Je ne cours plus, c’est grave docteur?

Nous sommes le 24 janvier et cela fait depuis début décembre que je n’ai pas couru. J’ai pensé que la cure Murakami – 10 kilomètres quotidiens, six jours sur sept pendant un mois – me redonnerait l’élan pour me lancer dans de nouveaux projets, mais cela n’a pas été le cas. Sitôt terminée la Course de l’Escalade, j’ai remisé les baskets au placard. Elles s’y ennuient sans doute, car hormis quelques sorties épisodiques, je n’ai pas été très actif depuis.

Boucler le Tor des Géants en automne de l’année passée a été pour moi un achèvement. Récemment, je me suis remémoré mes débuts dans le trail, il y a une dizaine d’années. Ma première expérience, au marathon de Zermatt, n’a pas été glorieuse: mal préparé, j’ai boité du 18ème au 41ème kilomètre… Après une petite parenthèse sur route, quelques marathons et deux ironman, qui m’ont appris ce que voulait dire le mot entraînement, je suis passé à des courses de montagne plus longues, de 100 kilomètres et davantage, en y prenant de plus en plus de plaisir. Quand j’ai entendu parler du Tor, je me suis dit que c’était LA course ultime. Une folie impossible. A moins que…

Il m’aura fallu trois tentatives mais quelle satisfaction d’avoir franchi cette ligne d’arrivée. Ce moment magique a toutefois été suivi d’un grand vide. Était-ce la conclusion d’une quête que je poursuivais depuis longtemps sans m’en rendre compte? Une chose est sûre: le retour à la routine sportive ordinaire a été dur. Pas parce que je n’avais plus envie de courir – je pense aimer profondément cette activité pour mille raisons – mais parce que toute sortie me paraissait d’avance fade et sans intérêt. Quand on passe une semaine entière non stop sur des sentiers de montagne, au coeur de paysages à couper le souffle, on éprouve des émotions extraordinaires qu’on a ensuite beaucoup de peine à retrouver.

Mais il y a un temps pour tout. Après deux mois passés à gamberger, mes pieds me chatouillent à nouveau. Je le prends comme un bon présage. Mardi, j’ai d’ailleurs mis le réveil à 4 heures pour admirer l’éclipse totale de lune depuis le sommet du Salève. Je me suis réveillé comme prévu mais au moment d’enfiler mes baskets, j’ai commencé à cogiter et j’ai fini par renoncer à ma sortie. En buvant le café et en regardant les images prises par des photographes amateurs de ce phénomène spectaculaire, quelques heures plus tard, j’ai regretté ce manque de motivation et je me suis promis d’y remédier.

L’hiver est une saison qui fait naître beaucoup de frustrations chez le coureur de montagne. Les possibilités de sortie sont limitées. On ne peut pas aller très haut. Mais je vais essayer d’en faire abstraction ces prochaines semaines et me remettre sérieusement au travail. Tiens, on dirait presque une bonne résolution pour 2019…

Alexander Zelenka

La nuit, Alexander Zelenka enfile ses baskets et allume sa lampe frontale pour voir autrement les montagnes suisses ou plus lointaines. L'obscurité amène le coureur dans un univers onirique où le paysage est transformé, propice aux plus belles aventures. Le jour, Alexander Zelenka est rédacteur en chef du magazine Terre&Nature.