Le faux dilemme de la BCE

L’été a été chaud et perturbé dans la zone euro. Nous l’avions anticipé. En fait, cet été a été frappé par une tempête dans un verre de… bière. La Banque centrale européenne (BCE) ainsi que les intervenants sur les marchés financiers de la zone euro ont été secoués par des propos de Mario Draghi appuyés par ceux de deux membres du Directoire de la BCE, qui ont tous plaidé pour la publication des procès-verbaux des réunions du Conseil des gouverneurs de la BCE, qui décide la politique monétaire pour l’ensemble de l’Euroland.

Cette «transparence» du processus de décision de l’autorité monétaire est censée accroître la crédibilité mais aussi la responsabilité de la BCE à l’instar de ce qui se fait déjà, à première vue, dans d’autres banques centrales importantes – comme la Réserve fédérale américaine, mais pas la Banque nationale suisse (qui ne souhaite pas publier les traces des discussions se déroulant au sein de son Directoire, avant un délai de trente ans qui ne peut donc intéresser que quelques historiens).

Or, à bien y regarder, la publication des «minutes» n’a pas une grande importance en réalité: comme le savent les membres de n’importe quel parlement (ou de n’importe quelle faculté universitaire), les discussions importantes sont très souvent menées avant – plutôt que pendant – les séances officielles, qui impliquent la rédaction d’un procès-verbal. Ceci a l’avantage de pouvoir arriver en séance avec une position commune rassemblant un nombre suffisamment élevé de voix pour emporter tout vote à ce sujet afin que la discussion officielle puisse être très courte et sans trop d’affrontements personnels (qui feraient mauvaise presse, au détriment de la stabilité institutionnelle).

Au-delà des questions de «façade», qui relèvent hypocritement de ce qui est «politiquement correct», ce qui compte vraiment, au final, c’est l’attitude (éthique) et l’approche (systémique) par rapport à n’importe quel choix de société. La formation et le parcours professionnel de tout économiste – pas seulement des banquiers centraux – devraient être marqués par ces deux capacités. Tout le reste, y compris les procès-verbaux, est insignifiant dans la réalité des faits.

L’Allemagne décrédibilise la BCE

En politique monétaire, la crédibilité de la banque centrale est un atout majeur pour assurer l’efficacité de ses interventions ayant pour objectif la stabilité des prix et, de là, contribuer à la stabilité macroéconomique. Le «nouveau consensus en macroéconomie», qui s’est imposé au sein de la profession, affirme que l’indépendance de l’autorité monétaire est cruciale pour asseoir la crédibilité de la politique menée par la banque centrale. Ce consensus est particulièrement bien établi en Allemagne, où la Banque centrale européenne (BCE) a son siège et où se trouve la banque centrale nationale (Bundesbank) la plus intégriste qui existe à cet égard.

Or, le recours déposé par environ 35 000 citoyens allemands à la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, en Allemagne, contre l’implication de la BCE dans le mécanisme de soutien de la zone euro remet en question l’indépendance de l’autorité monétaire européenne, contredisant ainsi, ouvertement, le principe de l’indépendance des banques centrales. Nul n’a besoin d’être économiste pour comprendre que cette contradiction, une fois découverte par les marchés, affaiblira la crédibilité de la BCE et donc le dispositif «pare-feu» mis sur pied tardivement avec son aide.

Qui plus est, l’audition de Jörg Asmussen – le membre allemand du Directoire de la BCE – face aux huit juges de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, le 11 juin 2013, peut avoir un impact dramatique sur les marchés financiers et aggraver la crise systémique de la zone euro.

S’il est vrai que l’annonce de Mario Draghi du 26 juillet 2012 à Londres devant un parterre de financiers, leur expliquant que «la BCE est prête à faire tout ce qu’il faut pour préserver l’euro […] et ce sera suffisant», a réussi à réduire visiblement les taux d’intérêt que doivent payer bien des États en grave difficulté au sein de l’Euroland, grâce notamment à l’adoption d’un programme de rachats d’obligations publiques (nommé «OMT») sans aucune limite préétablie, les explications fournies par J. Asmussen à la Cour constitutionnelle de Karlsruhe vont dans le sens contraire, précisant que «le programme [OMT] est effectivement limité […] par le nombre limité d’obligations qui peuvent être achetées» sur le marché secondaire de la dette publique.

Dès lors, même si la décision des juges de Karlsruhe ne sera connue que dans quelques mois, il faut craindre un été chaud et perturbé pour toute la zone euro. Il est temps de prendre des vacances pour changer les idées…

L’économie politique de la crise en Europe

Les représentants politiques de la France et de l’Allemagne semblent avoir compris que le problème majeur à résoudre de manière urgente n’est pas celui qui affecte les finances publiques des pays de l’Union européenne, mais le chômage involontaire qui ne cesse d’augmenter, notamment au sein de l’Euroland.

La solution de tout problème passe toujours, nécessairement, par la compréhension des origines de celui-ci. Or, en l’état, le problème du chômage n’est pas analysé correctement par les responsables de la politique économique au plan national et au niveau communautaire.

Pour en avoir la preuve, il suffit de passer en revue les mesures que l’axe franco–allemand a récemment envisagées pour réduire le taux de chômage à travers la zone euro. L’ensemble de ces mesures (soutien aux petites et moyennes entreprises, financement pour les activités de recherche et développement de nouveaux produits ou processus de production, diffusion et amélioration de la formation continue, aide à la mobilité professionnelle, libéralisation du marché du travail) concerne l’offre globale. Aucune de ces mesures n’est adressée à la demande de biens et services, méprisant ou ignorant le fait que la crise actuelle est due essentiellement à une demande insuffisante (donc une offre excédentaire) sur le marché des produits. Dans ce cas, des mesures agissant sur l’offre pour la faire augmenter ne peuvent pas améliorer les performances de l’économie nationale.

Personne ne doit dès lors s’étonner si la situation socio-économique va continuer à se dégrader en Europe ces prochaines années: lorsque les choix de politique économique sont inspirés par le paradigme qui est à l’origine de la crise majeure que les pays occidentaux traversent, il est illusoire de penser que ceux qui ont provoqué la crise puissent aussi la résoudre. Ce n’est pas une question de temps. Il s’agit de changer les lunettes des décideurs politiques et de leurs conseillers économiques.

Comptes bancaires et chômage involontaire: quelle relation?

La Commission européenne vient de proposer des mesures pour faire en sorte que tous les individus qui souhaitent avoir un compte bancaire dans l’Union européenne puissent en détenir un correspondant à leurs besoins. Ces mesures, intégrées dans une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, sont censées augmenter l’inclusion financière ainsi que le degré de concurrence entre les banques au sein de l’Union européenne.

Or, à bien y regarder, ces mesures pourraient avoir deux objectifs non déclarés:

1) réduire les pratiques de soustraction fiscale, notamment lors des transactions de petit montant (ne dépassant pas 100 000 francs), étant donné l’anonymat des paiements effectués par la cession de billets de banque entre l’acheteur et le vendeur;

2) permettre aux banques d’augmenter leurs chiffres d’affaires, grâce à l’augmentation du nombre de comptes bancaires et, dès lors, du volume de liquidité à gérer, induisant vraisemblablement aussi plus de ventes de produits financiers de tout genre.

Si le premier objectif ignore les transactions de montant élevé (au-delà de 100 000 francs) et néglige donc la lutte contre la soustraction fiscale des contribuables les plus fortunés, le second objectif fait confiance – à nouveau – au mécanisme autorégulateur des marchés, en l’occurrence le marché bancaire, méprisant l’«évidence empirique» disponible après l’éclatement en 2008 de la crise financière globale.

Qui plus est, la Commission européenne feint d’ignorer que la majorité évidente des personnes n’ayant pas un compte bancaire dans l’Union européenne ont choisi librement de ne pas en avoir, soit parce qu’elles n’en ont pas besoin soit parce qu’elles utilisent le compte de quelqu’un d’autre, comme l’a révélé en 2012 une enquête de l’Eurobaromètre à la demande de la Commission européenne elle-même.

Si la Commission européenne s’intéressait à ces deux cas de figure, elle pourrait découvrir deux raisons fondamentales de lutter contre le chômage involontaire – un phénomène de société que les partisans des «réformes structurelles» sur le marché du travail ignorent encore de nos jours, au grand dam de toutes les personnes qui ne travaillent pas malgré elles.

Employés de banque pris en tenaille

Le projet de loi fédérale sur des mesures visant à faciliter le règlement du différend fiscal entre les banques suisses et les États-Unis accorde une préférence exécrable aux personnes américaines qui ont éludé le paiement des impôts et condamne de facto les employés des banques suisses, voire les tiers ayant exercé une activité semblable à celle des employés de ces banques (en clair, les avocats d’affaires ainsi que les gérants indépendants), «qui ont joué un rôle actif» pour l’ouverture des relations d’affaires transfrontières avec les dites personnes.

Les juristes vont s’acharner à épiloguer sur la définition appropriée du «rôle actif» joué par les employés de banque et les tiers impliqués, de même que sur l’ampleur de la «situation difficile sur le plan personnel, financier ou professionnel» des dits employés, qui obligerait la banque à «protéger le mieux possible les membres de son personnel» (encore une autre formule creuse, qui va induire des disputes sans fin).

Les employés de banque, par contre, vont s’interroger sur la fidélité de leur employeur, qu’ils ont servi de manière loyale dans la majorité des cas, souvent même durant une période remarquablement longue, tout en exécutant les ordres de leur hiérarchie sans oser, en général, poser des questions fâcheuses à leur supérieur direct par rapport aux cas les plus problématiques en ce qui concerne la fiscalité internationale.

L’image de la Suisse va peut-être ne pas être endommagée suite à la protection de la sphère privée des clients «off-shore» de ses banques, mais l’image de ces banques sur le marché du travail ne va pas briller par la gestion des «ressources humaines» (une expression qui en dit long sur la marchandisation du personnel).

Les actionnaires des banques suisses vont devoir aussi supporter les frais des accords que ces institutions signeront avec le Department of Justice états-unien: les amendes pécuniaires que les banques doivent payer pour tirer un trait (définitif?) sur leur passé délictueux vont limiter les dividendes et pourraient même induire les dirigeants bancaires à se lancer dans des opérations financières très risquées afin de rétablir les niveaux de rémunération et de dividende versés avant la crise globale.

Quoi qu’il en soit, la pression sur les employés de banque ne va pas diminuer ces prochaines années. Le coût du «règlement du différend fiscal entre les banques suisses et les États-Unis» pourrait même être insupportable par bien de ces employés. Selon toute vraisemblance, il sera supporté par la collectivité, suivant le principe de «la privatisation des profits et la socialisation des pertes» qui caractérise l’activité économique et financière contemporaine.

Un revenu de base inconditionnel en Suisse?

L’initiative fédérale «pour un revenu de base inconditionnel» en Suisse a réuni les 100 000 signatures nécessaires pour être soumise au vote populaire. Le peuple décidera dès lors du sort de cette initiative, qui n’a été soutenue par aucun parti politique au plan national jusqu’à présent, ce qui en dit long sur le clivage entre la «classe politique» et la société civile dans un pays soi-disant «avancé» au niveau socio-économique.

L’idée d’un revenu citoyen est intéressante, mais doit être développée d’un point de vue «systémique» afin d’en appréhender tous les tenants et les aboutissants pour l’ensemble de la société. Il s’agit, en effet, d’un modèle de société alternatif au système capitaliste tel que nous l’avons connu, à travers toutes ses évolutions, depuis la Révolution industrielle au dix-neuvième siècle.

Au-delà des questions d’ordre économique, concernant le financement et le montant du revenu d’existence ainsi que ses bénéficiaires au sein du pays, il existe une question anthropologique que les votants suisses vont devoir considérer, d’une manière ou d’une autre: sont-ils prêts, en l’état, à accepter de dissocier le versement d’un revenu à quelqu’un de la prestation (sous la forme du travail ou du capital fournis) que celui-ci livre à l’ensemble de la société à travers le système économique?

La réponse à cette question n’est pas mûre, vraisemblablement, mais il est possible que la récente approbation populaire de l’initiative «contre les rémunérations abusives» ainsi que les discussions concernant à la fois le versement d’un salaire minimum et l’introduction d’un rapport de 1 à 12 pour les rétributions versées au sein de toute entreprise fassent évoluer les mentalités et les comportements vers la réalisation du bien commun. Cela ne serait pas mal pour un pays qui se dit «avancé» sur le plan socio-économique.

Y a-t-il un lien entre le secret bancaire et le taux de change?

Récemment, les grandeurs observées sur les marchés financiers ont fait enregistrer des records positifs en flux continu, qui devraient avoir interrogé bien des analystes de ces marchés, au vu des très maigres résultats de ce que l’on appelle l’économie «réelle» des deux côtés de l’Océan Atlantique et notamment au sein du Vieux continent.

Au-delà de l’augmentation de la prise de risque des acteurs à travers le marché des actions ainsi que par rapport à l’achat d’obligations des émetteurs publics, le dernier phénomène en date concerne le marché des devises des pays occidentaux: malgré les nombreuses incertitudes sur la solidité de la reprise économique aux États-Unis et l’aggravation de la récession dans l’Euroland, les taux de change du franc suisse affichent depuis quelques semaines une tendance à la baisse par rapport aussi bien à l’euro qu’au dollar états-unien.

Ce contraste entre, d’une part, les grandeurs «fondamentales» dont l’évolution comparée entre deux systèmes économiques est censée expliquer et diriger les tendances notées sur le marché des devises et, d’autre part, l’évolution récente des taux de change sur ce marché, en ce qui concerne notamment le franc suisse, peut s’expliquer par deux facteurs majeurs. D’un côté, l’énorme émission de monnaie par les principales autorités monétaires au plan mondial affecte directement ou indirectement les rapports que différentes monnaies affichent sur le marché des devises. D’un autre côté, les mouvements de capitaux privés exercent un impact, à court terme, sur les taux de change.

Plutôt que de dépenser des centaines de milliards de francs suisses – créées ex-nihilo par la Banque nationale – afin de juguler l’appréciation du taux de change qui a excité beaucoup d’esprits en Suisse pour des raisons disparates, il aurait été mieux pour l’économie suisse dans son ensemble d’aller de l’avant avec l’abolition du secret bancaire national: la Confédération aurait ainsi pu éviter que la Banque nationale achète des volumes énormes d’actifs libellés en monnaies étrangères dont les risques de perte continuent de peser sur l’ensemble des contribuables, d’une manière ou d’une autre. La Suisse aurait alors été dans une bien meilleure posture pour négocier l’échange automatique d’informations, qui en l’occurrence risque d’aggraver la situation à court terme pour la place financière nationale, au lieu d’avoir été un facteur de dévaluation «spontanée» du taux de change du franc suisse.

Celles et ceux, encore très peu nombreux malheureusement, qui ont une vision systémique du fonctionnement de nos économies n’auront aucune difficulté à saisir les enjeux de ces phénomènes. Il faut encore espérer, néanmoins, que leur voix puisse être entendue au lieu d’être étouffée par la cacophonie des soi-disant experts de questions d’ordre monétaire et financier dont le monde est parsemé depuis l’éclatement de la crise financière globale à l’automne 2008.

Les leçons de l’«évidence empirique»

La très grande majorité des économistes pense que toute théorie dans leur domaine d’analyse doit être déduite de l’observation des faits qui sont censés être expliqués par cette théorie (négligeant que pour «lire» ces faits il est nécessaire de faire appel à des catégories conceptuelles qui ne sauraient reposer sur l’observation des phénomènes à expliquer logiquement).

Si l’on considère dès lors l’«évidence empirique» disponible de chaque côté de l’Atlantique, force est de constater que les différentes mesures dites d’«austérité expansionniste» au sein de l’Union européenne n’ont pas (encore?) permis à ses pays membres de relancer la croissance et réduire le chômage, comme continuent de le prétendre leurs partisans. Bien au contraire, les perspectives économiques, surtout dans la zone euro, deviennent de plus en plus sombres, même selon les projections de la Commission européenne (revues à la baisse par rapport à celles de l’automne 2012).

Cette «évidence empirique» contraste visiblement avec celle de l’autre côté de l’Atlantique, où l’économie états-unienne affiche une réduction du taux de chômage mesuré en avril 2013 ainsi que la création de 165 000 places de travail (sans doute insuffisante pour dire que la crise est passée, mais encourageante pour la population dont le moral influence généralement le comportement de dépense et, par là, le taux de croissance économique). Même si l’Administration de Barack Obama a clairement soutenu davantage les acteurs financiers, surtout ceux «too big to fail», par rapport aux familles états-uniennes, il ne fait aucun doute que sa politique économique expansionniste peut se targuer de meilleurs résultats (ne serait-ce qu’en termes d’apport à la croissance du produit intérieur brut) que la politique d’austérité suivie dans l’Union européenne.

L’observation des faits devrait donc interroger les économistes, mais a fortiori les décideurs politiques, sur le caractère néfaste de l’austérité. Il ne s’agit pas de donner raison aux «Keynésiens» (une étiquette qui est abusée et ne sert qu’à confondre les esprits), mais de reconnaître que le seul phénomène véritablement «Keynésien» à présent, dans la zone euro, est l’énorme chômage involontaire, notamment des jeunes qui ne sont ni en formation, ni en période d’apprentissage professionnel (ceux que l’on a désormais réunis sous l’acronyme NEET en anglais).

L’austérité touche à ses limites politiques

La crainte de voir Angela Merkel quitter la Chancellerie allemande lors des élections législatives du 22 septembre prochain commence à faire sortir du bois les faucons des mesures d’austérité dans les pays «sous perfusion» par la «Troïka» (formée par la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international).

Le succès foudroyant du nouveau parti «Alternative für Deutschland», qui a déjà obtenu plus que 10 000 adhésions durant ses deux premiers mois d’existence (suite à ses velléités de réintroduire le Deutschemark en Allemagne), a en effet poussé les représentants de la «Troïka» à lancer tout récemment plusieurs signaux afin d’atténuer la sévérité et prolonger les délais des programmes d’austérité dont les dégâts sont désormais évidents, notamment en Grèce, Espagne, Italie et au Portugal.

Le Président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a reconnu que la politique d’austérité «a atteint ses limites» et que cette politique, pour réussir, «doit bénéficier aussi d’un minimum de soutien politique et social» – ce qu’elle n’a visiblement pas dans la réalité des faits.

Olli Rehn, le Commissaire aux affaires économiques et monétaires de l’Union européenne, a, pour sa part, remarqué que «la crédibilité étant restaurée à court terme, cela nous donne la possibilité de relâcher le processus d’ajustement budgétaire à moyen terme».

De leur côté, les hautes instances du Fonds monétaire international ne cessent de répéter (depuis la publication d’une étude par l’économiste en chef du FMI) que les conséquences négatives de l’austérité ont été sous-estimées dans les pays membres de l’Euroland. La communauté scientifique a également découvert de graves erreurs dans un papier de deux économistes acclamés, qui avaient cautionné les programmes d’austérité en publiant leur analyse dans l’une des revues scientifiques que les partisans du néolibéralisme considèrent comme étant l’une des meilleures en «sciences économiques» au niveau mondial.

Si donc les programmes d’austérité sont édulcorés, cela ne sera pas à cause de leurs effets socio–économiques dramatiques, mais plutôt par peur de voir trébucher Angela Merkel lors du vote populaire du mois de septembre prochain.

Le crédit bancaire, cet inconnu

Il y a deux types de crédits bancaires: ceux qui véhiculent un pouvoir d’achat préexistant (une épargne préalable) et ceux qui permettent de former un revenu nouveau dans l’ensemble du système économique.

Le premier type de crédits bancaires ne pose pas de problèmes pour la stabilité financière d’une économie nationale car, dans ce cas, les banques ne font que prêter à un agent économique le revenu qui a été épargné par un autre agent économique. La dépense de ce revenu au sein de l’économie nationale, dès lors, ne peut pas affecter la relation, d’ordre macroéconomique, entre les biens mis en vente sur le marché des produits et l’ensemble des dépôts bancaires («masse monétaire») enregistrés dans le système national des paiements. Bien au contraire, ce type de crédits permet d’accélérer la vente des produits, soutenant ainsi le niveau d’emploi et la croissance économique, pour autant que l’endettement correspondant ne se transforme pas en surendettement des emprunteurs bancaires. (De là, l’importance d’une alphabétisation financière, surtout des jeunes, et d’une répartition des revenus qui, au contraire du régime de la financiarisation, permette aux travailleurs de financer leurs dépenses par un revenu gagné plutôt que par un revenu emprunté.)

Le deuxième type de crédits bancaires, par contre, peut engendrer des problèmes «systémiques», lorsque les banques octroient des crédits à des agents qui financent ainsi des opérations purement financières sur les marchés domestiques ou étrangers, sans aucun lien avec l’activité de production: dans ce cas, en effet, la «masse monétaire» augmente, sans qu’il y ait une augmentation proportionnelle du volume des biens à écouler au sein de l’économie nationale. Cette inflation peut toutefois passer inaperçue par les autorités monétaires, si la banque centrale se contente de suivre à la trace l’évolution des prix à la consommation (et ne considère pas l’évolution du prix des actifs réels ou financiers).

La raison essentielle d’une stricte réglementation bancaire, dès lors, ne repose pas sur le comportement des institutions de crédit mais sur leur capacité d’octroyer des crédits aux agents économiques sans disposer d’une épargne préalable dans l’ensemble du système bancaire. Cela a son importance également à l’égard des politiques «d’assouplissement quantitatif» menées actuellement par bien des banques centrales dans les pays occidentaux: contrairement à une «fausse idée claire», il n’y a aucune nécessité pour une banque de recevoir, par un «hélicoptère» à usage répété, des «liquidités» parachutées par la banque centrale, afin d’augmenter le volume des crédits bancaires octroyés aux agents dans une économie nationale. L’évidence empirique est claire et univoque à cet égard: si le taux de croissance des crédits bancaires a diminué par rapport aux années de l’«exubérance irrationnelle», c’est parce que les ménages et les entreprises ne sont pas disposés à emprunter autant que dans les années précédant la crise, face aux difficultés observées et attendues prochainement pour l’économie «globale».

Comme l’affirmait jadis un fameux slogan, «it’s the economy, stupid». Il faut espérer que l’intelligence humaine saura l’emporter face aux idées reçues dont la superficialité va de pair avec leur caractère dangereux.