YES : une démarche innovante pour former les entrepreneurs de demain

Young Enterprise Switzerland (YES) développe des programmes de formation économique afin de connecter l’économie et l’école. Des élèves de 16 à 18 ans ont ainsi l’opportunité de créer leur mini-entreprise. L’initiative lancée en Suisse alémanique en 2006 se développe en Suisse romande depuis 2014.

Pour l’édition 2019-2020, sur un total de quelques 200 mini-entreprises au plan suisse, seules six étaient romandes, dont deux neuchâteloises. L’Ecole supérieure de commerce du Lycée Jean-Piaget à Neuchâtel a été pionnier en tant que première école romande à participer à ce projet en 2014.

Comment débute un projet YES ?

Selon le témoignage recueilli auprès de Pascal Debély, enseignant d’économie et coach d’équipe YES au Lycée Jean-Piaget à Neuchâtel, l’activité est présentée au mois de mai de la première année auprès de 50 à 70 élèves. Les personnes intéressées sont invitées à adresser une postulation d’une demi-page qui décrit leur motivation. Vingt personnes environ sont sélectionnées sur la base de l’énergie qui se dégage de chaque personne et pas de ses notes. Puis, les candidats passent un entretien individuel de dix minutes. Au final, douze personnes sont retenues, qui sont par la suite réparties dans deux équipes de six, selon les profils et les affinités. Les deux équipes sont alors invitées à une séance pour leur expliquer le déroulement du projet et ce qu’elles auront à faire durant les vacances d’été. Il s’agit d’une part de trouver un projet concret, et, d’autre part, de répartir entre les participants les domaines de Direction, Administration, IT, Marketing, Finances, Production et Ventes. Au mois de juin, les équipes sont constituées.

L’équipe de BÂCH&CO lors du concours suisse en mai 2019. Photo : Lycée Jean-Piaget

Et ensuite ?

A la rentrée en deuxième année, les deux équipes sont invitées à une rencontre. Les projets choisis sont discutés et le cadre de travail est fixé. Les équipes doivent ensuite définir un produit, choisir son nom, concevoir son logo, mettre en place sa production et en assurer la commercialisation. En septembre, cette étape doit être terminée. Mi-octobre, le prototype est présenté lors de la cérémonie d’ouverture YES à l’école. A cette occasion, les équipes lèvent des fonds à hauteur de 3000 francs au maximum sous forme de bons de participation de 15 francs des parents et amis présents. Cet «actionnariat» leur permet de financer la fondation de leur entreprise et de poursuivre leur projet. La production et la distribution démarrent ensuite avec des ventes dans les marchés de Noël. Le plan d’affaires doit être livré à YES en janvier. Le concours régional YES se déroule en mars à Neuchâtel, l’européen en avril et le national en mai à Zurich. Pour chacun de ces concours, les deux mini-entreprises conçoivent un stand à l’image de leur produit. Le rapport de gestion doit être transmis à YES en mai. Puis, les équipes procèdent au bouclement des comptes et à la liquidation des stocks. En juin, le projet se termine par la cérémonie de clôture à l’école avec les «actionnaires». A la fin de cette deuxième année, les élèves reçoivent leur note de travail de maturité, évalué sur des critères tels que le comportement en équipe, la motivation, l’attitude face aux problèmes ou l’implication dans le projet.

Rôle des coaches

Les coaches sont des enseignants qui accompagnent les équipes YES. A l’instar de Pascal Debély, ils apprécient de diversifier leur enseignement. Ils y voient une opportunité d’innovation et de challenge stimulante. Leur rôle est d’accompagner, encourager et guider les équipes. Ils ne leur disent pas ce qu’elles doivent faire mais leur laissent beaucoup de liberté. Ils aident les participants à faire le lien entre ce qu’ils veulent transmettre et leur marché potentiel. Les coaches doivent surtout leur dire ce qu’il n’est pas possible de pas faire sur la base de l’expérience des projets antérieurs, comme un projet trop compliqué ou des produits trop chers. C’est en quelque sorte un rôle de garde-fou.

Pascal Debély, enseignant et coach YES. Photo: Laura Perret

Motivation et bénéfices pour les jeunes

Pour les participants, c’est l’occasion de mettre en pratique leurs acquis de formation et de prendre de véritables responsabilités dans un projet innovant. Ils rêvent de créer leur propre entreprise et ils apprécient le travail en équipe. Grâce à ce projet, ils découvrent par eux-mêmes toutes les étapes, les joies et les difficultés de la création et de la gestion d’une petite entreprise, ainsi que la commercialisation d’un produit. Ils touchent à beaucoup de domaines professionnels comme l’économie, la commercialisation, la communication, l’informatique, le droit ou les finances. Ils vivent une expérience humaine unique de collaboration au sein d’une équipe. Ils présentent leurs réalisations à Zurich et en Europe dans des langues étrangères. Ils apprennent à parler aux médias et en public. Ils réussissent chaque année, et sans aide, à trouver une personnalité pour leur concept marketing, par exemple Bastian Baker ou Didier Cuche. Les participants développent également leur réseau, en cherchant des informations, des ressources et de l’aide, auprès de parents, d’amis ou de chefs d’entreprises. Par la suite, ils feront partie du réseau d’alumni YES international.

« Si le bénéfice ne figure pas forcément dans le compte d’exploitation, il est en tous les cas dans la tête et dans les acquis de ces douze étudiants ! A la cérémonie de clôture, ces jeunes ont grandi, mûri et gagné en assurance. » Pascal Debély, enseignant et coach YES

Tout est rose ?

Ce serait illusoire de croire que tout est rose. Il peut y avoir des problèmes avec les fournisseurs. En Chine par exemple, les coûts de production sont bas, mais la qualité et les délais laissent à désirer et il n’y a pas de contact personnel direct. La vente n’est pas facile non plus. Les équipes participent à des foires commerciales ou des marchés de Noël. Enfin, les délais à tenir sont stricts. Ces difficultés font partie de l’expérience et sont bénéfiques en termes d’apprentissage.

Exemples de mini-entreprises YES du Lycée Jean-Piaget

En 2016, le projet Cook’easy a produit un récipient pour réaliser diverses recettes de cuisine. L’équipe a gagné le premier prix du concours régional et le 2e prix du concours national à Zurich, parmi 220 teams. En 2017, le projet Movie’t a réalisé un mini-rétroprojecteur pour smartphone en bois et sans électricité. L’équipe a gagné le concours régional; elle s’est classée dans les 22 meilleures formations de Suisse au concours national et a participé au concours européen en Lituanie. En 2019, Drink’eat a commercialisé des pailles comestibles et aromatisées. Arrivée dans le top 22 au classement suisse, l’équipe a remporté le prix YES Media Award 2019 attribué par des professionnels alémaniques de la publicité. Ce prix consiste en une publicité professionnelle télévisée réalisée en studio qui passera à l’antenne sur deux chaînes zurichoises. Enfin, avec ses sacs banane en bâche de bateau recyclée, l’entreprise BÂCH&CO est arrivée dans les huit premières équipes suisses au concours national.

L’équipe de Drink’eat lors du concours suisse en mai 2019. Photo : Lycée Jean-Piaget

Et après ?

Certains projets tels que Cook’easy et Drink’eat continuent au moins une année. Une fois leur cursus terminé, les équipes se dispersent et les chemins se séparent. L’expérience reste cependant très utile sur un C.V., à l’image de cette alumni YES du Lycée Jean Piaget qui a poursuivi sa formation à Saint-Gall et qui a été engagée par un employeur, lui aussi ex-participant YES.

Références

Young Enterprise Switzerland YES

YES du Lycée Jean Piaget à Neuchâtel

Laura Perret

Responsable nationale du secteur Formation et membre de la direction de la Haute école fédérale en formation professionnelle (HEFP), Laura Perret est une experte du système suisse de formation. Elle allie sa passion pour l’humain et sa vocation pour la formation afin de permettre aux personnes de se former à leur métier de coeur et aux entreprises/organisations de disposer de professionnels qualifiés pour réaliser leur vision. Elle est aussi coach, superviseure, facilitatrice et formatrice d’adultes.