Diabolik, un Arsène Lupin à l’italienne

Sortie. Il est le « roi de la terreur », à mi-chemin entre Arsène Lupin et Fantômas, mais au style sombre, inquiétant et violent d’un Batman criminel. Diabolik, dessiné pour la première fois en 1962 par deux sœurs milanaises, Angela et Luciana Giussani, s’est incarné dans un film sorti dans les salles italiennes le 16 décembre. Génie du crime et du déguisement, assassin sans pitié muni d’un sens de l’analyse et de la déduction digne de Sherlock Holmes, l’homme en noir est entré dans la culture italienne, alimente encore tous les mois les étagères des kiosques et réjouit trois générations de lecteurs. 

La pellicule a ravi les plus grands admirateurs du cambrioleur. Il s’est placé troisième au box-office lors de son premier weekend d’exploitation, bloqué seulement par le triomphe populaire de Spider-Man : No way home et par le dernier film de Ridley Scott à forte empreinte italienne, House of Gucci. Le film a cependant moins convaincu la critique. « La reconstruction des atmosphères et des personnages est fidèle [à la bande dessinée], mais il manque un cœur au film », écrit par exemple la revue Il cinematografo. Servi par des acteurs entrant parfaitement dans la peau de personnages caricaturaux, la pellicule propose pourtant une histoire haletante, un scénario sans prétention et convainc aussi grâce à une photographie contrastée et une ambiance nous plongeant à la fois dans les meilleurs films noirs des années 40 et 50 et dans les premiers James Bond. Les couleurs presque éteintes renvoient aux planches dessinées.

 

Luca Marinelli, dans Diabolik (2021), des frères Manetti

Années 60, une ville imaginaire à l’air milanais. Diabolik, revêtu de sa combinaison noire ne laissant apparaître que ses yeux, tente de semer la police. Il conduit sa fameuse Jaguar. Grâce à un escamotage dont il a le secret, il réussit à s’enfuir. L’inspecteur Ginko est furieux. Le voleur vient de réussir un nouveau cambriolage. Son nom apparaît d’un coup d’éclair dans le ciel ; le décor est posé, le film peut commencer. Diabolik prévoit maintenant de ravir le diamant de Lady Eva Kant, autre personnage emblématique de la série. Luca Marinelli, primé à la mostra de Venise en 2019 pour son interprétation dans Martin Eden, revêt le fameux masque. Miriam Leone et Valerio Mastandrea complète ce casting prestigieux, sous la direction des frères Manetti, adeptes de la BD et rêvant depuis des années de l’adapter sur écran.

 

« Il y a ici bien plus de Hitchock que de Stan Lee »

 

« Luca Marinelli ressemble davantage au Professeur de La casa de papel qu’à Spider-Man et, surtout, le rythme est la négation des comics américains, commente le magazine Elle. Il y a ici bien plus de Hitchock que de Stan Lee et le langage est volontairement un hommage au passé. » Diabolik nait justement dans ce passé. Le personnage est créé il y a bientôt six décennies par les sœurs Angela et Luciana Giussani, « deux femmes belles, cultivées, pleines d’esprit, issues de la haute bourgeoise milanaise ayant eu le courage de devenir des entrepreneuse d’elles-mêmes dans une époque où telle opération était anormale mais qui n’hésitèrent pas à affronter accusations, critiques et procès pour persévérer dans leur aventure », rappelle leur éditeur, Astorina. Le premier numéro paraît en novembre 1962.

 

Diabolik et Eva Kant dessinés par les sœurs Giussani

Dès l’année suivante, « Diabolik fait partie de l’imaginaire collectif des Italiens, analyse l’agence de presse Ansa. Il est l’anti-héros cynique et vaguement inquiétant permettant de sortir d’un macrocosme respectable et puritain, en suivant métaphoriquement une affirmation personnelle dans laquelle compte seulement la satisfaction du propre plaisir. » Les sœurs Giussani ont répondu à ce désir, en plaçant les histoires du cambrioleur masqué entre les mains de milliers de pendulaires milanais dans les années 60 d’abord, sur les grands écrans des Italiens aujourd’hui.

 

Eva Kant (Miriam Leone) et Diabolik (Luca Marinelli) dans le film des frères Manetti

Antonino Galofaro

Diplômé en Histoire et esthétique du cinéma à l'Université de Lausanne, Antonino Galofaro est le correspondant du «Temps» en Italie.

2 réponses à “Diabolik, un Arsène Lupin à l’italienne

  1. Bonsoir. J’ai contacté la société qui distribue le film en Italie et voici leur réponse:
    Buongiorno Luca, a questo link puoi trovare l’elenco delle sale in cui sarà proiettato Diabolik https://bit.ly/DiabolikFilmSale

    Savez-vous s’il va sortir en Suisse?
    Cordialement

    1. Bonjour, merci pour votre message. Aucune date de sortie n’est en effet prévue pour l’heure en Suisse. J’espère qu’il sera vendue à une distribution étrangère ! Je vous tiendrai au courant. Bien à vous.

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