Publié il y a quelques semaines, le livre de deux praticiens de la planification financière personnelle employés par la Banque Cantonale de Genève, Albert Gallegos et Fabien Fontecave, comble une lacune sur le marché suisse romand. Intitulé « Guide de vos finances personnelles* », c’est à ma connaissance le seul ouvrage qui fait le tour de cette thématique en étant ancré dans la réalité du terrain et en s’appuyant sur moult exemples détaillés, tirés de leur pratique quotidienne. Le tout dans un style fluide et débarrassé de tout jargon inutile. Et c’est sans doute l’intérêt principal de ce document de plus de 250 pages.
Thématiques concrètes
Comme le disent les auteurs, même si les différents chapitres suivent le cycle de vie classique, du démarrage dans la vie active à la transmission du patrimoine, ceux-ci peuvent se lire de manière indépendante, en fonction de ses thèmes de prédilection et de ses intérêts. En vrac, cet ouvrage répond à des questions telles que : Comment gérer mon budget ? Comment mettre de côté pour les éventuels coups durs de la vie ? Comment investir à long terme ? Dois-je diminuer mon temps de travail ? Puis-je réduire mes impôts? Quels sont les avantages du concubinage et ceux du mariage ? Que faire en cas de divorce ? Comment bien planifier ma retraite et ma succession ?
Débroussailler le terrain
Si l’ouvrage gagne son pari en parvenant à rendre compréhensible des démarches parfois complexes, la lecture de certains passages peut s’avérer tout de même un peu abrupte, surtout si l’on ne dispose d’aucune connaissance préalable en finance et/ou en droit. Mais, quel que soit le talent des auteurs, c’est un écueil classique lorsqu’on traite de matière aussi aride. Ce sera de toute façon un excellent point de départ pour débroussailler le terrain. Ce sera également très précieux si l’on veut recourir aux services d’un planificateur financier – qui s’avère indispensable dès que l’on dispose d’un peu de moyens financiers – non seulement pour bien préparer ses questions, mais également pour en jauger les réponses, et par là même la compétence de son interlocuteur.
Atteindre la liberté financière
Mais la démarche de nos deux auteurs ne consiste pas seulement à aider leurs lecteurs et lectrices à gérer efficacement leurs finances personnelles – ce qui ne serait déjà pas si mal –, mais à leur faire gagner une véritable liberté financière. Ils s’inscrivent ainsi dans l’approche d’un Robert Kyosaki, l’auteur du best-seller « Père riche, Père pauvre* », qui écrit : « La principale raison pour laquelle les gens sont aux prises avec des problèmes financiers est qu’ils ont passé plusieurs années à l’école, mais n’ont rien appris en ce qui concerne l’argent. Il en résulte que les gens apprennent à travailler au service de l’argent… mais n’apprennent jamais à mettre l’argent à leur service. »
Finance comportementale
Autre source d’inspiration, Tony Robbins, le gourou américain de la gestion personnelle et professionnelle, qui a notamment publié « L’argent – L’art de le maîtriser, 7 étapes simples pour accéder à la liberté financière. » Un titre qui a le mérite de la clarté… D’une manière plus académique, les auteurs s’appuient également sur les travaux de la finance comportementale, notamment ce concept de comptabilité mentale créé par Richard Thaler, Prix Nobel d’économie 2017, à qui j’avais consacré un billet de blog en novembre 2018, à l’occasion de la publication de son ouvrage « Misbehaving ».
Faire ses devoirs
En résumé, c’est un ouvrage qui peut s’avérer très utile à tout un chacun. Mais il faudra être prêt à consentir à un certain effort pour se plonger dans une matière souvent rébarbative. À cet égard, on regrettera que l’effort (réussi) de vulgarisation souffre d’une mise en page très serrée, un peu étouffante, sensation renforcée encore par la petitesse des caractères choisis. C’est un peu dommage si l’on songe qu’une partie du public visé ne jouit sans doute plus de la vision de ses vingt ans… Enfin, l’absence d’index, surtout pour un livre de référence, constitue une vraie faiblesse.
*Guide de vos finances personnelles, par Albert Gallegos & Fabien Fontecave, 2023, Editions Favre, Lausanne
**Père riche, père pauvre, par Robert Kiyosaki, 2017, Un monde différent, Québec
***L’argent – L’art de le maîtriser, 7 étapes simples pour accéder à la liberté financière, par Tony Robbins, 2014, Un monde différent, Québec
Question sur un aspect qui revient souvent:
Vaut-il mieux sortir en rente ou retirer le capital de son 2ème pilier et le placer pour sa retraite ?
Dans le second cas, on garde le capital qui peut-être transmis, mais quid du rendement/rente que l’on peut espérer ?
Il serait intéressant de lire votre point de vue sur le sujet.
Merci d’avance
Bonjour,
Merci pour votre question, qui est évidemment fondamentale. En fait, il n’y a pas une réponse uniforme.
Plusieurs facteurs vont entrer en jeu. Tout d’abord, l’espérance de vie du futur(e) retraité(e). Si la personne est gravement malade et devrait décéder rapidement après le départ en retraite, le prélèvement du capital paraît le plus logique. Toutefois, si cette personne laisse un conjoint à son décès, il ne faut pas oublier que ce dernier ou dernière a droit à des rentes de survivants, sous certaines conditions. La solution des rentes n’est donc pas forcément à écarter.
Par ailleurs, les planificateurs financiers ou autres spécialistes en prévoyance que j’ai pu interroger au cours de ces dernières années recommandent une stratégie mixte pour les personnes qui disposent d’un avoir de 2e pilier conséquent : il s’agit de ne prélever qu’une partie du capital et de prendre le reste sous forme de rentes. L’idée étant de couvrir ses dépenses fixes, comme le loyer, l’assurance maladie, les impôts, la nourriture, une partie des loisirs, etc., par un revenu fixe que sont les rentes.
De cette manière, on peut investir plus sereinement le capital retiré sur les marchés financiers, en particulier sur les marchés d’actions qui sont historiquement beaucoup plus rentables que des produits de rentes. Mais encore faut-il que ce soit fait de manière professionnelle et que l’on soit prêt à subir les chocs émotionnels liés aux variations parfois violentes des marchés. Paniquer en cas de crise peut en effet s’avérer très coûteux, tant sur le plan nerveux que financier ! Si l’on ne supporte pas ce genre de situations, mieux vaut s’abstenir.
Il est important de souligner qu’une des grandes difficultés lorsqu’on retire son capital, c’est de savoir non seulement le placer mais également d’organiser la gestion de ses liquidités. Car si ce capital et ses revenus servent à financer les dépenses variables – celles qui sont susceptibles d’être réduites -, il faut mettre en place un processus de ponction régulière du capital, car les revenus qui en sont issus seront généralement insuffisant pour les couvrir intégralement.