence: «Ces films sont caractérisés par un comique de situation à l’humorisme élémentaire, riches d’allusions sexuelles, répétitifs dans leur intrigue mais séduisant le public depuis 30 ans.»

 

Massimo Boldi avec Carmen Electra dans Vacanze di Natale 2000 (1999)

Ce genre de pellicule loufoque naît dans les années 80 lorsque le producteur Aurelio De Laurentiis charge les frères Carlo et Enrico Vanzina de réaliser une comédie située dans une station de ski. Vacanze di Natale (Vacances de Noël, simplement) sort au cinéma en 1983. Le film ressemble, même si revisité à l’italienne, aux Bronzés font du ski. Mais contrairement au film français, 27 autres aventures du genre seront projetées dans les salles italiennes les trois décennies suivantes. Celles-ci se reconnaissent tout de suite au titre, Vacances de Noël [ajoutez l’année de production] ou Noël à [insérez une ville ou un pays].

 

«La capacité de raconter avec légèreté et sincérité les vices et les coutumes d’une Italie encore riche» séduit le spectateur

 

Ces films séduisent des millions d’Italiens grâce aussi au duo comique composé de Christian De Sica et Massimo Boldi. Le premier est un Romain séducteur et beau parleur, le second est un Milanais maladroit voyageant toujours avec sa famille. Jouant sur les clichés entre le nord et le sud italien, et avec les accents typiques des deux grandes villes rivales, les deux hommes se retrouvent systématiquement dans des situations absurdes.

 

Massimo Boldi (à gauche) et Christian De Sica, duo comique immanquable dans un cinepanettone

Le succès de leurs œuvres se confirme dans les années 90 et 2000. Ce sont des «sketches basés sur le conflit de classe et sur l’hypocrisie de la société, explique le site cinematographe.it. La capacité de raconter avec légèreté et sincérité les vices et les coutumes d’une Italie encore riche» séduit donc le spectateur. Le genre atteint le sommet du succès dans les années 2000 et attire même des célébrités internationales. Carmen Electra en 1999, Cindy Crawford en 2000 ou encore Danny DeVito en 2004 font partie du casting de ces films, aux côtés des deux comédiens italiens.

La séparation du duo en 2006 marque le déclin du cinepanettone, mais non sa mort. Christian De Sica poursuit seul l’aventure, avec un succès moindre. En 2019, les deux acteurs se retrouvent mais le public ne suit plus comme avant. Le fonds est touché l’année suivante, en pleine pandémie, avec En vacances sur Mars. Le duo ne réitère pas cette année. Christian De Sica préfère se mettre entre les mains d’Alessandro Siani, dans la peau du père Noël, espérant peut-être relancer le genre le plus populaire d’Italie.

 

Danny DeVito avec Massimo Boldi dans Christmas in love (2004)

Antonino Galofaro

Diplômé en Histoire et esthétique du cinéma à l'Université de Lausanne, Antonino Galofaro est le correspondant du «Temps» en Italie.