La Bourse (presque) toujours gagnante… à long terme

Alors que d’aucuns s’inquiètent sans doute à juste titre de la fièvre spéculative qui s’exprime sur les grands marchés financiers, à commencer par la Bourse américaine, il est bon de prendre un peu de recul. Surtout depuis le printemps dernier où la chute des marchés des actions a été suivie par un très fort rebond, permettant aux investisseurs de terminer l’année sur un résultat nettement positif.

Stratégie (trop) simple

Avec une telle réaction des marchés, on pourrait presque croire qu’en serrant les dents à chaque effondrement des cours, on n’aurait qu’à attendre quelques semaines pour que les prix remontent. En profitant au passage pour faire son marché lorsque les cours touchent leur fond. C’est une stratégie simple, sans doute un peu simpliste…

Performance sur le long terme

Pour s’en convaincre, on consultera avec profit l’actualisation de la fameuse étude de Pictet Wealth Management, qui compare la performance des actions et des obligations suisses entre 1926 et 2020. Ce marché est évidemment particulier puisqu’il est dominé par Nestlé et les grandes pharma, soit Novartis et Roche. Mais c’est justement son intérêt puisqu’il s’agit de firmes multinationales dont le comportement boursier est fortement influencé par le cours de leurs grandes concurrentes sur les grandes places boursières à l’échelle mondiale.

Les Bourses peuvent baisser durablement

Cette étude met ainsi en évidence la surperformance en valeur réelle des actions par rapport aux obligations sur toute la période, comme on le voit dans le graphique ci-dessus, dans une représentation logarithmique. Mais, 94 ans, c’est très long… C’est pourquoi il faut examiner ces données de plus près. Car, contrairement à une idée reçue par le grand public, habitué à la hausse quasi continue des marchés depuis une dizaine d’années, les Bourses peuvent accuser durablement des pertes, à l’instar du marché suisse.

Tranches de cinq ans

Ainsi comme l’écrivent les analystes de Pictet : « (…) sur 5 ans, le marché actions suisse a connu plusieurs périodes de placement ayant généré des pertes. Sur 10 ans, les périodes de pertes ont été nettement moins nombreuses. Notre analyse des rendements historiques montre que sur des périodes de placement supérieures à 13 ans, les actions suisses n’ont enregistré aucune perte au cours des 95 dernières années (krach de 1929 excepté). »

Tout peut arriver

Ces statistiques peuvent s’avérer rassurantes même si elle rappelle que tout peut arriver sur des marchés, surtout si on tient compte du krach de 1929, et que le passé n’est pas forcément pas un bon indicateur. Car si le comportement humain reste fondamentalement le même, la technologie rebat les cartes, tant dans l’organisation et le fonctionnement des marchés financiers – on pense notamment au trading à haute fréquence – que dans les valeurs traitées en Bourse.

Facteurs personnels à prendre en compte

Toutefois, dans l’incapacité de prévoir l’avenir, on peut tout de même imaginer que les échanges vont rester très volatils, avec des mouvements de plus ou moins grande ampleur, pouvant s’étaler sur plusieurs années. Dans cette perspective, l’investisseur doit prendre en compte la durée de placement minimale qui lui permet de limiter le risque lié aux fluctuations des marchés des actions. Sans oublier de s’assurer qu’il est effectivement doté d’une résistance nerveuse et psychologique pour faire face à la baisse parfois brutale et de longue durée des marchés.

Obligations à la peine

Ces recommandations traditionnelles et pétries de bon sens peinent sans doute à convaincre ceux qui ne jurent plus que par la Bourse et de sa performance mirobolante au cours de la dernière décennie. D’autant plus alors que les obligations de la Confédération à 10 ans n’ont rapporté que 0,55% en 2020. Et il n’y a pas grand-chose à espérer du côté de ce type d’instruments – censés limiter le risque lié aux actions – qui sont grevés de taux négatifs depuis 2016. ­Comme le décrivent les analystes de Pictet, « la seule possibilité de rendements positifs pour les obligations helvétiques réside dans une nouvelle baisse des taux, avec à la clé une hausse des cours de nature à surcompenser le coupon négatif ». De quoi encourager les acquéreurs de nouvelles obligations qui devraient payer encore plus pour avoir le privilège de prêter leur argent !

 

 

 

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Les statistiques, indispensables, mais à manier avec des pincettes !

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’article paru aujourd’hui dans ce journal de ma consœur Sylvie Logean sur les dégâts causés par le Covid-19 en termes de mortalité et de ses séquelles pour une partie des personnes qui en avaient réchappé. Je ne suis pas scientifique mais cela changeait des propos de café du commerce entendus trop souvent dans de nombreux médias.

Éduquer le grand public ?

Selon certains intervenants sur la place publique, il serait judicieux que la population acquière des bases minimales en matière de santé publique de manière à mieux saisir les enjeux en cas de crise sanitaire, notamment en cas de pandémie. C’est vrai. Mais je me demande si ce n’est pas un vœu pieux. Car on pourrait également donner ce conseil dans une multitude d’autres domaines. Par exemple, à chaque débat sur la prévoyance – dont je suis plus familier –, nombre de spécialistes déplorent la mauvaise connaissance du public d’un système qui joue pourtant un rôle crucial dans leurs conditions de vie, en particulier à la retraite. Et il en va de même en matière environnementale, permettant d’aller au-delà de slogans et d’approches manquant souvent de pragmatisme.

Un peu d’arithmétique pour les nuls

Ce n’est donc pas demain qu’une majorité de la population pourra jongler avec les concepts nécessaires pour relever au mieux ces défis à venir dans ces multiples domaines. En revanche, il serait tout de même nécessaire que les professionnels des médias ­– et tous ceux qui prennent la parole – maîtrisent un peu mieux les bases de leur arithmétique. Par exemple, que n’a-t-on entendu ou lu ces derniers jours que le variant anglais du Covid-19 serait quarante à septante fois plus contagieux que celui qui nous fait souffrir depuis une année, alors qu’on nous parle de 40% à 70% de plus. Pour rappel, 40% équivalent à 0,4, soit 100 fois moins que 40 !

Cela dit, une contagiosité accrue de 40 à 70% est énorme – si j’ai bien compris – et fait notablement augmenter le fameux R, le taux de reproduction de l’épidémie. Ce qui justifie d’autant plus le resserrage de vis du Conseil fédéral avant que ce variant, ou d’autres, viennent provoquer une désastreuse troisième vague.

Un peu d’économie

Pour justifier ce billet dans la case « Économie », je me sens un peu obligé d’ajouter une petite touche purement économique à mon propos… Cela tombe bien car les statistiques sont omniprésentes dans ce domaine. À cet égard, on peut mettre en évidence la publication des taux de croissance trimestriels du PIB américain au 2e trimestre de l’année dernière, avec un plongeon de plus de 30%. Soit près de trois ou quatre fois plus que la plupart des autres économies développées. Puis le rebond au 3e trimestre fut presque aussi fort, avec quasiment le même écart avec les autres économies. Comme ces chiffres étaient généralement comparés sans nuance, on aurait pu les attribuer à une particularité de l’économie américaine. En fait, ces comparaisons s’avèrent trompeuses, car la méthode de calcul est très différente ! Entrons un peu dans le détail.

Comment le taux de croissance trimestriel américain est-il calculé ?

Pour la plupart des pays développés, comme c’est le cas en Suisse, le taux de croissance trimestriel mis en avant, et repris par les médias, résulte de la comparaison entre deux trimestres consécutifs. Mais on procède également à la comparaison avec le niveau du PIB du trimestre correspondant de l’année précédente. On parle alors de taux de croissance en glissement annuel, et le FMI de variation annuelle.

Mais. de leur côté, les Etats-Unis et le Canada privilégient la présentation d’un autre taux de croissance trimestriel, basé sur deux trimestres consécutifs pour les ramener sur une base annuelle. On peut ainsi extrapoler le taux de croissance trimestriel annualisé en multipliant le taux trimestriel par quatre.

Distorsion de la réalité en cas de choc extérieur

Pour illustrer ce mode de calcul, la Banque du Canada propose l’exemple suivant : « Si le PIB augmente de 0,1 % du 2e trimestre au 3e trimestre, le taux de croissance trimestriel annualisé du PIB au 3e trimestre est de 0,4 %. » Pour justifier cette approche, elle poursuit : « Cette mesure, souvent reprise par les médias pour mieux percevoir le rythme instantané de la croissance, donne une approximation mathématique de ce que serait la croissance annuelle si la croissance trimestrielle se maintenait au même niveau. » Ce qui n’est certainement pas le cas lorsqu’un choc extérieur se produit, amplifiant son effet sur le plan statistique, comme cela s’est produit tant aux Etats-Unis qu’au Canada, À cet égard, on lira avec intérêt le billet proposé par Jean-Pierre Furlong, un économiste québecois, qui se montre très critique sur ce choix.

Lire ou relire Daniel Kahneman

Si cela peut rassurer tous ceux qui peinent avec les statistiques de quelque ordre que ce soit, on peut leur conseiller de se (re)plonger dans cette véritable bible de l’économie comportementale que constitue l’ouvrage de Daniel Kahneman, intitulé « Système 1 – Système 2, Les deux vitesses de la pensée » (1). Le prix Nobel d’Economie 2002, spécialiste de psychologie cognitive et l’un des fondateurs de l’économie comportementale rapporte ainsi une anecdote savoureuse. Ainsi, dans le cadre d’une conférence de la Société américaine de psychologie mathématique qui s’était tenue au début des années 70, un groupe de participants de haut niveau avaient rempli un questionnaire lié à la taille des échantillons.

Même les statisticiens sont parfois des « idiots » en statistiques

Daniel Kahneman, qui avouait faire des erreurs systématiques en sous-estimant le rôle de la chance en choisissant des échantillons trop petits explique, en faisant référence à son alter ego Amos Tversky, l’autre pionnier de l’économie comportementale : « Amos et moi avons donc entrepris de voir si j’étais un idiot isolé, ou si j’étais le représentant d’une majorité d’idiots, en analysant si des chercheurs choisis pour leur expertise mathématique pouvaient commettre les mêmes erreurs. (…) Les résultats ne laissaient pas de place au doute : je n’étais pas le seul être idiot. Chacune des erreurs que j’avais commises se retrouvait chez un grand nombre de nos participants. Il était évident que même les spécialistes ne prêtaient pas une attention suffisante à la taille des échantillons. » Enfin, autre lecture obligée pour tous ceux qui cherchent à se réconcilier avec les statistiques, on conseillera l’excellent et très accessible ouvrage de Nicolas Gauvrit « Statistiques – méfiez-vous  ! » (2).

(1) “Système 1 – Système 2, les deux vitesses de la pensée”, par Daniel Kahneman, Flammarion, 2012

(2) “Statistiques : méfiez vous !”, par Nicolas Gauvrit, Ellipses poche, 2014

 

Calculer ses impôts sur les successions en quelques clics

Comme chaque fin d’année, tout conseiller financier qui se respecte viendra vous rappeler qu’il est particulièrement judicieux de procéder à des versements dans le cadre du 3e pilier lié, pour profiter de leur déduction fiscale. Comme je l’ai fait l’an dernier à la même époque. Je ne vais donc pas me répéter et renvoie les lecteurs/rices intéressé(e)s à ce billet.

Mise à jour efficace

En revanche, ce serait dommage de passer à côté d’une récente innovation dans le domaine fiscal que je viens de découvrir. Il s’agit de la mise à jour du simulateur de l’impôt sur le revenu et la fortune de l’Administration fédérale des contributions (AFC) qui vaut le détour. En effet, ce nouvel outil est non seulement beaucoup plus convivial que son prédécesseur, mais il élargit également son champ d’action à quatre domaines différents. Ainsi, l’AFC propose en outre un très efficace calculateur d’impôt sur les successions et les donations, un autre pour obtenir l’impôt sur le versement en capital de la prévoyance et enfin un simulateur d’impôt sur le bénéfice et le capital.

Un outil précieux pour le particulier

Dans une perspective de finances personnelles, le calculateur de l’impôt sur les successions et les donations constitue une grande avancée par rapport à l’offre officielle qui prévalait jusqu’à présent. En effet, à part le calculateur de la compagnie d’assurances Axa, seuls deux cantons en Suisse romande, Vaud et Berne, proposaient de tels outils à leurs contribuables. Dans le canton de Genève, par exemple, on a bien accès aux barèmes fiscaux, mais le calcul lui-même doit être effectué par le contribuable. Avec tous les risques d’erreur que cela comporte.

Vue d’ensemble

L’un des avantages du nouveau simulateur, c’est qu’il donne la liste complète des bénéficiaires potentiels avec leur taux d’imposition respectif. On notera que le calculateur distingue également les taux appliqués aux concubin(e)s selon la durée de la vie commune jusqu’au décès, comme c’est le cas notamment à Neuchâtel (5 ans) ou à Fribourg (10 ans). Le canton de Genève de son côté ne marque aucune différence à cet égard. Seul petit bémol, dans la version francophone, le statut de « Concubin(e) » est indiqué comme « Conjoint(e) ou concubin(e) ». Manifestement, il y a une petite erreur à corriger !

Statistiques de charges fiscales

On signalera par ailleurs de nouveaux outils proposés par l’AFC plutôt destinés aux professionnels dans ce domaine et aux médias, réunis dans la page Statistique de charge fiscale. Cette palette de simulateurs fiscaux permet notamment de comparer immédiatement des cas standardisés de ménages selon leur revenu ou fortune dans toutes les communes de Suisse. Pour ceux qui sont tentés par exemple de changer de domicile pour réduire leur charge fiscale, c’est l’instrument idéal pour savoir où aller s’installer selon ce critère.

 

 

 

Retour sur la première vague pour combattre la deuxième

 

L’actualité sanitaire n’ayant laissé qu’un bref répit entre la première vague de Covid-19 en Suisse et la deuxième, on aura à peine eu le temps de digérer l’ouvrage au titre prémonitoire de « La première vague* » sur les effets dévastateurs de ce virus au printemps. Cette enquête remarquable, réalisé par la cellule enquête Tamedia, met en scène certains des acteurs-clés à la pointe de ce combat en Suisse, dont évidemment Alain Berset et Daniel Koch, mais aussi ces héros et héroïnes anonymes qui ont contribué à sauver la situation.

Tirer les leçons de la première vague

On aurait sans doute envie de passer à autre chose plutôt que de ressasser ces moments difficiles. Paradoxalement, avec la résurgence de la pandémie sous nos latitudes, c’est une lecture qui permet de replacer les décisions prises dans leur contexte et de prendre du recul par rapport à la stratégie actuelle. Notamment pour mieux comprendre la répartition fluctuante des compétences entre le Conseil fédéral et les cantons.

Rassemblements de moins de 1’000 personnes

À cet égard, l’ouvrage de mes confrères de Tamedia est particulièrement édifiant, lorsqu’ils évoquent la décision prise à fin février d’interdire les rassemblements de plus de 1’000 personnes, la Suisse étant l’une des premières à faire un tel choix. Décision peu appréciée au niveau des cantons « au point que même les ministres de la Santé de différents cantons n’ont pas voulu la soutenir ». Alors que, toujours selon les auteurs, cela a « probablement sauvé des centaines voire des milliers de vies ».

Manque de réaction

Malheureusement, critiquent les auteurs, le gouvernement n’aurait pas toujours agi avec la même célérité à partir de là. Ainsi, « la Suisse a certes graduellement augmenté l’intensité des mesures, mais elle a laissé dix longs jours s’écouler avant de se résoudre à ordonner les restrictions les plus fortes, avec le semi-confinement ».

Quoi faire maintenant ?

Par comparaison avec l’Autriche, qui avait pris des mesures plus tôt, et qui avait donc pu se déconfiner plus rapidement que les autres, le bilan est moins favorable : « Si la Suisse avait agi de la sorte, il y aurait probablement eu moins de morts, et le préjudice économique aurait été moindre, avec un confinement moins long. » Cette dernière affirmation peut inquiéter. Si l’on observe les décisions drastiques qui viennent d’être prises chez certains de nos voisins, on peut se demander si l’on n’est pas en train de répéter cette erreur. Pas facile d’être ministre de la Santé par les temps qui courent !

*La première vague – Enquête au coeur de la crise du coronavirus en Suisse,, Cellule enquête Tamedia, Slatkine, 2020

Bonnes et mauvaises nouvelles sur le front du 2e pilier

La société de conseil PPCmetrics publie aujourd’hui sa sixième étude*sur les caisses de pension qui s’avère rassurante sur l’état de santé de nos institutions de prévoyance. En effet, il ressort que la rémunération des assurés actifs a atteint 2,53% en 2019, soit le plus haut niveau de cette dernière décennie. Quant à l’année en cours, après la chute initiale des marchés, les performances des placements se sont redressées, au point qu’au 28 septembre les degrés (ou taux) de couverture sont proches de leurs niveaux de fin 2019. Ces chiffres sont d’autant plus représentatifs que l’enquête est basée sur les rapports annuels audités de 289 institutions de prévoyance, représentant une fortune de prévoyance de 730 milliards de francs et plus de 3,4 millions d’assurés.

Taux de conversion toujours trop élevé

Malheureusement, même si l’on a besoin de nouvelles réjouissantes en ces temps de crise économico-sanitaire, on ne peut se voiler la face. Ainsi, en continuant à décortiquer le résumé du rapport très technique des experts de PPCmetrics, on comprend que le niveau du taux de conversion reste toujours nettement trop élevé selon l’espérance de vie des rentiers et des rendements futurs attendus. C’est un phénomène qui perdure depuis plusieurs années : la rémunération des capitaux des rentiers (le taux d’intérêt technique) a une nouvelle fois été nettement supérieure à celle des capitaux de prévoyance des assurés actifs (taux d’intérêt crédité). En d’autres termes, les actifs subventionnent les rentiers, hypothéquant les prestations des futurs retraités.

Maintien de l’écart

De manière chiffrée, « compte tenu des taux à fin 2019, le taux de conversion économiquement neutre s’élève à 3,57%. » indique la société de conseils. Or le taux moyen actuel se monte à 5,56% ! Cette problématique n’est évidemment pas nouvelle, mais ne s’améliore pas puisque si le taux moyen de conversion était de 5,75% l’an dernier, le taux économiquement neutre atteignait 3,83% ! On est évidemment très loin du taux de conversion du régime obligatoire fixé à 6,8 !

Stratégies de placement

En l’absence de réformes d’envergure dans la prévoyance professionnelle, il sera difficile de contrecarrer la poursuite de la baisse du taux de conversion pour les caisses enveloppantes. A moins que les marchés des actions continuent à flamber au cours de ces prochaines années pour combler ces lacunes. Mais, après plus de dix ans de hausse quasi-ininterrompue, portés par des politiques monétaires plus qu’accomodantes, les grandes bourses mondiales pourraient connaître un retour de manivelle, et sur la longue durée. Ce que nous enseigne l’Histoire, même si les événements ne s’enchaînent jamais à l’identique. Car, comme le dit le dicton boursier, les arbres ne montent pas jusqu’au ciel !

 

 

 

 

Comment la prévoyance peut-elle s’adapter aux changements technologiques ?

Bruno Parnisari, directeur suppléant de l’OFAS

Faut-il que la jeune génération descende dans la rue pour conspuer les aînés qui ne leur laisseraient plus que des miettes pour leurs futures retraites ? C’est un peu la question que posait mon confrère Alain Jeannet ce matin dans le premier débat – très feutré – consacré à la prévoyance aux deux spécialistes invités, Virginie Raisson, fondatrice du laboratoire d’études prospectives et d’analyses, et Bruno Parnisari, directeur suppléant de l’OFAS. Cet événement était diffusé uniquement en ligne sur le site de ce journal.

Vieillissement de la population

Dans leurs réponses, les deux experts s’accordaient sur l’impact négatif du vieillissement de la population sur les assurances sociales, sans compter l’effet de court à moyen terme de la pandémie, qui fragilise notre système d’assurances sociales. Toutefois, le directeur suppléant de l’OFAS, se voulait plus optimiste, en mettant notamment en avant le potentiel du marché des actions pour redonner plus de poids au 3e cotisant afin de compenser la faiblesse des rendements des titres à taux fixes.

Transmission aux nouvelles générations

Par ailleurs, ce même spécialiste relativisait quelque peu le préjudice subi par les jeunes générations puisqu’elles bénéficient également des grandes avancées en matière technologique dues à leurs prédécesseurs. L’argument est parfaitement recevable, mais aurait sans doute été battu en brèche si la manifestation avait eu lieu en public. En effet, l’héritage n’est malheureusement pas constitué que d’actifs, mais de passifs lourds à porter, notamment sous la forme d’une quantité astronomique de CO2 !

Taxer les robots ?

Par ailleurs, puisque la discussion portait sur la pérennité de notre système de prévoyance pour les prochaines décennies, on peut regretter que l’impact de l’évolution de notre modèle de production, qui pourrait conduire à la destruction massive d’emplois actuels pour être remplacés par des systèmes entièrement robotisés, n’ait même pas été évoqué. Il faudrait peut-être imposer les robots ! C’est en fait une proposition tout à fait sérieuse, puisque l’un de nos plus éminents fiscalistes, le professeur Xavier Oberson, lui a même consacré un ouvrage (1). Mais on aura sans doute l’occasion d’en reparler au cours de ces prochaines années.

(1) Taxing Robots, Helping the Economy to Adapt to the Use of Artificial Intelligence (Londres, Elgar Publishing, May 2019).

 

Le monde (inquiétant) selon Amazon

Alors que l’économie mondiale subit une récession très marquée sous le signe du Covid-19, Amazon publiait à fin juillet des résultats sidérants, avec un chiffre d’affaires pour le dernier trimestre en hausse de 40%, à près de 89 milliards de dollars, pour un bénéfice net deux fois supérieur, à 5,2 milliards ! Rien ne semble arrêter la progression fulgurante de cette entreprise tentaculaire, à l’instar des autres géants technologiques qu’on réunit sous le sigle GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon), auquel on rajoute parfois Microsoft, pour donner GAFAM.

Succès insolent

Le succès insolent du géant du commerce en ligne est évidemment facilité par la crise sanitaire. Mais ce n’est que la face émergée de l’iceberg. Car Amazon est beaucoup plus qu’un commerçant en ligne. À cet égard, le public peut facilement s’informer grâce à la profusion d’articles de presse et de reportages consacrés à ce géant et à Jeff Bezos, son patron au rire tonitruant. Par exemple, pour ceux qui l’auraient manqué, il est possible de se faire une séance de rattrapage en visionnant deux documentaires de qualité diffusés en mai et disponibles sur Youtube soit « Le monde selon Amazon » ou encore « L’irrésistible ascension d’Amazon », dont ma consœur Isolda Agazzi avait déjà rendu compte sur son blog le 14 mai dernier.

Ouvrages

Par ailleurs, Amazon n’a pas manqué de susciter des vocations pour coucher cette aventure par écrit. L’un des derniers ouvrage en date a retenu mon attention, en le découvrant récemment en librairie. Il s’agit du livre du journaliste Benoît Berthelot, intitulé, lui aussi, « Le monde selon Amazon ». La question que je me suis évidemment posée était de savoir si ce livre avait servi de base au documentaire éponyme. En fait, ce n’est pas le cas, comme me l’a indiqué notre journaliste, précisant qu’il s’agissait de deux projets séparés, ayant été titrés de manière identique par hasard. Cela dit, je trouve que ces deux enquêtes se complètent bien : du côté du documentaire, la force des témoignages des intervenants, de l’autre, la rigueur de l’analyse et du démontage des mécanismes expliquant les ressorts de la stratégie de ce groupe devenu tentaculaire et multiforme et certains de ses travers très dérangeants.

Une entreprise tentaculaire

Car Amazon n’est pas seulement ce mastodonte de l’e-commerce, mais est aussi un acteur majeur dans des activités sensiblement plus discrètes, mais hautement rentables. Ainsi, qui a entendu parler d’AWS, en dehors des spécialistes ? Il s’agit, explique ainsi l’auteur, d’Amazon Web Service, dont le cœur de métier est le cloud computing. En effet, Amazon a développé une énorme puissance de calculs et de gigantesques capacités de stockage de données dans le cadre de son développement fulgurant. Pour rentabiliser ces coûteux investissements, l’entreprise a eu l’idée de proposer cette technologie à des clients externes. Au point qu’en quelques années AWS est devenu le leader mondial incontesté du cloud mondial, rapportant plus que l’e-commerce ! Ce qui ne manque pas d’inquiéter l’auteur sur la confidentialité des données hébergées dans ce cloud.

Place de marché

Un chapitre est consacré aux très nombreux marchands indépendants qui utilisent la plateforme de vente ou comme place de marché. Car, on l’ignore souvent, la grande majorité des produits proposés sur le site ne sont pas vendus par l’entreprise d’e-commerce, mais par des tiers. Ces derniers utilisent la plateforme comme une véritable place de marché. Comme le rapporte le journal Les Échos dans un article publié en juillet 2019, les ventes réalisées par des tiers ont représenté 60% des ventes l’année précédente.

Revers de la médaille

Cette réussite s’explique facilement : tout petit vendeur peut tout d’un coup toucher des millions de consommateurs potentiels en quelques clics. Mais, le revers de la médaille, c’est de devoir se plier aux exigences du géant de Seattle. Avec le risque de se faire éjecter en cas de problèmes, sans droit de recours ! Or, pour de nombreux petits vendeurs, c’est une sanction extrêmement lourde puisqu’ils n’ont pas d’alternative. Autre point soulevé par l’auteur, le risque pour le vendeur à succès sur Amazon « de se faire concurrencer… par Amazon ! » Car, rappelle-t-il, ce dernier est lui-même un vendeur et il développe ses propres produits, qu’il peut ainsi privilégier par rapport à ceux de tiers présents sur sa plateforme, à leurs dépens. Ce qu’il ne se gêne apparemment pas de faire.

Les très précieuses données sur le client

En termes d’acquisition publicitaire, c’est-à-dire l’achat de mots-clés par une marque pour apparaître en haut de page, l’ouvrage se montre très éclairant quant aux atouts d’Amazon par rapport à Google ou à Facebook dans ce marché très concurrentiel – et très lucratif. En effet, le commerçant en ligne connaît les achats réels de ses clients, et leurs désirs. Le ciblage peut donc être précis, comme l’indique une employée d’une grande agence de publicité parisienne citée par l’auteur : « Si nous travaillons pour les rasoirs Philips, grâce à Amazon, nous pouvons afficher notre pub uniquement pour les hommes qui ont déjà acheté un rasoir Braun. » Ces précieuses informations constituent une source de revenus substantiels puisque, résume l’auteur, « Amazon vend sans complexes les données personnelles de ses clients aux annonceurs » On trouvera dans cet ouvrage de nombreuses autres informations sur la stratégie de l’entreprise, notamment fiscale, ou encore sur la gestion du personnel, qu’on ne peut évidemment développer dans ce bref billet.

*Le monde selon Amazon, par Benoît Berthelot, Ed. Cherche Midi, 2019

 

Scènes de la vie quotidienne au temps du Coronavirus

Le retour à la normalité n’est décidément pas pour demain, comme je l’ai encore constaté hier en montant dans un bus bondé au centre-ville de Genève, non pas tellement en raison du port obligatoire du masque que par la tension que peut susciter le non-respect de cette règle. Ainsi, à peine entré dans le véhicule ai-je entendu une vive altercation entre deux passagères, l’une d’entre elles reprochant à l’autre de ne pas porter de masque. La personne « déviante » – âgée et se déplaçant avec un déambulateur – se défendait avec vigueur en arguant qu’elle bénéficiait d’une dispense et qu’elle n’avait de toute façon pas à se justifier auprès d’elle.

Pourquoi porter un masque ?

Au fil des échanges heurtés, un autre passager, d’une soixantaine d’années, qui se tenait debout face à moi à cinq ou six de mètres de distance, intervint pour défendre la personne âgée, en demandant le respect pour ses cheveux blancs. En laissant pendouiller son masque sur l’une de ses oreilles, pour qu’on l’entende sans doute mieux.  Posture suscitant d’autres réactions, notamment qu’il devrait remettre son masque. Mais notre homme n’en continuait pas moins à réagir avec véhémence, mettant en avant que le fait de porter ou non cet appendice facial constituait un choix personnel et que c’était aux autorités de faire respecter la loi et non pas aux autres passagers. Car, disait-il, en le portant, vous êtes protégé. Apparemment, cette personne aux intentions louables n’avait pas bien compris le message de nos autorités sanitaires. On rappellera que le masque paraît surtout efficace pour diminuer la propagation du virus des personnes infectées vers le reste de la population.

Confusion et malaise

Mais à la décharge de notre homme, les informations et les pratiques paraissent tellement contradictoires qu’elles sont à l’origine d’une grande confusion et d’un certain malaise. On ne reviendra pas sur le discours martelé au début de la pandémie sur l’inutilité du masque. Quant aux mesures barrières, en particulier la distance minimale d’un mètre cinquante pour des échanges sans protection, quand est-elle respectée ? D’autant plus si votre interlocuteur ou interlocutrice a besoin d’intimité pour communiquer avec vous et ne parvient pas à s’adapter aux conditions sanitaires actuelles.

A quand le retour de la confiance ?

Si je rapporte cette anecdote dans un blog consacré à l’économie, c’est parce que cela laisse songeur quant à l’amélioration notable de la conjoncture, qui nécessite le retour à la confiance et à une certaine sérénité. Sans parler d’une éventuelle nouvelle vague de la pandémie, qui accroîtrait la nervosité générale et entraverait plus encore toutes les transactions personnalisées.

 

 

 

Comment financer sa prévoyance vieillesse dans le monde de l’entre-deux ?

 

 

Alors que l’on se demande de quoi demain sera fait, entre les effets de la crise économique et l’éventuel rebond de la pandémie, VZ Vermoegenszentrum lançait un véritable plaidoyer en faveur de la planification de la retraite dans son dernier bulletin, VZ News, paru il y a quelques jours. Les arguments en sont les défis de taille auxquels les futurs retraités sont confrontés, soit le coronavirus, les taux négatifs ou encore les maigres rendements. En résumé, « pour ne pas manquer d’argent à la retraite, il faut réagir dès maintenant ».

Qui peut encore se le permettre ?

Cet appel peut faire quelque peu ricaner, alors qu’une grande partie de la population traverse une période extrêmement délicate, dont la priorité est de savoir comment payer ses factures dans les prochaines semaines. Alors, le financement de la retraite… Même ceux qui disposent de quelques économies ont sans doute avantage a bien les conserver pour faire face aux difficultés à venir, en évitant de les bloquer dans des produits de prévoyance jusqu’à l’âge de la retraite. D’autant plus que les bas revenus, faiblement imposés, ne pourraient évidemment n’obtenir que de très modestes économies fiscales sur leurs versements. Le jeu n’en vaut vraiment pas la chandelle.

À contretemps

Cela dit, j’aurais de la peine à me montrer sarcastique à l’égard des planificateurs professionnels en recherche de clients dans la mesure où je viens moi-même de publier un nouvel ouvrage consacré au financement de sa retraite ! À ma décharge, c’est un document qui a été remis à l’imprimerie juste avant l’éclatement de la crise sanitaire dans notre pays. Mais j’ai aggravé mon cas avec le choix d’une couverture allégorique figurant le départ en retraite dans le cadre d’une salle d’attente d’un aéroport… Pour me rassurer, je songe aux propos de l’éditeur français d’un de mes précédents livres qui m’avait fait part de sa stratégie pour se démarquer par des couvertures insolites afin que les ouvrages se différencient lorsqu’ils doivent faire leur place dans les rayons des librairies. Là, je crois que j’ai réussi mon coup…

La préparation à la retraite reste d’actualité pour les mieux lotis

Plus sérieusement, pour en revenir à la profession des planificateurs financiers, leur rôle n’est évidemment pas remis en cause : il faut préparer sa retraite, et ce longtemps à l’avance. Et même actuellement, pour tous ceux qui peuvent se le permettre. Car toute la population n’est heureusement pas logée à la même enseigne En effet, une partie des personnes actives va rester plus à l’aise financièrement et sera sans doute peu affectée par la crise. Par exemple, ceux qui bénéficient d’emplois stables et à revenus réguliers – on peut penser notamment au personnel des administrations publiques – n’ont pas grand-chose à craindre. Dans leur cas, la crise a sans doute eu pour conséquence de faire augmenter leurs liquidités puisqu’ils ont été empêchés de consommer de nombreuses prestations de services tout en continuant à recevoir leur rémunération à taux plein.

Mesures de prévoyance classiques

Si vous êtes dans cette situation, vous pouvez sereinement songer à tirer profit des avantages fiscaux du 2e pilier, en procédant à des rachats si vous avez par exemple des lacunes à combler. Mais cela ne vous dispensera pas « faire vos devoirs » comme on dit, pour évaluer l’état de santé de votre caisse de pension. Il s’agit de savoir, en cas de découvert notable, si elle peut être amenée à prendre des mesures d’assainissement plus ou moins rapidement.

Selon le type de mesures, il pourrait être judicieux d’attendre que les mesures d’assainissement aient déployé leurs effets. A moins qu’il ne s’agisse d’une caisse de pension publique, dont le processus d’assainissement serait étalé sur des dizaines d’années. En effet, dans ce cas, le rachat reste en principe recommandé, pour des raisons que j’avais développées dans un article publié dans le journal qui héberge ce blog il y a quelques années. Raisons qui restent d’actualité.

Le choix du 3e pilier lié

Dans le cas d’une caisse sans garantie étatique et dont les mesures d’assainissement vous seraient défavorables, vous auriez toujours la possibilité de souscrire des produits de 3e pilier lié, qui bénéficient également d’avantages fiscaux. Cela aurait d’autant plus de sens que les déductions autorisées chaque année dans ce cadre ne peuvent pas être reportées sur l’exercice suivant. Par ailleurs, il sera toujours possible de virer ces fonds accumulés dans des produits de 3e pilier lié dans sa caisse de pension lorsque le processus d’assainissement sera achevé.

Comment prévoir quelle sera la bonne prévision économique ?

Après le groupe d’experts de la Confédération pour les prévisions conjoncturelles et UBS, c’est Swisslife qui livrait aujourd’hui ses prévisions économiques, tant pour la Suisse que pour les États-Unis, la zone euro et le Royaume-Uni pour cette année. Sans surprise, toutes ces institutions prévoient un net recul de l’activité économique dans notre pays. Mais pas avec la même ampleur : Swisslife s’attend en effet à une contraction de 3,1 % du PIB suisse, contre 6,7% pour le groupe d’experts de la Confédération et 4,6% pour UBS. Comment s’expliquent de telles différences ?

Prévisions hautement aléatoires

La réponse n’est pas difficile à trouver. On sait en effet que les prévisions conjoncturelles restent relativement fiables lorsque l’environnement économique et politique présente de la stabilité. Mais dès qu’un élément imprévu d’importance vient semer le chaos, les prévisions établies peuvent être complètement démenties, comme on le voit à chaque crise. Or celle que l’on traverse actuellement rend toute projection sur l’avenir hautement aléatoire en raison de son origine et des dégâts à large échelle qu’elle produit à travers toute la société, avec des effets en cascade et autres rebonds. Tout le monde comprend que la crise sera sans doute profonde, mais il est très difficile de savoir jusqu’à quel point.

Les experts conscients de leurs limites

Les spécialistes en sont d’ailleurs bien conscients, comme le précise le communiqué de presse du SECO présentant les prévisions du groupe d’experts de la Confédération : « L’économie pourrait se relever plus rapidement que ne l’envisagent les prévisions, si les consommateurs suisses devaient moins se laisser déstabiliser par le coronavirus, ou si la reprise devait se révéler plus vigoureuse à l’étranger. À l’inverse, la pandémie et les mesures de confinement qu’elle exige pourraient perdurer, ce qui freinerait fortement la relance. Sans parler des importants effets de second tour qui pourraient se produire et entraîner, par exemple, des vagues de licenciements et de faillites. Il faudrait alors s’attendre à d’autres répercussions économiques majeures sur l’ensemble de la période prévisionnelle. »

L’économiste manchot d’Harry Truman

Cette analyse est empreinte de bon sens et s’avère utile pour essayer de trouver des solutions pour sortir de la crise au plus vite et dans les meilleures conditions. Mais en même temps, que vaut une prévision si la probabilité d’un facteur majeur –­ la persistance de la pandémie – est inconnue, et que les réactions attendues des agents économiques le sont également. Cette succession d’hypothèses rappelle la citation attribuée au président américain Harry Truman qui réclamait un économiste manchot (il en aurait eu assez d’entendre les experts nuancer leurs prévisions et conseils par l’expression “on the other hand”). Plus sérieusement on peut s’interroger sur la publication de prévisions à la virgule près, alors qu’on sait pertinemment que les chiffres effectifs en seront plus ou moins éloignés (à moins d’avoir beaucoup de chances…).