La précision des montres, combat d’arrière-garde ?

A l’heure des objets radio-pilotés et des montres électroniques, il existe encore des chronomètres mécaniques, dont le rôle a considérablement changé. De la recherche de la grande précision vers la tenue de l’heure au quotidien. Le certificat COSC est exigeant bien qu’évanescent. Sagesse de la montre qui nous signale qu’elle ne va plus, avant de décevoir.

Définition et utilité du chronomètre hier et aujourd’hui

Construire des appareils horaires précis, faire éprouver et garantir leur capacité de tenue de l’heure ont longtemps été indispensables pour la science et la navigation. Il était essentiel pour les marins de pouvoir transporter un temps de référence. Ainsi en comparant leur chronomètre affichant le temps du lieu de départ avec le temps local, ils arrivaient à en déduire leur longitude, soit leur position angulaire vers l’ouest ou vers l’est par rapport à un point, usuellement Greenwich, près de Londres.

Aujourd’hui, un chronomètre est une montre de grande précision dont le mouvement, après avoir passé divers tests, a été certifié par le COSC, soit le Contrôle Officiel Suisse des Chronomètres.

Le COSC, une certification unifiée

Dès la fin du 19e siècle, il y avait plusieurs offices testant les chronomètres, « les bureaux officiels de contrôle de la marche des montres ». Etablis dans les différentes régions horlogères suisses, ils éprouvaient la tenue de l’heure des chronomètres. Dans un souci d’unification entre les bureaux existants, le Contrôle officiel suisse des chronomètres (COSC) a été mis en place en 1973. Des 7 bureaux initiaux, leur nombre s’est vu diminué à 3 : Bienne, Saint-Imier et Le Locle.

Désuétude des garde-temps mécaniques

Une triste ironie fait que cette structure de certification date de l’arrivée des montres électroniques ; celles là-même qui rendront vite obsolètes les montres mécaniques les plus précises ; car ce rôle de conservation du temps dévolu aux mécanismes horlogers est totalement dépassé. Aujourd’hui, la détermination de l’heure, son indication, sa conservation comme son accessibilité sont assurées par des appareils électroniques, par des dispositifs qui n’ont plus rien de commun avec des garde-temps mécaniques.

Au début de l’ère des montres électroniques, il me souvient d’avoir reçu les commentaires acerbes d’un porteur d’une montre chronomètre, vantée pour sa précision. Il me disait qu’elle était moins précise que sa montre à quartz provenant du métro parisien. Fort heureusement, le fabricant de ces chronomètres a finalement cessé de parler de précision pour insister sur la fiabilité et la pérennité de ses montres.

Continuer à chercher la précision avec des appareils mécaniques ?

Loin des appareils de référence choyés, transportés le moins possible, mis au cœur des navires, scellés dans les caves des observatoires, la montre chronomètre d’aujourd’hui voyage.

Ainsi le défi n’est plus de la rendre la plus précise possible mais de la préparer à subir des avanies diverses. Elle doit être capable de surmonter des situations difficiles comme le froid, le trop chaud, des chocs ou encore de subir les influences délétères du magnétisme et de l’humidité. Et tout cela sans cesser de scander imperturbablement le temps dans des critères strictement délimités pour correspondre aux attentes des porteurs d’aujourd’hui.

Changement de paradigme

La valeur de nos mécanismes horlogers réside maintenant dans l’autonomie, la durabilité d’une précision qui satisfait à nos besoins quotidiens. La grande difficulté actuelle est donc de maintenir la montre dans une marge d’imprécision définie. Il ne s’agit plus de la rendre la plus précise possible mais de garantir au porteur une indication du temps suffisamment stable.

Les concours de chronométrie et la publicité

Autrefois avant le quartz, les manufactures horlogères abritaient des régleurs de précision. Ces horlogers spécialisés préparaient quelques pièces à longueur d’année. Ils les soignaient, les accompagnaient, veillaient sur elles, peaufinaient leur tenue de l’heure au mieux. Puis, après le temps des épreuves de réglage par les observatoires indépendants, arrivait celui des résultats. Les prix reçus contribuaient grandement à la mise en valeur de la marque. Ces horlogers, choyés par leur direction, étaient des agents publicitaires avant l’heure. La précision était un véritable argument pour promouvoir les montres d’une marque.

Exigences du COSC et son évanescence

Afin d’être certifié COSC, le mouvement doit correspondre à des critères précis. La tenue de l’heure est évaluée en secondes d’avance ou de retard par jour ; par exemple il est admis une variation de marche de – 4 à + 6 secondes durant les 10 premiers jours du cycle d’épreuve. Ces tests s’effectuent sur le mouvement seul, sans complications adjointes comme le quantième. Ensuite, il faudra à l’horloger-emboîteur toute sa compétence pour ne pas détruire les capacités chronométriques du mécanisme lors des opérations d’accouplement des complications, puis pendant la pose du cadran, des aiguilles et la mise en place de l’ensemble dans la boîte de la montre.

Même si le certificat COSC est une chose fragile car qualifiant un mécanisme à un moment précis, c’est une référence pour estimer la marge d’imprécision de la montre assemblée.

Tenue de l’heure au quotidien

Même si toutes les montres ne sont pas certifiées COSC, le porteur d’une montre s’attend à une précision suffisante pour lui garantir le respect des horaires. Les entreprises déterminent elles-mêmes leurs critères. Les montres sont orientées vers une légère avance et il est courant d’accepter une remise à la minute tous les 10 à 15 jours. Programmée pour la non-obsolescence, la montre mécanique fonctionnera des années. Puis en rompant son rythme quotidien, elle signifiera sans ambiguïté à son porteur qu’elle a besoin d’un rhabillage, cette opération d’entretien qui porte un nom intemporel, vieux comme l’horlogerie mécanique.

Benoît Conrath, horloger chez Vaucher Manufacture Fleurier

http://www.vauchermanufacture.ch

 

 

Vaucher Manufacture Fleurier

Vaucher Manufacture Fleurier (VMF) est une manufacture de mouvements mécaniques, de kits horlogers et montres haut de gamme. Elle a pour clients et partenaires des grands noms de l’horlogerie suisse. Pour eux, elle réalise des calibres offrant différents niveaux de personnalisation, ou développe des mécanismes exclusifs de haute horlogerie à partir d’une feuille blanche.

7 réponses à “La précision des montres, combat d’arrière-garde ?

  1. Aujourd’hui, le temps universel est garanti par des horloges atomiques ultra précises relayant ses valeurs sur le réseau TCP-IP par un protocole (NTP) dont tout objet connecté peut bénéficier !
    Les montres ordinaires mécaniques ou électroniques doivent être ajustées régulièrement d’après l’heure universelle et de ce fait ont perdu leur statut de symbole de précision!
    Par conséquent , le certificat COSC devient obsolète puisque largement dépassé par la technologie atomique moderne .
    Il faut bien se faire une raison …

      1. Vous etes serieux ? En 2015 la variation de l’horloge atomique etait de une seconde tous les 15 milliards d’annees !

        1. Il est certain que la tenue de l’heure d’une montre mécanique n’a pas de commune mesure avec celle des horloges atomiques. Cependant depuis plus d’un siècle, la précision de cet appareil mécanique permet de porter l’heure dans des critères suffisants à la vie civile. Aujourd’hui la montre continue à être notre témoin du Temps, même si les outils pour nous l’indiquer infiniment plus précisément ne manquent pas.

  2. Sans doute mais quel bonheur de voir ces mécanismes capables de performance exceptionnelle en intégrant les contraintes d’utilisation et d’environnement (thermique par exemple). Certes c’est obsolète mais c’est une sorte d’art en fait qu’il convient de faire vivre comme témoignage de la richesse humaine.

  3. Le temps de vivre est il plus doux en regardant un garde temps intemporel qui se remonte mécaniquement et qui est une preuve de respect pour le temps par leurs concepteurs. Ce temps semble palpiter au rythme des aiguilles et non pas à des chiffres qui sautent même si leur précision est parfaite, mais elle me semble machinale et “inhumaine”. Aujourd’hui le plaisir de regarder tourner des aiguilles fait partie des secondes de la journée où l’on prend conscience du temps qui passe car il nous faut faire l’effort de regarder les heures sur le cadran et non pas jeter un oeil rapide sur la montre connectée ou le téléphone mobile. Prendre conscience du temps qui passe, même si cela est indélébile est le plaisir et tout l’art des montres mécaniques.

  4. Pour ma part, j’ai du mal à accepter comme une évidence qu’une montre à 10.000€ ne me donne pas l’heure de façon précise. Tout comme j’ai du mal à accepter qu’une voiture de luxe ne soit pas fiable.
    Quel intérêt d’acheter par exemple une Glashütte SeaQ Date Panorama à 12500€ si elle ne m’apporte rien de plus qu’une TAG Aquaracer à 2500€ ?

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