De l’art contemporain suisse et des seins salvateurs

Une amie me parlait de sa filleule, étudiante dans une école d’art quelque part en Valais qui, répondant à la question au sujet du type de technique – peinture à l’huile, aquarelle, encre, dessin, sculpture… – qu’elle était en train d’étudier, lui avait répondu, un brin méprisante, que tout ça c’était dépassé, qu’aujourd’hui on n’avait plus besoin de tout cet apprentissage pratique, que dans cette école on étudiait la mise sur pied de concepts artistiques qu’on faisait ensuite exécuter par d’autres.

On ne s’étonne plus alors, à des niveaux officiels, d’une certaine vacuité artistique et culturelle, malgré l’attention médiatique que toute (fausse) provocation occasionne, et qui permet de délirante descriptions en un jargon anglo-techno-philosophique qui, apparemment arrive à cacher la merde au chat, en tout cas pour une certaine couche branchée (et friquée) de la population, qui se targue de culture, aime s’entendre parler en jargon qu’elle ne comprend pas tout à fait mais qui fait très chic, et craint toujours d’être larguée par une avant-garde devenue depuis longtemps obsolète mais qui dure pourtant depuis plus de cinquante ans…

LE BLABLART TEL QU’IL SE PARLE

J’en veux pour preuve la description d’un long serpent en fer forgé du sculpteur Valentin Carron, qui parcourait tout le pavillon suisse de la 55e Biennale de Venise en 2013, dont la présentation disait ceci :

« Riche en pronoms personnels, le titre de l’oeuvre You they they I you rappelle lui-même les sinuosités que le serpent décrit dans les salles d’exposition tout en renvoyant au rapport entre oeuvre, spectateur, auteur et espace. Il s’agit ici aussi d’une forme d’appropriation puisque l’oeuvre s’inscrit comme la réinterprétation d’une grille couvrant la fenêtre d’un immeuble de Zurich datant du début du XXe sicle et qui abrite un poste de police. »

Plus loin, on vante l’originalité de l’artiste qui change souvent et volontiers de registre et qui n’a pas son pareil « pour faire cohabiter dans le même espace brutalité et élégance. Le vélomoteur Ciao Piaggio dans la cour du pavillon est le reflet de cette attitude dans laquelle les contrastes cohabitent de manière fructueuse. » On souligne le fait que Valentin Carron a réparé, pardon « restauré », le vélomoteur, ce qui l’a plongé dans des abîmes de réflexions :

« Par le biais de cet objet, Carron se heurte à tous les problèmes liés à un processus de restauration. Jusqu’à quel point faut-il chercher l’original ? Jusqu’où peut-on ou doit-on aller ? Le résultat s’approche de ce que l’on pourrait définir comme un ready-made modifié, mais il est surtout un hommage à une culture industrielle en voie de disparition dans l’Europe d’aujourd’hui. En ce sens, le Ciao n’est pas seulement une icône pop. Il devient véritablement un monument auquel associer, en plus de souvenirs d’adolescent, et un siècle après le futurisme, des idées de rapidité et de modernité. »

Oui, tout ça.

C’EST COMBIEN POUR UN-E PERFORMEUR-EUSE ?

À la Biennale de Venise édition 2019, le pavillon suisse présentait cette fois Moving Backwards qui, selon le texte affiché en plusieurs langues, explorait « des pratiques de résistance, combinant chorégraphie postmoderne et danse urbaine avec des techniques de guérilla ainsi que des éléments de la culture underground queer. Une installation filmique, avec cinq performeur-euse-s issu-e-s de différents milieux de la danse, complexifie la notion de mouvements en arrière ainsi que leur signification temporelle et spatiale. »

Dans cette vidéo projetée sur place, les déplacements sont faits à l’envers et en plus inversés numériquement, « créant ainsi des doutes et des ambiguïtés quant à l’installation dans son ensemble ».

Plus loin, on explique que « Dans un environnement évoquant une boîte de nuit qualifiée par les artistes d’abstract club, cette expérience, troublante due à l’incertitude temporelle et spatiale, s’enrichit d’un instant de réflexion sur les politiques planétaires de ‘marche arrière’, avec des lettres adressées au public par divers artistes, auteur-e-s, chorégraphes et universitaires dans un journal. »

Effectivement, une lettre en anglais était aussi exposée à l’entrée, présentée en caractères de machine à écrire par Renate et Pauline, deux des performeuses, qui disent franchement, in english : « Dear visitor, we do not feel represented by our governments and do not agree with decisions taken in our name. »

D’accord ou pas d’accord avec le gouvernement, on aimerait bien savoir combien ont été payé les performeur-euse-s, histoire de comprendre à combien se chiffre en francs Pro Helvetia un artistique désaccord avec l’État.

IL LEUR FAUDRAIT UNE BONNE GUERRE (OU UNE PANDÉMIE)

La Première Guerre Mondiale a eu pour résultat de rendre ridicule toute une littérature – Paul Bourget, Maurice Barrès, Anna de Noailles, Robert de Montesquiou – et de lancer des auteurs comme Proust, Cocteau, Morand, Colette, plus en phase avec leur époque, tout comme elle a relégué toute une école d’artistes académiques et officiels, permettant l’éclosion du cubisme et du surréalisme avec Picasso et Dalí.

La Deuxième Guerre Mondiale a à nouveau bousculé tout le monde intellectuel, artistique et social et l’entre-deux guerre, et a permis l’arrivée de Camus, de Sartre ou de de Beauvoir. En parallèle, le rajeunissement de la population a favorisé l’abstraction et, plus tard le Pop Art.

Est-ce qu’en Suisse et dans le monde, la profonde crise actuelle, tant sanitaire que politique et économique, avec ses terribles effets collatéraux et ses développements inattendus – Trump ? pas Trump ? – va réussir à nous débarrasser une fois pour toute d’un certain art contemporain devenu totalement à côté de la plaque dans sa cérébralité et son intellectualisme ?

Va-t-elle causer un gros « coup de sac » dans cette grande tombola spéculative et nous débarrasser enfin de tout ce fatras pour laisser place à des artistes plus honnêtes, plus sensuels, plus sensibles à leur environnement, aux divers matériaux, aux couleurs, plus joyeux aussi, plus humains ?

DES SEINS À DESSEIN : LE RETOUR DES MUSES, ENFIN !

C’est ce que je me disais en visitant, à l’Espace Arlaud à Lausanne, la quatrième édition de l’exposition Des seins à dessein mise sur pied par la Fondation Francine Delacrétaz et visible jusqu’au 8 novembre 2020.

À part une installation incompréhensible, quelques sculptures/structures conceptuelles bien ennuyeuses et des tapisseries et des bibelots dont on aurait pu se passer (mais c’est subjectif), on y respire enfin comme un nouvel air du temps, frais, facétieux, coloré, sensuel, élégant, rêveur avec une majorité d’œuvres réalisées ces dernières années.

Ce sont les extraordinaires encres de chine de la grande Francine Simonin, tout imprégnées d’art calligraphique chinois, la mosaïque à la romaine à motifs en forme de seins de Guillaume Pilet, les gravures très oniriques et faussement désuètes de Mathias Forbach, ce sont les spectateurs-voyeurs cachés derrière des stores pastels de Sarah Margnetti, c’est l’Ophélie modernisée de Marie Taillefer, ce sont les ciels de feuilles d’Olivier Christinat, c’est l’hommage floral à Warhol de Jessica Russ, c’est l’orchidée raffinée et presque orientale de David Weishaar, ce sont la série des Tartans du facétieux Stéphane Zaech ou encore les extraordinaires portraits ambivalents d’Erwan Frotin, tout simples et flamboyants à la fois.

Une nouvelle génération d’artistes moins cérébraux, moins intellectuels, qui ne cherchent pas à donner des leçons de morale et davantage à jouer sur les couleurs, les jeux optiques, les détournements, se lâchant dans le délicieux plaisir de la création, en somme.

On a envie de dire un grand merci à Francine Delacrétaz, qui, en 2006, pour le catalogue de la première édition de Des seins à dessein – le but de la Fondation est de récolter, par la vente de ces œuvres, des fonds qui permettent ensuite de soutenir des patientes du cancer du sein dans un projet qui leur tient à cœur et qu’elles ne peuvent financer – écrivait ceci : « Puisque l’Art doit au corps féminin quelques-uns de ses plus grands chefs-d’œuvre, quelques-uns de ses plus grands artistes, n’est-il pas juste de leur demander de l‘aide lorsque leurs muses sont blessées ? »

Des seins à dessein 2020, 4e édition. Jusqu’au 8 novembre 2020 à l’Espace Arlaud, à Lausanne

La culture suisse aux artistes : « La télévision m’a tuer »

L’embêtant, avec l’initiative No Billag, c’est qu’elle ne fait pas dans la nuance. La redevance annuelle non plus, hélas, qui finance à la fois une programmation radiophonique de haut niveau où la culture est mise en valeur, mais aussi une programmation télévisuelle en dessous de tout dans laquelle, même avec la meilleure volonté du monde, on serait bien en peine de trouver quoi que ce soit qui correspondrait à son cahier des charges (favoriser la diversité culturelle et la diffusion de la production culturelle suisse, par exemple…) à part quelques émissions alibis et superficielles à des heures indues et juste là pour sauver la face et justifier le budget.

L’embêtant avec l’argumentation contre No Billag, c’est que, pour des raisons d’efficacité politique, elle ne fait pas non plus dans la nuance : un tract récent de Suisse Culture, l’Organisation faîtière des associations de créateurs artistiques et de professionnel des médias, souligne que soutenir le service public culturel d’une radiotélévision suisse, c’est attacher de la valeur à (c’est moi qui met en gras) :

– « la diversité d’une offre culturelle faite d’informations critiques et de programmes authentiques produits en Suisse : musique, films, textes, arts visuels, festivals, concerts en direct »

– « la possibilité pour les artistes de publier et de diffuser leurs projets et leurs oeuvres »

– « l’encouragement de la production et de la réflexion culturelles dans les médias, dans l’esprit d’une société démocratique et solidaire »

En revanche, Suisse Culture avertit que soutenir No Billag, c’est, entre autres :

– « aboutir à une large privatisation ou commercialisation de l’encouragement de l’art et de la culture par les médias suisses »

– « détruire la diversité culturelle, c’est à dire restreindre fortement la diversité de la diffusion et de la production culturelle en Suisse : d’où sensiblement moins de musique suisse à la radio et sur internet, pas de films suisses à la télévision et au cinéma, plus d’histoires ou pièces radiophoniques à la radio, peu ou pas de festivals, moins de mise en réseau et d’informations »

LA RADIO SUISSE ? BRILLANTE !

J’ai évidemment voté contre No Billag pour toutes les raisons que l’on sait, sans compter mon intérêt personnel bien compris : si d’aventure un de mes textes ou une de mes prestations scéniques étaient diffusés à la radio ou à la télévision, ça me ferait beaucoup de pub et j’aurais peut-être droit à une (très modeste) rémunération. « Des p’tits sous », comme dirait ma grand-mère, pour une fois plutôt réaliste…

De ce côté-là, rien à dire concernant la radio, qui remplit son cahier des charges de radio nationale, de soutien aux artistes locaux, de représentation des différentes sensibilités nationales et qui, sur ses quatre chaines, mais en particulier sur la Première et sur Espace 2, fait un travail extraordinaire de mise en valeur du patrimoine suisse, par des interviews, des documentaires, et aussi par ses créations notamment grâce à David Collin, qui dirige Le Labo, la structure fiction d’Espace 2, à qui l’on doit un renouveau du genre à la radio – je recommande la brillante série pastiche Hillary et Donald à la Maison Blanche jouée par une kyrielle d’artistes (Michèle Durand-Vallade, Jean-Luc Borgeat, Edmond Vuilloud…) et concoctée par d’excellents auteurs (Isabelle Carceles, David Collin, Alain Freudiger…) ou Les évadés du Spitzberg de Jonas Pool, dont l’excellente qualité a été relevée tout récemment par le magazine français Télérama.

Entre parenthèse, je ne comprends pas pourquoi la radio ne fait pas l’objet, au même titre que la télévision, d’une vraie présentation détaillée et critique des programmes dans nos quotidiens et nos magazines, en particulier ceux du groupe Ringier Axel Springer Suisse SA (Le Temps, l’Illustré, TV8), qui trouveraient là un nouveau débouché non seulement apprécié par les fans de radio, mais aussi utile à la mise en valeur efficace d’une part importante de notre culture, et de l’extraordinaire vitalité de notre radio : ça se fait bien en France, dans l’Obs et dans Télérama, pourquoi pas en Suisse ?

LA TÉLÉVISION SUISSE ? QUELLE TÉLÉVISION SUISSE ?

En revanche, c’est avec tristesse et en trainant les pieds que j’ai voté contre No Billag au profit d’une télévision d’état qui ne remplit pas du tout son cahier des charges.

Car il y a plusieurs questions à se poser, et notamment sur l’utilisation du budget de l’audiovisuel national suisse financé par Billag, c’est à dire par la redevance que chacun paie.

À part les frais de fonctionnement normaux (matériel, studios, personnel), on aimerait bien disposer de chiffres précis sur l’utilisation du budget dans la programmation :

quel est le pourcentage du budget à l’achat de fictions américaines et étrangères qui, en Suisse, occupent tout de même, en moyenne, plus de 15 heures quotidiennes de cerveau(x) disponible(s) ?

– quel est le pourcentage du budget pour des émissions présentant la vie culturelle suisse (interviews d’écrivains et d’artistes, concerts, récitals à la télé, etc.) ?

– quel est le pourcentage du budget utilisé pour la création suisse (produite par la télévision ou la radio, séries télévisées, documentaires, reportages, cinéma) ?

pourquoi RTS Deux est-elle une chaîne consacrée presque exclusivement au sport alors que dans le meilleur des cas, le public-cible doit se monter à 50% de la population (hommes et femmes confondus, le sport n’intéresse pas tout le monde) ?

LA TÉLÉVISION SUISSE N’A PAS DE PLACE POUR LES CRÉATEURS SUISSES

Il faut se faire une raison : un créateur suisse qui scruterait avec espoir la grille des programmes de télévision susceptible de présenter son travail littéraire, théâtral, musical, chorégraphique, cinématographique ou autre, aurait en tout et pour tout environ 20 minutes quotidiennes de programmation disponible, qui se résume à un passage au Journal Télévisé de RTS UN pour un sujet de 10 minutes à tout casser.

J’exagère ?

Prenons le cas de la grille de programmes télé du samedi 10 février 2018 (le samedi, jour d’audience maximale, bien utile pour tout créateur) :

7.25 RTS Kids : La maison de Mickey Mouse, Hé, Oua-Oua, The Furchester Hotel, La Pat’Patrouille, Mile dans l’espace, La tribu Montichi, Crakan Studio présente (sur 3 heures, environ 50% de production anglo-saxonne)

10.15 : Quel temps fait-t-il ?

10.30 : Clo-Clo, la revanche du mal-aimé (2 heures de documentaire français)

12.25 : Interface

12.45 : Le 12.45 (info)

13.15 : Météo

13.25 : Faut pas croire

13.55 : Les dragons de Komodo, une histoire d’amour (1 heure de documentaire étranger)

14.55 : Dossiers criminels : l’affaire Thomas Chevallier : l’étrange meurtre du notaire (une heure de série documentaire française)

15.45 : Columbo (1 heure de série américaine)

17.05 : Prof T

18.45 : Les saisons de « Pique-assiette »

19.15 : Météo

19.20 : Swiss Loto (en français dans le texte)

19.30 : Journal télévisé

20.00 : Météo

20.05 : Le Grand Quiz (jeu télévisé)

21.55 : Cinquante nuance de Grey (2 heures de série américaine)

0.00 : Homeland (2 heures de série américaine)

En résumé, sur 17 heures de programmation, la RTS UN diffuse environ 10.30 par jour de programmation étrangère (programmes pour enfants compris), 6.30 de production plus ou moins suisses, où je relève en particulier, par ordre de durée, le Journal Télévisé (1 heure), les jeux Swiss Loto et le Quiz (1 heure), la météo (45 minutes), Faut pas croire (30 minutes), Pique-assiette (30 minutes).

Quant à RTS DEUX et ses 24 heures de programmation, on arrive à 23.20 de programmation de sport et 40 minutes de non-sport, c’est à dire, le Journal Télévisé (30 minutes) et le Trio Magic (10 minutes).

LA TÉLÉVISION PUBLIQUE SUISSE ? UNE TÉLÉVISION AMÉRICAINE !

Le reste de la semaine, dimanche compris, ça ne s’arrange pas, voici une petite statistique de ce qu’on pouvait voir du 12 au 16 février 2018 :

American Crime (90 minutes), Chicago Police (40 minutes), Cold Case (45 minutes), Friends (30 minutes), Hawaii 5-0 (90 minutes), Heartland (90 minutes), Inspecteur Lewis (90 minutes), Le monde nous appartient (30 minutes), Les Feux de l’amour (40 minutes), Life in Pieces (20 minutes), MacGyver (90 minutes), Monster (120 minutes), New York Unité Spéciale (90 minutes), Occupied (110 minutes), Outlander (120 minutes), Plus belle la vie (30 minutes), Pure Genious (45 minutes), Retour à Cedar Cove (90 minutes), Suits (90 minutes), Top Models (25 minutes), Wilder (120 minutes)

C’est à dire 21 séries étrangères, environ 1495 minutes, soit 25 heures quotidiennes de programmation presque exclusivement américaine répartie sur les deux chaines nationales de langue françaises, et je ne comptabilise pas les téléfilms et les films.

MAIS LA CULTURE SUISSE À LA TÉLÉVISION SUISSE, ALORS ?

Prenons le problème à l’envers et cherchons sur RTS Un et RTS Deux, pour la même semaine, les programmes culturels susceptibles de mettre en valeur les créateurs suisses (je ne compte pas Pique-Assiette, ni Le Grand Quiz, ni les courts sujets quelquefois culturels du TJ) :

Samedi 10 février : rien

Dimanche 11 février : ‘Pardonnez-moi’, avec Darius Rochebin (manque de pot, il reçoit Gérard Depardieu, mais bon) – 45 minutes

Lundi 12 février : Rien

Mardi 13 février : Rien

Mercredi 14 février : Infrarouge, consacré justement au débat sur Billag (60 minutes)

Jeudi 15 février : Rien

Vendredi 16 février : Rien

En gros, 105 minutes, soit 1 heure 45 disponible pour la culture nationale, quand Darius Rochebin et Infrarouge veulent bien s’intéresser à un sujet culturel suisse.

CONTRE ‘NO BILLAG’ MAIS POUR UNE VRAIE TÉLÉVISION SUISSE

C’est que la programmation à la télévision suisse reste coincée dans une problématique à mon avis dépassée.

D’un côté, elle veut essayer de récupérer la jeune génération qui, aujourd’hui, ne regarde plus la télévision, préférant se faire son propre programme via internet.

De l’autre, elle ne veut pas perdre les autres générations, les 40 ans et plus, une clientèle qui aurait tendance à aller voir ailleurs, ce qui explique les séries télévisées américaines achetées à tour de bras pour faire concurrence aux chaines françaises (ou allemandes, ou italiennes) et pour que les téléspectateurs suisses restent sur les chaines nationales, mais aussi les interviews de prestige de Darius Rochebin avec de grandes stars étrangères.

Mais, dans une télévision publique et subventionnée, concevoir une programmation télévisuelle et utiliser la majeure partie du budget à la promotion de produits culturels étrangers au pays pour empêcher que les spectateurs aillent voir ailleurs, est-ce que c’est vraiment de la programmation ? Et est-ce que ça remplit le cahier des charges ?

Les temps ont changé, les publics ont changé et la vie d’une programmation s’est rallongée et donc rentabilisée par la multiplicité des supports, la chaine franco-allemande Arte en est un bon exemple à ce niveau-là : elle touche à l’universel par sa manière passionnante de traiter des sujets ambitieux et pourtant souvent très locaux.

On pourrait penser que son audience limitée la rendrait invivable sans les subventions. Pourtant, sur le court et le moyen terme, ses programmes sont ensuite revendus avec succès à d’autres chaines dans le monde entier et présentés, diffusés, vendus sous formats DVD ou par téléchargement. Un fond culturel et un futur patrimoine de très haute qualité est en train d’être constitué qui sera très rentable à long terme.

Cette votation sur No Billag, c’est l’occasion rêvée pour repenser complètement la programmation de notre télévision nationale dans le sens d’une plus grande ambition, d’une plus grande créativité et d’une vraie proximité avec son public à tous les niveaux.

Contre No Billag, c’est sûr, mais pour une télévision suisse ambitieuse.

Coup de sac !