Ukraine : 2016 est-elle l’année de la fin des efforts contre la corruption ?

En février 2016 à Kiev, un événement a porté un coup très douloureux à la réputation internationale des dirigeants du nouveau gouvernement en Ukraine : après un an de travail, le ministre du Développement Economique et du Commerce Aivaras Abromavicius a démissionné.

Cet événement a été un véritable choc politique pour ceux qui avaient espéré un changement positif en Ukraine ainsi que des réformes économiques importantes, après des manifestations de masse à Kiev et dans d’autres villes ukrainiennes, devenues connues dans le monde entier sous le nom d’ « Euromaïdan ».

Un peu d’histoire

Les protestations populaires ont commencé à l’automne 2013 après le refus de l’ancien président Viktor Ianoukovitch de signer un accord d’association entre l’Ukraine et l’Union Européenne. Après la «révolution de la dignité », survenue sur la Place de l’Indépendance (Maïdan) à Kiev et dans d’autres villes ukrainiennes, et qui a engendré de nombreuses victimes parmi les manifestants opposés au régime de M. Ianoukovitch sont arrivés au pouvoir des gens qui ont déclaré leur attachement aux valeurs européennes et à la démocratie. A la suite de cette « Révolution », un important homme d’affaires ukrainien Petro Porochenko est devenu Président, avec à ses côtés le Premier Ministre Arseni Iatseniouk, l’un des leaders du parti d’opposition « Patrie » (Bat’kivshina), créé par une figure politique controversée – Ioulia Timochenko.

Peu de temps après, l’Ukraine subit un premier coup sévère: des « petits hommes verts » lourdement armés et certainement affiliés à l’armée russe prennent position en Crimée. Après la fuite de Viktor Ianoukovitch, la Russie déploie ses troupes sur le territoire ukrainien a partir de ses bases militaires de Crimée. Le résultat, tout le monde le connaît aujourd’hui : la Crimée s’est d’abord retrouvée investie de militaires russes et peu après, annexée à la Russie moyennant référendum populaire. A l’occupation de la Crimée s’est ajouté le soutien militaire et politique de la Russie aux mouvements séparatistes à l’Est de l’Ukraine. Ainsi, sont apparues ce qu’on appelle la «République populaire de Donetsk» et la «République populaire de Louhansk » et une véritable guerre civile sanglante a éclaté à l’est de l’Ukraine. Une guerre qui, à Moscou, a pour nom «[guerre] de libération», alors qu’à Kiev elle est désignée comme « l’agression russe ».

Anti-corruption ?

En dépit de cette guerre civile « hybride » sanglante, les nouvelles autorités ukrainiennes, avec le soutien de l’Europe et des Etats-Unis, ont annoncé leur détermination à effectuer des réformes à la fois profondes et sévères dans le pays, notamment en ce qui concerne la corruption, problème endémique ukrainien. Pour ce faire, plusieurs personnalités « extérieures », parfois rapidement naturalisées ukrainiennes, ont été invitées en Ukraine. Parmi ces dernières, M. Aivaras Abromavicius, mais aussi l’ancien président de la Géorgie, Mikhail Saakashvili, accompagné de son équipe, les mêmes qui, en quelques années, avaient réussi à réaliser en Géorgie des réformes de grande ampleur. Ces réformes avaient notamment porté un coup dur et massif aux clans criminels constituant le puissant crime organisé géorgien et diminué drastiquement la corruption massive dans le pays. M. Saakachvili a été invité par la nouvelle administration présidentielle ukrainienne à diriger la région d’Odessa, qui est d’une importance stratégique pour le pays, principalement en raison de ses ports. M. Abromavicius de son côté, est devenu ministre du Développement économique et du Commerce de l’Ukraine.

Malgré d’énormes difficultés, les premiers signes de changements positifs en Ukraine apparaissent dès 2015. L’été de la même année, une Police nationale est créée composée de milliers de nouveaux collaborateurs, issus d’un concours spécial et qui agissent sous serment.

Un groupe spécifique ayant pour tâche de réformer le Ministère des Affaires intérieures de l’Ukraine est constitué dans la foulée, avec à sa tête Mme Ekaterina Zguladze, laquelle fut longtemps Vice-ministre de l’Intérieur sous le président Saakachvili en Géorgie.

Cependant, la création de la Police nationale, ainsi que du Service de patrouilles automobiles de police, contrairement à de ce qui avait été réalisé alors en Géorgie, n’a modifié ni la situation liée à la corruption des fonctionnaires ni au règne des oligarques gouvernementaux en Ukraine. Né en 2015, le NAB (Bureau National Anti-corruption) ne tarde pas à révéler des schémas de corruption à grande échelle, y compris ceux impliquant de nombreux juges à tous les niveaux. Ainsi, ce sont les tribunaux eux-mêmes qui sont devenus un obstacle à la lutte contre la corruption. Le NAB enquête actuellement sur une douzaine d’affaires pénales contre de hauts magistrats qui sont soupçonnés de corruption, lesquels restent toutefois toujours en place tant qu’une sentence n’est pas prononcée à leur encontre, selon la loi ukrainienne.

Abromavicius, un arrière goût d’ammoniac

Le sort de M. Abromavicius est une illustration très directe du fonctionnement et des structures de corruption entre la communauté ukrainienne d’oligarques et les politiciens. Dès le moment où M. Abromavicius a tenté de reprendre le contrôle sur les plus grandes entreprises d’État, dès le moment où il s’est attelé à vérifier la situation financière de ces entreprises pour les préparer à la privatisation à grande échelle, il a commencé à rencontrer de sérieux problèmes. Ces problèmes ont notamment été mis en évidence dans le cas de la situation de la société Odessa Portside Usine (OPU).

Organisé en « open joint stock company », la société « Odessa Portside Usine » (OPU) est l’une des plus grandes et des plus modernes entreprises chimiques ukrainiennes. Actuellement, toutes les actions d’OPU sont détenues par un Fonds d’investissement appartenant à l’Etat Ukrainien, malgré de nombreuses tentatives de privatisation entreprises au cours de ces 20 dernières années. A chaque fois, la privatisation a été reportée en raison de la découverte de faits de corruption et d’actions frauduleuses commises par des politiciens de haut rang. La dernière grande tentative de privatisation a été organisée en 2009 par l’ancien Premier ministre ukrainienne, Ioulia Timochenko.

Pour comprendre son importance stratégique, il faut savoir que l’OPU s’est spécialisée dans la production d’ammoniac, d’urée, d’azote liquide, de dioxyde de carbone, d’oxygène liquide et de sulfate de sodium. Elle est également engagée dans le transbordement de produits chimiques provenant des pays de la CEI pour l’exportation (il s’agit d’un monopole sur le marché ukrainien pour la réception, le refroidissement et le transbordement de l’ammoniac).

L’ammoniac arrive à l’OPU pour y être stocké en surgélation, puis transbordé aux ports (notamment Odessa) à des fins d’exportation. Une autre entreprise d’État stratégique, « Ukrtransammiak » délivre l’ammoniac à l’OPU à travers un pipeline spécialement dédié en provenance de société russe « Toliattiazot ». Ce sont ces entreprises ukrainiennes publiques qui sont rapidement devenues un problème insurmontable pour M.Abromavicius.

Au début de du mois de février 2016, M. Abromavicius a annoncé sa démission lors d’une conférence de presse, et en a profité pour faire une déclaration franche, très inhabituelle pour les politiciens ukrainiens, sur les véritables raisons de sa démission : «Aujourd’hui, j’ai décidé de démissionner du poste de Ministre du Développement Economique et du Commerce de l’Ukraine.(…) La raison en est une intensification vive des blocages des réformes liées au fonctionnement du système économique et importantes pour notre pays. Il n’est plus seulement question de manque de soutien et de volonté politique. Cette opposition vise à paralyser notre travail de réforme. Cela va de la suppression inattendue de la protection d’Etat au Ministre et à sa famille à l’imposition, sous pression croissante, de personnalités douteuses dans mon équipe et aux postes clés dans les entreprises d’Etat « .

Les accusations contre le Président Porochenko et son entourage sont à peines voilées. Mais M. Abromavicius ne se limite pas à des accusations abstraites. Il donne quelques noms de personnes composant l’environnement proche du Président Porochenko : «Je ne peux considérer de telles actions que comme une tentative persistante d’établir un contrôle sur les flux de trésorerie, tant dans la société étatique Naftogaz Ukraine qu’au sein des industries de la défense. Et je me refuse à travailler dans un tel système. Mon équipe et moi ne sommes pas prêts à servir de couverture pour la reprise d’anciens actifs et système favorisant la création de nouveaux systèmes au profit d’acteurs politiques et d’entrepreneurs individuels« .

Abromavicius continue: « Mon équipe et moi ne voulons pas servir de couverture à une corruption flagrante ou de marionnettes pour ceux qui veulent établir leur contrôle sur l’argent étatique dans le style de l’ancien régime. Je ne veux pas aller à Davos pour parler de nos succès, tandis que derrière mon dos certaines questions se résolvent dans l’intérêt de certains individus. Ces personnes ont des noms. Et je vais vous annoncer maintenant l’un de ces noms : Igor Kononenko. En tant que représentant de la force politique qui a désigné ma candidature au poste de Ministre (Abromavicius fait référence au parti « Block Porochenko » – BPP), il a beaucoup agi ces derniers temps, pour bloquer mon travail et le travail de mon équipe. Les députés du BPP contrôlés par M. Kononenko ont élaboré le décret portant sur ma démission et l’ont soumis par le biais du parti « Revival » à la Verkhovna Rada « .

Abromavicius a plaisanté en mentionnant qu’en plusieurs mois, les membres du BPP n’avaient recueillis que 18 voix en faveur de sa démission. Selon lui, « au cours de l’année, M. Igor Kononenko a fait pression activement pour que l’un de ses hommes soit nommé au poste de Directeur Général de » Ukrtransammiak « . Kononenko était directement intéressé par « Ukrtransammiak » … « . Selon Abromavicius, là où, au lieu de licencier M. Bondyk (un membre actif du Parti des régions, connexion proche avec Ianoukovitch), il a « recruté » ses hommes, qui dirigeaient l’entreprise avec lui « .

Selon M. Abromavicius, un député du BPP, contrôlé par M. Kononenko, a essayé de forcer la main au Ministre en indiquant quelles étaient les personnes qui devraient être nommées aux postes dirigeants des plus grandes sociétés et entreprises d’Etat. Mais pas uniquement. Des personnes inconnues venaient voir M. Abromavicius de la part de « l’Administration présidentielle », avec des liasses de documents approuvant par avance la nomination des vice-ministres, Le visiteur quant à lui affirmait que les candidatures avaient été convenues « là-haut », en faisant allusion au Président.

Presque simultanément à la démission de M. Abromavicius, le NAB a commencé à enquêter sur les informations que comportaient ses déclarations. Malgré ces enquêtes, M. Kononenko poursuit encore aujourd’hui ses activités. Il convient peut être de rappeler ici que M. Kononenko est considéré comme le «cardinal gris» de la Verkhovna Rada, comme la « main droite » du Président ukrainien, M. Petro Porochenko. En effet, pendant de nombreuses années, M. Kononenko a été le principal partenaire d’affaires de M. Porochenko dans plusieurs de leurs entreprises communes (par exemple, la banque « Mriya », l’Exchange House « Ukraine », « Ukrainskiy promishlenno-investitsionniy kontsern » , connu sous le nom « Ukrprominvest, » et d’autres).

Le fait que les dirigeants Ukrainiens aient eux-mêmes planifié le « départ » de M. Abromavicius, avant même sa déclaration de démission, est indirectement confirmé par l’épisode lié à la protection personnelle du Ministre. Fin janvier 2016 déjà, l’Office de Protection de l’État avait retiré l’équipe chargée d’assurer sa protection et celle des membres de sa famille, soit environ une semaine avant la démission publique de M. Abromavicius.

Cet épisode avait d’ailleurs donné l’occasion à différents personnages à la réputation «criminelle», de se répandre en déclarations vindicatives, en soutenant par exemple que « le « capricieux » Abromavicius avait démissionné uniquement en raison du fait qu’on lui avait retiré sa protection personnelle ». Cette déclaration a été ensuite largement relayée par un certain Vadim Rabinovich. Cet individu ayant passé quelques années en prison pour vol à grande échelle est aujourd’hui député, et se retrouve aussi, comble de l’ironie, à la tête du Comité des Droits de l’Homme à la Verkhovna Rada. La plupart des médias ukrainiens ont diffusé et amplifié ces déclarations et les éléments de désinformation.

Guerres médiatiques

Un des nombreux problèmes dont souffre l’Ukraine est l’industrialisation de la désinformation et, de plus en plus, de véritables campagnes négatives contre des personnes ou des sociétés. Ce problème touche très largement tous les médias « historiques », presse et télévision. Cette situation est due en partie à la guerre entre «oligarques» et en partie à la guerre idéologique entre la Russie et l’Ukraine. Dans tous les cas, l’expression la plus frappante de ce problème est l’irresponsabilité voire même la corruption d’une partie des journalistes ukrainiens.

Voici un petit cas d’école : A la fin du mois de Mai 2016, une « vidéo » à propos de l’affaire pénale du NAB contre M. Saakachvili est apparue sur le célèbre portail « ukrainien » vlasti.net. Cette vidéo mentionnait une « procédure pénale engagée à l’encontre de M. Saakachvili initiée par le Bureau National Anti-corruption (NAB) ». Cette information était totalement fausse. Pourtant, elle n’a été suivie d’aucun démenti ni objection d’aucune des parties. Depuis cette diffusion, les pressions sur M. Saakachvili et son équipe n’ont fait qu’augmenter, notamment depuis l’entourage du Président Porochenko.

L’existence d’une telle vidéo indiquant de manière publique des faits qui devraient être extrêmement graves est la conséquence d’une autre histoire, vraie celle-là. Il apparaît en effet que le « Député du peuple » Ukrainien M. Alexander Presman avait envoyé des lettres aux autorités ukrainiennes en exigeant que soient « engagées des poursuites contre M. Saakachvili. Et pour quelles obscures raisons de telles poursuites auraient dûes être engagées selon M. Presman ? Parce que M. Saakashvili aurait, selon lui, tenté de s’emparer illégalement de la société Odessa Portside Usine (OPU) dont nous avons parlé plus haut. Malheureusement pour M. Presman, le NAB lui a poliment expliqué qu’ils n’avaient absolument aucune raison ni fait soutenant ses accusations de « prise de contrôle illégale » de la raffinerie par M. Saakhachvili ni de son équipe et que par conséquent, ils ne voyaient aucune raison d’entamer des poursuites pénales contre ce dernier.

Malgré l’évidence d’une situation assez simple (il y a procédure ou pas), nombre de journalistes ukrainiens ont produit cette vidéo au sujet d’une affaire criminelle inexistante. L’affaire n’existe pas, qu’à cela ne tienne…l’histoire quant à elle est bien là. Et son existence ne se justifie que pour détruire la réputation de M. Saakachvili. « Diffamez, diffamez…disait-on. Il faut aussi indiquer à propos du portail Internet vlasti.net qui a largement relayé ces informations, qu’il n’est pas dirigé par un anonyme « pro-russe » ou un quelconque blogger, mais par M. Boris Bondar qui est membre de l’Union des Journalistes de l’Ukraine.

Le plus intéressant dans cette histoire est M. Alexander Presman lui-même. Est-il un honnête lanceur d’alerte ? Un député faisant son travail contre vents et marées et se battant contre une administration corrompue ? La réalité est plus sordide. M. Presman n’est pas seulement un « Député du peuple», mais selon le rapport du FBI sur l’organisation criminelle de Semyon Mogilevich, M. Presman serait un membre actif de l’organisation ainsi qu’un partenaire proche de ce dernier. Dans son rapport, le FBI affirme que M. Presman est également impliqué dans le blanchiment de l’argent sale de M. Mogilevich et du défunt parrain de la mafia russe Vyacheslav »Japonchik Ivankov « . Le rapport contient de nombreux détails intéressants sur ce membre brillant de la Verkhovna Rada. M. Presman n’est malheureusement pas le seul. C’est même avec une certaine constance que de tels « membres brillants » se retrouvent au parlement ukrainien.

Le cas de M. Abromavicius a malgré tout eu une résonance importante à l’extérieur de l’Ukraine. Le principal réformateur de l’économie au sein du gouvernement Ukrainien a tout simplement été mis à la porte, évincé par d’obscurs intérêts » corruptifs. Cette démission illuminait d’une lumière crue ce que les partenaires étrangers de l’Ukraine s’efforçaient de ne pas voir malgré leurs efforts : ces derniers n’auront servi à rien. Après le départ de M. Abromavicius, ce sera au tour de M. Saakachvili de partir.

Les enquêtes suites aux accusations de M. Abromavicius

Suite à la démission de M. Abromavicius, le Bureau National Anti-corruption (BNA) s’est auto-saisi de l’enquête sur les faits que le Ministre avait dénoncé lors de sa conférence de presse de démission. En particulier, le BNA a commencé à vérifier les possibles ingérences dans le travail du Ministère de l’Economie de l’Ukraine par M. Igor Kononenko, alors Premier chef adjoint du Bloc Petro Porochenko (BPP) à la Verkhovna Rada (Parlement ukrainien).

Au cours de l’enquête, les investigateurs du BNA ont découvert le nom de la personne qui, au nom de M. Kononenko, exigeait de M. Abromavicius la nomination de son vice-ministre de l’Economie. Il s’agissait de M. Andreï Pasishnik. A cette époque, ce dernier occupait le poste de Directeur exécutif de la société d’Etat « Naftogaz Ukraine ». D’après les éléments de l’enquête, le BNA a établi formellement le « fait d’influence illégale par M. Pasishnik sur M. Abromavicius en vue de soumettre la proposition contre la volonté du Ministre de le nommer au poste de Vice-Ministre ».

Le 9 Mars 2016, le BNA a décidé d’engager contre M. Pasishnik une « suspicion officielle » (официальное подозрение) d’avoir commis un crime en vertu de l’alinéa 1 de l’article 344 du Code pénal Ukrainien (« ingérence dans les activités d’un homme d’État »). À la fin du mois d’avril 2016, selon un rapport du BNA, l’acte d’accusation issu de l’affaire pénale concernant le fait d’influence illégale sur M. Abromavicius « dans le but de l’empêcher d’exécuter ses fonctions et de parvenir à une prise de décision illégale » a été approuvé par le procureur anti-corruption et renvoyé devant les tribunaux. Il est intéressant de noter qu’une autre enquête pénale a été ouverte contre plusieurs députés de la Verkhovna Rada à la fois dans le cadre des mêmes dénonciations. Jusqu’ici, les institutions ukrainiennes semblaient devoir faire leur travail correctement.

Au début du mois d’août 2016, le public apprend que le Tribunal a refusé d’examiner l’acte d’accusation présenté par le Bureau du Procureur spécial anti-corruption (Специализированная антикоррупционная прокуратура, abrégé SAP), autorité instaurée en Ukraine en décembre 2015. L’accusation avait été présentée par le SAP, puisque cette nouvelle institution d’application de la loi est chargée de surveiller le respect du Droit dans le cadre des enquêtes préliminaires effectuées par le BNA. En outre, c’est le SAP qui est, depuis son instauration, chargé de soutenir devant les tribunaux les accusations faites par l’Etat en matière de lutte contre la corruption. Le SAP est dirigé par M. Nazar Holodnitskiy, ancien Premier Vice-procureur de Crimée.

En août 2016, M. Pasishnik n’était déjà plus Directeur exécutif de la société « Naftogaz ». Mais, étonnamment, alors qu’une enquête contre lui était en cours, il a conservé une autre position importante: celle de Premier chef adjoint de la société d’Etat « Ukrtransnafta », société engagée dans le pompage de pétrole et son transport par pipelines.

Malgré son statut d’ « entreprise d’Etat », « Ukrtransnafta » a longtemps été sous le contrôle de l’oligarque de Dnepropetrovsk M. Igor Kolomoisky. Ayant recours à des pratiques de corruption, ce dernier a été en mesure de nommer ses hommes aux postes de direction de l’entreprise, qui prenaient les décisions qu’il dictait suivant ses propres besoins.

Pasishnik a toujours été un homme du groupe d’oligarques liés au «Groupe West Oil» – WOG. Ce groupe inclut M. Oleg Bakhmatyuk, M. Stepan Ivakhiv, ainsi que M. Vladimir Litvin, ancien « cardinal gris » et chef de l’administration du Président Koutchma. Diverses sources d’information ukrainiennes indiquent que M. Litvin servait de «toit politique (protection, ndr)» pour tout le groupe, qui vendait et vend toujours des produits pétroliers et agricoles en Ukraine.

Jusqu’en 2015, l’un des leaders de ce groupe était un certain Igor Eremeev, député de la Verkhovna Rada et copropriétaire important d’entreprises liées au WOG. En 2015, M. Eremeev tomba de son cheval et mourut quelques jours plus tard.

Ces mêmes oligarques dudit «Groupe WOG» contrôlent également le groupe financier et industriel «Kontinium». De plus, M. Pasishnik était l’assistant adjoint de M. Eremeev et avait des positions de gérant dans plusieurs sociétés du groupe, toutes spécialisées dans le commerce de produits pétroliers.

En août 2016, tous les médias ukrainiens ont publié l’information selon laquelle le Tribunal du district Solomenskiy de Kiev avait renvoyé au SAP l’acte d’accusation contre le Premier directeur adjoint de « Ukrtransnafta » et ancien Directeur Exécutif de la société « Naftogaz » M. Andreï Pasishnik. Malheureusement, les détails de l’acte d’accusation ne sont pas connus et ne permettent pas d’évaluer la qualité du travail des procureurs. Selon le tribunal, l’acte d’accusation contre M. Andreï Pasishnik avait été établi en violation du Code de procédure pénale.

Un seul objectif: le contrôle de la trésorerie des entreprises d’Etat

Il est difficile de comprendre ce que signifie cette décision du tribunal. Toutefois, en février 2016 déjà, M. Sergei Leshchenko, député de la Verkhovna Rada du Bloc Petro Porochenko, journaliste ukrainien connu, publiait sur son blog sur le site de la  » Ukrayinska Pravda » la conversation interceptée sur l’application «Viber» entre le Ministre du Développement économique et du Commerce alors M. Aivaras Abromavicius et le directeur exécutif de « Naftogaz », M. Andrei Pasishnik concernant la nomination de son Vice-ministre.

Selon M. Leshchenko, M. Pasishnik a remis à M. Abromavicius les documents concernant sa propre nomination à la réception du ministère, après quoi ils ont communiqués par Viber. Dans cette conversation, M. Pasishnik a déclaré sans détours qu’il postulait au poste deVice-ministre sous le patronage de M. Igor Kononenko. En outre, il a indiqué à M. Abromavicius que M. Igor Kononenko s’est déjà mis d’accord sur sa nomination avec le Premier Ministre M. Arseni Iatseniouk.

Lorsque M. Pasishnik a commencé à faire pression sur M. Abromavicius, pour que celui-ci lui accorde rapidement le poste, ce dernier a déclaré qu’il ne connaissait pas vraiment M. Pasishnik. Ce à quoi M. Pasishnik répondait qu’il avait transmis par la réception tous les documents pour sa nomination afin que le Ministre Abromavicius en prenne connaissance (il s’agissait d’un ensemble de documents standard pour la nomination au poste de Vice-ministre).

Abromavicius a copié et gardé tous ces messages qui, après l’éclatement du scandale, avaient étés supprimé de la conversation de Viber sur son téléphone par M. Pasishnik Ce dernier ne savait pas que le Ministre de l’économie avait eu la prévoyance d’esprit d’en faire des copies depuis son propre téléphone. Voici l’un des fragments publiés du dialogue entre MM. Abromavicius et Pasishnik:

 

(A)    C’est ce qu’on pensait au début – il y a 4 mois. Mais nous n’avons pas la possibilité de créer encore un autre poste (en parlant du poste de vice-ministre).

(P)    Je pense qu’on l’introduira (en parlant du poste de vice-ministre). J’ai reçu cette proposition de la part de l’équipe de Porochenko.

(A)    De qui exactement?

(P)    J’ai été invité par Kononenko. Il m’a dit qu’ils s’étaient mis d’accord avec le Premier ministre.

(A)    Et ils n’ont pas voulu se mettre d’accord avec moi?

Selon M. Leshchenko, il est toujours très difficile de prouver l’existence de «collusions» politiques (dogovornyaki), mais ces messages jettent une lumière crue sur la manière de faire de la politique ukrainienne. M. Abromavicius, après une conversation avec M. Pasishnik, avait même reçu un appel de «contrôle» de la part de la Direction de l’Administration Présidentielle pour accélérer les nominations. Il existe ainsi toute une série de preuves des pressions exercées sur M. Abromavicius. Pourquoi le tribunal de Kiev a-t-il refusé d’examiner ces éléments ? Cela reste un mystère typiquement ukrainien.

Selon M. Leshchenko, tout a commencé avec une opération menée par le groupe parlementaire « Volonté du peuple », qui unit les députés liés à M. Eremeev (mentionné ci-dessus), ainsi qu’à MM. Litvin, Lievochkin, Boyko et Gennady Foursenko. Ces derniers ont voulu obtenir une grande entreprise d’État « pour se nourrir » («на кормление »). Après la «révolution de la dignité» comme a été surnomme l’Euromaïdan, l’Etat a octroyé à ces personnes, le contrôle de la société d’Etat « Ukrgasdobycha » dans ce but, sur un pied d’égalité avec Nikolay Martynenko, le principal acteur de la désormais célèbre confrontation, avec Saakachvili.

Cependant, suivant les purges en cours dans l’administration nationale et le remplacement du personnel au sein des institutions, de nouveaux acteurs ont commencé à arriver à la direction de l’entreprise « Ukrgasdobycha » qui ont bloqué progressivement toutes les voies par lesquelles l’argent était pompé de l’entreprise d’Etat. Les députés sont devenus inquiets. Ils n’appréciaient naturellement pas de perdre une source de revenus aussi importante et aussi facile.

En outre, il était nécessaire à la coalition pro-présidentielle au parlement de garder les voix nécessaires dans tous les groupes de députés de la majorité. Voilà pourquoi M. Kononenko, personne de confiance et ami du Président Porochenko, s’était vu confié la tâche d’introduire M. Pasishnik au poste de Vice-ministre de l’Economie, institution notamment en charge des flux financiers des sociétés « Naftogaz » et « Ukrgasdobycha ».

Par conséquent, il n’est pas étonnant que M. Pasishnik mentionne ouvertement M. Kononenko dans sa conversation avec le Ministre Abromavicius dans ses conversations Viber, et fait référence à un accord avec lui sur sa nomination au poste de Vice-ministre du Développement économique.

L'interview exclusive de M. Saakhashvili réalisée par l'OCO sur notre site: www.o-c-o.net

http://fr.euronews.com/2016/02/03/trop-de-batons-dans-les-roues-en-ukraine-le-ministre-de-l-economie-demissionne

https://www.youtube.com/watch?v=eTODvkB-G_M

https://www.youtube.com/watch?v=D010UNBIOxg

https://www.youtube.com/watch?v=IEksM1bIwUs

https://www.youtube.com/watch?v=GvtLEoA3kEg

Des syndicats qui paient pour des témoignages négatifs

Quelques petites lignes après un long moment d'absence pour revenir sur une institution qui me tient particulièrement à coeur. Je tombe sur un petit article dans la Tribune de Genève, signé Alain Jourdan, mettant en lumière les pratiques de syndicats consistant à payer des travailleurs pour obtenir des témoignages négatifs.

Ok il s'agit du Qatar et on sait que les travailleurs migrants ne sont pas forcément très bien traités, même si le gouvernement local fait d'immenses efforts pour se rapprocher des standards internationaux en la matière. Le fait d'attaquer le seul gouvernement de la région qui tente d'améliorer les conditions de travail de ses millions de travailleurs relève déjà d'une stupidité stratégique digne d'être relevée. Mais le faire dans un contexte tendu tant à l'interne où les conservateurs n'attendent que ce genre d'attaques pour démonter les progrès réalisés par le pouvoir en place qu'à l'international ou le pays en question est sujet à de nombreuses attaques sur des supposés rôles troubles joués dans leur soutient au terrorisme (tout en abritant la plus grande flotte de guerre américaine) est pour le moins idiot si comme pour tout syndicat qui se respecte, le sort et les conditions de vie des travailleurs sont le centre des préoccupations.

L'article de la Tribune de Genève à au moins le mérite de s'intéresser à des dérives particulièrement inquiétantes même s'il ne rends pas forcément hommage au contenu des documents sur lesquels il s'appuie. En effet, la réalité décrite par Sajeeva Reddy, Président du plus grand syndicat indien INTUC et membre du Directoire de l'ITUC, ou Confédération Syndicale Internationale, semble bien plus sordide.

M. Reddy indique comment une ONG basée à Bruxelles, nommée la World Solidarity Movement (WSM) a effectivement recruté des travailleurs népalais et indiens à leur retour du Qatar pour les persuader, contre paiements, de délivrer des témoignages négatifs sur leur séjour au Moyen orient. mais il va plus loin: le WSM était aidé par le GEFONT (l'antenne népalaise du ITUC aussi basé à Bruxelles) pour identifier les travailleurs, lesquels ont vu leurs témoignages publiés sur le site de l'ITUC en Europe.

Choqué par la pratique, M. Reddy a écrit un courrier à M. Guy Snyder, Directeur Général du BIT/ILO à Genève, pour demander des éclaircissements notamment quand au rôle joué par le WSM, le bras armé de l'ITUC. Il y mentionne également que le WSM a payé des sommes importantes (environ 300'000 EUR) tant au GEFONT, le syndicat népalais qu'au NDMW basé dans l'Etat du Tamil Nadu en Inde pour payer l'organisation de la récolte de témoignages et les personnes interviewvées qui ne se sont pas privées….quand 10 euros font une différence, on aurait tort de s'en priver et de leur jeter la pierre.

Cette lettre intervient dans un contexte tendu ou le Qatar est mis sur la sellette par le Comité du BIT/ILO et ces témoignages sont là expréssement pour apporter de l'eau au moulin des détracteurs du Qatar. On peut penser ce qu'on veut de ce petit pays, mais du point de vue de l'action syndicale proprement parler, sensée défendre et améliorer les droits des travailleurs, leurs conditions de travail et leurs qualité de vie, de telles actions sont non seulement malhonnêtes (témoignages payés) et maladroites. Comme nous l'avons mentionné ci-dessus, en affaiblissant les efforts du pouvoir en place au Qatar, ces initiatives, par leur virulence, leur inexactitude monomaniaque et leurs coups tordus et fausses informations renforcent les oppositions conservatrices, qui elles prônent clairement un retour à l'esclavage, une traitement très dur de tous les travailleurs migrants (cf. Arabie Saoudite), le tout mâtiné de soutiens internationaux à l'islam radical. C'est idiot, dangereux et contre productif, non seulement pour nous, ici en Europe occidentale, mais également pour les travailleurs eux-mêmes.

Enfin, lorsqu'on voit l'ensemble des budgets dépensés pour des campagnes d'attaques tous azimuts, contre la FIFA, contre l'UEFA, contre le Qatar, contre ci-contre ca, etc…produisant une ribambelle de rapports qui sortent sur le web et sur les journaux et font éventuellement beaucoup de bruit, on ne peut s'empêcher de constater que les syndicats ont voulu prendre la même direction "numérique" que bien des ONGs mais qu'ils ont oublié qu'elles sont des organsiations bien spéciales, avec une histoire et des objectifs bien spécifiques: défendre les droits des travailleurs et les améliorer. malgré cela, ces syndicats se comportent comme des ONGs et tombent dans les mêmes travers des ONGs de tous poil (ou de partis politiques) qui consiste à mesure l'efficaciter de leurs actions en nombre de tweets, d'abonnés ou de likes sur leurs pages Facebook ou même de "vus" sur internet. Est-ce que la situation des travailleurs migrants au Qatar s'améliore ? Oui, certainement, mais ce n'est certainement pas grâce à ces millions investis en campagnes internets par les syndicats occidentaux qui ne servent ainsi que la gloriole de leurs propres dirigeants et alimentent leur fond de commerce.

 

Le revenu universel: une vraie chance, une véritable évolution humaine

Il est de la responsabilité des universitaires, des chercheurs mais également de n'importe quel citoyen ou citoyenne ayant connaissance et idées de les partager, de les développer, de les confronter à la critique et ainsi de les faire murir. Peut être donneront-elles des fleurs.
Dieu sait si nous en avons besoin aujourd'hui. Crise financière dont on ne voit pas la fin, crise énergétique, crise de l'agriculture, crise politique, guerres, misère, pollution, famine et dégradation générale de nos environnements de vie.
A cette échelle, le crime organisé tout comme la corruption représentent des épiphénomènes certes dangereux, mais qui apportent sans relâche leur coup de boulet à un édifice utopique en pleine déconstruction: la liberté, la paix, le respect de la vie et de l'autre pour n'en nommer que quelque uns.

Revenu de citoyenneté ?

C'est pour cela que j'ai choisi d'explorer l'idée du revenu de citoyenneté. J’entends pas là un revenu identique versé à chaque citoyen et citoyenne de chaque Etat et ce depuis le jour de leur naissance jusqu'à leur mort. Ce n'est pas le revenu minimal, ce n'est pas non plus un revenu universel ni une rente humanitaire.
Pour l'instant, l'état des critiques contre cette idée du revenu citoyen me laisse à penser qu'il s'agit d'une bonne idée, en plus d'être réalisable. Mais comme il faut plus que jamais douter de ses propres certitudes, je serais ravi d'avoir des contradicteurs et des critiques.

Ce que j'appelle revenu de citoyenneté est parfois appelé revenu universel, revenu de base ou allocation universelle. Le concept dans ses grandes lignes possède de nombreux noms et vocables. Il est également débattu, puisque nombre de critiques lui sont adressés, tant sur le concept même que sur son applicabilité, sa faisabilité et ses effets directs ou indirects sur les multiples composantes de nos sociétés et sur les temps différents, le court, le moyen ou le long terme.

Plusieurs questions se posent à ce niveau conceptuel déjà : s’agit-il d’une rente fixe ou variable ? Comment est-elle calculée ? A qui est-elle versée ?

Plusieurs conceptions s’affrontent sur ces différentes questions. Nous n’allons pas toutes les passer en revue, ce serait un peu déplacé dans ce format, mais nous pouvons renvoyer les lecteurs intéressés à une innombrable et foisonnante littérature plus ou moins bien construite. Pour cela, il suffit de choisir les bons mots-clés : revenu de citoyenneté, revenu universel, allocation universelle, etc. sur n’importe quel moteur de recherche internet ou sur Google Scholar, la plateforme spécialisée de Google qui regroupe les études universitaires dans le monde (malheureusement principalement anglo-saxon).

Nous pensons que le revenu de citoyenneté doit être un revenu variable, versé à tout membre d’une communauté et calculée selon une méthodologie qui repose sur sa conception même.

En premier lieu, la conception du revenu universel comme discutée ici n’est pas une rente servant à remplacer d’autres rentes, comme le chômage ou l’AVS (rente vieillesse). Elle n’est pas non plus une allocation de sang ou de nationalité et n’est pas basée sur la volonté de garantir à l’ensemble des récipiendaires une couverture de leurs besoins de base (se nourrir, se vêtir, se loger).

La conception que je propose ici est légèrement différente. Un revenu universel devrait être compris comme un outil de financement d’une communauté pour elle même, dans le présent mais en visant le futur. Qu’est ce que cela signifie ? Cela signifie que dans une communauté, il y a des éléments qui sont individuels, et d’autres qui sont collectifs ou collectivisés, et ce pour plusieurs raisons, qui ne sont pas idéologiques : soit parce que le bien en soit est indivisible (par exemple l’air, l’eau ou la qualité générale de la nourriture) soit parce que leur gestion est plus efficiente de manière collective que de manière individuelle (par exemple la santé, l’éducation, la recherche, le droit, etc.) soit encore parce que les investissements nécessaires sont très importants et que leurs effets dépassent la vie d’un individu (p.ex. les infrastructures de transport, gestion des déchets, énergie, stockage, communication, etc.). Ces éléments fluctuent au fil du temps et des nouvelles technologies qui apparaissent, comme les réseaux téléphoniques étatiques ont étés supplantés par des réseaux de communication mobiles et décentralisés. Le revenu universel est donc une allocation versée par la communauté pour la communauté afin que cette dernière puisse exprimer ses potentialités de manière toujours plus efficace et innovante.

Cette conception du revenu universel à pour but d’un côté de libérer les membres d’une communauté des soucis liés à la satisfaction des besoins de base exprimés en son temps par Maslow (se nourrir, se loger, se vêtir) et de l’autre de responsabiliser chaque membre de la communauté sur la question de ce qu’il peut y apporter, en terme de création et d’efficacité afin que chaque membre de la communauté puisse également en bénéficier. Cette conception repose sur un rapport individu-communauté qui n’est pas un rapport de délégation de la gestion des besoins de la communauté vers un ensemble de personnes, ce qui était fort convenable dans les années 1800, mais vers une expression plus mature de la conception même d’individu social qui doit et peut s’exprimer dans un monde moderne, hyperconnecté et globalisé. Au travers de critères stricts et transparents, qui, pour l’être nécessitent l’adhésion et une partie de l’énergie de chaque membre de ladite communauté, il ne s’agit pas non plus d’un système collectiviste, communiste ou dieu sait quoi de la même veine. Chaque individu garde son individualité. Chaque individu garde la possibilité de générer autant de revenu qu’il lui est possible. Mais chaque individu devient ainsi responsable de son propre bien être comme il est responsable du bien être des autres.
Il ne s’agit pas non plus de la « main invisible » qui n’existe pas. Il s’agit d’une autre organisation de la communauté par et pour la communauté, de la part de membres individuels qui conservent de plein droit leur individualité.

Cette conception du revenu universel a cela d’enthousiasmant qu’elle s’affranchi des positions idéologiques d’une part et qu’elle ambitionne d’impliquer chaque membre d’une même communauté dans la gestion de cette dernière et des orientations et des retours sous forme de bien être qu’elle impliquera. Ainsi, le revenu universel ne doit pas être compris comme la distribution uniforme d’une allocation numéraire, mais bien d’un nouveau mode de gestion des actifs d’une communauté par elle même, y compris son actif humain, afin de mettre en place les conditions cadres qui permettent à ce potentiel humain de donner le meilleur de lui même, à la fois pour lui individuellement et pour la communauté dans la quelle il vit. C’est ce que toute organisation démocratique tente de faire, avec plus ou moins de succès.

Concept et limitations

Le concept même pose plusieurs limitations. En premier lieu, il s'agit d'une rente versée par un Etat, ce qui suppose qu'il en existe bel et bien un et qu'on sache le définir. Le second élément est pourquoi serait-ce l'Etat qui devrait être en charge de ce paiement et en a-t-il les capacités. Enfin, la question du calcul du montant de la rente est également laissé ouvert à dessein, mais cela suppose qu'une méthodologie de calcul qui puisse être définie.

Le terme d’Etat revêt des réalités et des compréhensions bien différentes selon les pays. Cela est du à la culture politique propre de chaque pays, laquelle dérive de sa propre histoire et de la manière dont cette histoire est racontée. Demandez dans la rue à 10 individus différents de définir le mot « Etat » et vous aurez au mieux 8 réponses différentes, au pire 10 réponses différentes.
Mais comme il faut bien un outils commun pour commencer, l’Etat semble le plus adapté. Cela inclus naturellement toutes les acceptations du concept, et sa déclinaison régionale et locale, comme, en Suisse, les cantons et les communes.

Lorsque nous parlons d'une rente versée, certains désaccords subsistent en ce qui concerne les bénéficiaires. Le texte soumis a votation en Suisse en juin 2016 indique l’ensemble des résidents. D’autres textes n’y incluent que les citoyennes et citoyens, donc les nationaux. D’autres encore posent des limitations en terme de résidence. Si l’on parles uniquement des citoyennes et citoyens, cela exclu donc en premier lieu les personnes qui vivent sur un territoire dont l'autorité est confiée à un Etat qui n'est pas le même que celui dont ils sont citoyens. Cela pose également un problème en cas de multi-citoyenneté puisque cela impliquerait que la même personne toucherait des rentes de plusieurs pays en même temps alors qu’il n’en habite qu’un seul. Cela revient également à discuter de la notion de "citoyenneté" puisque cette dernière recouvre des notions très différentes d'un Etat à l'autre. Toujours est-il que chaque personne est née quelque part, de parents qui eux-mêmes sont nés quelque part, ce qui défini tant sa citoyenneté sur le plan légal que sur le plan personnel, rappelant du même coup les composantes de définitions psychologiques du soi, à savoir la culture, l'histoire et le vécu référentiel.
En bref, à quel titre pouvons nous exclure du champ de versement de ladite rente les expatriés, les immigrés de toutes sortes et de toutes extractions, alors qu'ils contribuent pour leur grande majorité au développement social, économique et politique des communautés dans lesquelles ils vivent.

Pour répondre de la manière la plus objective à la question des bénéficiaires, il faut revenir au fondement de la conception de ladite rente universelle. Si il s’agit d’un « retour sur investissement » des efforts d’une communauté vers elle même, cela suppose en premier lieu que les bénéficiaires de cette rente contribuent eux-mêmes à la richesse de cette même communauté. D’un autre côté, la richesse future d’une communauté se construit sur certaines valeurs et certaines cultures qui sont des éléments qui sont hérités d’un passé en constant mouvement. Il y a donc besoin d’intégration tant sur le côté de la productivité, l’innovation et la création que sur la participation de ces individus dans les processus de décisions qui permettent d’allouer telles ou telles ressources sur tel ou tel projet afin d’augmenter la valeur même de la communauté.

Comme d’habitude, les problèmes se situent à la marge. Des citoyens expatriés ne devraient pas toucher de rente puisqu’ils ne travaillent ni n’habitent sur le territoire duquel est issu la rente. D’un autre côté, les résidents non-nationaux ne devraient pas avoir de droit à la rente sauf en cas de résidence prolongée. Dans ce cas, on pourrait aussi se demander pourquoi ils ne prennent pas la nationalité du pays qui leur verse la rente puisque non seulement ils contribuent à sa richesse dont ils bénéficient directement et indirectement, mais qu’en plus ils seraient appelés à participer aux décisions concernant les améliorations continues de leur cadre de vie, de travail et sur leur cadre financier.

La nationalité donne toutefois, et dans l’ordre juridique actuel, un droit à la rente qui implique également des devoirs, notamment vis-à-vis des structures qui sont chargées de gérer et réguler les communautés dont les citoyennes et citoyens font partie: ce que nous appelons l'Etat. Ainsi, les processus d'acquisition de la citoyenneté ne se font pas automatiquement mais graduellement, et cette prise en compte permet d'intégrer l'incroyable diversité des processus d'acquisition de la citoyenneté qui existent partout dans le monde.

La différence entre être citoyenne ou citoyen et être membre ou pas d’une communauté, est plus une question formelle que réelle. La véritable question réelle derrière cette différenciation entre le groupe des bénéficiaires et le groupe des non-bénéficiaires et l’implication dans la gestion de la communauté, gestion qui peut se réaliser de manière plus simple et directe que les innombrables débats parlés qui rythme le quotidien de n’importe quel élu, permettant l’expression des différents points de vues et les débats jusqu’à l’adoption d’un compromis entre représentants desdits citoyennes et citoyens.
 

Critiques connues

Le revenu de citoyenneté est la cible de plusieurs critiques depuis que le sujet vient (et revient devrions nous dire) sur la place publique. Ces critiques peuvent se regrouper en deux catégories qui impliquent chacune deux éléments fondamentaux de la question.

Financement

a première critique la plus utilisée est, pour la faire courte : « Comment l’Etat va payer tout cela ? », sous entendant que l’Etat n’a pas les moyens financiers de verser une allocation, rente ou revenu de cette ampleur.
Cette première critique pose la question des moyens financiers ou plutôt des moyens de financer une telle mesure de la part de l’Etat. Elle fait l’objet de débats (en Suisse comme en Europe) concernant la répartition des allocations étatiques comme le chômage, les aides directes, les subventionnements privés ou aux entreprises, les aides sociales, les retraites etc. La discussion tourne donc sur la répartition des moyens, avec force calculs, entre ce que l’on gagne ou ce que l’on perd en allouant différemment les aides directes et indirectes de l’Etat aux particuliers et aux entreprises. Le débat ne touche par exemple pas le fait que les bénéficiaires d’allocations diverses comme le chômage ou les allocations familiales ne sont pas forcément tous des citoyens du pays qui les verse mais peuvent être des résidents, des bi-nationaux etc.

Le débat sur les moyens est également faussé par plusieurs biais. Certes, de manière purement comptable, on peut argumenter qu’un revenu de citoyenneté rendrait inutile d’autres types d’aides ciblées comme le chômage, les retraites ou les allocations de famille puisque chacune et chacun bénéficierait d’une prestation unique, bien que variable, durant toute la durée de sa vie dans un Etat donné. Les contradicteurs argumentent le fait que même si ces transferts pourraient raisonnablement s’effectuer, les gains sur les structures d’allocation existantes ne compenseraient pas les pertes d’une allocation généralisée. De plus, cette compensation ne saurait être que partielle puisque si le revenu de citoyenneté bénéficierait aux citoyennes et citoyens, il ne saurait s’appliquer aux autres personnes vivant et travaillant dans un Etat sans en être citoyen. Le même raisonnement s’applique si l’on élargi le cercle des bénéficiaires aux résidents.

L’approche financière du débat, on le voit, pose la question non seulement sur la capacité de financement dans le système actuel de comptabilisation des finances étatiques mais également sur des questions très pratiques sur les bénéficiaires et les conditions qu’il faut réunir pour être bénéficiaire. Enfin, ce débat tout en surface et en idées reçue ne pose pas la question non plus des bénéfices et coûts, apparents et cachés, d’un transfert de la gestion de masses d’argent d’une administration complexe à l’autre, sans compter sur les véritables bénéficiaires publics et privés des réserves de liquidités des assurances sociales d’une part et des effets sur les budgets des collectivités locales et de leur capacité d’emprunt sur des marchés financiers internes et externes d’autre part.

C’est pour cela que le débat sur les moyens financiers, pour important qu’il soit, est aujourd’hui dans l’impasse d’une bagarre de chiffres qui est sans issue. En effet, les chiffres sont baisés de part et d’autre et les conséquences et pré-requis d’une telle réforme étatique sont largement sous-évalués ou balayés d’un revers de la main idéologique permettant de s’éviter des débats de fond sur des questions complexes concernant l’évolution de nos sociétés. Ces questions sont pourtant fondamentales. Le revenu universel de base n’est pas une politique de gauche, et elle n’est pas une politique de droite non plus. On pourrait argumenter que ce revenu universel est tous les deux à la fois puisque d’un côté il affranchi la pauvreté sous ses formes les plus extrêmes et que de l’autre, il responsabilise et conscientise le bénéficiaire en exigeant de lui une implication citoyenne plus grande.

Au niveau des chiffres, le comité référendaire avance les chiffres suivants :
« En chiffres (statistiques 2012, OFS) : si l’on part de l’hypothèse d’un RBI (Revenu de Base Inconditionnel ; ndr) de Fr. 2’500.- pour les adultes et de Fr. 625.- pour les mineurs, la somme totale du RBI distribué à l’ensemble de la population est de 208 milliards. Le montant financé par le transfert du coût des prestations sociales remplacées est dans les 62 milliards. Le transfert de la part de la valeur produite est de 128 milliards. Le solde à financer s’élève à 18 milliards, soit seulement 3% du PIB de la Suisse » (http://initiative-revenudebase.ch/revenu-de-base-inconditionnel/)

Ces chiffres semblent corrects mais ne prennent pas en compte les dynamiques d’évolutions de la population. D’autre part, le Comité référendaire suisse propose une allocation à l’ensemble des résidents et non pas seulement des citoyens et citoyennes. Enfin, le revenu est sensé remplacer les autres prestations d’allocations sociales comme la retraite, les allocations pour enfants et l’assurance chômage.

Les critiques associées à ce revenu de base sont nombreuses, tant sur ses effets individuels que sur les effets macroéconomiques. Nous y reviendrons ci-après. Au niveau individuel, les critiques mentionnent que le financement de telles mesures et les restructurations nécessaires s’accompagneront inévitablement d’une augmentation de la ponction fiscale, ce qui est d’ailleurs proposé par les initiants suisses : « Ce solde peut aisément être couvert de multiples façons, comme un ajustement de la TVA, de la fiscalité directe, une taxe sur la production automatisée, sur l’empreinte écologique, etc. (…) D’autres méthodes de financement du RBI entrent dans le débat aujourd’hui, comme le financement par l’introduction d’une micro taxe sur toutes les transactions (Chesney/Bolliger) ou par le bénéfice de la création monétaire nationale (initiative fédérale pour la monnaie pleine). » (http://initiative-revenudebase.ch/revenu-de-base-inconditionnel/).

Une autre critique qui est plus discutée porte sur l’adaptation des rémunérations en Suisse. En effet, si chaque personne perçoit d’un coup la somme de CHF 2'500 par mois en plus de son revenu, 3 scénarios sont envisagés dans la relation employé-employeur : (1) l’employé conserve sa rémunération et ajoute le revenu de base à son revenu mensuel (+2'500 CHF), (2) l’employé et l’employeur s’arrange pour une baisse du revenu mensuel du travail moindre que le montant de l’allocation (< 2'500 CHF) et (3) le revenu de l’employé est amputé du montant de l’allocation, ce qui est bénéfique pour l’employeur et indolore sur l’employé (=0 CHF).

Ni les opposants ni le comité référendaire en Suisse ne s’emploient à répondre aux question du paiement des cotisations sociales qui seraient également, selon ces modèles de financement, appelés à financer l’allocation. En effet, si un employé voit son salaire diminué de CHF 2'500 CHF par mois, montant compensé par l’allocation universel, cela signifie-t’il qu’il doit payer sa part de charges sociales sur l’ensemble de son revenu (salaire + allocation) ou uniquement sur le revenu de son travail (salaire ?). Pour l’employeur, cela signifierait-il une baisse de la charge salariale puisque calculée sur le salaire – l’allocation ? Ces questions restent encore sans réponse mais doivent être encouragées à être débattues et discutées.

Au niveau macro économique, le fait « d’arroser » les résidents avec une allocation fixe (ou variable) fait dire à certain que cela augmentera inévitablement les prix et donc l’inflation. Etant donné que l’on distribue à toutes et tous la somme de CHF 2'500 (selon la proposition du comité référendaire suisse), le risque est que les prix s’ajustent et augmentent en rapport avec la somme de l’allocation. Cette critique est mal ajustée. Que certains prix de certains biens ou services s’ajustent à la hausse, cela est possible mais loin d’être certain. La hausse des prix des biens et services de consommation n’a depuis longtemps plus rien à faire avec la masse monétaire en circulation, mais bien sur le coût de revient des produits ou services. On pourra objecter que la mesure contribuera à créer de l’inflation mais selon le modèle proposé, il n’y aura aucune augmentation de la masse monétaire (ou en si faible proportion qu’elle serait insignifiante, surtout en regard des effets quasi nuls sur l’inflation de la création de CHF de la part de la banque nationale pour soutenir le franc suisse vis-à-vis de l’Euro à l’époque). L’effet de cette allocation n’aurait donc aucun effet sur l’inflation.

Une autre critique associée au financement de cette mesure serait de sous-estimer le coût de la réorganisation des services d’allocation qui ne seraient pas compris dans les arguments du Comité Référendaire. En effet, ce coût serait loin d’être nul puisqu’il s’agirait de construire une nouvelle « caisse d’allocation universelle » en remplacement de plusieurs dizaines voire centaines de caisses diverses (AVS, chômage, AI, etc.). Ce coût devrait également contenir le coût des effets induits, personnes se retrouvant au chômage, où en réaffectation ailleurs.

Un des risque que personne ne prends en compte est l’effet financier d’une allocation tant sur les personnes que sur le système bancaire.
En ce qui concerne les personnes, un revenu garanti à vie ouvre des possibilités de crédit importants. En effet, il serait possible pour une personne, sans gardes fous nécessaires, d’hypothéquer 10 ou 20 ans de revenus garantis contre un crédit hypothécaire, à la consommation, un leasing ou autre chose. Un crédit basé sur le revenu garanti aurait pour effet de ne plus garantir à la personne la capacité d’obtenir ce revenu ce qui, dans certains cas, pourrait faire rater sa cible à la mesure dans des cas particuliers.
Au niveau bancaire, cette augmentation de revenu (versé et transféré via les institutions bancaires) ajoutée à la possibilité de crédit offerte par un revenu garanti par l’Etat à vie aurait pour effet indirect de favoriser l’augmentation de la masse de crédit proposés puisque les liquidités à dispositions augmenteraient la capacité de création de « fiat money » de la part des banques. Leurs réserves s’en trouveraient augmentées et la masse monétaire en crédit en circulation s’en trouveraient multipliée par 10, 20 ou 30, comme le permet la Loi sur la Banque Nationale. Là aussi, des gardes-fous seraient à prévoir. Nous ajoutons toutefois que le retour à une monnaie pleine ne serait selon nous pas une solution viable ni souhaitable et que la capacité de crédit des institutions bancaires, si elle se trouve bien cadrée légalement, serait un plus plutôt qu’un handicap pour l’ensemble de l’économie.

Enfin, la véritable question est : comment arrive t’on à ces CHF 2'500 ?

Le Comité Référendaire arrive à cette somme ainsi : « Le revenu de base inconditionnel (RBI) est une rente mensuelle suffisante pour vivre. » (http://initiative-revenudebase.ch/#summary)

Pour ce Comité, la rente n’est pas fixée de manière indépendante mais par rapport à un certain besoin en revenus pour pouvoir payer les services et biens de base en Suisse (et en moyenne). Il ne s’agit ni d’une allocation variable (sauf pour les enfants dont le montant de l’allocation est différents des adultes), adaptable dans le temps, ni d’un montant calculé selon des critères de productivité présente et future.

Une prime à ne rien faire

L’autre critique concerne le principe du subventionnement direct et unique lui même. On peut la résumer dans cette question : « N’encourage t’on pas la fainéantise en payant ainsi des gens à ne rien faire ? ». Il y a deux manières de lire une telle critique. La première, visiblement directement issue d’une idéologie protesto-capitalistique (je renvoie principalement à l’ouvrage de Max Weber intitulé « L’éthique protestante et le capitalisme ») suppose un mécanisme bien ancré dans la culture occidentale. Selon cette dernière, il apparaît que la richesse provient du travail et que seul la vertu du travail peut augmenter la richesse. Dans une vision a posteriori de plusieurs siècles, compte tenu du contexte notamment de la Réforme et de la relation unilatérale et personnelle à Dieu qu’elle a introduite, elle a replacé tous les individus sur un même plan d’égalité vis-à-vis dudit Dieu, en opposition avec le catholicisme. Dans cette volonté d’égalité de la relation humaine à Dieu, il s’agissait de trouver un moyen de concilier un état de fait qui était foncièrement inégalitaire, tant par le sang (ancien-régime et féodalité) que par la richesse (bourgeoisie) avec un idéal d’égalité des riches et puissants avec le 90% de la population qui vivaient dans un état de pauvreté extrême depuis la nuit des temps. Le travail comme source de vertu devenait également source de richesses. Le travail étant nécessairement pénible, la souffrance du riche, qui avait travaillé plus puisqu’il était riche et avait donc travaillé plus, devenait immédiatement une vertu non seulement vis-à-vis de Dieu mais également vis-à-vis des hommes. L’équation travail = souffrance = vertu = richesse est profondément ancrée dans nos cultures occidentales et à largement contribué au développement de la richesse occidentale vis-à-vis du reste du monde. Malheureusement, on sait que cela n’est pas foncièrement vrai. Plus de travail n’est pas synonyme automatique de plus de richesse. De même travail n’est pas forcément synonyme de souffrance et richesse n’est pas toujours synonyme de vertu.
Toutefois, en donnant accès à une richesse commune et partagée sans n’avoir d’autre vertu que d’être là et de participer à la gestion de la chose publique, le revenu universel est immédiatement assimilé à une « prime aux faignants », chose qui, selon l’imaginaire occidental est assimilé à tous les mots et totalement contraire à la « vertu ». Rien n’est plus faux.

Le présupposé selon lequel des gens qui reçoivent une allocation leur permettant de vivre leur ôte toute motivation d’agir est effectivement erroné. On peut démontrer cela sur deux plans : le plan conceptuel et logique d’abord, et le plan réel et expérimental ensuite.
Sur le plan conceptuel, cela signifie qu’une telle allocation ôterais à chaque individu la motivation principale pour travailler et donc créerait des vides économiques tout en créant une population assistée sans réelle motivation ni de travailler, ni de s’instruire, ni d’innover, ni de faire quoi que ce soit. Il s’agit d’une vision très dure de l’être humain mais qui est malheureusement en droite ligne de tout ce que l’humanité aura pu produire comme société jusqu’à présent. Sur le plan conceptuel, cette vision est toutefois fausse car peu d’individus ne restent sans rien faire. Une représentation d’une population donnée selon une courbe de Gauss (80% au centre, 10% et 10% aux marges) montre qu’une marge de n’importe quelle population est considérée comme ne « faisant rien ». Mais si une population ne « fait rien », elle disparaît à la moindre secousse économique, naturelle ou violente. Cette population aurait donc du disparaître depuis bien longtemps mais elle est toujours là. Ce qui montre qu’elle est loin de « ne rien faire », mais que son utilité dans le cadre reconnu par le 80% de la population « normale » (selon la courbe de Gauss) est inexistante.
D’autre part, la vision selon laquelle la nécessité pousse la créature vivante végétale ou animale à s’adapter pour sa survie découle du Darwinisme appliqué à l’être humain. Dans certaines sociétés, nous sommes loin du monde où les conditions du darwinisme peuvent s’appliquer. Dans d’autre, nous y sommes toujours. La vision qui prévaut donc est une analogie avec le monde végétal et animal, dans lesquels les plus forts survivent et les plus faibles meurent et disparaissent. Etant donné que les « non-productifs » sont toujours présents dans nos sociétés, est-ce qu’il nous est possible de choisir une vision selon laquelle le monde humain serait orchestré par un sous-tendu darwiniste ? Même si certaines idéologies le prônent, il est en contradiction avec la réalité puisque ce n’est pas la non-activité ou la non-productivité qui disparaît mais qu’elle semble même encouragée et supportée par un ensemble de mesures d’allocations qui sont proposées par cette même culture occidentale qui oscille entre cruauté et compassion sans décider sur quel pied elle va se tenir.
Enfin, une vision qui baserait la capacité de création de l’humain sur son degré de nécessité et donc rejetterais cette même capacité aux populations bénéficiant de droits acquis n’est pas soutenable. Non seulement cette vision procède de la différenciation de l’être humain du reste du règne du vivant (ce qui est loin d’être acquis) mais se base sur une vision extrêmement idéologique de l’humain relayé par des proverbes bons-ton du genre « pas de bras, pas de chocolat » ou « la paresse est mère de tous les vices ». Il en existe des milliers d’autres du même acabit et chacun pourra y aller de son refrain. Mais cette vision ne repose sur rien d’autre qu’un a priori de la compréhension de l’humain qu'on suppose complète alors qu’on commence seulement à pouvoir comprendre quelques minuscules fonctionnements de notre organe le plus central : le cerveau. Une telle supposition prend pour base une connaissance complète de l’être humain alors que ce n’est absolument pas le cas.

De manière générale, la vision de la « prime à la fainéantise » est élaborée sur un monde de pénurie et de crise. La motivation première est donc la survie au travers du travail, l’argent était le moyen d’échange et de valorisation de ce dernier. Ceci est fort connu, enseigné dans toutes les écoles et universités, et théorisé jusqu’à l’absurde. D’un autre côté, les réflexions et analyses économiques des XIX et du XXème siècles qui ont donné lieu à la pensée économique communiste proposaient un mode de répartition des richesses plus équitable, suite aux différentiels créés conjointement par la révolution industrielle et la massification du travail et de la production de richesses et de la création d’une conscience nationale voire communautaire fondée sur le partage du pouvoir qui faisaient suite aux révolutions anglaise, française et américaine. C’est la conjonction des deux éléments qui ont finalement déclenché cet énorme bouleversement qui a vu des élites millénaires basées sur le droit du sang et la noblesse basculer convulsivement vers une société occidentale basée sur une structuration plus technocratique et démocratique des élites. Mais il aura fallu passer par deux guerres mondiales pour que l’Europe puisse bénéficier du « prix de l’horreur ».
Si nos systèmes sont basés sur une gestion de la pénurie, ils sont en revanche assez inadaptés pour gérer des situations d’abondance. Alors que la majorité de la population mondiale vit dans un système de pénurie, le choix du système s’oriente vers deux directions antagonistes : soit conserver des situations de pénurie, soit évoluer vers une gestion de l’abondance qui puisse, sans violences, faire passer l’humanité vers une gestion de ses besoins un peu plus élaborée que « qu’est ce que je vais bouffer ce soir ».

L’analyse des effets d’un revenu universel de base doit aussi et d’abord se pencher sur les effets individuels. Est-il correct d’affirmer qu’une personne ayant juste le nécessaire pour vivre (c’est à dire satisfaire ses besoins fondamentaux que sont se nourrir, se vêtir et se loger) au travers d’un revenu universel serait enclin à ne pas vouloir se réaliser et se projeter dans le futur ? Est-ce correct de soutenir qu’en payant des individus à ne rien faire, ils ne rapporteraient rien à la société, ils renonceraient à s’instruire, à inventer, à innover, à travailler ?

Nous avons quelques exemples existants sur lesquels fonder une analyse, pour partielle et inexacte qu’elle soit, mais c’est ce que nous avons. La plupart des pays du Golfe ont mis en œuvre depuis longtemps ce que nous appelons le « revenu de citoyenneté ». Ce revenu, tiré des rentes énergétiques (pétrole et/ou gaz) est redistribué aux citoyennes et citoyens des ces pays selon des mécanismes complexes de rétributions principalement basés sur les liens familiaux et l’exercice du pouvoir. Est-ce que ce système empêche les citoyens de ces pays à s’instruire et à travailler alors qu’ils n’en auraient pas besoin ? Non bien sur, même si des exceptions existent et nous choquent.
Est-ce que le fait de ne rien avoir empêche les gens de se projeter dans un futur plus confortable et d’agir en conséquence ? Les millions de réfugiés qui frappent aux portes de l’Europe sont le démenti le plus massif à cette proposition.
Est-ce que les rentes d’allocation de chômage quasiment « à vie » qui existent en Belgique empêchent les bénéficiaires, ces « fainéants » de se projeter dans le futur et d’agir en conséquence ? Bien sur que non, même si cela débouche parfois sur des bains de sang et des actes terroristes, sans doute par « manque de sens » comme disent les experts.
Est-ce que la retraite qui ruine la planète par la voracité des fonds de pensions et de la proportion toujours plus faible d’actif rend les retraités incapables d’agir puisqu’ils ne sont plus productifs ? Parlez-en à vos parents ou grands parents !!!
Ce petit exemple montre que même dans le cas où les régimes sont tout sauf démocratiques et qu’il existe des revenus « universels » pour les citoyens, cela ne les empêchent pas de vouloir à tout prix se réaliser d’une manière ou d’une autre.

On peut également rechercher des exemples dans des pays très généreux en aide sociale, comme les pays scandinaves, la France ou même la Suisse. Le principe est de ne jamais laisser un citoyen dans la rue. Malheureusement, le principe est maintes fois bafoué par d’autres intérêts et d’autres logiques concurrentes, faisant partie d’un même système. Mais cela n’empêche jamais un individu de vouloir se réaliser au travers d’actions, d’innovations ou même d’une quelconque activité, fut-elle insignifiante, inutile voire nuisible au regard de la majorité des citoyens et citoyennes.

On peut comprendre ces deux principales critiques au revenu universel ou de citoyenneté de manière étroite ou de manière élargies à un environnement complexe mais pas si compliqué que cela. En suivant la première option, on enterre les débats dans des questions qui n’ont aucun sens ni aucune utilité et qui, au final, se trompent de cible. On peut par contre élaborer une vision plus large qui tienne compte des arrières plans que ces critiques induisent pour élaborer non seulement un véritable système et en évaluer les conséquences tant au niveau social d’individuel et imaginer sous quelle forme pourrait se présenter un tel monde et le passage de l’un, le notre, à celui que nous pourrions désirer. Les critiques les plus connues sont d’ailleurs présentées et discutées sur le site de l’initiative http://rbi-oui.ch/reponses-aux-objections-courantes/.


Une vision à créer

L’élaboration d’une telle vision doit s’affranchir des idéologies et doit prendre en considération plusieurs éléments : (1) le fait que des structures existantes possèdent leur propre inertie et qu’on ne peux changer un des éléments d’un système d’un coup sans détruire un système entier ce qui serait catastrophique, (2) qu’un revenu de citoyenneté ou universel ne peut se faire « en soit »  et indépendamment d’autres éléments de gestion sociétale comme la monnaie et la représentation démocratique des intérêts de ladite société et (3) qu’il ne sert à rien d’avoir une vision aussi idyllique ou idéalisée qu’elle soit d’une humanité sans avoir d’une part examiné les tréfonds des conséquences d’une telle transformation ni sans avoir réfléchi à l’élaboration d’une transition d’une système vers un autre dans un environnement multiforme, conflictuel et incertain.

La première condition qu’une telle vision doit remplir est celle d’universalité, dans le sens qu’elle doit pouvoir être applicable partout. Ceci pour deux raisons : en premier lieu nous sommes immergés dans un monde multipolaire et interdépendant qui doit constamment tenir compte de la volonté de l’autre dans ses propres choix. En second lieu, si le critère d’universalité signifie une applicabilité universelle, cela ne signifie pas que ses effets seront les mêmes partout mais que dans leur entier, elles doivent participer à une amélioration de la condition humaine. Or, cela n’est possible qu’au travers d’une vision universelle compte tenu de la globalisation actuelle des échanges et des mouvements de population.

Quand à l’allocation elle-même, la logique voudrait qu’elle soit basée sur des indicateurs plutôt que fixe sur le long terme. De plus, la même logique d’un revenu de base fondé sur la capacité des bénéficiaires à produire mieux (et à créer) ne doit pas être basée sur une fonction de besoin direct, mais sur une fonction de besoins actuels rapportés aux capacités futures.

Ainsi, s’il on considère un revenu, pour un bénéficiaire Suisse, de CHF 2'500, cela signifie que son apport individuel au bien être collectif va être supérieur à CHF 2'500 CHF en moyenne. Cela signifie deux choses : premièrement, que l’organisation de la communauté qui distribue une telle allocation de ce montant précis se base sur une série de critères qui en justifie le montant. Deuxièmement, cela signifie que l’organisation de la communauté permette de gérer de manière collective les fluctuations vers le haut ou vers le bas de ce même montant de rente suivant les fluctuations de critères qui permettent d’en déterminer le montant. Ces deux éléments supposent de pouvoir suivre de manière rapide l’évolution de ces critères, ce qui suppose à son tour les outils pour collecter les données nécessaires, les agréger et les rendre publiques et compréhensibles pour tous les bénéficiaires.
Cela n’est malheureusement pas encore tout à fait existant, même en Suisse, où les statistiques fédérales, pourtant considérées comme le « haut du panier » dans le monde en terme de qualité, manque de réactivité. Les recensements ne sont effectués que tous les 10 ans, et encore, sur la base de sondages. Les études sur les salaires ainsi que les calculs de PIB sont effectués avec au moins un an voir généralement deux ans de retard et ils ne se basent que sur une partie et non la totalité des chiffres, lesquels sont également en grande partie biaisés.
Une variabilité de l’allocation universelle supposerait donc une disponibilité plus grande en terme d’informations et surtout collectée de manière plus rapide, tout en conservant la « privacy » des individus, ce qui est techniquement possible grâce aux outils informatiques actuels, mais culturellement difficile à faire admettre et à réaliser.
Le financement de cette mesure devrait aussi passer par une innovation et une modification de la manière de comptabiliser la valeur d’une production par pays (PIB). En effet, s’il on considère que la population composant une communauté est un actif de cette communauté, la création de monnaie correspondant à cette valeur, basée sur des variables établies et transparentes, serait le moyen de financement parfait et indolore financièrement pour le budget étatique. Il s’agirait juste à la banque nationale de créer les liquidités suffisantes pour assurer les besoins de sa population, laquelle crèe, par la bonne tenue de ses variables qui composent le montant de l’allocation, ainsi que par sa capacité productive, la valeur même de la monnaie ainsi créée.
Nous reviendrons sur ce sujet ci-après. Mais en avant goût de ces critères qui fondent la « valeur » d’une monnaie, à ces critères ou ces variables qui font que la monnaie suisse est très appréciée et qu’elle sert depuis plus de 20 ans de valeur refuge au même titre que l’or. Pourquoi ? Quel est ce bien commun Suisse (en l’occurrence mais nous pourrions faire le même exercice pour le Dollars US ou l’Euro) qui crée la valeur respectivement à d’autres valeurs et d’autres monnaies sur le marché globalisé ?

Passé, présent, futur

Le bien commun n’est pas seulement défini par les éléments indivisibles qui profitent à tous sans appartenir à une seule personne physique ou morale, tel que l’air ou l’eau. Il s’agit également des éléments qui font qu’une population dans son ensemble possède telles ou telles capacités dans le moment présent et dans le futur.
L’anticipation des capacités est le mouvement même des populations et doit être le mouvement des communautés regroupées ou non sous des systèmes étatiques à fonctionnement rétroactifs (systémiques). L’anticipation provient de l’histoire passée et des réalisations présentes. L’anticipation est également contradictoire et remplie d’incertitude car une anticipation claire reviendrait à un contrôle total de ce qui s’est passé et de ce qui se passe dans le présent, contrôle qui est en réalité impossible car il se heurte à un niveau de probabilité quantique lorsqu’on approche des niveaux d’anticipations collectifs sur des grands nombres. Pourtant, ce qu’avais pressenti Adam Smith et sa « main invisible », indiquant que la poursuite du bien être individuel générait le bien être collectif par effet agrégé est une des tentatives que l’être humain à eu de contourner cette incertitude individuelle rapportée aux comportements socialement agrégés. Même si certains dogmatiques se raccrochent encore aujourd’hui à cette « main invisible » qui visiblement n’existe pas (sauf peut être pour donner de grosses claques de manière indifférenciée) ou alors de manière assez dogmatique, il serait également folie que de nier l’importance de l’anticipation dans le fonctionnement des sociétés humaines, depuis son niveau individuel jusqu’à son niveau agrégé à l’humanité toute entière, en passant par l’ensemble des branches d’activités économiques. Toute direction est dans l’anticipation.

Au niveau d’un pays, les anticipations se basent principalement sur des données disponibles (parfois très restreintes) que sont les indicateurs économiques et démographiques : croissance de la population et produit intérieur brut (PIB). Ces 10 dernières années se sont greffés à ces indicateurs très basiques (chômage, niveaux d’emprunts publics et privés, fluctuation des masses monétaires ainsi que d’autres plus élaborés et plus diversifiés comme les Objectifs du Millenium de l’ONU, le Corruption Perception Index de Transparency International, etc. Ces nouveaux indicateurs ont la claire volonté de briser le monopole du PIB pour introduire des indicateurs plus variés afin de mieux décrire les évolutions des pays et surtout de leurs populations.

Une anticipation se fonde plus sur les évolutions que sur les données « photographiques » à un temps donné, même si ces dernières sont des indicateurs intéressants pour déceler les tendances pouvant s’amorcer sur le court ou le moyen terme. Toutefois, une chose est sure : certains éléments font que la capacité productive d’une population augmente ou diminue dans le futur. Outre les indicateurs de production à un temps présent, on sait que la qualité des infrastructure, de la communication, de l’éducation et de la santé d’une population sont des facteurs qui augmentent sa future productivité potentielle, tant en terme de production « classique » que de production innovantes ou inventives (la différence entre l’innovation et l’invention pourrait se résumer comme suit : la première améliore des choses existantes, la seconde en invente de nouvelles).
La manière dont une population se gère au travers de ses institutions est également un facteur important dans l’anticipation. Notre pays en est un formidable exemple qui se démontre chaque jour par l’attractivité qu’il exerce sur les investissements étrangers : stabilité et gestion participative (démocratie directe) sont les concepts-maîtres d’une institution qui s’adapte à la réalité dans une continuité évolutives et non par un système de ruptures.

Ainsi, le revenu de citoyenneté au niveau international devrait être basé sur les capacités de chaque couple Etat/Population à se projeter dans un futur plus prometteur qu’aujourd’hui, réel et non pas seulement ressenti ou « marketé ». Le système monétaire fonctionne d’ailleurs déjà comme cela : les décisions présentes se projetant dans le futur, celles destinées à régler un problème (comme la dette publique p.ex.) ou celles destinées à « redonner confiance » (plans d’investissements p.ex.) doivent proposer des contreparties pour être crédibles, et donc asseoir leur action sur une certaine forme de légitimité qui avant d’être démocratique, technocratique ou administrative, doit être « marketique », soit bien vendue à son public (citoyens, investisseurs, partenaires étatiques etc.).

A force de « jouer » avec ces concepts et d’abuser des arguments chiffrés qui sont eux-mêmes parfois contradictoires, le PIB reste la seule donnée véritablement utilisée pour calculer les anticipations économiques ou politiques, tant par les Etats eux-mêmes que pour les différents groupes, observatoires, et institutions supra-nationales (OCDE, Banque Mondiale et FMI). Pour partiel et aléatoire que reste le PIB comme outil d’anticipation, il est sans doute plus solide que les autres car il indique plus la capacité de l’Etat de prélever l’impôt sur les activités économiques qui se déroulent sur son territoire que ce que la production est réellement et dans quelle direction elle va aller. Personne ne connaît cette dernière mais le PIB apparaît comme l’indicateur principal d’anticipation parce qu’il est dans une certaine mesure « auto-predictif ».

L’anticipation est fondamentale notamment pour l’émission de monnaie. Le rôle des banques nationales est effectivement « d’assurer la liquidité suffisante pour répondre aux besoins économiques de la population (d’un pays) ».  Cette mission a un corollaire principal, celui de la stabilité des prix : si la liquidité vient à manquer, les prix diminuent, et si la liquidité augmente, les prix augmentent. Ca c’est de la théorie classique qui traite la monnaie comme une marchandise, ce qui est partiellement vrai, mais seulement partiellement. L’autre aspect n’est pas forcément le « droit de seigneuriage » qui est mentionné comme un moyen de financement de la mesure (lequel serait tout à fait idoine mais malheureusement un peu trop révolutionnaire pour le moment étant donné les inerties (et parfois les inepties) d’un système économique et financier) mais la raison même selon laquelle les banques nationales peuvent ou ne peuvent pas augmenter la liquidité en circulation dans zone monétaire. Comme nous l’avons mentionné plus haut, il faut toujours une contrepartie. Cette fois, la contrepartie n’est pas une quelconque ressource naturelle ou une augmentation des investissements étrangers, une baisse du taux d’intérêt, mais une véritable contrepartie réelle, basée sur des relevés fiables : la capacité de production future d’une population calculée sur la base d’indicateurs stables, transparents, fiables et publics.

Si cette anticipation peut être construite sur la base de relevés fiables et réguliers (dont les éléments en Suisse existent déjà en termes statistiques), alors il suffit de considérer la capacité de la population pour financer cette anticipation par une création de liquidité correspondante qui sera cadrée par un indice de développement incluant production passée et actuelle, éducation, taux d’innovation, santé, infrastructures, ressources naturelles (y compris l’eau, l’air et les sols) et la qualité des communication, pour ensuite y ajouter les éléments de gestion comme l’inclusivité et la participation, les systèmes de renouvellement des élites et les processus participatifs aux décisions publiques.
Si un pays dans le monde peut donner l’exemple en matière de revenu de base, c’est bien la Suisse.

Le rôle de l'Etat

Dans une optique de réforme et non de rupture, un système de ce type doit s’appuyer sur des infrastructures organisationnelles existantes. L’une d’elle est justement l’Etat, lequel est à la fois un facteur de stabilité et d’incertitude. Dans le cadre d’un revenu de citoyenneté, l’Etat tient un rôle essentiel.
Seconde question : pourquoi utiliser l’Etat ? Lorsque nous parlons de communautés, les collectivités locales – communes, cantons, oblasts, counties, etc. – seraient mieux à même d'être les artisans d'un tel revenu universel ? Cela n'est pas de notre avis sauf si le revenu universel ou citoyen était calculé sur des bases de territoires communaux ou équivalents (comme base de calcul, peut être pas comme base de gestion). Mais comme nous parlons d'un revenu alloué à la population qui possède des droits et devoirs vis-à-vis d’un Etat qui revient à sa fonction « d’Agora », il convient que ce soit l'Etat qui s'occupe tant du recensement que des procédures d'allocation. Cela empêcherait également d'avoir des trop grandes disparités à l'intérieur d'un Etat, disparités qui certes existent mais doivent être réglées autrement puisque nous partons de l'idée qu'une communauté étatique partage des valeurs semblables et lie son destin d'une manière plus large que la simple communauté locale qui est plus l'expression d'une volonté de gestion rapprochée du citoyen que d'une véritable communauté autonome.
D'autre part, l'Etat sous sa forme actuelle est encore ce que l'on a trouvé de mieux, ou de moins pire pour paraphraser Churchill, pour gérer des communautés établies sur des territoires définis. Il y a fort à parier que le jour où l'humanité aura des colonies dans l'espace ou sur d'autres planètes, le concept même d'Etat deviendra assez obsolète et ce sera tant mieux. Enfin, l'Etat à la mérite d'exister à peut près partout, ce qui simplifie grandement les choses, même si certaines révisions de frontières et créations de nouveaux Etats semble inéluctable à court ou moyen terme. Mais là n'est pas la question. Le fait d’utiliser l’Etat comme base d’application permet une comparaison entre systèmes comparables.

En tant que tel, le rôle de l'Etat est d'organiser au mieux la vie et le développement des communautés qui vivent sur le territoire dont il a la charge et de développer ce niveau de vie de ces dites communautés ou populations. L'Etat ne possède aucun autre sens en soi, et encore moins pour soi. C'est pour cela que les populations ont le rôle prédominant dans le choix de la gestion de leur Etat. En soit, l'Etat n'est qu'une machine, un "truc" qu'il convient de diriger au mieux. Si les pilotes sont hors de contrôle de leur population, l'Etat comme "machine" n'a plus aucun sens fonctionnel. Il devient un outil d'oppression qu’il convient de réformer au plus vite pour le remplacer par une institution, une "machine" qui fonctionne. Ainsi, si le rôle d'un Etat, en tant qu'institution, est de gérer au mieux et de développer le niveau de vie de ses populations installées sur son territoire du mieux qu'il le peut, cela signifie qu'il doit organiser ses "rouages" afin qu'ils assurent à la population un niveau de vie décent, un développement harmonieux de ce niveau de vie dans un contexte national, régional et international et qu’il offre des garanties à la population qu’il administre sur son future.

L’Etat est essentiel non seulement comme outils de gestion des communautés qui le légitimisent, mais également parce que dans l’état actuel, entendu comme point de départ d’une situation, il est celui qui entre autre défini et administre le bien public. Ensemble, la gestion et la définition du ou des biens publics et leur qualité font que l’Etat est un outil correct pour gérer sa population. Cette dernière doit pourtant lui octroyer sa légitimité afin que cette gestion et ces définitions de bien commun ou public soient acceptées par ladite population.

Legitimité, monnaie, valeurs et attributions

L’inclusion de la population est la condition sine qua non d’une telle mesure. Elle sert à la fois de gage de stabilité mais également de fiabilité des indices produits, lesquels servent à calculer les montants de la rente universelle.
Cette inclusion passe par un système qui, en échange de droits accordés aux citoyens, leurs réclame des devoirs supplémentaires, notamment en matière de gestion de la chose publique et de ce qui est reconnu comme le bien commun. Cela peu passer au travers d’un système démocratique qui intègre enfin les nouvelles technologies, et qui, avec ou sans représentativité parlementaire, puisse permettre aux citoyennes et citoyens d’intervenir directement dans les débats concernant la gestion des affaires publiques.
Cela signifie également que les citoyens doivent faire l’effort de s’y intéresser et donc de s’informer, de s’éduquer et d’apporter leur idées, leurs façons et leurs arguments dans les débats démocratiques.
Un système de contre-pouvoirs est, depuis Tocqueville, au centre de l’exercice des pouvoirs des systèmes démocratiques occidentaux. Le gain de légitimité nécessaire à une réalisation effective de la rente universelle est donc un élément primordial. On pourrait donc, sur différents niveaux étatiques (locaux ou régionaux), imaginer des fonctions qui remplacent la représentativité par élections et qui forcent tout citoyen à se mettre, temporairement, au service de la chose publique, en passant à un système de tirage au sort sur des périodes plus courtes de 1 ou 2 mois qui intégreraient les nouvelles technologie au lieu de rester jusqu’à trois heures du matin à débattre avec effets de manches que personne ne regarde sur les subventions à octroyer au club d’échec du coin. Cela permettrait, couplé à l’allocation, à augmenter la représentativité et la légitimité des décisions publiques tout en gagnant en inclusivité des besoins et des innovations, des populations et des nouvelles visions qui sauraient faire en sorte d’augmenter indirectement, par une capacité plus grande, le montant de l’allocation elle-même.

Un changement de paradigme

Le mode de gestion étatique et international tant au niveau économique qu’au niveau politique est moyenâgeux. La véritable innovation de ce système de revenu de base est qu’il puisse être appliqué, réellement ou fictivement à chaque pays suivant les mêmes critères et indicateurs afin de pousser les pays qui ne l’ont pas à l’adopter.
On parle par exemple d’un revenu de base en Suisse de CHF 2'500 par individu, lequels serait de ¼ pour les enfants. Si on considère ce revenu comme base internationale, on pourrait par exemple calculer que la France serait sur un revenu de 70 ou de 80, les Etats Unis de 80-85 et l’Inde de 30 à 40. Plus le système serait bien géré, plus le revenu de base augmenterait, et plus la valeur de la monnaie nationale augmenterait d’autant.

La Suisse est certainement le pays le plus prêt, structurellement et culturellement à pouvoir effectivement mettre en œuvre une telle mesure. Idéologiquement, elle ne l’est pas notamment à cause des inerties structurelles existantes et du manque de vision, de courage et souvent, malheureusement, d’imagination de principaux responsables politiques.
Contrairement à ce que l’on entends souvent, on ne gère pas un Etat comme on gère un ménage…. Il n’y a qu’une ménagère souabe ou un comptable appenzellois pour croire à de telles inepties.
Pour modifier de manière aussi importante un système existant qui, tout usé jusqu’à la corde qu’il est, fonctionne encore tant bien que mal, il faut de la vision pour voir plus loin que le bout de son nez, et du courage pour imaginer, débattre et se confronter sans idéologies et sans dogmatisme, de manière intellectuellement honnête, aux différents scénarios. Personne ne dit que le revenu de citoyenneté est un remède miracle à tous les maux existants. Je ne suis moi même pas d’accord avec plusieurs aspects et justifications du comité référendaire que je trouve beaucoup trop étriqués et dogmatiques. Poser le revenu universel comme un choix de société est trop limité. Ce n’est pas un choix de société mais un choix de gestion de société. Il ne suffit pas de dire que le revenu de base profitera aux revenus les plus faibles pour en faire un succès. C’est du point de vue de l’évolution d’une société que le concept du revenu de base est important : libéré des contraires basiques de l’existences, j’imagine à peine le foisonnement de talents et de possibilités qui pourront enfin donner toutes leurs mesures. Nous ne sommes pas là pour éviter un désastre. Nous sommes là pour évoluer et nous donner toujours plus de chances : combien de génies sont morts noyés dans la méditerranée en migrant l’année passée parce qu’il n’avaient pas cette capacité de subvenir à leurs besoins primaires ? L’Einstein du XXIème siècle est-il mort dans un bombardement en Syrie ? Ou travaille t’il à la Migros faute de mieux ? Sommes nous vraiment près à affronter les conséquences d’un tel gâchis de talents humains ? Le revenu de base n’est pas un choix entre la société actuelle et une société plus égalitaire et plus juste. C’est un petit pas responsable et évolutif (pour une fois sans morts et sans révolution), qui démontre la maturité d’un peuple, vers une gestion permettant l’expression plus complète de ses capacités.

Il est extraordinaire que malgré une histoire chaotique et des compréhensions du monde aussi limitées que nous avons, une telle opportunité réelle puisse s’offrir à nous. Il est tant que la Suisse ose et redevienne l’initiatrice de ce souffle modeste mais puissant qui inspira aussi largement les Lumières pour enfin changer le Monde.

 

Merci à toutes celles et ceux qui m'ont aidé à préparer ce texte: Yves, Alexandre, Nada, Joel, Marco, etc.

 

 

 

Attentats de Paris

La France et l'Europe sont sous le choc encore une fois. Encore une fois, c'est Paris qui est frappée au coeur par des attentats particulièrement sauvages et meurtriers. Dans un contexte international tendu, avec les réunions de crises internationales concernant la Syrie, les migrants et les sanctions contre la Russie – qu'il faudra bien revoir à un certain moment – ces attentats ont visé non pas un symbole (comme Charlie Hebdo), ni même des infrastructures critiques (pour autant qu'on puisse considerer les abords du Stade de France comme critiques) mais bien des rassemblements de personnes apparamment au hasard dans la capitale française.

Plusieurs observations s'imposent à ce stade. En premier lieu, le fait que les terroristes parlaient français et donc étaient issus du "sérail". Cela pose des questions encore non résolues concernant cette radicalisation d'une partie de la jeunesse dont une partie part se battre en Syrie au côté de cet Etat terroriste. En second lieu, il semblerait que la plupart des assaillants se soient fait exploser à l'aide de ceintures d'explosifs au milieu de leurs victimes, tout en prenant soins d'en faire un maximum avant cet acte suicidaire.

Au travers des témoignages de victimes qui émergent petit à petit, on ne peut que saluer le courage et le sang froid de ces gens qui ont sauvé, parfois au péril de leur vie, d'autres personnes blessées ou mêmes agonisantes. Les témoignages nombreux se succèdent puisque ces attentats se sont déroulés à visage découvert pour la plupart (notamment au centre de Paris), et les gens ont certes peur, mais ils sont déterminés dans l'action.

Enfin, les forces de l'ordre ont étés rapides, intelligentes et déterminées. Elles ont risqué leur vie et certains policiers ont pris des balles. L'organisation de la réponse a été rapide et totale, ce qui est là aussi très important, et elle s'appuie sur les actions des citoyens et citoyennes qui sont aussi déterminés qu'eux. La prise en charge des blessés est maximale et nous constatons que la France est bel et bien prête à répondre rapidement à de telles attaques.

Le travail des enquêteurs a également commencé car ces attentats ne sont pas l'oeuvre d'individus isolés. Ils ont étés préparés et planifiés et bénéficient à coup sur de fortes complicités locales. Si l'enquête ayant suivi les attentats de Charlie hebdo avait été entachée de doutes notamment à cause des révélations sur les  relations plutôt troubles notamment avec des personnes qui étaient liées au Front National, cette enquête là ne fait que commencer. Si les services de renseignement, de police, gendarmerie et même l'armée démantèlent chaque semaine quasiment des cellules de radicalisation ou de préparation d'attentats isolés ou collectifs, une guerre souterraine est en cours. la population en est informée mais de manière très floue et épisodique, ce qui se comprends pour les besoins des enquêtes et ce qui reforce la perception d'une véritable bataille dont l'enjeu est notre mode de vie.

Une première observation s'impose: ces individus frappent là ou cela est facile. En effet, les lieux de pouvoirs sont sous très haute surveillance, les lieux stratégiques aussi, y inclu les infrastructures critiques (électricité, eau, transports, communications). Malgré cela, le Président Hollande à décrété l'état d'urgence et le bouclage des frontières, ce qui est une mesure absolument exceptionnelle, afin de permettre aux enquêtes de bénéficier d'un environnement favorable et facilité autant que cela puisse se faire, et aussi pour empêcher que d'éventuels terroristes puissent s'échapper du territoire français. La réponse est massive.

Mais dans ce cadre là, où chacun et chacune d'entre nous peut être un jour victime de tels actes, la réponse doit être populaire et citoyenne. C'est cela aussi être citoyen. Malgré les frustrations, les iniquités d'un système et ses imperfections, ses incohérences et ses actions inadmissibles, nous sommes dans l'immense majorité satisfaits de la liberté dont nous pouvons jouir. Les attentats ne sont pas une nouveauté. En Europe de l'Ouest nous avons subit les vagues d'attentats liés à l'extrême-gauche, à l'extrême droite, à la mafia, aux groupes palestiniens, et ces dernières années à l'extrémisme radical. Cette vision macabre et morbide de société véhiculée par un islam radical capte aujourd'hui cette frustration, cette incompréhension, cette haine de la société développée par certains de nos jeunes en perte de valeurs humaines et universelles. Même si nos gouvernements bafouent parfois ces droits et ces mêmes valeurs, la transformation de la vision du monde en quelque chose de violemment dichotomique et absolu qui pousse au suicide et au massacre ne sont pas les valeurs de nos sociétés. Comme certains jeunes rejoignaient l'action violente dans les années `70, ces mêmes franges sociétales deviennent musulmans radicaux et fanatiques aujourd'hui.

Cela pose également, même si personne ne le dit, la question des migrants. Sur la masse de ces désespérés qui fuient la guerre et les massacres dont nous avons eu un petit aperçu cette nuit à Paris, cela fait depuis des mois que les services divers de tous les pays européens attirent l'attention sur la possible présence de terroristes parmis ces individus. On oublie également qu'environ 20% de ces migrants de l'été proviennent d'Europe, notamment d'Albanie et du Kosovo. On oublie aussi rapidement que la Bosnie musulmane reste une poudrière djihadiste prête à nous exploser à la figure. L'histoire n'est pas finie. mais ces gens ne viennent pas chez nous pour nous détruire. Ils viennent parce qu'il pense que nous pouvons les protéger et leur offrir un futur. Cela ne se fait pas rapidement, ni facilement, mais le mot clé d'intégration est central: intégrer, un mot, un concept honni par les uns qui y voient une perte d'identité, de temps et d'argent en plus qu'un danger imminent, et où d'autres voient la seule possibilité de conserver un mode d'organisation qui s'étiole (retraites, welfare, aides et subventions). Mais cette nuit, le terrorisme nous rappelle que cette barbarie ne touche pas des détails de notre culture: elle en attaque les fondements, qui sont universels – le droit et la protection à la Vie.

Contre cela, il faut accepter que nous sommes aujourd'hui, dans notre civilisation occidentale parfois si arrogante, se considérant comme un modèle alors qu'il conviendrait mieux nous considérer comme un expérience plutôt heureuse tirée de siècles de guerres et de massacres continus, dans une phase où notre mode de vie est très violemment mis en cause, tant en interne, par ceux que ce système auquel nous contribuons tous un peu exclue et discrimine, et à l'extérieur. Certes la réponse vient des organes de sécurité, les enquêtes aidées par les moyens de surveillance mis en place aux dépends de nos libertés individuelles, mais la réponse ultime vient d'une seule conviction: à un certain moment, nous devons avoir le courage de réagir pour défendre et montrer nos propres valeurs de démocratie, de liberté et d'égalité. Une entière génération commence à comprendre qu'il est parfois nécessaire de se battre pour ces valeurs, et que cela implique du courage. C'est la différence entre un terroriste qui se fait exploser après avoir massacré des innocents et un citoyen qui se fait tuer en sauvant des vies humaines. Cela me rappelle le témoignage d'un résistant français à la Libération, parlant des officiers SS que l'on exécutait et qui mouraient en proclamant leur foi en une idéologie meutrière et les résistants qui mouraient terrorisés sous les balles allemandes . L'histoire se souvient des premiers comme des criminels et des seconds comme des Justes. Mêmes si nous ne sommes pas parfaits, nous sommes du bon côté de l'Histoire, mais nous devons aujourd'hui montrer clairement et par des actes à quel point nous tenons à ces valeurs dont nous nous gargarisons. Sinon, elles ne seront que des feuilles mortes et des paroles emportées par un vent sauvage dont l'Europe n'a que trop souffert pendant des siècles.

 

 

 

FIFA, corruption et big money: et le foot dans tout ca ?

Ce matin, le journaliste facétieux de Couleur 3 m'a propulsé candidat à la présidence de la FIFA. Je répète immédiatement que je ne suis pas intéressé.

Bon cela étant fait, la corruption dans le sport prends une dimension internationale et judiciaire à un moment particulier de notre histoire qui en interpellera plus d'un. La FIFA est une association d'associations: il s'agit de l'organisme faîtier des organisations continentales qui elles-mêmes ont des représentations nationales, lesquelles traitent à leur niveau avec les clubs, les municipalités et les autres propriétaires d'infrastructures (stades etc.). A cela, il faut ajouter la gestion des aspects incroyablement diversifiés et complexes comme la gestion et la formation des agents de jouruers, des joueurs eux-même, des propriétaires, des agences de paris, des institutions de formation, auxquels il faut ajouter la gestion des événements tels que les coupes de fédérations, confédérations, coupe du monde, avec les droits et sponsorings qui s'y rapportent, les contrats de construction, les critères d'attributions et de gestion des compétitions, etc. etc. etc.

C'est un travail éminemment complexe, et comme toute chose, plus les processus sont complexes, plus les possibilités de détourner de l'argent sont grandes. A cela, il faut rajouter les différences de niveau de vie sur les différents endroits de la planète: 1 million en Europe et beaucoup d'argent, mais il change votre vie dans les Caraïbes ou en Afrique.

Le système qui a permi à la FIFA d'être l'acteur principal dans la génération, la gestion et la répartition de sommes d'argent toujours plus importantes qui se chiffrent en milliards de dollars donne à ladite association un pouvoir sur les gens incroyablement puissant. On pourra toujours s'offusquer tant de ces sommes que du montant de transferts de joueurs, à la finale de la Coupe du Monde, nous serons (presque) tous assis devant notre télévision pour regarder le match et enregistrer, consciemment ou inconsciemment, les innombrables messages publicitaires diffusés par le même canal. Selon les méthodes de calcul des revenus publicitaires, le foot est une "machine à fric". Cela est-il justifié en terme de retour sur investissement ? Etant donné que personne ne publie de chiffres, ni la FIFA, ni les grands sponsors, cela reste difficile à le savoir.

Réformer la FIFA ne vaudra rien tant que les Confédération Continentales ne se prendons pas en main. La FIFA est dirigée par elles selon les status et ce sont elles qui décident "entre copains" des allocations nécessaires, souhaitables et indispensables. Réformer ces Confédérations continentales ne vaudra rien sans que les Fédérations nationales ne se réforment pas. Et cela ne servira non plus à rien tant que les clubs eux-mêmes ne soient mis au pas. La FIFA a un rôle, celui d'organiser la planète football, et un pouvoir, celui de pouvoir atteindre, parce que le sport lui-même est populaire, des portions incroyables de la population mondiale. C'est justement parce que ce pouvoir est important qu'il dérive vers une gestion qui ressemble plus à la gestion du Sénat Romain, fait de trahisons et de complots qu'à la gestion d'une association dérivée d'un sport adulé par les enfants.

Les clubs, en premier lieu, doivent trouver un moyen d'harmoniser leurs pratiques avec les différenciations nécessaires entre les clubs amateurs et les divisions professionnelles. Le statu du club doit être réformé, voire au travers d'un status spécifique qui réponde à des exigences communes. C'est plus aux fédérations nationales d'être le moteur de ces réformes, mais également le gendarme et les arbitres de ces modifications. Le but de ces dernières doit être la promotion d'un reporting plus conforme à la réalité, d'une vision plus claire dans la gestion des clubs, mais également des infrastructures utilisées par ces clubs. Le statu de joueur doit également être clarifié voire uniformisé, ce qui évitera beaucoup de dérives et d'abus.

Au niveau supérieur (confédérations continentales et FIFA), au lieu de penser pyramide, pourquoi ne pas penser à des structures plus décentralisées dont les bases seraient les clubs et les fédérations nationales ? Les fédérations continentales pourraient exister (ou pas) sous d'autres formes, avec des "marques" spécifiques, comme l'est l'UEFA. Dans ce cadre, il s'agit principalement d'organiser de grands événements sportifs.

Il en va de même avec la FIFA qui ne devrait pas regrouper les associations continentales, mais directement les associations nationales avec des tournus plus rapides et donc plus fréquents.

Si l'exemple doit venir d'en haut, il faudrait donc que la FIFA trouve le moyen de gérer cette rupture. Aujourd'hui, avec les enquêtes pénales en cours, la FIFA n'a pas besoin de continuité mais d'une véritable rupture. Cette dernière doit se faire au travers de la transparence. En tout cas là ou elle est possible car nombre de contrats courants contiennent des clauses de confidentialité drastiques. Mais les revenus, dépenses, allocations, décisions et contrats divers devraient être publics. Si l'argent des sponsors est privé, beaucoup de dépenses consenties pour l'organisation des coupes diverses et variées, y compris pour la Coupe du Monde sont du ressort des fonds publics. Dans un optique démocratique et de gestion intègre de l'argent public, il serait bienvenu que ces dépenses soient transparentes, que les attributions des marchés le soient aussi (au sein des nations organisatrices) et que la durabilité des infrastructure puisse être du moins garanties, sinon prise en compte, que la gestion des fournisseurs et des travailleurs puisse être exemplaire. Au lieu d'être une "pompe à fric" pour quelques uns, que le football devienne une fontaine de progrès et d'espoir pour tous et surtout les enfants.

On le voit, la problématique est complexe. Il serait arrogant de penser qu'à cause de cette complexité, la gestion de la "meilleure manière de faire" ne puisse être le fait que de quelques spécialistes. Au contraire, à l'instar de la gestion de la res publica, les problématiques complexes peuvent mieux se gérer dans une perspective évolutive au travers de la critique multiple et de la remise en question par beaucoup de personnes plutôt que de la "gestion éclairée" de quelques uns. Certes, cette réflexion vaut pour nombre d'institutions et pas seulement pour la FIFA ou le football. Mais dans le cas présent, ne serait-ce pas un symbole fort que cette réforme par la transparence ne vienne justement de cette institution représentant le sport le plus populaire du monde comme un message à toutes les autres institutions: yes its possible.

 

Stin Hellada

Il fut une fois la Grèce. On aura répété jusqu'à plus soif qu'ils ont pendant des années joué aux cons, aux profiteurs, avec l'argent des autres. Mais ces autres, qui étaient-ils ? Beaucoup trop de créanciers privés, qui ont prêté des sommes hallucinantes et ont endetté le pays jusqu'à plus soif avant de se faire sauver par leurs propres gouvernements qui a renationalisé leur dette pour éviter que leur propre population ne subisse un "haircut". Les informations facilement retrouvables, datant de 2011 ou de 2012 concernant l'exposition des banques allemandes et françaises à la dette grecque sont édifiants. Ils concernent ce que ces banques ont dû accepter comme redimensionnement de leurs dettes privées pour que leurs pays d'origine n'accepte de nationaliser leurs propres créances et le passer ensuite sur le mécanisme de stabilité européens et la BCE.

Ainsi, on trouve pléthore d'articles qui mettent en avant l'exposition des banques allemandes, et notamment de la Commerzbank, au risque de défaut Grec. Le Financial Times indique en date du 25 Mai 2011 que la banque allemande la plus exposée au risque Grec est la Commerzbank. Un peu plus tard, le 11 août 2011, le Wall Street Journal dressait un tableau des coûts supportés par les banques et les assurances les plus exposées à la diminution de la dette grecque (debt writeoff).

Ce tableau indique notamment que les établissements suivants ont payé cher le prix de leurs folles équipées grecques: RBS Group a du diminuer ses résultats de 834 millions d'euros, la Commerzbank de 760 millions, Munich Re de 703 millions, BNP Paribas de 534 millions et la société Générale de 395 millions. Cela ne reflète qu'une petite partie de la dette grecque privée en 2011 puisqu'il ne s'agit que de l'effet induit de la réduction de la dette en échange de la nationalisation de leurs autres créances.

Ainsi, le 23 Février 2012, le Guardian indiquait que l'exposition des établissements financiers tenait moins dans leur créances réelles se chiffrant tout de même à 7'902 millions d'Euros en 2011 pour les 11 établissements allemands les plus exposés mais dans la part de ces créances sur la totalité des créances de la banque. Ainsi, le Guardian révèle que 27% des investissements de la Commerzbank étaient des créances grecques, sur des titres publics ou privés, que que cette proportion était de 21% pour la Postbank. Le risque de défaut de la Commerzbank était donc, selon le Guardian, clairement discuté et réel. Ainsi, ensemble avec le Spiegel, les analystes estiment que la Commerzbank dont 25% appartenait déjà à l'Etat allemand allait devoir être entièrement nationalisée.

Cela revient en fait à dire que l'une des plus importantes banques allemandes (pour ne pas parler des autres), a accepté une réduction unilatérale de ses créances vis-à-vis de la Grèce en échange d'une aide financière de la part de son propre gouvernement sous la forme d'une reprise des créances vis-à-vis de la Grèce par ces derniers, notamment le Gouvernement allemand, qui l'a ensuite reversé en partie dans le fonds de compensation créé pour l'occasion, mais faisant ainsi peser les erreurs de ses banquiers sur l'ensemble des populations européennes, et notamment des grecs.

Cette histoire, je l'avais entendue maintes fois, notamment à la radio, dans des propos d'économistes de renom. Il est étonnant que ni les télévisions ni les médias, et à plus forte raison les médias allemands, n'en parlent aujourd'hui alors que le fils de la ménagère souabe fait exploser l'Europe pour une question de cravate. Au contraire, à l'instar de la campagne du Bild, la machine médiatique allemande a bien fait son travail en stigmatisant les Grecs mais ne parlant pas du prix qu'ils paient pour supporter la dette des banques allemandes. Au contraire, les Sllemands devraient se montrer sacrément solidaire des Grecs parce que ces derniers leur ont évité un  "haircut" sur leurs propres comptes bancaires.

La solidarisation des créances privées via les mécanismes européens, l'occultation systématique des folies bancaires sur le marché grec (qui en ont bien profité….à Genève, nous avons vu ce qui se passait lorsque les banques prêtaient tout et n'importe quoi à n'importe qui pour faire on ne sait pas quoi), l'arrogance totale et le négationnisme des erreurs passées sur lesquelles comptait un peu naïvement le gouvernement Tsipras ont eu raison de la souveraineté du pays.

Cet accord fonde possiblement deux choses très différentes: soit l'explosion de l'Europe en tant qu'unité et de l'Euro en tant que monnaie commune et de toutes les institutions qui vont avec, soit elle signifie le premier acte fondateur et douloureux d'une véritable construction politique européenne. Mais cette dernière a du plomb dans l'aile. Elle aurait pu fonctionner avec le contrepoids français à la puissance allemande, tant en terme de population que de force économique. Maintenant que l'Allemagne est seule aux commandes, avec une arrogance toute germanique enfin retrouvée, ce projet d'une Europe politique est mort avant d'être accouché. Toutes les constructions fédérales, qu'elles soit allemandes, américaines, suisses ou russes se fondent sur un ensemble équilibré des régions (les Etats dans le cas de l'Europe). Une seule région trop forte, et c'est l'équilibre qui se rompt. La construction fédérale c'est aussi la reconnaissance que les régions les plus riches financent le développement des régions les plus pauvres pour que l'ensemble puisse avoir un développement harmonieux. Personne ne s'offusque des millions que paient les cantons riches aux cantons pauvres au travers de la péréquation financière en Suisse. Personne aux Etats Unis ne s'offusque que l'Alabama ou la Louisiane soient chroniquement subventionnés par des mécanismes identiques depuis des décennies à coups de milliards de dollars.

En Europe, les mesquineries et les particularismes redeviennent légions et norme. Chacun pour soi et on verra pour la suite. Avec un mastodonte et des souris grouillant autour, aucune construction européenne  politique ne pourra jamais avoir lieu. Bienvenue en Geropa.

Taverna i bouzouki…ca fait pas une economie ?

Que le oui ou le non l'emporte lors du référendum grec, le pays devra se trouver un autre modèle économique. Longtemps basé sur le tourisme, l'économie grecque et surtout sa population possède de nombreux atouts: elle est éduquée, cosmopolite, inventive et polyglotte, possédant une incroyable ouverture sur le monde. La Grèce, c'est la porte européenne sur  l'Orient, mais pas seulement. La Grèce à un rôle prépondérant à jouer dans la région des balkans, dans le monde orthodoxe, avec le Proche Orient et le Maghreb, notamment l'Egypte. Pour cela, les grecs devraient aussi accepter d'être plus inclusifs: renouer des relations normale avec la Turquie, faciliter les voies d'accès vers les balkans au travers de la Macédoine et la Bulgarie mais également utiliser Chypre comme porte du Proche Orient.

Les investissements européens de ces dernière décennies on boostés des pans économiques entiers dans la construction d'infrastructures routières, ponts, tunnels, et chemin de fer, mais également les télécommunications, la pétrochimie et les industries manufacturières, notamment dans le domaine des micromachines et de l'alimentation. Les secteurs des services et de la santé n'ont pas non plus étés en reste. Les médecins grecs sont réputés de Toronto à Adelaide et se sont certainement les premiers qui se sont "exportés" avec leurs familles pour échapper a des années de crise d'austérité.

Un nouveau modèle ne peut se construire qu'en prenant en compte la très longue histoire de ce pays et de ce peuple, mais également les stygmates laissés par son son histoire récente. Cette dernière n'a été qu'une suite d'insultes, de préjugés et d'erreurs manifestes sur le dos de la population européenne toute entière. Pendant 5 ans de plans d'aides divers, on aura servi aux populations du nord de l'Europe que ces Grecs sont des feignasses, des tirs-au-flanc et des profiteurs.  Qu'il était juste qu'aujourd'hui ils paient le prix de leur comportement irresponsable. Il est piquant de constater que selon un rapport COE de 2014, les grecs travaillaient largement plus que les français par exemple. D'un autre côté, les effets de plans d'austérité et de redressement dont on sait depuis la décolonisation qu'ils sont mal ficelés, dangereux et contre-productifs on mit la population à genoux. Les contre-verités et les petits arrangements entre amis accompagnés d'une machine de guerre médiatique fort bien rôdée ont habillé ces décisions technocratiques d'un vernis de nécessité et de légitimité démocratique. L'arrivée de Syriza a non seulement été inévitable mais a en plus hérissé le poil fort sensible de la frange financière et chrétienne-démocrate d'Europe qui n'ont jamais vu d'un bon oeil ce pays orthodoxe au sein d'une Europe qui se voulait avant tout catholique et éventuellement protestante (tolérée). De plus, la montée en puissance des gauches et des droites souvrainistes en France, en Italie, en Espagne et dans d'autres pays de l'Europe du Nord (Hollande Danemark, Suède, Pologne, etc.) font qu'un échec de Syriza serait la meilleure réponse des formations politiques établies à ces détracteurs de droite ou de gauche. Avec la crise ukrainienne et les rapprochements timides entre A. Tsipras et V. Poutine, voici que l'hystérie anticommuniste d'est révéillée chez les nostalgiques de la guerre froide et du libéralisme tatcherien. Ce qu'il y a de plus triste dans cette histoire récente et qui a crispé les parties au plus haut point, c'est cette incapacité d'un côté à reconnaître ses erreurs et de l'autre, 'une naïveté colossale pour croire que l'Europe de Bruxelles pouvait accepter une incertitude démocratique de cette importance. Cette crispation renvoie directement au socle de la prochaine construction européenne et du débat qui agite le continent depuis maintenant plus d'une décénnie, à savoir la création de cette "europe politique". mais ceci est un autre débat.

Que la Grèce sorte ou non de la zone euro, elle reste un pays et un peuple profondément européen. Elle le sera toujours et l'Europe sans la Grèce ne sera qu'un golem sans âme et sans histoire, un rejeton monstrueux ayant dévoré l'un de ses pères.

Je ne souhaiterais pas m'étendre sur les solutions financières ou techniques dont toute la presse parle ainsi que des spécialistes bien plus qualifiés que je ne le suis. Par contre, j'aimerais apporter trois réflections: en premier lieu, depuis 2008, les entreprises greques ont fait l'objet d'un pillage systématique de la part de groupes économiques étrangers: banques, fonds d'investissements, entreprises diverses et variées. La valeur ainsi détruite est immense pour l'économie grecque. Lorsque des malversations sont avérée de manière judiciaire, il serait inadmissible, comme cela en prends la direction, que les systèmes judiciaires européens et américains ne prennent ces procédures et accusations, voire jugements, à la légère. Si aucune justice ne peut être à l'oeuvre, alors c'est tout le système qui s'effondre définitivement. N'oubions jamais que le Droit et la légalité restent encore les systèmes les plus efficaces contre l'arbitraire. Plusieurs procédures sont actuellement en cours, initiées par le gouvernement grec, dont la dernière en date une des plus retentissante est l'accusation contre les fonds d'investissements américains TPG et APAX d'avoir siphonné plus de 1,8 milliards d'euros en augmentant de manière démesurée la dette de l'un des plus grands opérateurs télécom grec au travers de d'instruments luxembourgeois … merci M. Juncker.

En second lieu, tout comme en Argentine en 2001, la crise de liquidité affecte les échanges monétaires de toutes les entreprises greques. La fermeture des banques grecques et le manque de liquidité semble organisé par la BCE. Comme le rappelait Mme Delaume dans un entretient au Figaro: "si les banques grecques sont insolvable, c'est un problème, si elles sont simplement illiquides, il est de l'obligation de la BCE de leur fournir ce liquide". Même si beaucoup d'économistes et d'observateurs dénoncent un "putsch économique" contre la "bande d'allumés de Syriza", le manque de liquidités en Grèce à l'orée de la saison touristique et l'impossibilité d'utiliser le système bancaire, pour les entreprises notamment, va définitivement achever ces dernières qui devront s'adapter ou mourir. Pour celles qui peuvent "attendre", cela n'aura pas trop de conséquences. Pour celles qui sont dans un flux continu de in-out, cela a déjà une importance. Il y a une semaine, je disais à un membre de ma famille que si les banques restaient fermées plus de 4 jours, des monnaies parallèles et alternatives allaient se mettre en place. C'est déjà le cas aurais-je appris, depuis jeudi déjà ou les premières valeurs alternatives ont vu le jour afin de permettre de payer des salaires, des loyers, des factures diverses comme le gaz ou l'électricité. Peut de gens se souviennent que l'après-crise argentine avait été rythmée par les exigences, entre autres du FMI, de démanteler  ces monnaies parallèles qui ont continué à être utilisées des années après le réglement de la crise. Peut de gens se souviennent aussi que ces monnaies parallèles ne sont pas le fruit d'une volonté du gouvernement, mais de particuliers, d'entreprises voire éventuellement de municipalités, qui proposent des solutions à leur mesure. Tout cela n'est nullement coordonné et renvoie à la question même du rôle et de la fonction de la monnaie. Mais cela est un autre débat.

Enfin, la stratégie dangereuse de l'Europe de Bruxelles crée des populations très divisées: on  manipule des populations toujours plus pauvres en Angleterre, en Allemagne, en France ou en Italie pour faire passer des décisions qui sont purement idéologiques et basées sur des sentiments personnels et les retourner contre les populations grecques les plus durement touchées. Comme le rappelait le Ministre des Réformes Grec hier soir sur les télévisions européennes "un homme qui a peur n'est pas un homme libre". Qui sont ces technocrates pour se permettre de tels comportements ? Le sentiment de tromperie, l'illiquidité organisée ainsi que l'attitude des directions européennes poussent un pays entiers vers ce que l'Europe souhaite justement abolir: la corruption, les échanges monétaires en liquide, la hawala etc. Cette illiquidité organisée va pousser nombre d'entreprises grecques dans l'illégalité et vers ceux qui pourrons offrir des chambres de compensations externes (étrangères) qui leur permettrons de payer leurs fournisseurs et d'encaisser leurs clients. C'est tout un pays que ces brillants économistes à Bruxelles jettent dans les mains de groupes criminels italiens, albanais, turcs, russes ou ukrainiens. Cette semaine, un  albanais dont la provenance des fonds était plus que douteuse proposait son aide économique à la Grèce par médias serbes interposés. C'est également une porte ouverte à l'illégalité galopante de la part des grands acteurs internationaux, notamment financiers, qui se moquent comme d'une guigne de la justice grecque et de ses conséquences sur le plan international.

De plus, en pleine période touristique, comment les déchets produits vont-ils être traités alors que les voiries déclarent forfait les unes après les autres. Les risques de pollution augmentent à une vitesse vertigineuse et laissent des traces durables.

Quel modèle économique pour la Grèce dans cet environnement délétère ? La Grèce doit se replier sur ses besoins et sur comment elle peut utiliser ses compétences, ses infrastructures, son histoire, sa population, sa géographique, sa culture au mieux sur des marchés internationaux ?

Le développement de la production énergétique apparaît comme un des besions les plus fondamentaux. Alors que le pays bénéficie de conditions idéales pour des énergies renouvelables, elles sont largement sous utilisées: l'éolien est en développement moyennement avancé, le photovoltaïque est à la traine, l'utilisation de turbines sous-marines pour capter l'énergie des courants marins entre les iles, détroits, golfes et autres bizarreries géographiques des côtes est sous-exploitée, la géothermie est quasiment inexistante. Mais, dirons-nous, il faut de l'argent pour développer tout cela…Certes il en faut sur les modèles classiques de grids électriques massives (grosse production et distribution capillaire). Si les consommateurs sont là, cela signifie qu'il y a marché et qui dit marché dit argent. Afin de limiter les risques financiers et les coûts et durées de développements d'infrastructures, que ce soit en Euro ou en Drachme, il conviendrait de développer les micro-grids et la production énergétique décentralisée. La Grèce acquiererait du même coup une certaine indépendance énergétique et un savoir-faire qui manque aujourd'hui à l'Europe.

La santé serait également un moyen de développer une véritable industrie en Grèce. Les cliniques de qualité existent depuis bien longtemps dans le pays et le personnel y est qualifié, voire extrêmement qualifié. De plus, l'industrie de la santé permet de développer de nombreux a-côtés, de la recherche, la pharmaceutique à l'hôtellerie en passant par les biens manufacturés comme les machines, les logiciels etc et les services indispensables à leurs bon fonctionnements.

La diaspora mondiale grecque apporte non seulement de l'argent (près de 20% du PIB) mais également des compétences, des réseaux, des appuis et des idées. Qui a oublié le candidat à l'élection présidentielle Dukakis aux Etats-Unis ? La diaspora grecque tout comme l'image ou le "branding" du pays bénéficier grandement à l'industrie du tourisme et des produits alimentaires distribués sur la planète entière, comme se fait-il que la Grèce soit encore un des pays qui possède le moins de dénominations protégées: du yogurth grec bulgare ou de la feta polonaise n'arrangent pas leurs affaires. Mais ce "branding" peut également s'étendre à d'autres secteurs et le secteur de l'ingénieurie et de la finance n'est pas le moindre, tout comme celui du shipping et du trading. C'est incroyable de voir le nombre de sociétés et d'opérateurs grecs installés en Suisse…tout ca pour une simple question de législation…

Le tourisme grec a besoin de se réformer. Tout et n'importe quoi a été fait ces dernières décénnies sur les fantasmes dont le relais le plus récent est la comédie musicale joyeuse "Mamma Mia". Les vacances grecques, c'est "l'Ete grec" en France. Mais la réalité est tout autre. Le low-cost a déboulé pour accueillir des populations toujours plus pauvres et toujours plus avides de soleil et de mer. La Grèce accueille énormément de touristes d'Europe de l'Est en pratiquant des tarifs incroyablement bas. Ce sont maintenant les pays d'Europe de l'Ouest qui sont dans la ligne de mire. A coté de cela, la Grèce peine à développer un tourisme très exclusif, sauf dans certaines zones particulières comme à Mykonos. Mais à côté des immenses resorts turcs, le modèle de la taverne et du bouzouki représente avant tout le meilleurs "branding" touristique pour la Grèce. Ce n'est pas seulement une question de marchés. C'est une question de positionnement. Et ces réflexions ont été régulièrement tronquées localement lorsqu'elles atteignaient un certain niveau de décision à cause de problèmes liés à la corruption et au nepotisme, fortement aidés par un manque de transparence chronique.

Mais pour prendre véritablement des créanciers obtus et de mauvaise fois à contre pied, il serait intéressant de transformer la Grèce en plate forme financière en modifiant drastiquement la fiscalité des entreprises et des banques. Diminuer les taxes sur le revenu et la fortune de manière drastique, augmenter lègèrement la TVA et transformer la Grèce en hub financier et de trading performant et utile à toute la région. Si cela plairaît certainement à certains pontes du FMI et que les membres de Syriza ne sont certainement pas près àle faire, la concurrence fiscale dans une Europe en guéguerre administrative est l'arme la plus efficace des petites nations contre les grandes. L'exemple de l'Irlande est assez parlant.

Enfin, il est assez inutile de se leurrer. Une Grèce qui fait de l'argent et crèe de la valeur trouvera toujours à se refinancer. Veut-elle vraiment faire profiter de sa réussite celles et ceux qui l'on dépouillée et traîné dans la boue ? La valeur d'une monnaie n'est autre que celle que ses utilisateurs lui donne. Même si les plus gros utilisateurs sont les marchés financiers, ces derniers ignorent les petites magouilles politiques et les animosités personnelles. Avec ou sans l'Euro, la Grèce ne doit avoir peur que d'une chose: d'elle même. Si elle surmonte cette épreuve, son histoire moderne rejoindra l'antique dans un cas d'école extraordinaire pouvant apporter connaissance, courage et innovation au reste du Monde.

 

Le Temps attaque l’OCO

Et bien…comme le dis mon fils: "tu te fait bien allumer"… Ca se passe dans l'édition du journal Le Temps d'hier. Cette fois, c'est l'OCO (Observatoire du Crime Organisé) que j'ai l'honneur de Présider qui est victime de ce qu'on appelle le "Black PR". Puisqu'il le faut bien, je profite de cette tribune pour faire quelques petites mises au point en réponse au contenu de cet article mal fagoté dont je ne mettrais même pas la référence.

En premier lieu, l'article accuse l'OCO et moi-même d'avoir étés engagés par le Kazakhstan pour réaliser un rapport sur M. Ablyazov, bankster ou opposant kazakh (c'est selon). En tant que Président de l'OCO, je réfute totalement cette accusation. L'OCO n'a jamais reçu un seul sous de la part d'aucun des protagonistes ni n'a été "téléguidé" pour réaliser ce rapport.

Lorsque j'apporte les relevés de comptes de l'association, le journaliste aurait tout de même la décence ou l'éthique professionnelle d'y jeter un oeil. Même pas…

Les documents dont parle M. Besson dans son article concernent, comme je le lui ai mentionné et montré quelques exemples, les plus de 20'000 pages de procédures judiciaires anglaises contre M. Ablyazov et ses complices, ainsi que les documents publiés par M. Ablyazov lui-même et ses soutiens. C'est pour y avoir accès que nous avons rencontré les avocats londoniens ainsi que bien d'autres personnes. Ces documents judiciaires relatifs à plus de 67 procédures différentes détaillent pourquoi et comment M. Ablyazov et certains de ses complices se retrouvent aujourd'hui derrière les barreaux.

M. Besson m'accuse ainsi que la RTS de ne pas avoir déclaré que "je travaillais pour le Kazakhstan" lors d'une interview diffusée au téléjournal suite à "l'affaire Markwalder" dans laquelle j'intervenais en tant que Président de l'OCO. Comme je lui ai indiqué (sans succès), j'ai mentionné au journaliste que j'ai travaillé sur ces affaires depuis longtemps mais je n'ai jamais travaillé "pour le Khazakstan". Je tiens également à souligner l'inexactitude de ma citation reprise dans Le Temps. Puisqu'il n'y a pas plus sourd que celui qui ne veux entendre, voici le lien sur ce que j'ai effectivement dit: ici.

Je me permet d'indiquer également que les documents piratés illégalement sur lesquels s'appuye l'article de M. Besson ne sont plus disponibles on-line puisqu'une enquête est en cours aux Etats-Unis contre ce piratage massif. Cela signifie en tout cas une chose, c'est que M. Besson ne les a pas obtenu tout seul sur Internet comme il l'a prétendu dans son article mais que quelqu'un les lui a fourré sous son nez… Je regrette que M. Besson, un journaliste que j'estimais ne s'appuie, dans sa publication, que sur des documents piratés illégalement au bénéfice d'une quarterons de fraudeurs kazakhs en goguette qui abusent sans vergogne de l'hospitalité suisse.

Enfin, M. Besson ne m'a pas informé qu'il s'agissait d'une interview sur moi. Cela ne me gène pas outre mesure de recevoir des coups, mais je trouve le procédé assez malhonnête.

Je confirme par contre l'existence de ce rapport dont la publication est suspendue jusqu'à ce que le cas de M. Ablyazov soit définitivement jugé par les Tribunaux Français.

Pour information, je ne porte pas non plus la moustache de Borat (ni son string d'ailleurs) au cas où M. Besson aurait été instruit en ce sens par son ami M. Comina.

Je ne déposerais pas de plainte, ni l'OCO d'ailleurs, ayant la liberté de la presse chevillée au corps, même sous le coup d'attaques parfaitement mensongères. Par contre, j'utilise mon droit de réponse par voie de presse au travers de ce billet.

Le journalisme d'investigation, ce n'est pas d'aboyer la voix de son Maître qui se complait et pratique avec délice le blanchiment de personnes en relayant mensonges, contres-vérités et illégalités et qui en plus, se permet de donner des leçons d'éthique en manipulant sans vergogne une audience qu'on prend pour des cons et à qui l'on donne des leçons à tout va les pieds dans la merde. C'est vraiment l'hôpital qui se moque de la charité. Je comprends toutefois que pour de tels individus, réaliser un rapport de plus de 200 pages et en plus, refuser d'être payé pour le faire peut apparaître étrange. C'est là que l'on peut par contre différencier l'avidité de l'éthique en action.

Les vraies questions sont ailleurs: qui paye cette débauche de communication ? Comment M. Comina est-il payé pour faire le "black PR" des  familles Khrapunov et Ablyazov depuis si longtemps ? Qui paie les avocats ? Qui paie ces hackers si efficaces, ces ONGs polonaises bidons et les voyages d'eurodéputés crédules ? Comment des gens sous le coup d'une commission rogatoire, "pauvres réfugiés", achètent-ils des biens immobiliers hors de prix ? Si le sort des réfugiés et des opprimés tient tant à coeur de ces réfugiés milliardaires (la femme de M. Ablyazov a obtenu l'asile politique en Italie), que font-ils pour les milliers qui accostent chaque jour en Italie et défèrlent sur l'Europe qui se ferme comme une huitre ?

On  connaît une partie de l'histoire du côté du président kazakh, ses communicants avides et ses députés crédules… il manque à écrire l'histoire de l'autre côté du miroir. C'est ce que l'OCO a fait et c'est cela qui en fait une cible idéale. Qu'à cela ne tienne…vous ne serez ni les premiers, ni les derniers.

 Et à celles et ceux qui m'ont fait l'honneur de lire ce petit billet jusqu'au bout, ne demandez qu'une seule chose: une fois que le rapport sera publié, veuillez juger sur pièce.

Accent sur les risques criminels au Forum des 100 2015

Bravo !! Moi je dis bravo !!! Le Forum des 100 organisé par l'Hebdo aujourd'hui mettant à l'honneur la relève de ceux qui feront la Suisse Romande (et peut être la Suisse entière ou l'Europe) aujourd'hui, demain et après-demain invite sur la scène deux figures internationales, Roberto Saviano et Dick Marty pour leur parler de criminalité organisée, de trafics, et de dangers criminels. C'est ce que j'appelle remettre l'église au milieu du village.

On me reproche souvent de voir du crime organisé partout, de peindre le diable sur la muraille, voire de déprimer les gens. Ces remarques me touchent non pas personnellement, mais parce qu'elles sont guidées par la peur. La peur d'être dans un environnement que l'on ne comprend plus, sur lequel on a plus prise, dans lequel les injustices flagrantes sont banalisées et les institutions sont au mieux impuissantes, au pire complices. Le réflexe bien humain est de se replier sur soi, sur son environnement immédiat, et de mettre en oeuvre des stratégies qui consistent à le protéger et éventuellement à en tirer profit.

Roberto Saviano a décrit avec l'éloquence qu'on lui connait (pour les italophones) la pénétration réticulaire des organisations criminelles dans les moindres recoins de nos habitudes. Dick Marty a insisté sur l'impossibilité de concilier Etat de Droit et banalisation. Tous deux font le même constat: les organisations criminelles sont devenues "too big to fail". Cela fait écho aux contenus et interventions lors d'un Forum sur le crime organisé à Bruxelles, organisé par EUROPOL et la British Chamber of Commerce il y a deux semaines. Les trafics de bien de consommation sont en augmentation vertigineuse: contrefaçons toxiques de savons, shampooing et produits d'hygiène en Chine ou en Espagne en quantités industrielles destinés aux marchés européens, contrefaçons dangereuses de médicaments (5 containers saisis en France et en Allemagne grâce à une coopération inédite avec les autorités dubaïotes et chinoises – et 40 containers partis dans la nature en Afrique). Une corruption généralisée et largement inconnue, des industriels appelant les autorités au secours voyant leurs infrastructures et leurs modèles glisser vers une chaîne de production-transport-distribution largement dominées par des groupes criminels. D'une autre côté, les constats concernant l'efficacité de la justice et des opérations policières sont aussi sombres qu'il y a 25 ans, lorsque nous commencions à en parler.

Un seul intervenant, le Prof. Savona de l'Université de Milan, a mis, trop rapidement, le doigt sur un des éléments les plus effrayant, soit l'intégration des organisations criminelles dans l'économie légale et les entreprises légales. Roberto Saviano a rappelé, dans son intervention, la concordance d'intérêt qu'il y a eu lors de la crise financière de 2008-2011 entre les banques américaines et internationales et les organismes criminels, débouchants sur des prises de pouvoirs, participation et autres directs dans les plus grands instituts financiers de la planète.

D'un côté, nos gouvernement nous abreuves de lois et de réglements qui étouffent petit à petit l'innovation et la capacité de s'ouvrir au monde. Ces réglementations, transcrites ensuite en pratiques commerciales et contractuelles, font la part belle aux tous grands et étouffent les petits. Au lieu d'être inclusif et innovant, notre monde devient conservateur et se replie sur lui même. Dans une conférence à l'OCDE à Paris en mars 2015, j'avais plaidé pour une réintroduction du droit pour les entreprises à défiscaliser leurs "paiements de facilitations", mais en indiquant où et combien elles payait. L'idée est de sortir d'une position moraliste sur la question de la corruption comme sur celle de la question de la pénétration du crime organisé dans nos sociétés. Elle permettrait de récolter des données fiables sur lesquelles pourraient enfin s'appuyer des politiques publiques, préventives, éducatives, judiciaires ou répressives sensées et réalistes. Cela permettait aussi de résorber le "ventre mou" que la corruption fait naître au sein même des entreprises, pour ne pas parler de l'Etat. En effet, pour payer des pots-de-vin milliardaires, il faut bien que l'entreprise trouve cet argent quelquepart. Il le défiscalise, le cache, le "noirci" et de ce fait, se trouve en concordance d'intérêt avec des réseaux qui pratiquent cela depuis toujours: les organisations criminelles. Ces dernières deviennent des prestataires de confiance pour des entreprises multinationales, pour des banques, pour des industries et des gouvernements. Elles terminent leur intégration en devant l'acteur incontournable d'une mondialisation qui se transforme en monstre totalitaire.

Le manque d'informations, le manque d'imagination des décideurs, la peur des citoyens et le ralentissement du renouvellement des élites sont autant de défis que doivent relever cette génération montante. La peur engendre la solitude, l'avarice, la recherche du gain rapide et génère des chaînes plus solides que la prison. La peur fait que de plus en plus de populations européennes veulent rejeter les migrants à la mer, voter pour le rétablissement de la peine de mort, se faire surveiller et punir constamment et tout le temps. Mais la peur accroit également la recherche frénétique de l'accumulation: il faut se protéger…mais contre quoi ??? contre qui ??? alors que ce faisant on devient déjà esclave.

Dick Marty l'a relevé avec force: aucun modèle de prospérité ne pourra se construire sans un Etat de Droit vivant. Même pas cette démocratie à laquelle nous sommes tellement attachés. Oublions les dogmatismes qui poussent à s'affirmer "démocrate" ou "républicain" sans savoir de quoi il en retourne, ni même en voulant figer une situation qui transformera à coup sur un jardin en prison, mais parce que la démocratie est le seul système de gestion communautaire existant (certes loin d'être parfait) qui permette l'adaptabilité continue d'une société à ses propres mutations internes et externes.

Ainsi, il convient de terminer sur ceci: aux jeunes entrepreneurs, qui serez confrontés à la recherche d'investisseurs, de clients aux demandes bizarres et opaques, à des nécessités réglementaires concernant la qualité des produits, aux coûts sociaux de l'engagement de collaborateurs ou collaboratrices, ayez toujours cela à l'esprit: tous peuvent être mafieux ou malintentionnés à votre égard. Il ne s'agit pas ici de vouloir faire de la suspicion généralisée, mais bien de faire prendre conscience qu'au delà des effets immédiats ou microéconomiques qu'un de vos choix pourra engendrer, c'est bien une pierre à l'édifice de votre et notre prospérité que vous engagez. Aux politiques, soyez courageux et privilégiez toujours la transparence au dogmatisme. La transparence apporte la connaissance et la connaissance (outre le fait qu'elle rende moins stupide) permet la prise de bonnes décisions. Ce n'est pas parce qu'une situatione est complexe qu'elle est incompréhensible. Ce n'est pas parce qu'on nous présente une situation comme désépérée qu'elle l'est…c'est simplement parfois un manque d'imagination et de courage. Et nous devons tous réver, innover, pousser cette humanité à toujours révéler ce qu'elle a de meilleure et empêcher les actions, par nos propres choix quotidiens, qui dénaturent ce qui fait ce que nous sommes: des êtres humains.

Fairy Dust ou comment on crée de la monnaie à partir de rien

La période semble bonne. Matteo Renzi, le plus jeune de la "bande à Davos" l'avait même déclaré ces derniers jours que "du chaos doivent sortir de nouvelles directions". La BNS abandonne son taux plancher, la BCE rachéte de la dette, les USA se porte à ravir malgré un taux d'endettement public et privé jamais atteint sur cette planète et le tsunami Syriza emporte tout sur son passage lors des législatives grecques en cours à l'heure ou j'écris.

L'ensemble de ces éléments à un point commun: la dette publique et son effet sur les populations, directement comme indirectement. Et qui dit dette publique dit politique monétaire, dit aussi crise financière (depuis 2008 tout de même) et crise d'austérité. On sait que la question est d'importance. D'abord parce qu'elle impacte citoyens et entreprises directement et parfois très violemment, sur la durée, mais également qu'elle met en balance un modèle d'organisation financière avec lequel les systèmes démocratiques ou non, européens ou non ont choisi de composer, de travailler, de co-gérer et de s'assembler. Finalement, la question de la monnaie n'est rien d'autre que LA grande question sur laquelle repose notre avenir, notre système démocratique, notre qualité de vie et notre futur. Il mérite donc un peu de notre intérêt.

Bizarrement toutefois, le domaine reste l'apanage d'un petit cercle d'illuminés, composé de manière très sectorisée d'économistes de haut vol, de prédicateurs gauchisants ou extrême-droitisants, et de vidéos partielles, éducatives ou propagandistes sur YouTube, Facebook, Tweeter, etc.

Je m'arrête donc ici pour signaler quelques éléments et recherches que personne ne pourra me taxer plus tard d'être partisanes, propagandistes, illuminées ou quoi que ce soit. Ce billet à un but uniquement informatif.

Dans son édition de Décembre 2014, la International Review of Financial Analysis publiait un article de finance empirique du Prof. Richard A. Werner (ici). Ce dernier mettait d'abord en lumière les différentes hypothèses sur la question de savoir si les banques créaient effectivement de la monnaie (de l'argent) à partir de rien. Selon la "financial intermediation theory of banking", la banque est un simple interrmédiaire de dépôt et de prêt de ces derniers, comme n'importe quelle autre institution pourrait le faire et donc ne crée pas de monnaie. Selon la "fractional reserve theory of banking", les banques individuelles ne crèent pas de monnaie singulièrement, mais leurs intéractions systémiques font qu'il en résulte de la création de monnaie. Enfin, selon la "credit creation theory of banking", la banque est un organisme individuel qui possède le pouvoir, conféré par le Droit, de créer de la monnaie à partir de rien du tout. L'auteur s'étonne qu'une question d'une telle importance n'aie jamais fait l'objet d'une étude empirique à proprement parler. Ainsi, avec la complicité d'une banque, il a réalisé cette étude empirique.

Au final, il apparaît formellement que la banque crée de la monnaie à partir de rien du tout, d'oû l'expression de "fairy dust", de la poussière de fée créée par chaque banque individuelle, "out of thin air" comme disent les anglais, c'est à dire à partir de rien du tout.

L'expérience qui a consisté à suivre simultanément les opérations d'écriture, les opérations comptables et les opération en monnaie scripturale lors de l'octroi, l'utilisation et le remboursement d'un crédit montre que clairement que ladite opération de crédit résulte dans un création monétaire pure et simple. Mais plus encore: elle montre que comptablement, l'argent ainsi créé n'est attribué nulle part mais qu'il est bien réel. Dans plusieurs articles, le Prof. Marco Saba du Centre d'Etudes Monétaires de Modena (ici) qui étudie ces questions depuis plus de 10 ans constate que les banques qui créent ainsi de l'argent, de la monnaie, ne paient aucun impôt sur ces valeurs puisqu'elles ne sont comptabilisées nulle part, mais qu'elles sont pourtant bien réelles et permettent d'acheter des choses tangibles (si vous avez une carte de crédit, vous savez de quoi je parle).

Ainsi, non seulement il apparaît impensable qu'un organisme qui possède un droit de convention pour créer de la monnaie fasse faillite, mais qu'en plus, selon les calculs du CSM, les impôts de seulement 3 ans de cette manne bancaire non déclarée permettrait de résorber complètement le déficit public italien (sic !) et une comptabilisation correcte permettrait un véritable révolution monétaire qui permettrait à tout individu ou de toute entreprise d'un certain pays de ne plus jamais payer d'impôt pour autant que la monnaie dudit pays soit gérée et générée de manière transparente (la base des études du CSM sont les normes comptables GAAP).

Il ne s'agit pas ici d'utiliser ces informations, comme trop l'ont fait, pour attaquer les banques, pour déclarer qu'elles ne sont que des instances criminelles ou des vautours quise nourissent des dépouilles d'une population exangue à force de payer des dettes trop élevées. Les crédits sont nécessaires. Ils sont des paris sur l'avenir qui ont autant de tangibilité que les idées: certaines sont bonnes, d'autres moins. Sans le crédit et la réserve fractionnaire (inscrite par exemple dans la Loi sur la Banque Nationale Suisse (section 2 – réserves minimales)), nous en serions encore au Moyen Age voire à l'Age de la Pierre (puisque la réserve fractionnaire était déjà pratiquée par les empereurs romains).

Mais il convient de savoir que les systèmes de la création de la monnaie, pour complexe qu'ils soient, ne sont pas compliqués. Tant la théorie quantitative de la monnaie que les formules prudentielles de multiplication qui fondent les réglementations nationales ou internationales (p.ex. le ratio McDonough dans le traité Bâle II) tentent de mettre des limites à l'expansion indéfinie de la monnaie par des institutions privées dans des buts particuliers voire sectoriels. Mais il en reste que la dette publique est avant tout une situation scripturale qui peut se régler en une seule décision.

Pourquoi personne ne prends alors cette décision me direz vous. Parce que la valeur d'une monnaie est avant tout fonction de la psychologie des consommateurs se projetant dans le futur (individus et entreprises). Comme personne n'a de boule de cristal et qu'un futur connu modifie le futur lui-même, une telle décision n'est pas facile à prendre ni à gérer. Mais cela nous invite à réfléchir sur plusieurs éléments: les conséquences que ce système fait porter à court et moyen termes sur notre niveau de vie et notre civilisation d'une part, et sur le fait que baser l'anticipation de son futur sur des éléments secrets autant qu'abscons ne saurait être une solution pour gérer des communautés mondialisées, hyperconnectées et face à des défis qui requiertent à la fois vision, courage et anticipations de long terme. N'aurions nous pas à y gagner si nous discutions de ce que nous voulons de notre futur plutôt que de chercher à anticiper un écheveau de possibilités techniquement inextricable ? Les grandes réalisations humaines qui font notre bien être d'aujourd'hui sont oeuvre de populations qui ont décidé un jour d'être ce qu'elles voulaient être et s'en donnèrent les moyens, établissant de grands résultats sans pour autant qu'ils soient exactement ce qu'ils avaient prévus. Savons nous, nous mêmes, ce que nous voudrons être, en terme de civilisation, dans 100 ou 200 ans ?