Attentats de Paris

La France et l'Europe sont sous le choc encore une fois. Encore une fois, c'est Paris qui est frappée au coeur par des attentats particulièrement sauvages et meurtriers. Dans un contexte international tendu, avec les réunions de crises internationales concernant la Syrie, les migrants et les sanctions contre la Russie – qu'il faudra bien revoir à un certain moment – ces attentats ont visé non pas un symbole (comme Charlie Hebdo), ni même des infrastructures critiques (pour autant qu'on puisse considerer les abords du Stade de France comme critiques) mais bien des rassemblements de personnes apparamment au hasard dans la capitale française.

Plusieurs observations s'imposent à ce stade. En premier lieu, le fait que les terroristes parlaient français et donc étaient issus du "sérail". Cela pose des questions encore non résolues concernant cette radicalisation d'une partie de la jeunesse dont une partie part se battre en Syrie au côté de cet Etat terroriste. En second lieu, il semblerait que la plupart des assaillants se soient fait exploser à l'aide de ceintures d'explosifs au milieu de leurs victimes, tout en prenant soins d'en faire un maximum avant cet acte suicidaire.

Au travers des témoignages de victimes qui émergent petit à petit, on ne peut que saluer le courage et le sang froid de ces gens qui ont sauvé, parfois au péril de leur vie, d'autres personnes blessées ou mêmes agonisantes. Les témoignages nombreux se succèdent puisque ces attentats se sont déroulés à visage découvert pour la plupart (notamment au centre de Paris), et les gens ont certes peur, mais ils sont déterminés dans l'action.

Enfin, les forces de l'ordre ont étés rapides, intelligentes et déterminées. Elles ont risqué leur vie et certains policiers ont pris des balles. L'organisation de la réponse a été rapide et totale, ce qui est là aussi très important, et elle s'appuie sur les actions des citoyens et citoyennes qui sont aussi déterminés qu'eux. La prise en charge des blessés est maximale et nous constatons que la France est bel et bien prête à répondre rapidement à de telles attaques.

Le travail des enquêteurs a également commencé car ces attentats ne sont pas l'oeuvre d'individus isolés. Ils ont étés préparés et planifiés et bénéficient à coup sur de fortes complicités locales. Si l'enquête ayant suivi les attentats de Charlie hebdo avait été entachée de doutes notamment à cause des révélations sur les  relations plutôt troubles notamment avec des personnes qui étaient liées au Front National, cette enquête là ne fait que commencer. Si les services de renseignement, de police, gendarmerie et même l'armée démantèlent chaque semaine quasiment des cellules de radicalisation ou de préparation d'attentats isolés ou collectifs, une guerre souterraine est en cours. la population en est informée mais de manière très floue et épisodique, ce qui se comprends pour les besoins des enquêtes et ce qui reforce la perception d'une véritable bataille dont l'enjeu est notre mode de vie.

Une première observation s'impose: ces individus frappent là ou cela est facile. En effet, les lieux de pouvoirs sont sous très haute surveillance, les lieux stratégiques aussi, y inclu les infrastructures critiques (électricité, eau, transports, communications). Malgré cela, le Président Hollande à décrété l'état d'urgence et le bouclage des frontières, ce qui est une mesure absolument exceptionnelle, afin de permettre aux enquêtes de bénéficier d'un environnement favorable et facilité autant que cela puisse se faire, et aussi pour empêcher que d'éventuels terroristes puissent s'échapper du territoire français. La réponse est massive.

Mais dans ce cadre là, où chacun et chacune d'entre nous peut être un jour victime de tels actes, la réponse doit être populaire et citoyenne. C'est cela aussi être citoyen. Malgré les frustrations, les iniquités d'un système et ses imperfections, ses incohérences et ses actions inadmissibles, nous sommes dans l'immense majorité satisfaits de la liberté dont nous pouvons jouir. Les attentats ne sont pas une nouveauté. En Europe de l'Ouest nous avons subit les vagues d'attentats liés à l'extrême-gauche, à l'extrême droite, à la mafia, aux groupes palestiniens, et ces dernières années à l'extrémisme radical. Cette vision macabre et morbide de société véhiculée par un islam radical capte aujourd'hui cette frustration, cette incompréhension, cette haine de la société développée par certains de nos jeunes en perte de valeurs humaines et universelles. Même si nos gouvernements bafouent parfois ces droits et ces mêmes valeurs, la transformation de la vision du monde en quelque chose de violemment dichotomique et absolu qui pousse au suicide et au massacre ne sont pas les valeurs de nos sociétés. Comme certains jeunes rejoignaient l'action violente dans les années `70, ces mêmes franges sociétales deviennent musulmans radicaux et fanatiques aujourd'hui.

Cela pose également, même si personne ne le dit, la question des migrants. Sur la masse de ces désespérés qui fuient la guerre et les massacres dont nous avons eu un petit aperçu cette nuit à Paris, cela fait depuis des mois que les services divers de tous les pays européens attirent l'attention sur la possible présence de terroristes parmis ces individus. On oublie également qu'environ 20% de ces migrants de l'été proviennent d'Europe, notamment d'Albanie et du Kosovo. On oublie aussi rapidement que la Bosnie musulmane reste une poudrière djihadiste prête à nous exploser à la figure. L'histoire n'est pas finie. mais ces gens ne viennent pas chez nous pour nous détruire. Ils viennent parce qu'il pense que nous pouvons les protéger et leur offrir un futur. Cela ne se fait pas rapidement, ni facilement, mais le mot clé d'intégration est central: intégrer, un mot, un concept honni par les uns qui y voient une perte d'identité, de temps et d'argent en plus qu'un danger imminent, et où d'autres voient la seule possibilité de conserver un mode d'organisation qui s'étiole (retraites, welfare, aides et subventions). Mais cette nuit, le terrorisme nous rappelle que cette barbarie ne touche pas des détails de notre culture: elle en attaque les fondements, qui sont universels – le droit et la protection à la Vie.

Contre cela, il faut accepter que nous sommes aujourd'hui, dans notre civilisation occidentale parfois si arrogante, se considérant comme un modèle alors qu'il conviendrait mieux nous considérer comme un expérience plutôt heureuse tirée de siècles de guerres et de massacres continus, dans une phase où notre mode de vie est très violemment mis en cause, tant en interne, par ceux que ce système auquel nous contribuons tous un peu exclue et discrimine, et à l'extérieur. Certes la réponse vient des organes de sécurité, les enquêtes aidées par les moyens de surveillance mis en place aux dépends de nos libertés individuelles, mais la réponse ultime vient d'une seule conviction: à un certain moment, nous devons avoir le courage de réagir pour défendre et montrer nos propres valeurs de démocratie, de liberté et d'égalité. Une entière génération commence à comprendre qu'il est parfois nécessaire de se battre pour ces valeurs, et que cela implique du courage. C'est la différence entre un terroriste qui se fait exploser après avoir massacré des innocents et un citoyen qui se fait tuer en sauvant des vies humaines. Cela me rappelle le témoignage d'un résistant français à la Libération, parlant des officiers SS que l'on exécutait et qui mouraient en proclamant leur foi en une idéologie meutrière et les résistants qui mouraient terrorisés sous les balles allemandes . L'histoire se souvient des premiers comme des criminels et des seconds comme des Justes. Mêmes si nous ne sommes pas parfaits, nous sommes du bon côté de l'Histoire, mais nous devons aujourd'hui montrer clairement et par des actes à quel point nous tenons à ces valeurs dont nous nous gargarisons. Sinon, elles ne seront que des feuilles mortes et des paroles emportées par un vent sauvage dont l'Europe n'a que trop souffert pendant des siècles.

 

 

 

Nicolas Giannakopoulos

Nicolas Giannakopoulos est un des spécialistes reconnu internationalement dans le domaine des organisations et autres structures criminelles. Au travers des recherches qu’il mène depuis 1991, il a apporté le soin de concilier recherche et pratique, développant ainsi des compétences scientifiques dont l’utilité pratique est quasi immédiate.