Dans le cadre de la session d’été du parlement, deux initiatives parlementaires demandent à ce que les patients mettent dorénavant la main au porte-monnaie lors de chaque consultation médicale.
Dans le premier cas, le Vert libéral zürichois Thomas Weibel souhaite que chaque patient qui se rend aux urgences s’acquitte sur place d’une taxe de 50.-, remboursable en cas d’hospitalisation subséquente et qui ne s’appliquerait pas aux enfants, stratégie politique oblige…
Dans le deuxième cas, plus radical, l’UDC Thomas Burgherr souhaite que chaque patient qui se rend à l’hôpital ou chez le médecin paye une participation aux coûts, sur place et en espèces. Rien que ça.
Ces deux initiatives parlementaires visent, selon leur auteur, à responsabiliser le patient.
Faux problème mais vraie attaque contre le système social
A lire et écouter certains politiciens et organes représentants des caisses maladies, l’irresponsabilité et la surconsommation inutile des patients suisses seraient la cause de tous les maux, et particulièrement de l’augmentation continue des coûts de la santé.
Ainsi, en pénalisant économiquement le patient, et particulièrement ceux à faibles revenus, car c’est bien connu que ce sont les pauvres qui coûtent au système de santé, ces technocrates sont persuadés que la raison – financière – l’emportera sur la maladie et les peurs, parfois irrationnelles.
Au diable l’adage qui veut qu’il faille mieux prévenir que guérir.
A se demander si ces attaques contre le droit à être soigné n’est en réalité pas une attaque contre le système de santé en lui-même.
Que se passera-t-il si les patients qui se présentent, déjà exsangues du paiement de leurs primes, ne sont pas en mesure de verser le cens* à leur médecin ?
Refusera-t-on de les soigner, les mettra-t-on à la porte des cabinets et des hôpitaux puis sur liste noire ?
Paradoxalement, moins un système de santé social soigne les plus vulnérables, moins il a de chance de survivre. En effet, dès lors que le système ne soigne plus ceux qui n’ont pas d’argent, il n’est pas nécessaire de le maintenir sous une forme obligatoire.
En claire, c’est la fin du système de santé dit social.
*Le cens: impôt personnel dû par les serfs à leur seigneur. D’un montant modéré, il était surtout destiné à affirmer la condition servile de la personne qui y était soumise.
Budget illimité contre budget fixe
Résumer en quelques phrases la problématique du système LAMAL et des primes est illusoire mais on peut au moins lancer quelques pistes de réflexion.
En effet, malgré les difficultés croissantes rencontrées par la population pour le paiement des primes, personne ne semble remettre en cause le principe même d’évolution des primes.
On subventionne, on tente de réduire l’augmentation, on incite, on augmente les franchises, on punit mais on ne change pas de paradigme.
D’un point de vue économique, pour l’entrepreneur que je suis, c’est comme investir dans un projet sans limite de budget et de temps, sans savoir si la facture pourra être payée, qui plus est par des tiers.
En premier lieu, ne faudrait-il pas briser le tabou des primes en commençant par mettre à l’étude un système de santé à budget fixe.
Quel système de santé peut-on offrir à la population pour une prime mensuelle de CHF 250.-/ 300.-, etc ?
A ma connaissance, aucune étude sérieuse et indépendante des caisses maladies n’a été faite sur le sujet.
L’épouvantail de l’hypocondrie
En second lieu, on pointe régulièrement le recours aux services d’urgence pour des cas bénins, érigeant l’hypocondrie en épidémie nationale.
Mais qu’en est-il de la question fondamentale suivante :
Pourquoi un individu se rend-il aux urgences et pas chez son médecin de famille ?
Pour voir un spécialiste de l’hôpital ? Pour être soigné dans un hôpital plutôt que chez son médecin ?
Non, très simplement parce qu’il ne sait pas où aller un dimanche soir !
Dès lors, ne doit-on pas battre en brèche le dogme libéral et couvrir le pays de centres médicaux d’urgence 7/24 avec des médecins payés par le Canton, au mois et non à l’acte ?
Le coût de chaque centre serait totalement maitrisé et c’est tout ce flux de patients qui serait canalisé immédiatement au lieu de s’éparpiller chez les spécialistes, dans les hôpitaux ou les cliniques privées.
C’est le modèle médecin de famille, si « cher » à nos caisses maladies mais à l’échelle nationale avec une libre circulation des patients entre les centres et des données centralisées.
Quelques pistes de réflexion plus agressives
Les médicaments par exemple représentent une part importante des coûts totaux de la santé, entre 10 et 15% selon les statistiques.
En plus du remboursement automatique du générique, ne devrait-on pas conditionner l’autorisation de mise sur le marché suisse d’un médicament à une clause de meilleur prix mondial ?
A savoir qu’un médicament de marque ne peut être vendu en Suisse au-dessus du prix le plus bas auquel le fabricant le vend à l’étranger.
Une différence de 300% d’un pays à l’autre est injustifiable.
Autre exemple, la multitude des positions Tarmed qui conduit à des additions d’épiciers et souvent élevées.
Dans la continuité des réflexions récentes sur la facturation à l’acte, n’est-il vraiment pas possible de considérer qu’un médecin puisse être rémunéré au temps, fournitures en sus ? (A lire: https://www.letemps.ch/suisse/portemonnaie-medecins)
Ne gagnerait-on pas en prévisibilité financière et en qualité pour le patient à fixer par exemple la consultation à 20 minutes, diagnostique et actes compris, fournitures et médicaments en plus.
Avec un plafond de 30 consultations par jour et par médecin.
Les médecins méritant une juste rémunération, le prix de la consultation pourrait être plus élevé, ce système libérant au passage le médecin de calculs auxquels il ne se prédestinait pas lorsqu’il prêtait serment.
On en parle ?
Bon baiser de Suisse.