Taux plancher: la BNS massacre les PME?

 Téléchargez ici l'édition spéciale de L'Hebdo: "Le taux plancher: Krach historique" 

Alerte au tsunami en Suisse. C'est un comble. Lorsque la BNS lâche le taux plancher de 1,20 CHF pour 1 EUR, entraînant du même coup le dollars et d'autres monnaies, c'est la consternation. Et les explications, justifications, analyses et commentaires vont bon train. Mais il ne s'agit pas d'un "machin" irréel. Pour une entreprise suisse qui facture des clients étrangers, la perte est réelle et douloureuse. On se rend compte de l'iniquité des systèmes de changes dans toute leur opacité et leur brutalité lorsque d'un coup, d'un seul, sans que l'on ait rien demandé, on voit la valeur de ses avoirs et de ses factures diminuer de 20%. On ne dira rien par rapport à l'indépendance de la BNS et de son statut…ce n'est pas ici le propos. Deux question se posent toutefois par rapport à cette décision et les réponses sont absentes: pourquoi la BNS abandonne-t-elle le taux plancher? Et pourquoi l'a-t-elle fait de cette manière?

En rapport à la première question, les explications vont bon train mais ne sont pas forcément satisfaisantes. La première explication, rapportée par "Le Monde" dans son édition d'aujourd'hui, est que la BNS pensait que le cours EUR/CHF s'était stabilisé et n'avait plus besoin du support de la banque centrale. Cette explication contredit les propos du Directeur de la BNS lui-même indiquant que la situation n'était plus "tenable" face à des menaces de chute de l'euro en prévision d'une série de grands emprunts d'Etats européens. Il a aussi été mentionné que "les entreprises suisses avaient eu le temps de se préparer"…de se préparer à quoi?

L'abandon du soutien de la BNS au taux plancher est toutefois une énigme: lorsqu'en 2011, l'euro atteignait la valeur de 1 franc, la BNS avait décidé de sa politique de soutien pour des raisons très concrète, et parce que l'économie exportatrice principalement ne pouvait pas tenir vis-à-vis de la concurrence étrangère et que la valeur du franc suisse était victime du succès de la stabilité et des performances économiques de ses gestionnaires et politiques, petits et grands. C'était une décision normale d'un organe suisse qui se préoccupe du bien-être de sa population, de son industrie mais également de sa capacité d'intervenir sur le monde.

L'abandon du taux plancher est salué ce matin par la presse étrangère et notamment économique comme un coup malheureux d'apprenti sorcier… Une erreur qu'il conviendrait de corriger. Dire que la BNS ne peut plus "tenir" le taux plancher est incompréhensible. Si des étrangers souhaitent acheter du franc suisse, le rôle de la BNS est de créer autant de monnaie que la demande le souhaite, dans le cadre de sa politique. Ou alors y aurait-il eu des attaques frontales de grands opérateurs, hedges funds ou autres, jouant sur cette "sécurité" pour faire "sauter la banque" comme l'avait fait Georges Soros avec la Banque d'Angleterre il y a quelques années? Si cela est le cas, pourquoi ne le dit-on pas? Où est la transparence qu'on cherche par tous les moyens à imposer aux instituts financiers, aux entreprises et aux simples citoyens?

Les réserves en euro de la BNS ont bondi à des sommets, nous dit-on, qui menacent la stabilité de la Suisse elle-même. Il est clair que perdre d'un coup 20% de plus de 450 milliards d'euros de réserve représente une sacrée perte. Mais la somme n'a rien d'extraordinaire étant donné que cela fait plus de dezx ans que la BNS soutient le taux plancher. Et qu'elle n'a toujours pas trouvé le moyen de faire quelque chose de ces euros à part peut être les placer sur des marchés forex. Une telle politique devrait être, comme beaucoup en Suisse l'ont demandé depuis que le taux plancher existait, réalisée aux deux bouts de la chaîne: émettre du franc suisse pour acheter de l'Euro d'une part mais également investir ces euros dans les économies européennes, augmentant leur productivité, leurs débouchés, diffusant ainsi le "savoir-faire suisse" dans nos marchés d'exportation, et nous rendant du coup moins vulnérables à des décisions prises à Berlin, Paris, Londres, Madrid ou Rome. 

La manière ensuite est brutale: en secret…(cela m'étonnerais qu'une telle décision soit restée un secret pour certains qui ont dû se goberger de notre pouvoir d'achat dans les premières heures de l'annonce…). Pourquoi ce secret? La BNS pense… L'économie pense… Nous croyons…. Nom d'un chien, serais-je tenté de dire, mais lorsqu'on est aux commandes de manettes pareilles, on ne prends pas des décisions sur des pensées ni des croyances! Nous ne sommes pas à l'église.

La brutalité de la décision a affolé tout le monde, elle a paniqué l'économie suisse toute entière depuis les titres SMI jusqu'aux PME et aux citoyens. Est-ce là une manière de gérer une politique monétaire qui a des répercussions concrètes et immédiates sur le pays? Messieurs, votre position impose, dans le monde hypercommunicant d'aujourd'hui, d'agir de manière plus transparente que les autres. La prochaine fois, s'il y en a une, communiquez, préparez le terrain et anticipez les anticipations des acteurs économiques. La politique des petits pas permet d'éviter des erreurs que créent des décisions brutales. 

Même si le franc suisse vient à remonter parce que la monnaie de nos partenaires européens se "casse la figure", cela ne sera pas réjouissant pour nous non plus. Anticiper cette dégringolade est un coup de poker perdu d'avance puisque, dans les deux cas, la Suisse perd.

Alors s'il vous plait, Messieurs les grands prêtres de la monnaie suisse, remettez ce taux plancher et investissez vos euros dans les marchés européens qui sont chers à la Suisse. Cela fera du bien à tout le monde.

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Une nouvelle loi pour de nouvelles mentalités ?

Depuis le temps…et soudain, la lumière. Dimanche dernier, dans une interview, le Procureur Général de la Confédération M. Michael Lauber a indiqué qu'il devenait une nécessité de modifier la loi suisse sur le crime organisé (305ter CPS) afin de pouvoir enfin réaliser une lutte contre la criminalité organisée efficace. Malgré les efforts consentis dans ce domaine et les nouveautés législatives qui ont vu le jour dans les années '90 contre les organisations de type mafieux et la corruption, le Ministère Public allait d'échec en échec. Dans son interview, le Procureur Général de la Confédération pointe du doigt l'impossibilité de traduire une personne en justice pour son simple fait d'appartenir à une telle organisation, sans pour autant s'être rendu coupable d'un délit ou d'un crime. La loi actuelle permet toutefois cette possibilité puisqu'elle ne l'interdit pas. Par contre, la pratique judiciaire suisse n'a jamais totalement intégré la notion "d'organisation criminelle", tout comme elle n'a pas non plus intégré complètement le renversement du fardeau de la preuve dans des cas spécifiques prévus par le code pénal ou encore la responsabilité pénale des personnes morales.

Comme le droit est un objet mouvant et adaptable (c'est ce qui fait sa force), changer les lois ne sert à rien si on ne change pas les pratiques. Et souvent, les pratiques, ancrées dans le fond des études, des stages et des pratiques quotidiennes s'avèrent beaucoup plus difficile à changer. La jurisprudence vient encore plus graver dans le marbre des pratiques qui, parce que la société évolue, deviennent étrangères à la réalité et bloquent les capacités d'actions de la magistrature contre les phénomènes nouveaux. Si la jurisprudence est extrêmement utile afin de garantir une homogénéité du droit et une stabilité des pratiques de l'exercice difficile qu'est rendre la justice, elle doit trouver en soit les ressources nécessaires pour s'adapter elle aussi. Et la jurisprudence ne s'adapte que par l'expérience judiciaire, laquelle est à son tour directement produite par des magistrats inventifs, courageux, qui parfois cherchent plus à coller leurs décisions à l'esprit de la loi et à ses objectifs (cf. les messages du Conseil Fédéral) plutôt qu'à suivre la ligne de la pratique jurisprudentielle. Mais parfois, cela n'est tout simplement pas possible puisque les réglementations elles-mêmes sont en conflit ou présentent des incohérences. 

Ainsi, afin de provoquer cet électrochoc et de forcer d'une certaine manière les pratiques judiciaires à s'adapter aux phénomènes auxquels ils sont confrontés, le Procureur Général de la Confédération a raison de provoquer une modification de la loi qui permetterait de condamner également les membres de ces organisations criminelles qui n'ont pas directement commis de crime ou de délit, mais simplement pour leur appartenance à une telle organisation. Cela tombe sous le sens puisque comme on l'a vu ces dernières années, dans le monde de la finance, lorsque des patrons de banque sont mis en accusation pour des actions que leurs employés ont commis relève de la même logique. Cela relève également d'une fine connaissance professionnelle puisque la loi italienne sur le "concorso a organizzazione mafiosa" reprend depuis des années cette même disposition avec des résultats très probants et une droit finalement très similaire à la Suisse.

C'est maintenant aux parlementaires de faire preuve de courage, d'inventivité et surtout de prendre un peu de leur temps pour comprendre le phénomène mafieu pour se rendre compte qu'un tel changement de loi est nécessaire pour changer les mentalités des acteurs judiciaires.

 

Un renouveau syndical ?

Une avalanche de faits et de prédictions pessimistes se sont abattues sur les médias à l'orée de 2015. Une tendance toutefois a motivé ce petit papier: c'est celle touchant la dégradation continuelle des conditions de travail en Suisse, en Europe et dans le monde. Jean Ziegler mentionnait dans une interview du week-end une année décisive sur la question des droits des personnes et notamment des travailleurs. Le cynisme et la cruanté des passeurs de misère a interpellé l'Europe entière la semaine dernière dans le cas du cargo de migrants sauvés par la marine italienne.

Partout dans le monde, les conditions de travail se dégradent ou empirent et partout dans le monde, les gens on peur et faim. Au delà de l'attention médiatique de tel ou tel fait suffisamment ignoble ou de tel ou tel reportage suffisamment bien fait pour interpeller le citoyen lambda dont je fait partie, l'attention médiatique sur l'esclavage moderne est volage bien que dénoncé depuis plusieurs décennies. Sujet de conversation pour les after-works ou les pauses-cafés, bien peu de liens entre cette marée d'esclaves au service d'organisations criminelles diverses et notre propre quotidien à nous sont faits, à part le réflexe de se renfermer, telle des huitres, dans notre coquille d'un bien-être que nous savons de plus en plus fragile.

Les discours officiels dominants sur les droits des travailleurs, contre la corruption, sur les conditions de travail misérables et dangereuses et le respect des droits humains et de l'environnement semblent de plus en plus être des machines entraînées par leurs propres dynamiques sans plus tellement se soucier du sens de leurs missions et de leur existence même, voire pire, permettent à ceux-là même qui sont payés pour organiser ces actions collectives de tenter de se mettre eux-mêmes à l'abris du besoin en spoliant leurs membres et en oubliant la raison fondamentale de pouquoi ils sont là.

Parmis ces institutions, il y en a une que je respecte profondément: les syndicats. Pour leur côté historique d'abord, parce que si l'Europe occidentale attire aujourd'hui les migrants du monde à cause de sa qualité de vie, de ses droits pour les individus et de ses richesses, c'est principalement à cause des luttes syndicales qui ont fait l'Europe depuis la Révolution industrielle et au courage de gens qui se sont organisés, avec leurs moyens et dans l'esprit de leur temps, pour se battre pour leurs droits. Ensuite parce que je connais beaucoup de syndicalistes, suisses et étrangers, et que j'ai toujours eu un profond respect pour leur pragmatisme, leurs sens des valeurs combinés à un sens aigu des responsabilités, de leur connaissance tactique et stratégique. Aujourd'hui, malheureusement, plusieurs éléments viennent entamer ces belles convictions.

D'abord l'avènement de générations nourries aux concepts qui n'ont que rarement eu le sens des réalités et que l'on entends avant les autres puisque c'est ceux qui ont le discours qui "passe le mieux dans les médias". Les autres, ceux qui travaillent quotidiennement dans l'ombre, on les entends peu, voire pas du tout. Cela laisse la place a des "jusqu'au boutistes" qui prennent leurs désirs pour des réalités et prèfèrent la confrontation plutôt que la négociation, la dénonciation plutôt que la solution.

Plusieurs cas on émaillé cette réflexion. Le premier fut le mini-séisme dans le landerneau syndical de nos amis français, touchant de plein fouet les privilèges accordés au nouveau Secrétaire Général de la CGT, M. Lepaon. Le scandale des indemnités de transfert, des coûts de rénovation de l'appartement privés à enclenché un grand déballage de révélations sur le gaspillage de l'argent des syndiqués pour le bénéfice de quelques clans et quelques coteries internes.

Ensuite, les rapports effectués par les organisations faîtières des syndicats, dont on questionnera au passage la légitimité et le budget puisque ces organisations n'arrivent déjà pas à s'entendre dans un seul pays, notamment l'ITUC, émanation du BIT (ILO) à Genève sur les conditions de travail notamment des travailleurs immigrés dans les pays du Golfe, prenant comme point de mire ceux engagés dans la constructiond es infrastructures nécessaires à la Coupe du Monde FIFA au Qatar. On ne questionnera pas la réalité de ces migrants dont les conditions sont épouvantables et tendent heureusement à s'améliorer suite à ces mêmes rapports, mais on s'étonnera tout de même que les parallèles entre ces conditions spécifiques et celles des innombrables travailleurs migrants dans l'ensemble des pays du Golfe, sur les conditions de travail de tous les ouvriers sur les grands chantiers que ce soit en Chine, en Grèce, en Russie, au Brésil, etc. Depuis notre "tour d'ivoire" européenne, nous sommes bien prompts à distribuer les bons et mauvais points alors que non seulement nous nous précipitons tous commes des idiots devant les matchs de la coupe du monde FIFA ou des Jeux Olympiques, mais qu'en plus, le migrant qui répare notre villa ou nos routes, ramasse nos poubelles ou deale de la came à nos enfants au coin de la rue est dans les mêmes exactes conditions. Avant le Quatar, c'était Sotchi et ses "Poutine-Games", et avant encore la Coupe du Monde au Brésil. Certes les conditions peuvent être injustes, effroyables, certes des gens meurent sur des chantiers. Certes nous attendons de ceux à qui nous donnons notre temps et notre argent soient "plus respectueux" que les autres et parfois que nous même. Mais des "cas exemplaires" de la sorte ne sont par exemplaires du tout. Il ne reflètent que les pratiques habituelles qui sont dénoncées depuis des décénnies et sur lesquelles non seulement nous fermons les yeux mais en plus nous profitons largement. Alors que les médias se sont tous jetés à coeur joie sur les rapports et autres reportages dénoncant les "atrocités" de ces grands chantiers, peu de médias se sont fait le relais du travail pragmatique, discret et souvent dangereux et sous-payé de syndicalistes et de responsables locaux qui ont effectivement permis de trouver des solutions pour améliorer les situations de ces travailleurs: augmentation des paies, réduction des horaires, primes de résultats, meilleure organisation des chantiers, relogement décent et abandon des conditions de "sponsoring" dont des exemples concrets dont bénéficient les travailleurs.

Une autre cas aussi m'a fait bondir: celui des gendarmes romains absentéistes. Pour ceux qui ne parlent pas italien ou qui on raté l'info, il s'est avéré que l'absentéisme des gendarmes romain aura été mis à jour de manière plutôt violente le jour de l'an 2015. Si cela est une pratique courante, en Italie comme ailleurs, le Gouvernement a décidé pour une fois de sanctionner ces individus. La réponse des syndicats n'aura pas été de chercher à comprendre les raisons de cet absentéisme, comme par exemples les fiches de paie ridicules, les horaires de travail démentiels ou les conditions dangereuses….non: on fait la grève pour défendre les absentéistes. C'est ce que l'on entends principalement.

Malgré tout, ces mêmes syndicats se battent dans les exactes mêmes conditions que les individus qu'ils défendent. Qui sait par exemple que le BIT a licencié plus de 600 personnes ces derniers mois ? Qui connait les conditions précaires des travailleurs internationaux soumis à des contrats annuels dont le renouvellement dépends de chefs toujours plus voraces et de budgets toujours plus maigres. Qui s'intéresse au fait que de plus en plus de retraités travaillent gratuitement pour les organisations syndicales qui n'ont pas les moyens de payer des salaires décents et de respecter des conditions de travails qu'eux-même sont chargés de défendre. Il est tabou de toucher ne fut-ce qu'un cheveu de ces organisations pour des raisons idéologiques alors qu'elles souffre des mêmes maux que la société toute entière, à savoir quelques dirigeants qui voyagent en première classe alors que des employés sont licenciés pour "manque de budget".

Cela est d'autant plus terrible que le syndicalisme a apporté, apporte et peu encore apporter de grands changements pour le mieux, tant en Europe que dans le Monde. Si l'intégration de l'Europe de l'Est dans l'UE est, jusqu'à aujourd'hui, un échec, les syndicats de "nouvelle génération" peuvent apporter un vrai renouveau en se basant sur les conditions de travail et les conditions de vie dans ces pays du "charbon-land" de l'Est. Cêst ainsi qu'ils peuvent faire évoler la vie de millions de travailleurs dans un monde globalisé. Les solutions passent par la transparence et la négociation, l'imagination et la créativité afin d'augmenter petit à petit la qualité de vie des ces travailleurs et travailleuses partout dans le monde. N'oublions pas que notre prospérité s'est faite sur 200 ans de luttes pour les droits, populaires, syndicaux, droits des femmes et des migrants, et sur deux guerres mondiales. Nous ne pouvons exiger tout de suite des autres ce que nous avons mis tant de temps et tant de souffrance à acquérir et à créer et ce que nous mettons tant d'indifférence aujourd'hui à détruire. Ce n'est pas la bataille sur les Droits Humains qui passe en premier. C'est la bataille pour les Droits des Travailleurs qui, comme elle l'a fait en Europe durant tout le XXème siècle, pourra apporter des solutions non seulement en Europe de l'Est mais également dans le reste du monde. Cette bataille, c'est la bataille pour Dignité Humaine. Cette confrontation ne doit pas être idéologique mais pragmatique, car si l'organisation de l'action collective est difficile, voire impossible, n'importe quel chef d'entreprise comme n'importe quel travailleur ou retraité sait que nous avons chacun besoin de l'autre pour garantir notre prospérité et l'avenir de nos enfants.

Ecopop, Or de la BNS, immigration et restrictions des droits populaires

Il y a un proverbe de là bas que j'aime bien: "Lorsque le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt".

Cette année 2014 aura été un grand cru pour les votations populaires: populistes, électoralistes, mal fagotées, parfois puant d'un eugénisme mystique, voilà qu'elles posent la question de l'expression des droits populaires. C'est un débat étonnant puisqu'au lieu de se poser la question du pourquoi de telles initiatives arrivent sur la place publique suisse sous forme d'initiatives ou de référendums, on se propose de limiter les dégats en resteignant les droits populaires. De plus, ces initiatives ne sont pas le fait d'un mouvement citoyen, ni même de certaines personnes éclairées qui battent le pavé des émissions, médias et autres internet en expliquant, débattant, ajoutant la pédagogie à la conviction, mais bien de la part d'une partie de parlementaires battus et dégoûtés. Des parlementaires qui se cherchent. Qui cherchent leur mission et qui admettent, en entamant avec une certaine conviction ce débat sur la restriction des droits populaires, que c'est la population qui est stupide et qu'il convient donc de lui restreindre ses droits. Refrain connu d'élites perdues, et constat amer de la facilité avec laquelle il serait possible de manipuler les électeurs et les votants en y injectant les moyens monétaires adéquats.

Ce constat est malheureusement biaisé, tordu et manipulé en lui-même. Il rappelle étrangement celui de la transparence, de la justice fiscale, chère à la gauche, de l'égalité des chances et de la liberté individuelle. Il est inutile d'espérer que des citoyens harassés de travail, de tracasseries administratives, pris dans les tourments familiaux que l'éducation correcte de ses enfants exige de parents overbookés et bombardés jour et nuit d'informations mondiales sur lesquelles ils n'ont ni prise ni même intérêt, puisse s'accaparer cette transparence, ce choix et ces réfléxions.

Le véritable problème n'est il pas justement la communication politique ? Contrer une communication politique par une autre devrait être le terrain de jeu et non pas jouer sur un plan réglementaire que plus personne ne comprends tant il s'est spécialisé, complexifié, hermétisé jusqu'à l'abscon et à l'absurde. La réponse réglementaire à des peurs sociétales est une réponse indiote mais également dangereuse. Le citoyen est déjà suffisamment mis en coupes réglées par des systèmes sur lesquels il n'a plus prise que lui restreindre encore ce petit morceau de droits populaires qui fait des Suisses une population assez privilégiée au niveau de ses droits est une idée dangereuse.

La communication politique n'est pas crier fort. Les mensonges et les idioties sont nombreuses, tout comme les manipulations. Je m'étonne chaque jour de voir le temps et l'argent que nous perdons sur une initative aussi nauséabonde qu'Ecopop qui, avec un phrasé de maître vis à vis de son esclave, juge sur son ridicule bout de territoire ce que l'avenir de la planète doit être et ce que nous autres, riches, devons faire à ceux-là, pauvres, parasites mais main d'oeuvre bien docile et soumise, ce qu'il convient de faire pour conserver notre propre petit bien être. C'est vraiment n'importe quoi, même si cela ne part pas d'une mauvaise intention. Mais on le sait, les bonnes intentions pavent les autoroutes de l'enfer.

L'initiative sur l'or de la BNS semble également partir d'une bonne intention, mais visiblement, les initiants n'y connaissent absolument rien en économie. Pourquoi personne ne se pose de questions quand à la réserve fractionnaire, aux bilans bancaires qui ne respectent pas les normes comptables GAAP comme le Centre d'Etudes Monétaires de Modena l'a montré pour plus de 60 banques européennes ? Pourquoi n'enseigne t'on pas l'histoire monétaire et les effets du fiat money sur les bancs de faculté d'économie ? Pourquoi le poids des économies et acteurs criminels dans l'économie, la banque, l'industrie, les médias et la politique sont systématiquement occultés des facultés de science sociale ? 

La question est moins de donner son avis sur telle ou telle autre initiative mais bien de se poser la question de ce qui engendre les effets de masse qui poussent nos concitoyens à voter pour la limitation de l'immigration ou pour vouloir se couper du reste du monde tout en préservant nos richesses. Il faut comprendre ces peurs, et il est bien naturel d'en avoir dans ce monde en plein bouleversement dans lequel nous vivons aujourd'hui. Toutes les populations européennes ont peur de leur avenir, mais toutes ne sont pas figées dans un réflexe identitaire, restrictif construisant barbelés et murs autour d'elle pour se protéger de l'autre qu'on ne comprends plus. Dans le même temps, des expériences naissent, des réflexions aboutissent et d'autres expériences avortent ou s'arrêtent d'elles même. Ce bouillonnement d'idée touche la conception même de la démocratie, de la place de l'individu dans le groupe et la communauté, la question des dialogues et des conflits à résoudre, des intérêts antinomiques à concilier et de la manière de communiquer et d'écouter. 

Au lieu de restreindre les droits populaires, certains parlementaires devraient plutôt s'inspirer de leurs bêtes noires pour les battre sur leur propre terrain plutôt que de faire le lit d'une peur plus grande encore qui ne présage de toutes façon rien de bon.

La criminalisation de la démocratie ?

Une intéressante étude sur le système politique suisse ayant été publiée il y a environ 2 ans de cela indiquait que notre démocratie avait besoin d'environ 110'000 personnes pour la faire "fonctionner". Cela incluait notamment l'ensemble des élus, depuis les communes jusqu'à Berne. Pour un petit pays comme la Suisse, cela est considérable si on prends en compte les restrictions légales quant à la charge élective. On prends peu en compte pas la charge de travail, parfois très importante dans des hémicycles de milice, les soirées voire les nuits passées dans des travaux de commission, les week-end et les vacances. Les familles en souffrent, parfois son travail en souffre aussi. ce n'est pas pour rien que les charges électives attirent des professions libérales et des gens qui ont le temps: enseignants, retraités, rentiers, etc. Cela ne prends pas en compte non plus l'engagement personnel lors des campagnes d'élections ou de votations, les réunions de Comités, d'Associations, etc. etc. Le travail d'élu est une très lourde charge. En plus, en s'exposant, on s'attire les coups, les critiques, la visible admiration ou vindicte publique.

Enfin, plus récemment, les directives de la FINMA sur le blanchiment d'argent qui exigent une attention particulière aux Personnes Politique Exposées (ou PEP en anglais) crèent toutes sortes de tracasseries administratives et personnelles aux élus ou aux anciens élus. On a vu durant l'année écolée deux personnes, l'un parlementaire vaudois, l'autre ex-parlementaire genevois, se voir refuser l'ouverture de comptes bancaires pour la raison qu'ils étaient classifiés comme "PEP". La Suisse doit être le seul pays au monde à appliquer avec autant de zèle, on pourrait dire presque avec autant de stupidité, les directives fédérales et internationales contre le blanchiment d'argent sur ses propres élus.

La chasse aux sorcières aux élus est pourtant planétaire. Elle contribue à rendre encore moins attractive et plus criminogène la fonction publique de représentant élu, notamment dans nos démocraties. les élections coûtent cher, les carcans sont nombreux, les coups et les critiques, souvent gratuites, pleuvent sur la tête des candidats et des élus. Les privilèges associés à ces fonctions se referment donc sur elles mêmes par un simple réflexe de protection et les avantages de fonctions dérapent vite en corruption et enrichissements illicites. Même si cela choquera, ce n'est pas étonnant. On ne peut pas demander à quelqu'un qu'il soit d'un côté moralement irréprochable et dans le même temps écrasé d'une charge de travail trop lourde et indistinctement conspué. De plus, la différence matérielle entre les "élus" de pays peu démocratiques et ceux des pays dits "démocratiques" qui est parfois flagrante donne des idées et des justifications pour des actes répréhensibles même aux plus honnêtes d'entre eux.

Il faut ajouter à cela les dépenses de campagne "sponsorisées" par des tiers qui s'envolent vers des sommets d'absurdités. Même dans des pays où le financement des partis et des candidats sont sinon contrôlés, du moins réglementés, les possibilités légales de contournement de ces réglementations sont rapidement trouvées. Personne n'est vraiment dupe en ce qu'il ne s'agisse pas d'un don mais bien d'un investissement. Cela prend donc une certaine tournure lorsque l'on analyse les motivations et le retour sur investissement politique d'une modeste cotisation de 10 francs ou que l'on sponsorise à coups de millions tel candidat ou telle votation. Quel est le retour attendu ? Est-ce une bonne opération économique ? Certainement puisque les sommes augmentent ce qui montre, selon la théorie économique, que l'offre limitée est fort recherchée.

De fait, à l'approche des élections communales, beaucoup de partis peinent à recruter des candidats. Aucun ne le confirmera, naturellement. Mais les citoyennes et citoyens que nous sommes continuent à assimiler de plus en plus les élus, cette étrange élite démocratique à des profiteurs, des corrompus ou des égocentriques démesurés. Les timides tentatives de remise en question, au travers de concepts comme l'autogestion ou la démocratie participative semblent n'avoir qu'un seul but: concilier la charge de travail toujours plus inhumaine exigée par la direction politique et la notion de protection et de développement du bien public. Le citoyen exige non seulement une gestion la plus objective possible mais également des leaders, des icônes, des modèles, bien humains et bien réels. Ils exigent des faits et des chiffres mais n'est pas prêt à laisser son destin entre les mains (trop) visibles de machines. Nous voulons des suhommes humains. Nous voulons de la gouvernance sans conflit. Tout cela est difficilement conciliable et pour paraphraser Winston Churchill, "la démocratie est certainement le moins mauvais système que nous ayons trouvé pour gérer les populations humaines".

Toute gestion humaine des affaires humaines implique la création d'une forme d'élite. Ce mot, particulièrement tabou notamment dans certains régimes démocratiques qui ont fait de l'égalité un principe de base, suffit à déclencher des tempêtes de débats. Reconnaître l'existence inévitable d'élites est déjà un premier pas vers la revalorisation de la fonction d'élu. Une élite parlementaire ne veut pas forcément dire une noblesse absolutiste. L'important n'est pas qu'il existe une élite, mais que le renouvellement de cette élite puisse se faire de la manière la plus ouverte, transparente et inclusive possible. Il a été clairement démontré dans l'ouvrage de J. Robinson et D. Acemoglu "Why Nation Fails" que le principe de la boucle inclusive rétroactive est essentielle dans un exercice démocratique vivant et positif. Du moment où ce processus se bloque par fossilisation des élites et des processus, tant les nations que les civilisations ainsi gérées dégénèrent et meurent, remplacée par d'autres, plus inclusives. Malheureusement, cela se fait encore trop souvent par des processus violents tels que des guerres civiles ou civilisationnelles. Le modèle inclusif, comprenant également la possibilité de pouvoir bénéficier d'ascenseurs sociaux est indispensable à une démocratie saine.

Il m'étonne toujours que l'organisation démocratique représentative soit encore basée sur des conceptions de l'organisation humaine basée non seulement sur ces conceptions remontant aux philosophes grecs remis au goût du jour de "lumières" telles que Montesquieu, Locke, Pareto ou encore Marx. Sans vouloir leur ôter un quelconque mérite, dans une époque de globalisation impliquant connectivité, rapidité, compréhension et innovations technologiques, à l'heure où tout le monde n'a que le mot "gouvernance" à la bouche, personne ne semble vouloir proposer de nouvelles idées en terme d'organisation de la représentativité citoyenne par une population et pour une population. On oublie rapidement les fondements mêmes de la culture démocratique qui est d'offrir une boucle rétroactive inclusive pour permettre une adaptation pacifique des innovations, des cultures et des visions. On oublie souvent aussi que la démocratie n'est pas une dictature de la majorité, surtout à l'heure ou ces majorités deviennent toujours plus restreintes.

Dans tous les pays démocratiques occidentaux, y compris la Suisse, on trouve malheureusement les signes d'une fossilisation. Tant par l'ostracisme dont la fonction d'élu fait l'objet que par les innombrables barrières techniques et humaines qui empêchent les processus d'intégration de se réaliser correctement. Les communautés deviennent trop grandes, trop complexes et trop multiples pour être gérées par une ou deux forces, ce qui n'est pas le cas d'autres pays moins ouverts et moins multiculturels. En France, on parle de fief, de "dynastie", on voit depuis 25 ans les mêmes têtes et les mêmes personnages. C'est un peu pareil aux Etats-Unis, en Suisse, en Allemagne, en Italie, en Pologne ou encore en Espagne. L'Angleterre fait un peu exception. Mais si l'on descend au niveau local, des régions, cantons, communes et autres counties, la "fossilisation" est encore plus marquée. Si l'allongement de la durée de la vie y porte une certaine responsabilité, elle n'est certes pas la seule. La fonction élective ou gouvernementale nécessite des connaissances pointues qui sont de plus en plus difficilement accessibles alors que comme le Droit, elles devraient être un produit social et donc accessible à n'importe quel citoyenne ou citoyen digne de ce nom.

La solution de cette quadrature devrait justement repartir de la fonction même de citoyenne ou de citoyen. Cette affirmation d'être partie d'une communauté de manière pleine et entière offre certes des droits, mais encore trop peux de devoirs. L'infantilisation de la fonction du citoyen participe également à la fossilisation de la démocratie représentative. Pourquoi ne pas donc essayer d'autres modèles qui ont étés testés à petite échelle ailleurs. Les instruments de démocratie directe sont extrêmement précieux mais certains résultats de votation contraire aux "chiffres" et à "l'objectivité" ont fait que certains élus se sont trouvés en train de critiquer la démocratie directe au lieu de remettre en cause la capacité d'éducation et de compréhension des situations par leurs propres citoyens. "Quand le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt" dit le proverbe chinois. C'est encore une manière de fossiliser d'avantage une élite dans son propre hermétisme. Etre citoyenne ou citoyen signifie être partie à part entière d'une communauté. mais encore faut il pouvoir donner aux citoyennes et citoyens la capacité de comprendre les enjeux: cela passe par l'éducation. Tout comme la transparence ne sert à rien sans une certaine éducation, la démocratie meurt sans une population capable de la comprendre et de la faire fonctionner. C'est une question de responsabilité collective plutôt qu'une question "d'homme providentiel", souvent utilisée pour pallier un manque de volonté inclusive, un manque d'imagination ou pour répéter à l'envi le bourrage de cervelle que les serfs innombrables ont subit pendant 1000 ans de domination sous l'ancien régime.

Si nous partons de l'idée que chaque citoyen ou citoyenne peut être apte à exercer les fonctions électives, alors nous pouvons remettre la notion du citoyen au centre du débat. Cela signifie aussi que les modes de représentation peuvent se modifier, par tirage au sort sur des périodes plus courtes par exemple plutôt que par élections (choix) et cela pousse à des responsabilisation plus grandes d'une population qu'il faut éduquer à tout prix pour éviter des désastres.

Faute de quoi, nous resterons avec des élites composées de martyres, de profiteurs ou de grandes gueules égocentriques qui ne nous mèneront nul part ailleurs qu'à de nouvelles servitudes plus violentes et plus durables encore.

 

Immigration, intégration et Europe

L'immigration est l'un des thèmes les débattus aujourd'hui, et encore plus en ces temps d'élections européennes. Comme le fait remarquer la Commissaire Emma Bonino, il n'y a pas de solution miracle, mais c'est en même temps un vieux "problème", qui va continuer encore pendant longtemps et qui n'a toujours pas trouvé de solutions satisfaisantes.

De plus, pour une Europe viellissante, tout le monde, même les plus populistes, s'accordent à dire que 20% d'actifs ne peuvent payer pour 60% de retraités sans massacrer le welfare state qui représente toujours, malgré son grignotage systématique et son appauvrissement, une des valeurs fondamentales voulues par les populations européennes. Il faut aussi bien dire que si autant d'immigrés viennent en Europe, ce n'est pas pour la beauté du geste. Ils ne viennent pas au Mali, ni en Afghanistan, mais en Europe, pour sa prosperité économique, pour sa stabilité judiciaire, pour son respect des individus et des droits humains. L'Europe doit être fière du rayonnement de ses valeurs au niveau mondial qui agissent comme une référence et qui font que notre continent possède (encore) un poids considérable sur la scène internationale. Ce n'est pas uniquement pour sa prospérité économique, qui d'ailleurs décline. Enfin, les populations immigrées ne viennent pas en Europe parce qu'elles veulent y imposer un état de fait qu'elles ont elle même fui mais bien pour profiter et faire vivre ces valeurs.

On oublie malgré tout que ces valeurs qui font de l'Europe un phare international mais ont également contribué à sa prospérité économique depuis la fin de la seconde guerre mondiale ne se sont pas construites à partir de rien du tout. Il s'agit de la résultante de siècles de batailles sanglantes et d'une histoire tourmentée que les populations des autres pays n'ont pas vécus. Devant des stigmatisations toujours plus nombreuses et profondes, devant une négation toujours plus systématique des droits humains, les immigrés font ce que tout être humain fait, même inconsciemment: reproduire ce qu'il connaît. C'est pour cela que les diasporas se forment, que les autochtones ne se sentent plus "chez eux" (comme pendant la colonisation), mais la grande majorité reste volontaire et active pour s'intégrer, apprendre, intégrer, vivre et promouvoir des valeurs humaines. C'est le grand projet de toute immigration avec en toile de fond, la responsabilité individuelle et celle des institutions qui devrait offrir un cadre législatif et institutionnel permettant de concilier les faits suivants: (1) la possibilité de chaque individu de se réaliser dignement et de pouvoir subvenir à ses besoins, (2) garantir les valeurs qui font que l'Europe est et reste encore un phare dans les valeurs internationales de respect des individus et des cultures, (3) garantir la sécurité des autochtones comme des migrants et (4) organiser à la fois le maintien et le développement des sytèmes d'organisation communautaires basés sur le welfare tout en permettant ce même développement dans les zones d'origine des migrants eux-mêmes.

Cela passe en premier lieu par une planification de la migration de masse, par un cadre institutionnel qui permette à chaque migrant d'arriver dans des conditions décentes, de participer à la prospérité européenne et de se réaliser petit à petit, par une intégration laissant la place à l'innovation et la créativité de chacune et de chacun, d'apporter sa pierre à l'édifice européen. Cela passe également par une politique qui, au niveau européen serait une politique volontariste de réindustrialisation de l'Europe en rapatriant les industries à faible valeur ajoutée pour les amener vers des industries à forte valeur ajoutée, dans des zones de développement spéciales qui seraient les premières portes d'entrée dans l'Europe. Cela donnerait également de la dignité, de la protection et une capacité d'intervention et de gestion accrue aux pouvoirs publics dans le respect de la concurrence et de l'innovation.

Car si l'Europe à fait l'essentiel de sa richesse sur sa capacité d'innovation, il est clair qu'au niveau collectif d'une population entière, cette capacité créative et d'innovation ne peut se développer qu'en donnant la chance à chacun de l'exprimer. De même, la démocratie ne peut vivre et se développer tout en gardant un sens sans un ensemble de devoirs auquel chacune et chacun qui y est soumis doit non seulement y concevoir son respect, son intégration intime et son apport individuel. Cela ne signifie pas que les systèmes de représentation populaires soient figés mais aussi qu'ils doivent évoluer pour refléter les changements techniques du monde et ses changements humains.

Au niveau de la sécurité, l'absence de sens et la stigmatisation quotidienne crèent une partie de l'insécurité, De l'autre, les mouvements extrémistes et particularistes ont toujours existés. Qu'ils soient islamistes, fascistes, narcos ou d'extrême gauche, ils restent tous des mélanges entre des intérêts de pouvoirs particularistes (il est commode d'aller  faire tuer des autres pour en retirer profit sous forme de pouvoir ou/et d'argent) et une réelle volonté d'expression et de reconnaissance parfois bloquée par les outils et systèmes de représentation.

En mettant en place des système d'immigration directement dans les pays d'origine des migrants, on éviterait des histoires terrifiante de migrants exploités, épuisés, massacrés sur le chemine d'une liberté et d'une prospérité qui n'agit que comme un mirage à celles et ceux qui n'ont pas forcément de choix. Et cette force de travail et d'innovation peut profiter à l'Europe.

Au lieu de vouloir "tous les rejeter à la mer", au lieu de subir ces vagues de désepérés que nous créons par notre mode de vie, organisons nous pour pouvoir en profiter et les en faire profiter eux aussi. Créons ces zones de développement spéciales pour réindustrialiser notre continent, lui redonner un souffle d'innovation et de culture et redonner la dignité nécessaire tant aux migrants qu'à nous-mêmes, populations européennes.

 

Ukraine: des élections à haut risque pour les valeurs Européennes

Et si l'avenir de l'Ukraine passait par la Suisse? En lançant cette petite question lors de la présentation à l'ONU de notre rapport intermédiaire sur la corruption politique et la criminalité organisée, j'étais loin de saisir toute l'ampleur qu'elle prendrait aujourd'hui. Les constats que nous avions déjà effectués l'année passée concernant les longues, douloureuses et profitables liaisons entre la Suisse et l'Ukraine prennent aujourd'hui un relief particulier, tant sur le plan politique que sur le plan judiciaire et criminel.

Sur le plan politique, l'Ukraine s'apprête à vivre des élections présidentielles qui seront certainement les plus tourmentées et incertaines de sa courte histoire. Entre l'est et l'ouest, le fossé, déjà bien marqué, s'approfondit chaque jour et en est à un stade abyssal. J'avais introduit en mars déjà, dans un petit mémorandum aux nouvelles autorités ukrainiennes, que la difficulté majeure, dans un pays marqué par la rupture et la violence dues à la radicalisation du mouvement de la place Maïdan et à la présence d'éléments néo-nazis d'un côté, et la propagande et aux manigances russes pour reprendre "leur" Crimée, de l'autre, à se réinventer un destin commun, était notamment l'instauration d'un dialogue national pour faire en sorte que les parties puissent se parler à nouveau, éventuellement s'écouter, pour pouvoir se réinventer.

Peu de "spécialistes" ont identifié un des principaux mal dont l'Ukraine souffrait et qui a peut-être causé sa perte: une construction institutionnelle inadaptée à la réalité d'un pays. Ce qui pouvait être possible il y a quinze ans ne l'est plus aujourd'hui. L'unique porte de sortie semble alors être une décentralisation sur le modèle fédéraliste, ce dont les autorités transitoires de Kiev, considérée comme illégitime par les partisans de plus d'autonomie dans l'est du pays, refusent catégoriquement. Pourtant, c'est cette centralisation, encore accentuée sous la présidence de Viktor Yanoukovitch, qui a encore renforcé et verticalisé les arrangements corruptifs en "institutionalisant" la corruption depuis la Rada (Parlement) et le Gouvernement jusqu'aux administrations et aux administrés. La verticalisation était elle-même une tentative de contrôle pour éventuellement pouvoir mettre fin à certaines pratiques, mais elle a malheureusement largement échoué car l'Ukraine n'est pas un pays que l'on peut verticaliserLes divergences sont profondes et l'impact des intérêts oligarchiques est tellement puissant qu'il empêche toute structuration verticale du pouvoir. La verticalisation était un mauvais calcul. Cela est facile de le mentionner après coup, mais certains candidats à la prochaine élection présidentielle, notamment Yulia Tymochenko, semble vouloir remettre l'ouvrage sur le métier, avec des intentions on ne peut plus troubles et corporatistes.

De Kuchma à Yanoukovitch, l'histoire de l'Ukraine et de ses présidents et surtout de ses premiers ministres a malheureusement trop souvent été une suite ininterrompue de pratiques kleptocrates et autoritaires au détriment de la population. On pourra dire que je fais du deux poids deux mesures, mais étant donné que son némésis Yanoukovitch ne reviendra certainement pas au pouvoir dans les dix prochaines années en tout cas, elle reste ce résidu d'Ukraine corrompue, au su et au vu de tous, qui doit agir comme repoussoir ultime alors qu'elle se présente pour diriger le pays. Ne jetons pas la pierre aux ukrainiens, nous avons également en Europe occidentale, notre lot de dirigeants corrompus et kleptocrates se présentant aux élections pour échapper à un triste destin judiciaire. Mais la dangerosité pour l'Europe et ses valeurs est aujourd'hui réelle. Il est parfois difficile de reconnaître ses erreurs et d'accepter d'en payer le prix. C'est a ce prix que l'Europe, tout comme chaque individu, peut garantir sa dignité. L'adage dit que l'on peut mentir à quelques uns quelques temps, mais pas à tout le monde tout le temps. Peut-être est-il faux après tout?

Le risque est grand que l'Ukraine, au lendemain du 25 mai prochain, ne s'enfonce encore plus dans la crise et dans la guerre civile en constituant un ventre mou criminel terrible pour l'Union Européenne et les Etats-Unis qui, les uns manipulés, les autres sans idées, et certains aveuglés par leur positions anti-russes, ne manqueraient pas une telle occasion historique de contaminer les démocraties occidentales par des pratiques criminelles sans foi ni loi. La proposition suisse et l'agenda du président de l'OSCE Burkhalter vont dans le sens d'un apaisement, mais les deux parties se détestent et se craignent tellement que les soit-disant "séparatistes" n'ont même pas étés invités au premier round de négociations. L'échec est donc programmé dans ces conditions. Le mal ukrainien est de vouloir faire d'un pays divers, complexe, riche et fier de ses différences un Etat unique et vertical, favorisant du même coup la corruption à tous les échelons. Comment voulez vous faire fonctionner une administration territoriale par régions ou les gouverneurs sont nommés par le pouvoir central et les parlements régionaux élus par les populations locales sans pouvoirs?

L'impunité et le nepotisme ont depuis longtemps ouvert la porte à toutes les dérives. Le débat national qu'avait lancé Maïdan était également biaisé depuis le départ en transformant une réelle volonté populaire de lutter contre une corruption endémique et normalisée en une lutte de pouvoir à plusieurs niveaux et entre de multiples acteurs. On est bien loin de la bagarre entre le bien et le mal que l'on a voulu nous faire croire en Europe pour servir des intérêts stratégiques au travers de manipulations qui ont commencé alors même que le premier accord de libre échange entre l'Ukraine et l'Union Européenne était à peine sous forme d'ébauche. Le mal est plus lointain, plus profond, et les ukrainiens et ukrainiennes n'ont jamais pu s'accomoder à une profonde expérience démocratique et un pouvoir corrompu et dirigiste. Maïdan a été volé à ses initiateurs comme la "révolution orange" l'avait été dix ans auparavant. Aujourd'hui le pays est mis en coupes réglées par des bandes criminelles qui avec leurs épaulettes officielles, rackettent et imposent leur loi aux citoyens. Ce sont les mêmes qui étaient utilisés par les intérêts privés de tous bords pour réaliser les "raids", ces prises de pouvoirs de sociétés par la contrainte dont l'Ukraine s'était fait une spécialité. Tous ces gens qui ont souvent été considérés comme les marginaux et la lie de l'Urkraine se retrouve aujourd'hui avec un pouvoir entre leurs mains, un pouvoir totalement arbitraire. Le même phénomène avait été constaté lors des tous premiers jours de la guerre dans les Balkans. Ce ne sont pas les productifs qui prennent les armes en premier lieu, mais les criminels, les individus avides de pouvoirs et aux idéaux extrémistes. Ils surfent sur des vagues de haine pour en nourrir leurs capacités et leur pouvoir. Il faut casser ces alliances ou du moins, en tant qu'acteurs extérieurs, ne jamais leur donner aucun crédit ni ne "jouer" avec eux. Lorsqu'on joue avec le diable, il faut savoir que c'est lui qui mêne la danse. Les américains en ont fait de trop amères expériences.

Sur le plan économique, les élites ukrainiennes ont prospéré grâce à un sens des affaire aigu couplé à un sens politique incroyablement affuté. Balaçant entre son puissant voisin de l'est et les promesses de sécurité démocratique, judiciaires et économiques de l'Europe, l'Ukraine n'a jamais pu "choisir" entre les deux, s'inventant une troisième voie où le seul véritable contre-pouvoir aux instances politiques était le pouvoir corporatiste des oligarques…ou l'inverse. Ce fragile, complexe et mouvant équilibre n'a pourtant pas empêché, même après l'assassinat du journaliste ukrainien Gongadzé, de se développer encore et encore, jouant sur ces rivalités et nourries de l'intérieur comme des puissances éxtérieures. Cette troisième voie aura fonctionné au détriment de la population qui se trouve aujourd'hui poussée dans la misère et la violence par la confrontation de ces mêmes pouvoirs sur un plan physique, territorial et militaire.

Sur le plan judiciaire, la bataille semble être à sens unique. Il y a quinze ans, les justices suisse et américaine s'étaient accomodées des va-et-viens du pouvoir ukrainien dans l'affaire Lazarenko. Les délits étaient tellement flagrants. Les preuves récoltées à l'étranger étaient accamblantes. Soutenues par des revirements de position du pouvoir ukrainien, les procédures judiciaires ont pu saisir d'exceptionnelles fenêtres d'ooportunité pour juger et condamner un ex-Premier Ministre, chose rarissime dans l'histoire judiciaire internationale. La justice est par contre totalement passée à côté de Madame Tymochenko qui, de co-conspiratrice dans l'acte d'accusation américain sur Pavlo Lazarenko, disparaît soudain des radars judiciaires: on comprendra pourquoi quelques mois après la condamnation de l'ex-Premier Ministre aux Etats Unis (de son "mentor" (dixit sa propre page Wikipedia)) lorsque Madame Tymochenko se retrouve avec tresses blondes et sourire angélique sur tous les écrans de télévision du monde en tant "qu'hégérie de la révolution orange" ce qui, avouons-le, est faire peu de cas des aptitudes démocratiques des ukrainennes et des ukrainens qu'ils ont pourtant démontré à maintes reprises. Droguée au pouvoir, revancharde, croulant sous des accusations de corruption et une longue carrière politique entachée de procès, de détournements de fonds et de crises internationales (sans mentionner la totale inefficacité politique), Madame Tymochenko n'aura échappé de la prison qu'au travers de son immunité parlementaire, de son flair politique inné, de sa communication machiavélique et de son sens impitoyable des affaires et du pouvoir. Nous laisserons chacun faire son idée sur la dame suite aux documents publiés récemment sur le site www.transparencyreport.org.

Le peu d'entrain des Etats comme la Suisse, les Etats Unis, l'Union Européenne ou d'autre pour récupérer cet argent qui, identifié et localisé, dort depuis quatorze ans sur des comptes étrangers, est à mettre en relation avec l'empressement parfois très revanchard de la nouvelle équipe dirigeante de Kiev d'imposer des listes d'individus criminels à rechercher. Si les enquêtes sur les fortunes de la "Famille" sont légitime, la différence de traitement et d'empressement de la justice montre à nouveau qu'elle est largement dépendante du politique et loin de l'indépendance dont on la qualifie certaines fois. Heureusement, certains magistrats qui n'hésitent pas à nager à contre-courant font un travail remarquable, s'affranchissant des pressions politiques pour tenter, envers et contre tout, de faire appliquer la loi. Il n'a pas fallu trois mois pour bloquer les avoirs des membres du "clan" Yanoukovitch, cassant au passage certains pots et certaines alliances. Tout le monde savait depuis longtemps où tout cela se trouvait.

S'il est de la responsabilité des ukrainennes et des ukrainiens de se trouver une avenir en évitant les erreurs du passé, il est de la responsabilité des Etats extérieurs, notamment de l'Union Europenne pour laquelle tant d'Ukrainens ont manifesté leur attachement à Maïdan, de les aider à recouvrer les avoirs qui leurs ont étés spoliés par quinze ans de kleptocratie d'une part, et, d'autre part, de leur donner l'espoir qu'ils peuvent compter sur des alliés fidèles, aux valeurs sûres, empêchant leurs criminels de se cacher à l'étranger afin d'échapper à leurs responsabilités.

L'Ukraine n'est pas un pays quelconque. C'est un pays immense, stratégique pour le monde comme pour l'Europe et la Russie. C'est un pays riche qui doit devenir prospère. C'est un pays massacré par la faute de ses propres élites et de certaines politiques étrangères. C'est un pays que nous, occidentaux et Suisses en particulier, pouvons largement aider à reconstruire, tant sur le plan moral que sur le plan économique. L'Ukraine est devenu notre miroir. A nous de savoir si nous serons capables d'affronter notre propre reflet.

Corruption et transparence

Je suis tombé ce matin sur la fameuse «viral vid» de Bill Gates lancée depuis le Jimmy Faloon show à propos de son nouveau site « gatesletters ». J’y suis allé, et je suis tombé sur un document écrit en français parfait, signé Bill et Melinda Gates, concernant les fausses idées sur le développement, la pauvreté et l’aide humanitaire http://annualletter.gatesfoundation.org/fr. Il s’agit en fait de la lettre annuelle de la Gates Foundation 2014.

Ce qu’il y dit à propose de la corruption, en l’état concentré sur la corruption dans l’aide humanitaire, a fait résonner en moi un échos de réflexions posées il y a plusieurs mois concernant la relation complexe entre la corruption et la transparence.

Confronté constamment dans mon travail à l’Indice International de la Corruption édité et publié chaque année par l’ONG Transparency International, j’ai participé à de nombreux débats sur la qualité et l’utilité de cette intiative. Qui aujourd’hui ne connaît pas le TI Corruption Index? Il est utilisé partout, par les gouvernements, par les entreprises privées, par les banques, par les assurances, etc. Il est la bible. Pourquoi?

Qui s’intéresse à sa constitution? Bien peu de monde en vérité. C’est sans aucun doute parce l’initiative, pour imparfaite et parfois biaisée qu’elle puisse être, donne une des première et des seules informations «valide» portant sur un sujet particulier à l’échelle de la planète. Et ceci depuis plus de 10 ans. Il est clair, cela est bien pratique.

Malheureusement, personne ne songe à contrebalancer cet index avec un autre index, annuel lui aussi, élaboré et publié également par Transparency International qui est l’indice des pays et industries corruptrices (Bribe Payers Index (BPI) – http://bpi.transparency.org/bpi2011/). Comme on pourra le voir, cet index la s’arrête en 2011.

Gates quand à lui, indique que les montants à payer pour des justifications inexistantes ou indues dans l’aide humanitaire sont à considérer comme une forme de taxe. Et cette taxe ne doit en aucun cas prétériter la légitimité de l’aide en soit puisque les effets sont là et que cette taxe serait un mal nécessaire vouée à disparaître une fois un niveau de développement suffisant atteint.

La même réflexion était venue il y a plus de 10 ans, au plus fort des affaires de corruption touchant de plein fouet les grands patrons de l’industrie américaine: les ENRON, les WorldCom, etc. Le juge Spitzer, avant qu’il ne se soit fait prendre dans des affaires de mœurs, avait une politique claire: punir les coupables certes, mais sans détruire les moyens de production. En clair, ne pas punir la société toute entière pour des faites de quelque uns ou en gros, ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain comme on dirait chez nous.

Au fil de ces réflexions, il m’est revenu en mémoire les cris d’orfraie que poussaient les ONG et les gouvernements européens, français en tête, toute morale dehors, et claquant au vent, divulguant au monde que les entreprises suisses actives à l’étranger pouvaient déduire de leurs revenus les «paiements de facilitation» versés à l’étranger, que ce soit pour acquérir des contrats ou encore pour en assurer le bon fonctionnement local. Le Suisse s’était trouvé même très mal à l’aise devant ce qui apparaissait comme une véritable ineptie qui, à cause de la volatilité des références morales internationales, se trouvait cette fois fort déplacée.

En y réfléchissant et en mettant ces éléments bout à bout dans une optique de la lutte contre la corruption, l’idée qu’une ONG appelée Transparency International puisse ainsi stigmatiser la «corruption» de pays entiers dans un effort certes louable semble ne couvrir qu’une infime partie des possibilités.

Certes, la corruption est devenue plus cachée puisque non seulement elle est moralement, mais également judiciairement réprouvée. L’OCDE a également émis une série de lignes de conduite pour ses Etats membres afin de lutter contre la corruption d’agents publics étrangers.

Ces efforts sont certes intéressants mais amènent à des aberrations: le parlement roumain ôtant à ses députés, ministres, avocats ou maire la notion «d’agent public», se soustrayant du même coup à l’applicabilité du droit européen…la Bulgarie traînant les pieds dans l’application de certaines directives de l’OCDE et de l’Union Européenne. Mais ce ne sont pas seulement ces Etats d’Europe de l’Est qui proposent des faux bonds aux recommandations: les Etats de l’Europe de l’Ouest, le Canada ou les Etats Unis eux mêmes se gardent bien d’adopter des réglementations qui seraient fort nocives à leur compétitivité et à la suprématie technique dans tel ou tel secteur de leurs industries exportatrices. Moral d’accord, mais con pas question.

Du coup, il me semblait peut être intéressant, dans un soucis de transparence, de faire en sorte que tous les Etats puissent adopter comme principe fiscal la déductibilité des paiements de facilitations dans les pays dans lesquels elles investissent. On aurait au moins une idée de ce qu’il se passe. On pourrait alors, puisque l’avantage économique est parfois bien clair et bien compris pour l’entreprise remplissant sa fiche d’impôt, de savoir où, combien et pourquoi des sommes importantes sont mises à l’abri des bénéfices. Cela permettrais également de donner un petit vent de fraîcheur dans une finance parallèle florissante à cause de ces ensembles d’interdictions inapplicables finalement, soit par moyens, soit par volonté.

Mais comme le mentionne les Gates, cela pourrait également permettre aux investisseurs étrangers de quantifier cette taxe, de prévoir leurs risques financiers et de faire également jouer la concurrence économique sur ce plan là.

Une déclaration en bonne due et forme donne des chiffres intéressants. Elle met également les différents pays sur un pied d’égalité, ce qui n’est pas forcément le cas avec le TI Corruption index. Tant les pays originaires que destinataires pourraient avoir des moyens de se comparer et de se confronter à ces données là.

Je suis de l’avis que dans la lutte contre la corruption, la transparence est la meilleure arme. Et la morale est dans ce cadre bien mal placée puisqu’elle se mue rapidement en juge d’individus qui vivent des histoires et des cultures très différentes.

Le monde et les sociétés humaines dans lesquelles nous vivons ne sont pas «terminées». Seules les démocraties et les états de droit fantasmés s’érigent en références morales à l’aune desquelles les gouvernements, entreprises et individus sont jugés sans pitié. Une telle attitude ne convient pas à la réalité. Notre monde n’est pas parfait. Il évolue. Il est perfectible en tout point. Il se doit d’être adaptable et de faire une place à chacun afin que chacun puisse y trouver sa place. En cela, ouvrir le débat sur la transparence dans les paiements que les entreprises d’ici ou de là bas paient ici ou là bas serait une bonne chose, tant individuellement qu’économique et politiquement, permettant de sortir le débat d’une moralité figée.

 

Les fonds douteux et l’hôtellerie de luxe en Suisse

On entends de plus en plus de reportages concernant tel ou tel projet d'investissement dans les Alpes, tel ou tel investisseur défrayant régulièrement la chronique sur des projets plus ou moins hors normes ou pharaoniques, avec la ribambelle de questions sans réponses des journalistes quand à la provenance ce ces fonds. Le rapport de la FEDPOL 2012 sorti il y a quelques jours n'est peut être pas étranger à ce regain d'intérêt journalistique pour des affaires qui, par leur dimensions et leurs structures quelque peu inhabituelles, interpellera forcément le citoyen.

En préambule toutefois, loin de moi l'idée de fustiger des investissements dans notre pays, et en particulier dans nos régions alpines qui sont certainement plus exposées que d'autres au sous-développement, au manque d'infrastructure, d'emploi et qui se dépeuplent de leurs jeunes forces en quêtes d'opportunités et de possibilités qu'ils ne trouvent plus chez eux. Les investissements alpins sont des bénédictions pour autant qu'elles respectent les cadres environnementaux, culturels et légaux, soit ce que la Suisse à de mieux à offrir en plus de ses splendides paysages alpestres et cette sérénité des alpages.

Force est de constater que les exemples, même à mon petit niveau, s'accumulent et posent des questions concernant les sources de financement, au delà de l'image, naturellement caricaturale, de l'investisseur amoureux du paysage et grand bienfaiteur de régions entières, apportant une manne significative dan des projets hôteliers qu'ils soient de luxe ou non.

Je me rappelle il y a une année, un magistrat italien de Reggio Calabria pointant du doigt certaines fiduciaires tessinoises qui investissaient dans les régions du haut valais. Je me souviens également ces quelques notables du fond de vallée qui s'interrogeaient sur le manque de curiosité des autorités et des médias sur la situation de l'hôtellerie de montagne dont plus des deux tiers serait en faillite virtuelle (sic !!!). Je me souviens de ces investissements réalisés par des dentistes pour créer des bâtiments énormes pour des lieux périphériques. Et je me dis encore aujourd'hui: comment se fait-il qu'un magistrat, du fond de sa Calabre sous-développée m'indique à moi les endroits en Suisse où il conviendrait de pointer son nez (à mes risques et périls). C'est le monde à l'envers et un sacré coup à la conscience professionnelle il faut bien le dire. Et en plus vérifications à l'appui, des fleurons de l'hôtellerie de montagne, en tout cas dans 3 cas identifiés dans le Haut Valais, semblent confirmer cette analyse du magistrat calabrais. Des lieux hors de tout doute et de tout soupçon. Des lieux où chacune et chacun d'entre nous aura passé au moins une fois dans sa vie ou y passe encore.

Moins "mafieux" mais pas forcément moins douteux, les projets se multiplient: à Aminona, Loèche les Bains, Champéry, Andermatt, Villars-Sur-Ollon, la Gruyère. Hotels de luxe, bains thermaux, le tout à la fois combinés avec des projets immobiliers à la vente après une initiative Weber qui fait encore frissonner le Valais. Et tous ceux que je ne connais pas….. Tous ces lieux magiques qui marquent, ont marqués et marqueront encore des générations de Romands créés ou proposés sans que l'on se demande minutieusement d'où proviennent ces fonds. La question ne serait pas intéressante s'il ne s'agissait pas d'infrastructures et de bâti parfois colossaux. Que se passerait-il donc si de telles installations venaient à être saisies, faute de fonds, décisions de justices, voire même ventes forcées ? Nous n'avons pas en Suisse de dispositions légales concernant la réutilisation des biens saisis. Qui prendra le risque, au nom de la loi et parfois de la loi étrangère, de laisser de telles balafres dans le paysage, des ruines industrielles au milieu d'un paysage enchanteur ? Qui viendra justifier de ces biens fondés et reprendre à son compte des installations surdimensionnées ou dont l'utilisation n'a de sens que dans un réseau bien particulier de ceux qui les ont imaginés. Vas t'on être encore otage du "too big to fail" jusqu'à ce qu'un plus gros et plus fort ne nous impose sa marche à suivre, ayant défiguré notre paysage, mis des gens au chômage à la pelle et massacré des économies déjà fragiles ?

Un peu plus de suivi, de questions, de curiosité serait bienvenu. De défiance parfois. En écrivant cela, je me sens tout à coup très valaisan. C'est sans doute ce qui sauvera encore ces régions de montagne: la conscience d'appartenir à une communauté qui tire sa richesse et sa force de son caractère bien trempé.

Différend fiscal: un diktat américain?

La Suisse n'aime pas être bousculée. Ses vénérables institutions encore moins. Surfant sur la vague du "tout transparent", notre Conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf revient des Etats-Unis avec ce fameux accord de réglement global qui ne dit rien ce qu'il implique. La classe politique Suisse se déchire face à ce "diktat inadmissible", au "besoin de protéger les employés de banques" et à "l'acceptation implicite de voir certaines banques êtres mises en faillites, parmi elles, des banques cantonales". Un des éléments de cet accord de "réglement global" serait de payer une amende correspondant à un pourcentage des fonds sous gestion des banques suisses, sans pour autant que l'on sache ni le fameux pourcentage, ni le nom des banques visées, ni même si cela mettrait effectivement fin aux poursuites judiciaires américaines. Le 5 juin dernier, le Conseil National refuse l'entrée en matière sur la mesure urgente qui n'est évidemment pas soumise aux droits populaires. Le "plea bargain" entre Etats à du plomb dans l'aile.

Disons-le tout net, les autorités américaines ont raison de se comporter de la sorte. Du point de vue de la justice d'abord, ils font appliquer leur droit en dénoncant des fraudeurs fiscaux, un crime outre-Atlantique, et tous ceux qui les ont aidé de manière active. Du point de vue de la realpolitik ensuite, puisque les Etats-Unis ont la maîtrise des moyens de paiement, la puissance économique, financière et les relais techniques, poltiques et économiques sont bien huilés et au garde à vous. Les Etats-Unis défendent leurs intérêts. Ailleurs, ils balancent des bombes et des drones.

D'un autre côté, les banques suisses et étrangères établies en Suisse ont joué, elles ont perdu. Pendant des décennies, notre secteur financier a fait de l'hébergement d'argent soustrait à des "régimes fiscaux intolérables" un modèle économique. On pourra argumenter encore longtemps sur la folie de certains d'avoir pensé qu'un tel modèle pourrait perdurer éternellement. On pourra se scandaliser sur la mauvaise gestion de cette crise sectorielle par ses principaux acteurs. On pourra pousser des cris d'orfraies citoyens pour critiquer le gouvernement fédéral voire certaines gouvernements cantonaux et son rôle joué dans ce jeu d'échec, d'un côté parce qu'il est trop actif, de l'autre parce qu'il ne l'est pas assez. On s'écharpe aujourd'hui sur les conséquences inconnues d'un tel accord et sur la manière dont il est présenté.

Il y a une chose pourtant qui est détestable: la population Suisse risque de payer la note des crimes commis par quelques-uns. C'est inacceptable. D'autres éléments du débat font sourir par leur naïveté ou leur mauvaise fois, par leur incompréhension manifeste ou par leur argumentation sophiste. On pourra s'élever de manière plus ou moins virulente contre la manière dont les Etats-Unis traitent "la Suisse", ses institutions et ses procédures, ses pratiques et son droit démocratique. On aura raison. Mais utiliser cette manière brutale comme excuse pour "passer sous le tapis" les crimes (selon l'appellation américaine) commis par certaines banques suisses est pour le moins ridicule, voire dangereux. Certes les populations pachtounes se plaignent des attaques de drones, des innocents que ces dernières tuent, mais cela ne fait pas oublier ce que les Etats-Unis ont subis ces dix dernières années de guerre. C'est un peu la même chose, le petit, le faible, hurlant son bon droit et ses coutumes piétinées par le puissant en oubliant que les mécanismes dont il est partiellement responsable les a menés à cette tragique situation.

La Suisse ne va certainement pas se prendre des attaques de drones américains dans la figure. Mais si il y a une chose à faire, c'est laisser les établissements fautifs régler leurs problèmes. Depuis quand la banque est-elle une institution étatique? Depuis quand une entreprise ne peut-elle faire faillite si elle a commis des actes qui se trouvent être découverts et poursuivis sans pitiés par une partie adverse. Je ne suis pas forcément "garantiste" à tout prix mais il est temps que ceux qui ont fautés paient pour leurs fautes. Et si des banques suisses font faillite, et bien tant pis. Ni le Gouvernement, ni le Parlement, ni aucun organisme étatique qui ne soit pas partie au problème ne devrait être impliqué. Nous avons des institutions, nous avons un droit, nous avons des valeurs et ces dernières sont importantes à défendre. Si cela nous en coûte, et bien c'est à cette aune que nous en mesurons notre attachement. Si elles se bradent au premier coup de canon, c'est qu'elles ne valent pas grand chose.

On rétorquera que cette stratégie portera sans aucun doute à une forte augmentation du chômage dans le secteur bancaire. A cela je réponds: si la FINMA et les différentes institutions de contrôle font correctement leur travail, elles permettrons la création d'autres banques qui embaucheront ces employés qualifiés désormais disponibles, au lieu de laisser le secteur bancaire et financier se concentrer en quelques "too big to fail". D'autre part, si des employés "forcés" par leurs hiérarchies de commettre ces actions poursuivies aux Etats Unis doivent être protégés, et bien qu'ils déposent plainte contre leurs ex-employeurs, qu'ils se portent partie civile, ou alors qu'ils renoncent à passer leurs vacances à New York.

En laissant les fautifs subir de plein fouet le retour du bâton du guignol, la Suisse renouvelle son attachement à l'Etat de droit, sans pour autant subir ce "diktat" politiquement manigancé qui sent l'arbitraire et la loi de la jungle à plein nez. Cela signifie aussi que la Suisse n'est pas prête à renoncer à ses valeurs fondamentales, dont l'Etat de droit fait partie. En cela, nous nous respecterons nous-mêmes et nous gagnerons le respect de nos détracteurs. N'oublions pas que le droit sert à une chose: mettre le fort comme le faible sur un plan égal et faire avancer la justice.