Rapport 2022 du Service de renseignement de la Confédération, l’occasion de quelques questions politiques

Lundi 27 juin 2022, le Service de renseignement de la Confédération présentait son traditionnel rapport annuel « La sécurité de la Suisse 2022 ».

Panorama des menaces pour la Suisse, des enjeux internationaux et des activités du Service, c’était également le premier rapport de l’institution sous l’ère de son nouveau directeur, Monsieur Christian Dussey.

Si la lecture est dense, elle est néanmoins intéressante et couvre de manière assez exhaustive le spectre des menaces auxquelles fait face la Suisse.

Deux thèmes abordés en conférence de presse à Berne lors de la présentation du rapport ont toutefois le mérite de faire émerger la question délicate et toujours partiellement pendante de la mission et du rôle du Service de renseignement de la Confédération dans l’appareil politique et sécuritaire de la Suisse.

Conflit en Ukraine, savoir ou réagir

En premier lieu, l’incontournable conflit en Ukraine que le Service de renseignement de la Confédération aurait anticipé « dès novembre 2021 dans un rapport au Conseil fédéral qui décrivait les Russes comme se préparant à « une confrontation militaire » puis dans un rapport datant de mi-janvier qui mentionnait la « probabilité élevée » d’une attaque russe après les Jeux olympiques d’hiver de Pékin[1] ».

Cette analyse correcte de la situation à l’hiver 2021 est à mettre au crédit de l’institution.

Mais quid de l’usage politique de ces rapports ?

On rappellera ici qu’un service de renseignement, quel qu’il soit, a pour mission générale de fournir de l’information et des options au politique.

On comprend donc qu’en janvier 2022 au plus tard, le Conseil Fédéral était informé de la probabilité très élevée d’un conflit en Ukraine et qu’aucune mesure publique pro-active de défense des personnels et des intérêts économiques suisses en Ukraine n’a été prise. Aucune communication aux entreprises suisses actives en Ukraine, pas de communication sur d’éventuelles évacuations à l’Est, pas de réserves extraordinaires de pétrole et de gaz, pas de réserve de grains, pas de procédures en place au Seco.

Visiblement, nous avons fait le choix stratégique de se faire surprendre comme le reste du monde.

Au-delà de la petite touche d’ironie, cette question de la conversion de l’information stratégique en actions politiques par le gouvernement mériterait une analyse critique et un peu plus d’initiative de la part de l’exécutif.

La mission du Service en Suisse

En second lieu s’impose le besoin urgent de clarification de la mission du Service sur le territoire suisse. A cet égard, l’indignation des politiques suite à la fusillade entre motards à Genève le mois dernier est un bon révélateur du paradoxe actuel. Dans la presse, les élus PLR s’indignaient du fait que FEDPOL et le SRC ne surveillaient pas ces groupes, ce à quoi le Service ne pouvait que répondre que cette surveillance n’était actuellement pas de son ressort. En parallèle, ce sont les élus Verts qui s’indignaient, eux aussi, du fait que des militants du parti et certaines réunions avait fait l’objet d’une surveillance et de rapports. Le parti invoquait « l’affaire des fiches » 2.0 et le fait « que la société civile pacifique est largement observée, alors que le service de renseignement devrait plutôt s’occuper de ses véritables missions »[2].

Finalement, les partis de gauche appellent à mieux surveiller les extrémismes de droite et la droite à mieux surveiller l’extrémisme de gauche.

Quelle mission, quelles compétences et quels outils

Tiraillé entre les visions politiques et la répartition des compétences entre les organes de sécurité (FedPol, PolCant) de l’Etat, le Service de renseignement de la Confédération cherche sa voie et sa mission, difficilement.

Ce Service, dont chacun semble redouter qu’il devienne un outil de surveillance de masse de l’Etat, une sorte de nouvelle police politique, est paradoxalement le Service le plus politisé et le plus soumis aux influences politiques alors qu’il devrait être au contraire un outil apolitique et jouir d’une grande indépendance pour être garant de la sécurité de l’Etat dans la durée et indépendamment de la configuration politique de la Coupole.

Depuis l’entrée en vigueur de la LRens en 2015, l’on n’a cessé de renforcer l’arsenal de la police fédérale et des polices cantonales avec les outils dévolus au SRC pour éviter soigneusement d’empoigner le sujet clivant de sa mission, de ses compétences et des moyens adéquats à sa disposition.

Un peu de courage politique et de clarté seraient les bienvenus.

 

 

 

 

[1] https://www.letemps.ch/suisse/chef-estime-espions-suisses-ont-bien-anticipe-lagression-russe-ukraine

[2] https://verts.ch/nouvelles/les-vert-e-s-dans-le-viseur-du-service-de-renseignement#k4

La direction du Service de Renseignement de la Confédération passe en mains civiles

Après l’armée, la diplomatie

Nouvelle Ministre, nouveau casting et nouvelle nomination à la direction du Service de Renseignement de la Confédération en la personne du diplomate expérimenté Christian Dussey.

Déjà pressenti en 2018 lors du dernier tour de chaises musicales à la tête du Service, le ministre de la Défense d’alors, Guy Parmelin, lui avait préféré le militaire Jean-Philippe Gaudin.

Ce dernier quittera son poste au 30 mars 2022, le temps d’une transition que l’on espère sans accrocs.

Mal-aimé, malmené sur la place publique comme en son sein, le Service de Renseignement de la Confédération se cherche depuis plusieurs années un nouvel élan et quelques talents diplomatiques, sous la coupole comme avec nos partenaires étrangers ne seront pas de trop.

Quelle mission avec quels moyens ?

Si la mission du Service semble claire sur le papier, anticiper et prévenir la menace, les moyens, la vision à long terme et le courage politique manquent.

Pour satisfaire tous les acteurs politiques, notamment lors de la votation sur la Loi sur le Renseignement en 2015, l’on a créé un service au secret très relatif, bureaucratique à souhait et sans pouvoirs de police.

Ce n’est d’ailleurs par un hasard si le Département de justice et police a soumis au peuple le 13 juin dernier le paquet dit des « Mesures policières de lutte contre le terrorisme MPT » qui permettent à l’Office fédéral de la police (fedpol) de bénéficier de mesures préventives et incisives dans le cadre de la lutte anti-terroristes.

Plusieurs de ces mesures, logiquement, auraient dû trouver leur place dans l’arsenal du SRC, en amont de l’ouverture d’une procédure judiciaire mais le risque politique était trop important. Une police avec des moyens d’actions très larges, voire problématiques selon plusieurs ONG, fait visiblement moins peur qu’un service de renseignements aux moyens très limités et étroitement contrôlés.

De la diplomatie, il en faudra également beaucoup pour redonner une mission claire, et soutenue par le Parlement, au Service de Renseignement de la Confédération.

Car les défis sont là, de l’extrémisme violent aux menaces cybers en passant par l’espionnage politique et économique en Suisse, rarement la nécessité d’un service de renseignement pro-actif n’a été aussi grande.

Éduquer aux métiers et à la nécessité du renseignement

Dans une époque de tensions exacerbées, tant sur le plan intérieur qu’extérieur, expliquer au Peuple et au Parlement la nécessité d’un service de renseignement, sa différence avec un service de police et redéfinir sa mission au service du pays devraient être des priorités.

Loin des fantasmes de la surveillance de masse, à laquelle la population se prête d’ailleurs largement et volontairement sur les réseaux sociaux, de l’histoire des fiches, le renseignement c’est un outil de gouvernance au service de l’État et du Peuple.

Loin de la psychose helvétique à ce sujet, des pays comme le Royaume-Uni ou la France vivent très bien leur relation avec leurs multiples agences de renseignement. Peut-être une source d’inspiration sur la manière d’expliquer et de communiquer ?

Comme le dit l’adage « décider sans savoir, c’est laisser la chance décider », et en 2021, c’est un luxe que l’on ne peut pas se permettre.

Bonne chance à Christian Dussey pour cette mission, qu’il a accepté.

 

 

 

 

La lente agonie du Service de Renseignement de la Confédération

Siège éjectable

« Lors de sa séance du 12 mai 2021, le Conseil fédéral a approuvé la fin des rapports de travail avec le directeur du Service de renseignement de la Confédération (SRC), M. Jean-Philippe Gaudin, d’un commun accord pour le 31 août 2021. »

C’est par ce communiqué concis, presque gêné, que le SRC annonçait le départ de son chef après trois ans de bons et loyaux services.

L’annonce, qui a surpris plus d’un observateur, a donné lieu à de nombreuses hypothèses dans la presse, incriminant tour à tour Jean-Philippe GAUDIN pour sa gestion de l’affaire Crypto AG ou ses difficultés de communication avec sa Ministre de tutelle Viola AMHERD ou encore, plus récemment, les résultats de son service à la suite d’un rapport sur les relations au travail au sein du SRC mettant en exergue, notamment, une culture sexiste établie de longue date.

A ce sujet, le quotidien 24 HEURES ajoutait : « que lors d’une séance de commission confidentielle (SIC !), Viola Amherd, la cheffe du département de la Défense (la ministre de la Défense), a carrément parlé de « résultats catastrophiques ». En plus du problème de sexisme, la direction a été fortement critiquée, en n’obtenant que 52 points sur 100 possibles ». Soit douze points de moins que la moyenne des services du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) ».

Il n’en fallait pas plus pour que le brigadier Jean-Philippe Gaudin, proche de Guy PARMELIN et nommé par celui-ci en 2017, cède la place à la faveur du changement de régime à la tête du DDPS.

Des chefs boucs-émissaires ?

L’histoire d’un changement de chef à la tête du SRC aurait dû rester anecdotique si elle n’était pas l’énième spasme d’une gouvernance politique moribonde.

L’arrivée de Jean-Philippe GAUDIN a la tête du SRC avait eu un effet bénéfique, principalement celui de remettre de l’ordre dans la troupe après plusieurs scandales politiques retentissants sous l’ère de Markus SEILER, son prédécesseur, lequel était toutefois parti sur un succès, et non des moindres, celui de l’acceptation par le peuple de la nouvelle Loi sur le Renseignement.

Vouloir faire porter le chapeau de la dérive interne du SRC à ces deux chefs, c’est ignorer la cause profonde du malaise, soit l’absence d’une mission, de moyens et d’une vision à long terme pour Service de Renseignement de la Confédération.

La faute politique continue

La faute est politique, tous partis confondus. Pour satisfaire tous les acteurs politiques, l’on a créé un service secret transparent, bureaucratique à souhait, sans pouvoirs de police et dont la tâche principale se borne à assurer en Suisse le suivi de dénonciations provenant de services étrangers.

Le carcan juridique et administratif empêche toute initiative interne et permet encore moins la mise en place d’opérations complexes ou audacieuses.

Ce n’est d’ailleurs par un hasard si le Département de justice et police a soumis au peuple le 13 juin 2021 le paquet dit des « Mesures policières de lutte contre le terrorisme MPT » qui permettent à l’Office fédéral de la police (fedpol) de bénéficier de mesures préventives et incisives dans le cadre de la lutte anti-terroristes.

Ces moyens d’actions, logiquement, auraient dû trouver leur place dans l’arsenal du SRC, là où est réellement leur place, en amont de l’ouverture d’une procédure judiciaire.

Toutefois, il politiquement impossible en Suisse à l’heure actuelle d’étoffer les moyens d’actions du Service de Renseignement.

La question est taboue à Berne mais mérite d’être posée, doit-on conserver un service de renseignement qui n’a aucun pouvoir sans le concours de l’Office fédéral de la police (fedpol) ou devrait-on intégrer les capacités du SRC au sein de celui-ci ?

Cette question est le reflet du ressenti des acteurs du SRC qui travaillent dans un service bridé, sans pouvoir décisionnel et dont la crainte principale n’est pas le succès d’opérations pour la sécurité de la Suisse mais le contrôle politique et parlementaire de leurs actions.

Dans ces conditions, la frustration ne peut que conduire à une péjoration des conditions de travail et à un climat difficile.

Si le sexisme au sein de l’institution est inexcusable, le remède à celui-ci implique obligatoirement la revalorisation du travail des collaboratrices et des collaborateurs, revalorisation qui devra passer prioritairement par un renouveau de leur mission et un soutien politique courageux et sans faille en termes de vision et de moyens.

Bon baiser de Suisse.

 

 

 

 

 

 

Nouvelle loi anti-terroriste : un canard boiteux mais révélateur de l’inefficacité helvétique

Le 14 janvier dernier, les jeunes Verts, la Jeunesse socialiste, les jeunes Vert’libéraux et le Parti pirate ont déposé à la Chancellerie fédérale 142 800 signatures contre la nouvelle loi sur le terrorisme.

Ceci fait, nous voterons le 13 juin 2021 sur ce référendum.

Au cœur du débat, l’autonomie et le pouvoir de décision très large que la loi offrirait à la police fédérale (Fed Pol) dans ses efforts de lutte contre le terrorisme et les extrémismes violents.

Sont particulièrement visées par les critiques de tout bord, la nouvelle définition de l’« activité terroriste», qui n’exige plus la perspective d’un crime ainsi que certains articles du projet de loi (art. 23ss Loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme) qui donneraient à la police fédérale un pouvoir étendu pour désigner des « terroristes potentiels » et décider de mesures préventives à leur encontre sans contrôle judiciaire significatif, c’est-à-dire sans validation préalable de la mesure de contrainte, par exemple une assignation à domicile ou une interdiction de contact, par un juge.

Pour rappel, dans le cadre d’une instruction de la police cantonale, les mesures de contraintes sont ordonnées par le Ministère public et les mesures de privation de liberté par le Tribunal des mesures de contrainte.

Ce débat n’est pas sans rappeler celui, encore récent, sur la Loi sur le renseignement (LRens), lequel avait donné lieu à des négociations tout aussi acharnées sous la Coupole et à un référendum finalement perdu par les opposants.

Cette opposition farouche d’une partie de la classe politique au projet de la LRens avait abouti à la mise en place de cautèles strictes à l’activité du Service de Renseignement (SRC), à l’introduction de procédures administratives et judiciaires très lourdes autour des mesures à disposition du Service et à l’absence de tout pouvoir dit « de police » au sein du SRC. En clair, dès que le SRC dispose de soupçons forts ou fondés envers un sujet d’enquête, il doit transmettre le dossier au Ministère Public de la Confédération qui va charger Fed Pol de la suite de l’enquête et des mesures de contrainte.

Ces restrictions nous ont conduit à avoir un Service de renseignement avec des moyens étendus mais aucun pouvoir de police et à une Police fédérale sans les moyens du service de renseignement, mais avec un rôle de police.

Ce partage des pouvoirs fonctionne sur le papier et dans la tête de certains politiciens mais dans la lutte contre le terrorisme et les extrémismes violents notamment, cette manière de faire ne fonctionne pas, et encore moins lorsqu’on y ajoute les impératifs liés à la nécessaire coopération internationale dans ces matières.

Le résultat de cette schizophrénie est ce projet de Loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme sur lequel nous voterons et qui tend fondamentalement à accorder à la Police fédérale les pouvoirs qui ont été refusés au Service de renseignement pour les mêmes tâches.

A l’inverse, ne devrait-on pas accorder plutôt des pouvoirs de police au Service de renseignement ?

La question est ouverte dans l’attente du résultat du 13 juin prochain.

Quel que soit le résultat de la votation et sans se prononcer ici sur le bien-fondé des arguments du législateur et des référendaires, il semble clair qu’une nouvelle réflexion sur l’appareil sécuritaire au niveau fédéral doit être rapidement menée.

En tant que citoyen, j’espère voir particulièrement les partis de « gauche » prendrent part à ce débat, non dans un perpétuel esprit d’opposition, mais avec une approche constructive dont le premier objectif doit être l’efficacité et la cohérence du système.

 

 

 

COVID ou COMPLOTS VIDES ?

Aux cours des dernières semaines, on a beaucoup parlé des théories du complot en lien avec la crise du COVID 19.

Longtemps, nous avons observé de loin l’émergence, la diffusion puis la consécration, jusqu’au plus haut sommet de l’Etat américain des théories du complot ou des faits alternatifs comme disent aujourd’hui les stratèges politiques.

Ce qui faisait rire hier, comme la remise en question du caractère sphérique de la terre, fait beaucoup moins rire aujourd’hui alors que certains s’attaquent à des politiques publiques, à des programmes scolaires ou s’arment et se préparent à la contre-attaque suite à leur lecture de la « Vérité » sur Internet.

En Suisse aussi, avec la crise actuelle, nous avons vu émerger dans le débat public des personnalités et des théories jusqu’ici cantonnées à l’anonymat numérique.

Aux moqueries de la majorité, souvent décrite comme aveuglée et contrôlée, cette nouvelle minorité visible rétorque qu’elle ne fait que poser des questions et interroger ceux qui nous gouvernent.

La démarche est d’apparence légitime mais le problème est qu’aucune réponse n’est jamais satisfaisante. Et pour cause, l’essence même des théories « du complot » est de ne pas croire les réponses données.

L’enjeu du « complotisme », bien que je n’aime pas le mot, est de faire basculer un système basé sur la vérité factuelle vers un système de croyance où la vérité est une opinion et non plus un fait scientifique.

Car non, toutes les sources ne se valent pas et toutes les opinions non plus. Tous ceux qui doivent travailler avec des sources documentaires le savent, l’enjeu premier d’une analyse de l’information est la qualification des sources. L’opinion de « François » informaticien à la retraite et son analyse de sources Internet n’ont pas la même valeur qu’une étude en double aveugle par trois prix Nobel dans la revue Nature.

Non, face à ces deux opinions, il n’y a pas deux théories, comme on peut le lire aujourd’hui sur Internet. Il y a la science de pointe d’un côté et l’ignorance et un empire de faux syllogismes de l’autre.

Comme l’ont mentionné certains commentateurs éclairés, poser et reposer certaines questions dont les réponses étaient considérées comme acquise c’est remettre en question les fondements. Or, sans fondements, il n’y a plus de construction possible, seulement le déséquilibre.

Dans notre société, au-delà des escarmouches rhétoriques, et souvent fleuries, sur les réseaux sociaux au sujet des potentiels complots actuels,  l’enjeu sur le long terme est de savoir comment nos démocraties vont pouvoir et plus probablement devoir consacrer certains faits et vérités scientifiques sans tomber dans l’autoritarisme et en laissant toujours ouverte la porte à la remise en question scientifique.

En effet, ce que la crise actuelle nous montre c’est qu’une partie importante de la population n’est pas en mesure de vivre dans l’incertitude ou à tous le moins de l’accepter, en particulier chez nos dirigeants.

Nous ne savons pas encore beaucoup de chose de la COVID 19, nous ignorons combien de temps cela va durer, nous ignorons quelles seront les séquelles de la maladie, nous naviguons à vue dans le brouillard et le gouvernement avec nous.

Oui, en 2020, alors que l’on peut envoyer des satellites dans l’espace, nous n’avons pas de plans éprouvés face au virus.

Nous restent alors deux solutions, affronter la crise ensemble en comprenant bien que toutes les mesures qui sont prises sont aussi inédites qu’incertaines ou mettre la faute sur les Illuminatis, les pharmas, les juifs, Bill Gates ou autres « états profonds ».

Au lieu de passer du temps à chercher la Vérité sur Youtube, on ne peut que recommander la lecture du philosophe du XIVe siècle Guillaume d’Ockham et de s’attarder particulièrement sur le concept de son désormais célèbre rasoir.

 

 

 

 

Piqûre de rappel pour les adeptes du traçage COVID

Il est de coutume de dire que l’humain à la mémoire courte.

En lisant les articles emballés sur la toute prochaine « nécessaire » application de traçage des contacts COVID, je constate que nous avons parfois la mémoire plus que courte.

Un petit rappel s’impose.

En septembre 2016, nous étions appelé aux urnes pour voter sur le référendum relatif à la nouvelle loi sur le renseignement (LRens) au terme d’une campagne acharnée de près de dix-huit mois, au Parlement, dans les commissions et dans la presse, entre les défenseurs des Droits de l’homme et les soutiens à la nouvelle loi.

En 2016, j’avais écrit à ce sujet être favorable à la nouvelle loi sur le renseignement considérant que les procédures de contrôles, notamment des mesures de surveillance dont fait partie la géolocalisation de téléphones portables, étaient suffisantes voire exagérées.

Pour information, sous l’empire de la LRens actuelle, l’autorisation pour géo localiser un numéro de portable, dont on suppose qu’il appartiendrait à une personne soupçonnée de terrorisme, nécessite au minimum l’aval d’un chef de service, l’aval d’un Conseiller fédéral, la présentation d’un dossier devant le Tribunal administratif fédéral et un jugement favorable.

Or, en ces temps troublés de COVID, la population est appelée à consentir d’ici au 11 mai à une application de traçage des contacts sociaux généralisée, sans débat démocratique, sur une base légale d’ores et déjà contestée et sans contrôle judiciaire.

Que nécessité fasse loi, certes, mais c’est justement en ces temps troublés que la Constitution et les droits fondamentaux devraient prévaloir.

Bon baiser de Suisse

Comme une guerre économique de retard

Vingt-cinq ans de retard

Guerre économique, influence, entreprises stratégiques et autres pépites industrielles, voici que le vocabulaire de l’intelligence économique débarque enfin sur le devant de la scène à la (dé)faveur de la crise actuelle.

En 1994, la Documentation française, sur commande du Gouvernement, publiait le rapport « Intelligence économique et stratégie des entreprises », appelé communément “Rapport Martre”.

Ce rapport, pièce fondatrice de la discipline de l’intelligence économique, mettait l’accent sur la nécessaire identification et la coordination des acteurs stratégiques, publics et privés – locaux et nationaux, partageant l’information à des fins de développement et de compétitivité.

Mal-aimée voir incomprise dans un pays libéral et décentralisé comme la Suisse, l’intelligence économique et l’agrégation de l’information à un niveau supra-entreprise n’ont jamais vraiment connu l’essor qu’ils méritaient, à tous le moins au niveau des pouvoirs publics.

Vingt-cinq ans après le rapport Martre, la Confédération avance toujours très timidement avec un mandat limité donné au Service de renseignement de la Confédération pour faire de la prévention auprès des entreprises contre l’espionnage économique. Rien de plus.

Pour la cartographie des industries et des sociétés stratégique suisses, pour la création de pôles de compétitivité avec une sécurisation agressive des chaines d’approvisionnement, pour l’élaboration de lois de blocage contre les prises de participations étrangères dans des sociétés suisses, entre autres, et bien nous attendrons encore.

Real politik

Début février 2020, en plein démarrage de l’épidémie, la Confédération découvrait avec un soulagement certain qu’un des leaders mondiaux de la fabrication de respirateurs se trouvait en Suisse.

Quelques jours plus tard, la consultation en urgence du secteur pharmaceutique révélait que nous fabriquons aussi des machines de tests sérologiques mais malheureusement pas les réactifs.

Nous devrons donc les négocier âprement avec nos « amis » américains, mais au moins nous avons une monnaie d’échange.

Pour les masques malheureusement, c’est une désillusion, nous n’en fabriquons plus depuis un certain temps.

Nous devrons donc accepter l’aide bienveillante et payante de la Chine, aide accompagnée d’une propagande bien huilée et au risque malgré tout de nous faire nous aussi voler nos masques sur le tarmac par des puissances « amies » et décomplexées.

Pour le gel hydroalcoolique enfin, après une période tendue, une partie de l’industrie suisse modifiera sa production à bien plaire pour permettre l’approvisionnement en suffisance de nos hôpitaux et pharmacies.

Sur les trois produits essentiels à la réponse médicale au COVID-19, nous avons eu trois fois de la chance.

Comme dit l’adage au sein de la communauté du renseignement, lorsqu’une stratégie repose sur la chance, ce n’est plus de la stratégie.

Si cette crise agit comme un révélateur de nos manquements et de notre retard, particulièrement dans notre approche de la guerre économique et des stratégies d’intelligence économique, elle sera aussi peut être le moteur des grands chantiers de demain.

Vingt-cinq ans après le rapport Martre, dans le pays le plus innovant du monde, on peut être en droit de l’espérer.

 

Bon baiser de Suisse.

AIR2030 : Acamar, la mystérieuse société américaine de consulting du Parti Socialiste Suisse

Une étude bien pratique

Dans le courant du mois d’octobre 2019, le Groupe socialiste aux Chambres fédérales présentait l’étude ACAMAR, du nom d’un soit disant Think thank chargé par ledit groupe d’effectuer une analyse critique du projet AIR2030 tel qu’envisagé par le DDPS, à savoir la combinaison de nouveaux avions de combats et le renouvellement des installations de défense sol-air.

Selon le PS, « l’étude d’ACAMAR offre les fondations d’un concept de protection de l’espace aérien suisse moderne et efficace, et constitue une alternative souhaitée au projet de loi du DDPS. »

En très synthétique, la conclusion de ce rapport est que la Suisse peut s’offrir une défense de son espace aérien efficace en achetant d’une part des avions d’entrainement, un avion italien et un avion coréen sont proposés, et d’autre part, en se focalisant sur la défense sol-air, avec un accent insistant mis sur la qualité du système américain Patriot.

Dès la sortie de « l’étude » de nombreux commentateurs avertis ont rapidement mis en exergue les nombreuses incohérences, voire erreurs d’appréciation du rapport ainsi que les recommandations un peu trop favorables à certaines sociétés, notamment Raytheon, fabricant du système de défense sol-air Patriot et Leonardo, fabricant de l’avion école M346.

Une mystérieuse société américaine

A la lecture de ce rapport, nous nous sommes demandés : Dans le fond, qui est ce think thank américain ACAMAR qui produit du jour au lendemain un rapport bien favorable aux opposants à AIR2030  ?

Pour débuter notre petite enquête, nous nous sommes mis dans la peau d’un parlementaire suisse et avons tout simplement cherché sur Google une société d’experts en « air defence ».

Comme attendu, nous avons retrouvé en premier lieu les sociétés de consulting réputées comme Jane’s en Angleterre, FTI en France ou encore Air and Missile Defence Consulting en Allemagne.

En cherchant bien, nous avons finalement trouvé quelques pages plus loin le lien vers le site du fameux ACAMAR.

Première constatation, ACAMAR a deux sites : « www.acamar-ltd.com » qui indique que la société a son siège à Dover, Delaware et « https://acamar-analysis-and-consulting-ltd.business.site» qui indique cette fois « Consultant in Colorado Springs, 102 S. Tejon St., Suite 1100, Colorado Springs, CO ».

Intéressant…

Deuxième constatation, l’adresse de son siège à Dover, Delaware, est celui de la société A Registered Agent, Inc, société qui propose des domiciliations virtuelles et un numéro de téléphone local[1].

Pas de bureaux donc,  ni de « multilingual team » comme le présente leur site, hormis si la team ne comprend que les trois fondateurs[2].

Le think thank académique est en réalité une société commerciale

Troisième constatation, ACAMAR n’est pas vraiment un think thank mais une société commerciale qui fut d’abord enregistrée au Colorado, auprès de son fondateur, Michael Unbehauen, le 13 août 2018 avant de changer de siège pour s’installer au Delaware depuis le 29 octobre 2019.

Il s’agit donc en réalité d’une étude sur mesure commandée auprès d’une société privée.

S’agissant des activités d’ACAMAR, nous avons également noté que les fondateurs n’ont annoncé le début des activités d’ACAMAR que le 4 avril 2019[3].

La société n’avait donc que six mois d’existence au moment où elle a rendu son rapport sur la politique de défense aérienne de la Suisse. On peut difficilement parler d’une référence en la matière.

Quatrième constatation, avant le rapport AIR2030, le seul document publié par les fondateurs d’ACAMAR était un papier de trois pages publié sur leur site au sujet des tensions entre la Guyane et le Venezuela ainsi qu’une étude de 15 pages sur le bouclier anti-missile américain, publié à leur compte, auprès d’une base de données d’articles scientifiques à la réputation douteuse et contre laquelle l’ETH Zürich met en garde[4].

Une étude en forme d’entorse à l’exemplarité intellectuelle du PS

Au vu de ces éléments, la question légitime que l’on peut se poser est : comment diable le PS a-t-il trouvé cette société de consulting ? Qui l’a recommandée et qui l’a payée ?

On notera encore le petit mensonge du Parti Socialiste qui mentionne sur son site que  Jane’s Defense, publication faisant autorité en matière de défense, soutient « la proposition du PS de créer une force aérienne bi-types »[5]

En vérité, l’article de Jane’s prend note du rapport et de la position du PS sans juger et encore moins soutenir[6].

Enfin, s’agissant des recommandations du rapport ACAMAR, lesquelles sont actuellement mises en avant par le comité référendaire,  il est piquant de noter que le constructeur des avions alternatifs, soit Leonardo et son avion école M346, fait également partie du consortium d’entreprises proposant l’Eurofighter à la Suisse.

Dans ces conditions, Leonardo aurait-il même le droit de vendre cet avion à la Suisse au détriment des  autres membres du consortium Eurofighter ?

Mais bon, à la guerre comme à la guerre, même quand on y est opposé !

Bon baiser de Suisse

[1] https://www.delawareregisteredagent.com/

[2] https://www.acamar-ltd.com/about

[3] https://baltimore.citybizlist.com/article/542418/united-states-military-veterans-launch-acamar-analysis-and-consulting-ltd

[4] https://publications.waset.org/10010456/the-us-missile-defense-shield-and-global-security-destabilization-an-inconclusive-link et https://css.ethz.ch/en/services/css-partners/partner.html/093875

[5] https://www.sp-ps.ch/fr/dossiers/paix-et-securite/protection-de-lespace-aerien-suisse

[6] https://www.sp-ps.ch/sites/default/files/documents/2019-11-05_jane-s_swiss-social-democrats-propose-split-fighter-acquisition_0.pdf

Monnaie Facebook : Et pour quelques Libra de plus

Rappel des faits 

Mi-juin 2019, Facebook annoncait le lancement de sa future crypto-monnaie LIBRA, laquelle devrait être gérée depuis Genève.

Pour ce projet, Facebook s’est associé à vingt-sept opérateurs digitaux ou financiers internationaux, notamment Uber, eBay, Visa, PayPal, ou encore Mastercard pour n’en citer que quelqu’uns.

Sitôt l’annonce faite, de nombreux commentateurs et politiciens se sont exprimés pour dénoncer le risque de dérive, la privatisation de la monnaie, l’utopie d’une monnaie globale ou encore pour d’ores et déjà annoncer la future résistance farouche des Etats à ce nouvel acteur.

Il y a certainement un peu de vrai dans tout cela mais les articles et opinions sortis à ce jour font l’impasse sur deux enjeux majeurs de cette possible nouvelle crypto-monnaie.

 

La taxe sur les transactions, par les privés

Cheval de bataille de plusieurs brillants économistes, dont Marc Chesney, professeur de finance de l’Université de Zurich, la taxe sur les transactions financières est une utopie de gauche pour les uns et une solution miracle pour les autres.

Discutée depuis longtemps, sans toutefois être vraiment prise au sérieux par les gouvernements, la Suisse en premier lieu, cette taxe alternative, ou ce complément aux impôts actuels semblait voué à être ignoré par les Etats.

C’était sans compter sur Facebook. Une rapide étude du concept et des partenaires (VISA, MASTERCARD, PAYPAL) indique clairement que le modèle d’affaire, et de rentabilité, du LIBRA sera celui du trafic des paiements.

Autre indice, le LIBRA fonctionne sur une blockchain fermé.

Sur la blockchain du BITCOIN par exemple, laquelle est ouverte, ce sont les participants au réseau qui fournissent la puissance de calcul pour valider les transactions, validation qui donne droit à une rémunération (ce qu’on appelle le minage). En d’autres termes, lors de chaque transaction, une petite taxe est prélevée pour assurer la validation de celle-ci.

Dans le cas du LIBRA c’est Facebook uniquement qui validera les transactions et donc qui empochera la taxe de transaction.

Ainsi, à chaque fois que quelqu’un achètera quelque chose n’importe où dans le monde avec du LIBRA, Facebook sera en mesure de prélever une commission sur la transaction, commission presque imperceptible pour le consommateur mais qui sera perçue directement par Facebook.

En d’autres termes, avec le LIBRA, le consortium formé autour de Facebook sera en mesure de lever une taxe sur l’ensemble des transactions faite en LIBRA dans le monde, là où les États ne peuvent taxer, par le biais de la TVA, que dans leur périmètre fiscal national.

 

Vers un nouveau soft-power de la crypto-monnaie

L’argument phare des opposants précoces au LIBRA est que les Etats ne laisseront pas faire.

Certes. Mais si j’étais Donald TRUMP je laisserais faire.

A l’heure où le Dollar est remis en cause dans les échanges internationaux, le LIBRA est une occasion stratégique sans précédent.

En effet, pour qu’une crypto-monnaie soit adoptée et surtout utilisable, il lui faut notamment pourvoir la convertir en monnaie fiduciaire. En claire, convertir ses LIBRA en francs suisses, en Euro ou en Dollars.

Et c’est là que la stratégie se dévoile.

Pour permettre cette conversion, Facebook devra opérer comme un agent de change, ce qui suppose une licence de type bancaire pour opérer.

Or, cette licence lui sera conféré probablement en premier lieu par les autorités américaines pour du change LIBRA/USD.

Imaginons maintenant que le LIBRA soit largement adopté, notamment dans les pays qui connaissent une instabilité politique et monétaire, c’est bien les Etats-Unis qui, au final, pourront surveiller les transactions et si nécessaire bloquer les transactions en LIBRA ou leur conversion selon les circonstances.

Ceci d’autant plus que l’utilisateur du LIBRA, au contraire du BITCOIN, sera parfaitement identifiable par son compte Facebook, qui parions le sera obligatoire pour utiliser la monnaie.

Nous verrons peut être dans le futur des personnes interdites de paiement en LIBRA ou qui verront leur compte en LIBRA bloqué par le gouvernent américain par le biais de cette identification.

Pour l’heure, le Congrès américain a demandé un moratoire sur le lancement du LIBRA, le temps d’en comprendre les enjeux et les risques. Il est probable que l’avantage stratégique du LIBRA pèsera lourd dans la balance.

Il y a fort à parier que les mois à venir Facebook demandera une licence pour changer sa monnaie et que les États-Unis la lui accorderont.

 

Un pied de nez à Genève

Facebook l’a annoncé, le LIBRA sera géré depuis Genève par une association à but non lucratif !

Les revenus issus des transactions, eux, seront sans aucun doute encaissés dûment par une société dont on ne connaitra peut être jamais le nom ou la situation.

 

Bon baiser de Suisse, et de Genève, siège du LIBRA

 

Le jour où la République du Congo a conquis les étoiles

C’est une vidéo qui, pour le coup, a fait plusieurs fois le tour de la terre.

Cette vidéo, c’est celle du lancement, un peu raté quand même, de la fusée Troposphère 5, fer de lance de la conquête spatiale congolaise et de son sorcier, le scientifique Jean-Patrice Kéka.

Scientifique excentrique, éternel optimiste, magicien de la récup, Jean-Patrice Kéka a des ambitions formidables pour le pays le plus riche de la planète dont les habitants sont malheureusement parmi les plus pauvres du monde comme l’a rappelé si justement Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018.

Qu’à cela ne tienne, la passion de l’espace est plus forte que les moqueries, le retard technologique et le manque de moyens.

Jean-Patrice Kéka l’annonçait en janvier, 2019 sera une année spatiale en République du Congo, avec le lancement de sa nouvelle fusée, Troposphère 6, notamment soutenue financièrement par deux lausannois, Christian Denisart et Daniel Wyss.

Troposphère 6, sur le papier, c’est 5 mètres de hauteur, 3 étages et un petit satellite pour prendre des photos de la Terre, au cas où les 200 kilomètres d’altitude seraient atteints.

Deux cents kilomètres, rien que ça ! Avec mes collègues, on a quand même eu un petit sourire en coin en le lisant.

Et puis nous avons rêvé:

 

– Imagines une seconde que la fusée s’élève au-delà de toute espérance et termine sa course dans un autre satellite. La Nasa rirait jaune.

– Mieux, qu’elle entre en collision avec un satellite et provoque une réaction en chaine qui détruirait la moitié des satellites là-haut.

– Excellent. La fusée à 50’000.- qui nettoierait l’orbite terrestre et ferait des milliards de dégâts.

 

Et, nous avons ri car dans le fond, ça serait une belle histoire que ces jeunes scientifiques s’ouvrent une voie vers les étoiles alors que leur horizon est trop souvent bouché.

La fusée n’est pas encore dans l’espace mais la conquête spatiale a aussi ça de magique, c’est qu’elle fait rêver les hommes, indistinctement de Kinshasa à Lausanne.

Bon baiser de Suisse

Pour ceux que cela intrigue:

Troposphère 5

https://www.youtube.com/watch?v=rZCzzh7tbWc

Troposphère 6

https://www.youtube.com/watch?v=0Gkonac7_dM

 

 

2.9.1.0