Votation sur les avions de combat: échec et mat ?

Vendredi 9 mars 2018, la presse nous apprenait que le Souverain serait à nouveau appelé à voter sur l’achat de nouveaux avions de combats.

Monsieur le Conseiller fédéral Parmelin a ainsi opté en faveur du crédit extraordinaire, soumis à référendum, au lieu de lisser l’achat des avions sur plusieurs exercices du budget ordinaire de l’armée, ce dernier étant voté par les Chambres.

Pour rappel, l’achat du Gripen avait été refusé en 2014 par 53.8% des votants, échec que l’on attribua rapidement et globalement à Ueli Maurer et à sa campagne de communication, unanimement qualifiée de maladroite.

On parlait alors d’un crédit de seulement CHF 3.126 mia contre près de CHF 8 mia aujourd’hui.

Dans la foulée de l’annonce de la future votation, le chef de l’armée Philippe Rebord annonçait dans la Südostschweiz am Wochenende et la Schweiz am Wochenende que les pilotes feront campagne car « Le gros avantage des pilotes militaires est qu’ils sont immensément crédibles ».

A l’instar de l’Ordre des médecins pour les rémunérations de certains de ses membres ou des régies pour les loyers de l’arc lémanique ?

Attention aux pièges d’une campagne de l’armée qui s’adresserait à des convaincus ou au contraire, qui s’adresserait à des opposants avec l’argument émotionnel.

Quels votants…

Les commentaires d’ores et déjà publiés sur Internet sont de bons indicateurs des forces en présence, lesquelles peuvent être catégorisées en trois groupes, les soutiens à l’achat, les opposants de principe et ceux que j’appellerai les «  Alternativistes ».

Le premier groupe des soutiens de l’armée n’a pas changé d’avis et insistera à nouveau sur la nécessité de cet achat.

Dans le deuxième groupe, celui des opposants de principe, on retrouve le GSSA, une bonne partie de la gauche et tous ceux qui œuvrent à la réduction des moyens et des compétences de l’armée.

Ce groupe, comme celui des soutiens à l’armée, n’a certainement pas changé d’avis sur l’achat de nouveaux avions de combats et se prépare à une campagne féroce.

Enfin,  le groupe des Alternativistes regroupe, quant à lui, toutes celles et ceux qui estiment, tous bords politiques confondus, qu’il y a d’autres investissements plus urgents, plus utiles ou encore plus éthiques à faire avec un crédit extraordinaire de la Confédération.

Questions rhétoriques alternativistes :

  • Comment justifie-t-on un chèque en blanc de CHF 8 mia à l’armée alors que le peuple a refusé une hausse des rentes AVS de CHF 70.- par mois pour nos retraités ?
  • Comment justifie-t-on un crédit de CHF 8 mia pour l’armée alors que rien ne bouge à Berne pour les primes maladies ?
  • Dois-je accepter que l’on donne un crédit supplémentaire à l’armée, payé avec mes impôts, alors qu’il n’y a pas de crédits supplémentaires pour des places en crèche pour mes enfants ou pour un congé paternité ?

Si je suis un votant Alternativiste qui hésite, répondez-moi que ces problèmes n’ont aucun rapport ou ne me répondez pas et je voterai oui au référendum.

Si la campagne à venir en faveur de l’achat des nouveaux avions de combat s’articule à nouveau sur la nécessité stratégique, l’urgence de renouveler la flotte ou le charisme de nos pilotes alors la leçon n’aura pas été apprise et ce sera un nouvel échec devant le peuple.

…pour quelle campagne ?

Pour gagner, cette campagne devra être celle des Partis et non celle de l’armée.

Cette campagne doit viser un compromis rationnel et tout helvétique sur la répartition des ressources extraordinaires de l’Etat.

Il n’y aura certainement pas d’avions de combat sans une compensation décente en faveur des problématiques sociales ou des projets de sociétés soutenus par les Alternativistes.

Pour ma part j’estime que la Suisse a besoin de nouveaux avions de combats  car la défense aérienne est une composante inséparable et essentielle de la souveraineté territoriale et que, sans souveraineté territoriale, il n’y a pas de libertés qui puissent s’exercer.

Bon baiser de Suisse.

Alexis Pfefferlé

Alexis Pfefferlé est associé fondateur d’Heptagone Digital Risk Management & Security Sàrl à Genève. Juriste de formation, titulaire du brevet d'avocat, il change d'orientation en 2011 pour intégrer le monde du renseignement d'affaires dans lequel il est actif depuis. Engagé sur les questions politiques relatives au renseignement et à la sécurité, conférencier occasionnel, il enseigne également le cadre légal des activités de renseignement à Genève.

10 réponses à “Votation sur les avions de combat: échec et mat ?

  1. Je ne partage pas tout-à-fait votre point de vue. Cet achat aurait pu passé dans le budget ordinaire, oui et il aurait fallu le faire. L’armée peut faire campagne mais avec le politique. Par contre, la non défense de l’espace aérien suisse lui coûtera sa neutralité. Jamais l’Europe ne tolèrera un vide au-dessus de la Suisse. Elle fera le travail mais pas gratuitement et la facture sera salée. Il faudra alors payé, peu importe les crèches, les EMS et les rentes AVS.

    1. Cher Monsieur, merci pour votre commentaire. Nous ne sommes pas si en désaccord que cela. Je vous rejoins sur la question du budget ordinaire et sur la nécessité. Pour ce qui est de l’Europe, je pense également que nous serons mis face à nos responsabilités. Je crains toutefois que ce budget ne passe pas la rampe en votation sans contreparties sociales, et cela quel que soit l’argument en faveur de cet achat.

  2. Oui mais…
    Article intéressant du point de vue de la campagne électorale mais qui soulève d’autres questions au niveau de la cohérence du financement de la défense de manière plus large. Le budget ordinaire de lla défense est déjà en augmentation ces dernières années, y ajouter un crédit extraordinaire semble indéfendable de la part des partis prônant la restriction budgétaire.
    Outre le talent en communication limité d’Ueli Maurer, le refus d’achat des Grippen aurait pu être compris comme une volonté populaire de revoir les objectifs de l’armée à la baisse. Dans la mesure ou la réponse du parlement a été une augmentation du budget ordinaire de l’armée et celle du gouvernement de proposer un crédit extraordinaire, les citoyens risquent de se sentir légèrement incompris…
    Je doute fortement qu’une campagne aussi bonne soit-elle puisse faire passer cette pilule-là

    1. Merci pour ce commentaire tout à faite pertinent. En effet, l’augmentation du budget de l’armée couplée à un nouveau crédit extraordinaire de plus du double du montant de la dernière votation va être très très compliqué à faire passer. Je pense qu’a ce stade, la communication pure ne suffira pas et que seul un compromis inter-partis qui limiterait l’opposition permettrait de faire passer la pilule. A voir ce que les soutiens de l’armée sont prêts à offrir à l’opposition. Belle campagne en perspective.

  3. on ne peut pas comparer ces 8 milliards d’aujourd’hui avec les 3 milliards d’hier: d’abord Ueli Maurer voulait remplacer que les F5-Tiger et n’a jamais parlé des FA/18, ces derniers devaient restés en fonction et être remplacés plus tard (la stratégie étant peu claire ). Et d’autre part, une partie de cet argent devrait aller à la DCA.
    Il y a d’abord le problème de la composition du budget: plus d’avions ou de DCA , de drones … ?
    Il serait bien de savoir ce qu’on met dans le panier avant de signer un chèque ! ce qu’on fait généralement quand on fait ses courses. Sinon, que le parlement se débrouille avec son budget.
    Sur le fond , la police de l’air est sans doute nécessaire , mais pour assurer cette tache , pas besoin d’acheter l’avion le plus sophistiqué ni d’en avoir des dizaines, une petite vingtaine sera suffisante. Nos voisins autrichiens n’en compte pas tellement.
    D’un autre côté , la sécurité aujourd’hui repose avant tout sur la sureté des réseaux informatiques, bien plus critique que quelques avions dans le ciel .
    (…)

  4. Là vous m’avez convaincu. Je pense aussi qu’il aurait été mieux avisé de répartir cette dépense sur plusieurs exercices dans le budget ordinaire. On voit déjà que la gauche va faire campagne contre çe budget, et il y a un risque de perdre cette votation. Auquel cas çe sera un coup dur pour notre défense nationale.

    De plus le raisonnement de Jacques Rimaz ci-dessus est très pertinent.

    Comment expliquez-vous que Parmelin ait commis cette maladresse?

    1. On pourra dire que c’est une maladresse en cas de défaite. Pour le moment, c’est une prise de risque. Je vois deux composantes dans le choix du budget extra-ordinaire. La première est budgétaire, si l’armée effectue son achat avec le budget ordinaire (voire un peu rallongé) la gauche aura tôt fait de dire que c’est la démonstration que celui-ci est trop élevé car permettant des achats extraordinaires. C’est donc prendre le risque de voir le budget ordinaire être réduit. La deuxième composante est politique, à savoir que le climat sécuritaire en Europe depuis 2014 ne s’est pas vraiment arrangé et que la pression pour le renouvellement de la flotte se fait encore plus pressante. L’armée compte probablement sur l’urgence et la nécessité, et les choix plutôt rationnels du Peuple, pour faire passer l’enveloppe. C’est une sacrée prise de risque.

  5. On espère que cette prise de risque sera couronnée de succès, auquel cas le caporal Parmelin aura gagné ses galons de grand conseiller fédéral. Peut-être que la situation internationale qui se dégrade à vue d’œil l’aidera à faire passer cet achat d’avions. Mais on a l’impression que les gens ne sont pas conscients du danger. Ils vivent dans une sorte de quiétude comme si on ne risquait plus jamais d’avoir une guerre en Europe. Pourtant il y a eu et il a toujours la guerre à quelques centaines de km de nos frontières. En Yougoslavie, en Géorgie et maintenant en Ukraine. Partout des bruits de bottes. Poutine annonce qu’il a la capacité de déjouer les boucliers anti missiles US. Etc. Le danger de guerre est infiniment plus grave et plus urgent qu’avant1989. De quoi de plus avons nous besoin pour comprendre qu’il faut de toute urgence REFAIRE UNE ARMÉE FORTE DE DEFENSE TERRITORIALE TOUS AZIMUTS, C’EST À DIRE AVEC AU MOINS 400’000 HOMMES ET UN ARMEMENT RENOUVELÉ?

    Il faut enfin en finir avec Armée 21, qui a détruit notre armée. Nous avons besoin d’un nouveau Minger pour sonner le tocsin et alerter les consciences.

  6. Pas très futées nos autorités… faire passer l’achat des avions de combat dans l’ensemble du programme de la défense et se vanter de la comédie!
    Lors du mauvais choix du Grippen, l’Electeur avait envoyé un jugement très sage: NON
    Aujourd’hui demander au peuple d’un avion sans lui donner le choix du modèle… encore une grossière erreur qui sera, je l’espère, sanctionnée par le peuple.
    Il suffit d’imaginer le pire scénario: achat d’un appareil qui nous livre aux Américains… (un modèle qui pourrait bien être truffé d’électronique espion)
    Moi, je ne vais pas plus loin… pas de libre choix à notre armée! Non à l’arrêté!

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