En traversant les paysages horizontaux des contrées céréalières, les mois d’été offrent des regards sur le monde agricole qui peuvent parfois s’apparenter à des expositions de Land Art ou à des alignements mégalithiques. En effet, qui n’a pas été émerveillé par la vision de ces cylindres blonds sur une terre vallonnée, de la même couleur, rappelant la fin du cycle des moissons.
Cette représentation idyllique et champêtre n’empêche pas de déceler quelques ironiques paradoxes, comme le fait que ces forme cylindriques qui ne demanderaient qu’à rouler sur ces douces pentes, s’immobilisent et se pétrifient dans une poétique posture d’attente. Avec légèreté, on peut aussi se mettre à douter du caractère aléatoire de la disposition de ces balles rondes de paille. En effet, à la lumière de la rentable évolution mécanistique de l’agriculture contemporaine, la question suivante se pose : en imaginant que chaque saison le paysan débute la récolte par le même angle de sa parcelle, que son caractère économe fait en sorte qu’il ne superpose pas le tracé des sillons de sa moissonneuse, et que ladite moissonneuse dépose mécaniquement la même quantité de paille, peut-on alors raisonnablement dire que les ballots de paille sont déposés, année après année, à quelques mètres près au même endroit?
Aléatoire ? Vous avez dit, aléatoire ?
C’est aussi aléatoire que lorsqu’un architecte parle d’aléatoire dans un projet ou une construction !