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L’autre jour, je reçois en consultation Lucien qui m’annonce sa séparation d’avec sa femme Annie. Un super couple, deux enfants, une maison achetée ensemble, un chien. « Après 12 ans de couple, quel échec ! ». Leurs amis n’en reviennent pas : « Non pas eux !? », « Ils avaient tout pour être heureux… ». Lucien me dit que certains de leurs amis en couple, ne les côtoient plus. « Ils ont peur que ce soit contagieux ? ».
Échec ? Pas les premières années, bien sûr. Ce fut d’ailleurs plutôt réussi. Une belle aventure comme souvent, comme pour beaucoup d’entre nous. Mais avec la douleur et les sentiments difficiles que crée la rupture, il y a cette phrase assassine qui sonne comme une sentence: « C’est un échec ! ». On se la dit, on se la raconte et elle ajoute une couche cruelle au deuil imprévu qui s’amorce.
Huit années de bonheur et d’amour, l’audace de décider de créer une famille, la prise de risque d’acheter une « maison dans la prairie », œuvrer solidaires dans l’accueil de ces petits bouts de choux. Tant de qualités développées, tant de don de soi et de talents à vivre à quatre, à aller de l’avant, même en traversant de petites et grosses crises, une famille exemplaire. Puis vers la 9e année, le couple se découvre être un désert, fragilisé, mis en veilleuse, éprouvé par l’usure du quotidien, du désir inégal, de certains rêves et de certaines passions oubliées. Les parents sont souvent impeccables et encore en forme. Le couple lui, vrai fondement de la famille, le socle sur lequel tout repose est dévitalisé, il a été négligé un peu… beaucoup. Souvent il y a encore des sentiments, mais la relation est devenue dysfonctionnelle, apparemment irréparable.
Échec d’un rêve, sans doute. Échec d’un idéal qui est profondément inscrit dans notre inconscient collectif, dans notre culture et le commerce qui va avec.
Une relation, un couple réussi c’est donc quoi? C’est qui ? Comptez autour de vous.
La barre est haute, et son cortège d’espoirs, d’exigences et d’attentes alourdissent quelque peu la vie humble du quotidien de nos couples. J’ai participé à un Temps Présent très soigné, dont le thème était “14 recettes pour réussir son couple”. Noble proposition. Mais ce titre nous repose la question : c’est quoi réussir un couple ? Et est-ce le but ultime et indispensable que de le faire durer pour toujours, à perpète?
N’est-ce pas cynique de parler d’échec, lorsque la relation tire à sa fin, ce qui est le sort de plus de 50% des relations et des mariages aujourd’hui ? Si nous observons la vie contemporaine des couples, avec ou sans enfants, l’important semble clairement être de réussir des bouts de relation le mieux possible, réussir plusieurs couples dans une vie, avec chacun sa coloration, son lot de bonnes choses et ses blessures, ses confrontations et ses prises de conscience, son métissage inévitable et enrichissant.
Nous sommes également appelés à réussir nos séparations. Nous ne sommes pas très doués pour terminer nos affaires. Il y a du chemin ! Ca s’apprend, ça s’appelle faire le deuil, l’art du passage, c’est une demande d’aide que je reçois souvent en consultation. Par exemple apprendre à accepter le moment où nos chemins se séparent, dans la tristesse et dans une forme de dignité, sans devoir passer par le déchirement des conflits et du drame. Après la révolte, le dépit, la tristesse, la colère, peut émerger la gratitude. Apprendre à passer à la suite – d’ailleurs il y a toujours une suite – développer une confiance en un avenir impossible à prévoir.
Dieu merci, je crois que nous sommes condamnés à évoluer et à faire notre chemin, et parfois à devenir meilleurs…