L’interdisciplinarité source d’innovation

Vous voyez le verre à moitié vide ou à moitié plein ? Et si vous choisissiez de le voir désormais entièrement plein ?

Des questions lancinantes agitent le monde de l’éducation depuis toujours : que faut-il enseigner à l’école ? Comment préparer au mieux les jeunes au monde qui les attend ? Quelles sont les compétences à développer ? La formation professionnelle, maillon essentiel du système éducatif suisse, est-elle aussi prise dans ces réflexions. La Haute école fédérale en formation professionnelle HEFP, l’institution chargée – entre autres – de la formation des enseignant-e-s de la formation professionnelle, a choisi d’explorer la voie de l’interdisciplinarité pour innover de manière durable.

Article coécrit avec Nicolas Rebord

Disons d’emblée et sans trop de prudence que le monde d’aujourd’hui impose des défis importants à la jeunesse et globalement à toute l’humanité. Il s’agit de défis complexes qui vont des manifestations de phénomènes liés au changement climatique aux défis posés par l’augmentation de nos besoins énergétiques en passant par les enjeux migratoires et bien d’autres choses encore. Face à ces défis, nous retrouvons souvent deux postures. La première est alarmiste (voir le verre à moitié vide) : peu d’espoir, la planète se meurt et l’humanité avec elle. La deuxième posture est plus engageante (voir le verre à moitié plein) : des solutions existent, l’humanité cherchera et trouvera les ressources pour surmonter ces défis. Néanmoins, l’optimisme comme le pessimisme ne garantissent pas l’action – et il faut agir – c’est pourquoi nous ne choisissons ni le verre à moitié vide, ni le verre à moitié plein, nous choisissons un verre plein, rempli d’un pragmatisme philosophique que John Dewey approuverait : passer à l’action, faire et agir pour sortir du simple état d’esprit !

Comment trouver des réponses créatives aux défis complexes ?

C’est adossé au constat qu’il faut et qu’il faudra encore et pour longtemps trouver des réponses créatives et innovantes à des défis complexes que la HEFP s’est engagée depuis plus de 15 ans sur la voie d’une solution possible.

Cette voie prend appui sur un module intitulé “approfondissement de la didactique dans la formation professionnelle” qui fait partie de la formation pédagogique des enseigant-e-s de la formation professionnelle. Ce module invite les enseignant-e-s de la formation professionnelle qui se forment à la HEFP à conduire des projets en compagnie de leurs apprenti-e-s. Ces projets sont réalisés par des apprenti-e-s d’écoles, de régions et de métiers différents, encadré-e-s par des enseignant-e-s également d’écoles, de régions et de métiers hétéroclites. Ces projets prennent corps soit à partir de défis qui naissent d’une situation problématique (Yamada, 2022) à résoudre, soit à partir de la mise en œuvre d’une idée (Yamada, 2021). Pour ce faire, le module intègre des concepts d’interdisciplinarité (Morin, 1990), de complexité (Morin, 2005), de co-dérive naturelle et d’énaction (Varela et Maturana, 1994), d’imprédictibilité de l’activité humaine et d’activité collective (Rebord, 2014), de pédagogie différenciée (Perrenoud, 1997) ainsi que de durabilité (Raworth, 2018).

Et concrètement, cela se passe comment ?

Pour permettre la recherche de solutions créatives, nous proposons notamment de jouer avec l’hétérogénéité, en mettant au travail, sur un même projet, des personnes venant de métiers et de milieux différents. Nous postulons ainsi que des solutions innovantes pourront plus facilement émerger. Comme le dit si bien le physicien et climatologue français Jacques Labeyrie « Quand on ne trouve pas de solution dans une discipline, la solution vient d’en dehors de la discipline » (cité par Edgar Morin, 1990). Loïs Meusy, apprenti électronicien de 3ème année a participé au projet de réalisation d’une maquette didactique servant à expliquer les principes de base d’un automate, il évoque à ce sujet :

Ce qui m’a le plus intéressé dans ce projet était de voir avec les différents métiers ce que nous allions réaliser comme résultat. Loïs Meusy, apprenti électronicien de 3ème année

et son enseignant Nathanaël Sunier d’évoquer à son tour :

J’ai aimé collaborer avec d’autres corps de métier, étendre mon panel de possibilités techniques pour rendre possible la réalisation de cette magnifique maquette didactique pour le Musée d’Art et d’Histoire de Neuchâtel. Nathanaël Sunier, enseignant

La rencontre entre les disciplines crée potentiellement un terreau propice à l’émergence de solutions innovantes. De plus, cette émergence est imprédictible et imprévisible – les innovations découlant de la rencontre des disciplines relèvent d’une forme de sérendipité – de découvertes inattendues.

Pour illustrer tout à la fois le concept de sérendipité et en même temps expliquer notre démarche nous vous proposons la lecture de la petite histoire “Monsieur Louis Vuitton ou les jolis hasards de la vie.” dans l’encadré ci-après.

L’équipe qui a contribué à la réalisation du « DISTRIBUTOO » – un distributeur de nourriture saine et locale à destination des écoles. Le projet a été réalisé entre des informaticien-ne-s, des menuisières et menuisiers, des micromécanicien-ne-s et des médiamaticien-ne-s. Photo (2022), Nicolas Rebord, HEFP.

Dans le cadre des projets, indiquons encore que la HEFP fixe deux éléments à prendre en compte. Tout d’abord, le projet doit être accessible à toutes et tous, y compris les personnes en situations de handicap. Ensuite, le projet doit prendre en considération le développement durable (nous renvoyons ici le lecteur à l’article du même blog intitulé : Quel est le rôle de la formation dans les enjeux climatiques ?).

Quels sont les résultats ?

Citons directement, quelques exemples de projets comme la porte automatique pour personnes handicapées réalisée par des dessinateurs, des aides en soins, des automaticiens et des électriciens. Évoquons aussi le support à gobelet pour personnes handicapées réalisé par des automaticiens, des informaticiens, des professionnels de la restauration et des peintres en carrosserie. Signalons encore la robe de lumière en soie parsemée de 250 diodes électroluminescentes (led) conçue par des étudiant-e-s de l’École de couture et des apprenti-e-s en électronique (https://www.20min.ch/fr/story/une-robe-de-lumiere-193042580499). Mentionnons encore la maquette didactique expliquant les principes de base d’un automate (photo ci-dessous) réalisée par des horlogers, des électroniciens et des polymécaniciens et bien d’autres projets à découvrir

ici : https://www.hefp.swiss/manifestations/le-souk-2022
ou là : https://www.education21.ch/fr/lesouk2019/portes-ouvertes
et encore ici : https://www.24heures.ch/les-apprentis-innovent-pour-ameliorer-le-quotidien-175847934761

La HEFP organise chaque année une journée ouverte au public : le SOUK. À cette occasion, les futur-e-s formatrices et formateurs à la pratique professionnelle de différents centres de formation seront accompagné-e-s de leurs apprenti-e-s pour présenter leurs réalisations. En 2023, l’événement se déroulera le 31 mai : nous vous y attendons nombreuses et nombreux !

Maquette didactique exposée au Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel expliquant les principes de base d’un automate. Photo (2022) réalisée par Denis Likoski – apprenti médiamaticien en 2ème année à l’État de Vaud.

Compétences du futur

Notre approche ne relève évidemment pas d’une coquetterie pédagogique, il s’agit de répondre à des besoins bien réels notamment ceux d’un marché du travail en pleine mutation. Former du personnel qualifié apte à faire face aux défis actuels et futurs c’est l’une des missions qui nous guide.

Lorsque nous mettons au cœur de notre dispositif les concepts d’interdisciplinarité, de complexité, d’activité productive et collective, d’imprédictibilité de l’activité humaine et de durabilité, nous favorisons l’éclosion des compétences nécessaires pour pleinement s’installer dans un monde en mutation. En 2021, un rapport du cabinet de conseil McKinsey (Defining the skills citizens will need in the future world of work) définissait les compétences dont les citoyens auront besoin dans le futur. Parmi les compétences relevées par McKinsey, nous pouvons en relever trois fondamentales que notre approche permet de recouvrir : le travail d’équipe, la pensée critique et l’agilité intellectuelle. Le rapport “Futurs of Jobs – Top 10 skills of 2025” du World Economic Forum (WEF) paru en 2020 évoquait les dix principales compétences professionnelles de demain (Les dix principales compétences professionnelles de demain – et le temps qu’il faut pour les acquérir). Au nombre de celles-ci, nous pouvons dégager cinq compétences que notre dispositif permet de développer : la pensée analytique et l’innovation, les stratégies d’apprentissage et l’apprentissage actif, la résolution de problèmes complexes, la pensée critique et la créativité, l’originalité et l’initiative.

Nous le disions plus haut, la durabilité est une composante centrale de notre approche. Innover, trouver des solutions : oui, mais ces dernières doivent être durables. En nous basant sur les dix compétences EDD suggérées par éducation21 (Compétences EDD | éducation21), notre approche permet de développer particulièrement les huit compétences suivantes : construire des savoirs interdisciplinaires prenant en compte différentes perspectives, penser en systèmes, changer de perspective, aborder ensemble des questions en lien avec la soutenabilité, contribuer à des processus collectifs, développer un sens d’appartenance au monde, réfléchir à ses propres valeurs et à celles d’autrui, assumer ses responsabilités et utiliser ses marges de manœuvre. Faire travailler ensemble des apprenti-e-s de métiers différents sur un projet commun et durable contribue fortement aux développements des compétences tant nécessaires évoquées par McKinsey, le WEF et Education 21. En initiant ces jeunes aux attentes du monde professionnel d‘aujourd’hui et de demain, nous les outillons pour qu’elles et ils puissent s’y intégrer sereinement et aussi et surtout trouver leur chemin dans la vie.

Conclusion

Enseignant-e-s en formation et apprenti-e-s mettent beaucoup de cœur et de passion à réaliser leurs projets. Ils sont toujours toutes et tous très fiers de leurs réalisations. Notons aussi que pour les apprenti-e-s le projet réalisé en plus d’alimenter chez eux une fierté méritée, le projet alimente aussi une ligne non négligeable dans un curriculum vitae en pleine croissance ! Les projets ont souvent donné beaucoup de fil à retordre à nos innovateurs en herbe : sur le papier tout fonctionne bien, dans la réalité c’est une autre histoire – pour cela la HEFP tient à des réalisations concrètes – des défis imprévus jalonnent tout le long de l’aventure mais c’est chaque fois des occasions d’apprendre, de progresser et disons-le, la satisfaction est toujours présente au bout du chemin. Pour illustrer ceci, pensons aux multiples tentatives qui ont conduit les apprenti-e-s du projet « Ecopromobil – un grill pliable, transportable et réutilisable pour éviter l’utilisation des grills jetables » (www.ecopromobil.ch) à choisir le bon matériau. Les premières tentatives de revêtement du grill en carrelage ont fendu sous la chaleur – le choix s’est finalement porté sur des briques en céramique qu’un apprenti magasinier a eu l’idée d’utiliser. Peu importe, comme le dit si bien Woody Allen « Si tu n’échoues pas de temps à autre, c’est le signe que tu ne fais rien de très innovant ». Faire évoluer le monde par l’innovation ne se fait pas en un jour et à ce titre, la contribution de la HEFP est modeste mais il s’agit pour nous de susciter le désir d’apprendre, d’innover et de créer au service de la planète et du bien commun.

Des apprenti-e-s et des enseignants posant fièrement devant leur projet « Gère ton assiette » – programme de sensibilisation à la notion de gaspillage alimentaire. La poubelle est montée sur une balance qui mesure la quantité de nourriture économisée chaque jour, en équivalent assiettes. Ce projet a été réalisé entre des micromécanicien-ne-s, des informaticien-ne-s, des cuisinières et cuisiniers ainsi que des électronicien-ne-s. Photo (2022), Nicolas Rebord, HEFP.


Monsieur Louis Vuitton ou les jolis hasards de la vie

La vie nous réserve parfois des surprises étonnantes. Lors d’une fin d’après-midi, nous venions de nous engager dans le projet d’écriture de cet article et à peine quelques heures plus tard, l’un d’entre nous se retrouve dans une posture que vous connaissez peut-être : se retrouver face à une bibliothèque qui n’est pas la vôtre, avoir envie de lire, ne pas savoir quoi et décider de faire un choix au hasard (postulons ici que le hasard existe). En fermant les yeux, glisser ses doigts sur les tranches plus ou moins épaisses et s’arrêter sur l’une d’entre elles. Sortir le livre bien coincé entre deux autres, lire le quatrième de couverture (que l’on appelle lodociquarte dans les repas guindés du samedi soir), le livre est intéressant mais pas trop, avoir envie de le reglisser entre ses deux copains mais finalement décider de le lire quand-même (au fond, le jeu c’est le jeu et la prochaine fois : nul besoin de jouer si on n’accepte pas les règles. Je commence à lire quelques pages et deux nuits plus tard, le livre est terminé. Il s’agissait de la biographie de Louis Vuitton écrite par Caroline Bongrand éditions Gallimard. En dehors d’être un livre remarquablement bien écrit, la biographie de Louis Vuitton porte en elle tous les ingrédients évoqués dans la voie prise par la HEFP.

Comment Louis Vuitton peut-il éclairer notre projet pédagogique ?

Laissez-vous guider par le parcours de Louis Vuitton pour esquisser une réponse. Très jeune il apprend les techniques de menuiserie, il devient un véritable spécialiste du bois – de la coupe en forêt (bûcheron) jusqu’à la fabrication de l’objet (menuisier). Il quitte son Jura français natal pour rejoindre Paris. En chemin, il perfectionne encore son geste (encore de la menuiserie) – notamment les techniques d’assemblage du bois. Il arrive à Paris et il se fait engager comme emballeur – il deviendra emballeur après avoir appris à maîtriser le papier et les différentes techniques d’emballage, la logistique et la fabrication spécifique des caisses qui permettent à des objets très divers et souvent fragiles de voyager sans risque. Plus tard, il développera encore ses compétences en apprenant à forger. Il maîtrisait donc à lui seul plusieurs métiers – il incarne à lui seul une forme d’interdisciplinarité : bûcheron, menuisier, emballeur, logisticien et forgeron (forgeron dans une moindre mesure, mais tout de même). Néanmoins, maîtriser de nombreuses compétences ne suffit pas, il lui faudra quelque chose de plus pour devenir le très grand malletier que l’on connaît. Il se mettra d’abord à son compte après avoir travaillé de nombreuses années chez Romain Maréchal un emballeur-layetier très réputé de Paris qui lui apprendra encore à perfectionner ses gestes. Mais c’est en posant l’innovation comme un principe central de son entreprise qu’il connaîtra le succès. Sous la plume de Caroline Bongrand nous pouvons lire, pour Louis Vuitton, “il ne fallait pas se contenter de faire bien ou mieux, il fallait innover, c’est-à-dire inventer de nouveaux produits non seulement pour répondre à une demande formulée par un client mais pour la devancer”.

Néanmoins, il ne suffit pas de poser l’innovation en principe pour que l’innovation fuse. La formule de Louis Vuitton pour innover tient dans les défis et les contraintes continues qu’il se fixe – par exemple – celui d’inventer une malle a) entièrement étanche, b) à couvercle plat empilable, c) légère, d) très solide et plus tard d’y adjoindre un nouveau défi) réaliser des compartiments. Mais il ne suffit pas non plus de se poser des défis et des contraintes pour les surmonter. Louis Vuitton y parviendra en associant ses différentes et propres compétences entre elles et en coopérant avec d’autres corps de métiers. Il coopérera notamment avec deux personnages centraux de son histoire, son grand ami Charles Frederick Worth, fondateur de la haute couture Parisienne, inventeur des défilés de haute couture, très habile couturier et très grand spécialiste des tissus. En le côtoyant, Louis apprendra beaucoup au sujet des tissus et en cherchant ensemble ils trouveront le bon tissu et les bonnes couleurs (l’utilisation du fameux gris trianon notamment) pour entoiler les futures malles de Louis. Deuxièmement, c’est avec sa femme Clémence-Emilie Parriaux, très habile commerçante qu’il développera son commerce en innovant – entre autres – par la proposition de leur service auprès des grands hôtels.

Louis Vuitton, innovateur invétéré, réussit à surmonter tous les défis évoqués précédemment. En plus, il invente une technique faite de plusieurs feuilles de peuplier très léger et solide pour fabriquer les tiroirs intérieurs des malles qu’il ne voulait pas fabriquer en carton (trop fragile). Il invente aussi la serrure à gorge “inviolable” pour améliorer la sécurité de ses malles.
Précisons encore, sur le plan de la durabilité, que Louis Vuitton utilisait des colles naturelles pour favoriser l’étanchéité de ses malles, qu’il se fournissait également à proximité pour se ravitailler en matériaux, il travaillait “local”. Louis Vuitton prenait grand soin de ses employé-e-s, beaucoup de lumière éclairait les ateliers. Il était un bon employeur attentif au bien-être de tous. Cerise sur le gâteau, il formait des apprentis et il avait à cœur de le faire lui-même autant que son temps le lui permettait.

Vous l’aurez compris, nous retrouvons dans le parcours de Louis Vuitton les ingrédients que la HEFP impulse dans son module. Conjuguer diverses disciplines pour surmonter des défis, travailler ensemble ou accueillir l’imprévu. Pour le reste, si vous souhaitez en savoir davantage sur le parcours de Louis Vuitton, nous vous recommandons chaleureusement la lecture de l’ouvrage de Caroline Bongrand “Louis Vuitton : L’audacieux” chez Gallimard (2021).


Références

Yamada, K. (2022). Un jour j’ai eu un problème. Le lotus et l’éléphant.

Yamada, K. (2021). Un jour j’ai eu une idée. Le lotus et l’éléphant.

Bongrand, C. (2021). Louis Vuitton : L’audacieux : roman. Gallimard.

Dewey, J. (1990). Démocratie et éducation. A. Colin.

Morin, E. (1990). Sur l’interdisciplinarité, In : Carrefour des sciences, Actes du Colloque du Comité National de la Recherche Scientifique (« Interdisciplinarité »), Paris, Éditions du CNRS, p. 21-29.Morin, E. (2005). Introduction à la pensée complexe. Paris : Seuil.Perrenoud P. (1997), Pédagogie différenciée, Des intentions à l’action, Paris, ESF.

Raworth, K. (2018). La théorie du donut : L’économie de demain en 7 principes. Plon.

Rebord, N. (2014). Paradigme de l’énaction et conception de formation hybride. Genève: Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation. Retrieved from http://archive-ouverte.unige.ch/unige:38712.

Varela, F. J., & Maturana, H. R. (1994). L’Arbre de la connaissance. Paris; Reading, Mass.; New York: Addison Wesley France.

Pour en savoir plus…

Page d’auteur de Nicolas Rebord

Rebord, N., Murat, S., & Hefhaf, J. (2022). Interdisziplinarität, Projektunterricht und Problemsituationen. In G. Ghisla, E. Boldrini, C. Gremion, F. Merlini, & E. Wüthrich (Hrsg.), Didaktik und Situationen : Ansätze und Erfahrungen für die Berufsbildung (S. 207-214). Bern: hep.

Rebord, N., Murat, S., Hefhaf, J., & Aubert, P. (2021). Un engagement précurseur. Skilled, 2, 10-11.

Rebord, N. (2017). Exaptation et dispositif de formation en alternance. In B. André & C. Gremion (Éd.), Actes du 4ème colloque scientifique international du gEvaPE : Former, accompagner et évaluer les pratiques : tensions et enjeux en situations d’alternance (p. 91‑92). Lausanne: HEP VD & IFFP.

Rebord, N. (2017). Coopérer avec d’autres institutions, métiers et régions. L’interdisciplinarité – un moteur de créativité. IFFP : Zollikofen. Skilled, (1), pp. 20-21.

Rebord, N. (2014). Paradigme de l’énaction et conception de formation hybride. Genève: Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation.

Rebord, N. (2012). Analyse de l’activité individuelle-collective d’étudiants dans un environnement numérique de formation sous le paradigme de l’énaction : Un cas dans la formation pédagogique d’enseignants à la pratique professionnelle. Genève: Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation.

Muller, S. (2022, 4 juin). Les apprentis innovent pour améliorer le quotidien. 24heures, page 7.

Muller, S. (2022, 4 juin). Les apprentis innovent pour améliorer le quotidien. 24heures WEB.

Marchesi, J. (2022, 1 juin). Projets collaboratifs pour apprendre à enseigner. La Télé, Radar.

Apprendre à apprendre un métier

Comment permettre à un-e jeune d’apprendre un métier qui n’existe pas encore ou comment s’y prendre pour enseigner de manière crédible et intéressante un métier voué à disparaître dans quelques années. C’est le dilemme auquel les enseignant-e-s de formation professionnelle sont actuellement confronté-e-s.

Article coécrit avec Christophe Gremion

Un métier pour la vie, c’est fini ?

Hier après-midi, nous avons pris le temps de revoir une ancienne émission de télévision : l’angle Eco – le travail c’est fini, sorti en 2016 de mémoire. Nous avons été frappés par le parcours de ce photographe. Jeune, il a appris à développer des photos argentiques à l’aide du révélateur, du bain d’arrêt et du fixateur. Plus tard, nouvel équipement et nouveau métier avec l’avènement de l’impression laser des photos numériques, changement éphémère qui annonçait la disparition totale de son métier, d’où une reconversion en chocolatier artisanal. Et son métier n’est de loin pas le seul à avoir disparu, la liste s’allonge de jour en jour à en croire ce reportage. Alors, nous nous sommes demandés comment les écoles professionnelles peuvent-elles toujours remplir leur mission dans un monde qui bouge si vite ?

En parallèle à ces métiers en voie d’extinction, d’autres voient le jour rapidement. Veilleur en e-réputation, trafic manager ou géomaticien, le numérique est actuellement le secteur le plus créatif en termes de nouveaux emplois[1]. Et de me demander aussi comment les enseignant-e-s s’y prennent pour former nos jeunes à des métiers qui n’existent pas encore et dont on ne connaît quasiment rien ?

La réponse que la formation peut donner réside dans un changement de paradigme : ne plus faire apprendre que des savoirs, savoir-faire ou savoir être, mais également un “savoir-apprendre”, ressource qui pourra être mobilisée tout au long de la vie de chacun-e.

Une formation initiale pour chaque reconversion : possible ?

Le premier métier peut aisément s’apprendre lors d’une formation initiale traditionnelle (en école ou duale), mais il n’est pas souvent possible de stopper son activité professionnelle pour se perfectionner ou se réorienter. Si certaines entreprises soutiennent activement la formation continue de leurs employé-e-s, pour leur permettre de tenir à jour leurs compétences et de s’approprier les nouvelles techniques et technologies de la branche, rares sont celles qui soutiennent les reconversions hors de leur champ d’activité. Ainsi, en parallèle d’une éventuelle formation continue formelle, des compétences d’autoformation sont de plus en plus utiles, voire vitales.

Apprendre à apprendre un métier prépare la personne pour toute sa vie, alors que lui faire apprendre un métier la prépare pour un moment défini, Christophe Gremion

Pour l’employeur, même lorsque le métier perdure, pouvoir engager des personnes capables d’effectuer les tâches prescrites est naturellement important, mais ce n’est souvent plus suffisant. Comme les métiers, les outils, technologies et situations rencontrés changent en permanence. Dès lors, la capacité à s’adapter à la nouveauté et à l’imprévu est une qualité très prisée qui requiert de nouvelles aptitudes et compétences : savoir analyser une situation, apprendre de ses erreurs, prendre des décisions responsables et éthiques, adopter une posture réflexive[2]

Posture réflexive et éthique, des signes de professionnalisation de tous les métiers ?

Nous l’avons vu, les métiers et les situations changent si vite qu’ils rendent souvent le travail imprescriptible. Enfin non, ce n’est tout à fait exact, il existe encore de nombreuses activités prescriptibles, mais elles sont de moins en moins souvent confiées aux humains. Toute action facilement prescriptible semble être confiée à un ordinateur, à un robot. L’émission de l’angle Eco le montre bien lorsqu’il s’agit de la disparition des chauffeurs de camion aux USA ou des conducteurs de bus dans les grandes villes.

Alors oui, de nombreux métiers se professionnalisent. Les tâches répétitives et simples sont fréquemment confiées aux machines alors que les plus complexes (créativité, inventivité, résolution de problème…) nécessitent encore l’intervention d’une personne.

Nos jeunes n’auront-ils plus de travail à terme ?

Il semble que, pour le moment, le travail ne soit pas à manquer. Il va par contre se transformer grandement comme nous venons de le voir. Le cas des chauffeurs de camions, remplacés par des ingénieurs qui tentent d’apprendre à ces mêmes camions à se conduire de manière autonome, est révélateur. Les personnes faiblement qualifiées – ou faiblement outillées pour se (re)qualifier elles-mêmes – vont rencontrer de grandes difficultés. Chômage technologique, difficultés pour les personnes qui ont les qualifications les plus faibles, ne pas être capable d’apprendre par soi-même tout au long de la vie risque bien de devenir source de nouvelles inégalités sociales.

On ne peut apprendre aux apprenti-e-s que les compétences utiles et connues aujourd’hui, mais en sachant que, arrivés sur le marché du travail, ces compétences seront sûrement déjà obsolètes… d’où ce besoin d’apprendre à apprendre, de cultiver sa curiosité, toujours rechercher la qualité, cultiver son niveau d’exigence envers son propre travail. C’est là que réside certainement ce nouveau paradigme pour l’école et, peut-être surtout, pour la formation professionnelle.

En quoi ce paradigme change-t-il l’organisation de la formation ?

Nous pouvons imaginer ces changements selon au moins deux points de vue : celui des personnes en formation et celui des formatrices et formateurs.

Pour les personnes en formation, de moins en moins de mémorisation et d’application, et un développement nécessaire de leur posture réflexive. Dans les années 80, Schön (1994) s’est largement inspiré des travaux de Dewey (la théorie de l’enquête) pour montrer que l’applicationnisme ne répondait plus aux besoins des praticiens. Ceux-ci se doivent, par une réflexion dans, sur et pour l’action, de trouver des réponses efficaces et crédibles à des problèmes qu’ils n’ont encore jamais rencontrés.

Longtemps, l’analyse du travail (que faut-il faire dans cette situation) était la tâche des didacticiens et des formateurs. Ils analysaient puis transposaient en situations didactiques afin de permettre l’apprentissage, la découverte ou l’entraînement. Mais face à des métiers qui n’existent pas encore, cette didactique professionnelle montre quelques limites. Dès lors, l’analyse du travail attendu et l’analyse du travail exécuté (analyse de l’activité) deviennent les outils que la personne en formation mobilise pour exercer son autoévaluation. Il y a une passation de pouvoir entre l’institution formatrice et la personne qui se forme.

Pour les formateurs, cette relative perte de pouvoir se traduit par un changement de rôle considérable. La priorité n’est plus d’analyser l’activité des personnes, mais de les mettre en activité, par l’alternance entre savoirs théoriques et savoirs pratiques (Gremion et Zinguinan, 2021) afin de leur permettre d’analyser elles-mêmes leur travail et ainsi de les outiller pour développer ses compétences de manière autonome, tout au long de la vie, se mettre au service de la construction de la compréhension de l’exigence, accompagner (et non pas guider comme le disait Vial) à mener ce travail d’enquête sur sa propre pratique. Plutôt que transmettre – qui a été longtemps le verbe qui décrivait le mieux le travail d’un enseignant – son accompagnement vise à permettre aux personnes en formation d’intégrer, de s’approprier les étapes de la démarche d’enquête (Dewey), traduit par Thievenaz (2017) par le cycle suivant : 1) observer la situation > 2) décrire > 3) analyser > 4) interpréter > 5) formuler des hypothèses > 6) expérimenter > 7) puis 1’) observer la nouvelle situation.

Un cycle d’apprentissage reconnu comme efficace pour soutenir le développement de l’intelligence pratique et du jugement, source de ce que les anciens appelaient la phronesis (Meharez Frey, 2021).

Le nouveau rôle d’accompagnateur : Apprendre à apprendre un métier prépare la personne pour toute sa vie, alors que lui faire apprendre un métier la prépare pour un moment défini.

Références

L’angle Eco : le travail c’est fini  https://www.youtube.com/watch?v=acusYc-pRms

Gremion, C. et Zinguinan, M. (dir.). (2021). Lorsque l’alternance vient soutenir la professionnalisation. Pratiques et formation des enseignants en questions, 27. http://revuedeshep.ch/no-27-lorsque-lalternance-vient-soutenir-la-professionnalisation/

Meharez Frey, A. (2021). Entre professionnalité et phronesis: un pari pédagogique. Dans C. Gremion et C. de Paor (dir.), Évaluer la professionnalité émergente. De Boeck Education.

Runtz-Christan, E. et Coen, P.-F. (dir.). (2021). Collection des concepts-clés de la formation des enseignantes et enseignants en Suisse romande et au Tessin. LEP Loisirs et pédagogie.

Schön, D. A. (1994). Le praticien réflexif : à la recherche du savoir caché dans l’agir professionnel. Éditions Logiques.

Thievenaz, J. et Mayen, P. (2017). De l’étonnement à l’apprentissage: Enquêter pour mieux comprendre (1er édition). DE BOECK SUP.

Vial, M. (2007). Guider ou accompagner en VAE ? Pratiques de formation-Analyses, 21‑38.

Publications de Christophe Gremion sur son site http://www.gremion.org et à la HEFP https://www.hefp.swiss/person/gremion-christophe

[1] Source : https://photo.capital.fr/20-nouveaux-metiers-du-numerique-qui-recrutent-et-comment-s-y-former-21399#le-numerique-est-l-un-des-secteurs-qui-recrutent-le-plus-en-france-379220

[2] Réflexivité, professionnalisation, accompagnement… des termes issus des sciences de l’éducation et qui trouvent leurs définitions dans Runtz-Christan, E. et Coen, P.-F. (dir.). (2021). Collection des concepts-clés de la formation des enseignantes et enseignants en Suisse romande et au Tessin. LEP Loisirs et pédagogie.

Sécurité psychologique – 9 pratiques collectives et 6 attitudes individuelles pour la renforcer

Vous êtes dans un processus de changement pour répondre aux défis présents et futurs ? Vous observez des obstacles ou des résistances internes ? Vous souhaitez faire évoluer vos équipes vers la performance et l’épanouissement au travail ? Et si la sécurité psychologique était la clé ? C’est du moins le quatrième sujet d’intérêt dans la formation au leadership.

Article rédigé en m’inspirant de la contribution (copy left) de Vincent De Waele enrichie de mon expérience avec mes équipes.

Google et Microsoft ont identifié la sécurité psychologique comme un facteur clé de la performance de l’équipe. Les ressources humaines considèrent la présence de la sécurité psychologique comme l’un des facteurs les plus importants dans le processus de recrutement. Un pourcentage croissant de millennials refuse de travailler pour des employeurs qui ne créent pas de sécurité psychologique. À peine 33% des travailleurs américains pensent que leurs opinions comptent. La liste pourrait s’allonger à l’infini.

Imaginez…

Imaginez travailler dans une équipe où vous pouvez prendre des risques en toute sécurité, dans une équipe où les erreurs ne sont pas retenues contre vous. Imaginez travailler avec des collègues qui peuvent soulever des questions et des problèmes difficiles, avec des personnes qui acceptent les autres comme étant différents, qui se sentent en sécurité pour demander de l’aide aux autres et qui vous apprécient vous et vos talents uniques. Imaginez une équipe qui peut prendre des risques en toute sécurité sans reproche de la part du management ?

Cette équipe travaille dans la sécurité psychologique.

Performance des équipes

Les chercheurs de Google ont mené une recherche [2012-2016] pour découvrir les secrets des équipes efficaces chez Google sous le nom de code « Projet Aristote » – en hommage à la citation d’Aristote « le tout est plus grand que la somme de ses parties ». En effet, les chercheurs de Google pensaient que les employés peuvent faire plus en travaillant ensemble que seuls. L’objectif du projet était de répondre à la question : « Qu’est-ce que rend une équipe efficace chez Google ? ». Cette recherche est décrite dans re:Work, une collection de pratiques, de recherches et d’idées de Google et d’autres donner la priorité à l’humain.

Parmi les cinq dynamiques-clés des équipes performantes que les chercheurs ont identifiées, la sécurité psychologique était de loin la plus importante :

Source : re:work

Les chercheurs de Google ont trouvé que les membres d’équipes avec une sécurité psychologique élevée sont moins susceptibles de quitter Google, ils sont plus susceptibles d’exploiter la puissance des idées de leurs coéquipiers, ils apportent plus de revenus et ils sont jugés deux fois plus efficaces par les dirigeants.

Définition

Selon re:Work, la sécurité psychologique fait référence à la perception qu’a un individu des conséquences de la prise de risque interpersonnel ou la conviction qu’une équipe est sûre pour prendre des risques sans être considéré comme ignorant, incompétent, négatif ou perturbateur.

Dans une équipe à haute sécurité psychologique, les coéquipiers se sentent en sécurité pour prendre des risques avec les membres de leur équipe. Ils sont convaincus que personne de l’équipe embarrassera ou punira toute autre personne pour avoir admis une erreur, posé une question ou proposé une nouvelle idée.

Comment mesurer la sécurité psychologique ?

Pour mesurer le niveau de sécurité psychologique d’une équipe, demandez-vous dans quelle mesure vous êtes d’accord ou en désaccord avec ces affirmations :

  • Si vous faites une erreur dans cette équipe, elle est souvent retenue contre vous.
  • Les membres de cette équipe sont réticents à soulever des problèmes et des questions difficiles
  • Les membres de cette équipe rejettent parfois les autres parce qu’ils sont différents.
  • Il est prudent de prendre un risque avec cette équipe.
  • Il est difficile de demander de l’aide aux autres membres de cette équipe.
  • Certaines personnes de cette équipe agiraient délibérément d’une manière qui sape mes efforts.
  • Mes compétences et mes talents uniques ne sont pas pleinement valorisés et utilisés lorsque je travaille avec les membres de cette équipe.

4 étapes de la sécurité psychologique

Etape 1 : sécurité d’inclusion

La sécurité d’inclusion satisfait le besoin humain fondamental de se connecter et d’appartenir. Que ce soit au travail, à l’école, à la maison ou dans d’autres contextes sociaux, tout le monde veut être accepté. En fait, le besoin d’être accepté précède le besoin d’être entendu. La sécurité de l’inclusion nous permet de devenir membre d’une unité sociale et d’interagir avec ses membres sans crainte d’être rejeté, embarrassé ou puni, renforçant la confiance, la résilience et l’indépendance.

Etape 2 : sécurité d’apprentissage

La sécurité d’apprentissage satisfait le besoin humain fondamental d’apprendre et de grandir. Il permet de nous sentir en sécurité lorsque nous nous engageons dans tous les aspects du processus d’apprentissage, en posant des questions, en donnant et recevant des feedbacks, en expérimentant des erreurs. Lorsque nous ressentons la sécurité d’apprentissage, nous sommes plus disposés à être vulnérables, prenons plus de risques et développons la résilience dans le processus d’apprentissage. A l’inverse, un manque de sécurité d’apprentissage déclenche l’instinct d’autocensure, nous obligeant à nous éteindre, à nous retrancher et à gérer le risque personnel.

Etape 3 : sécurité de contribution

La sécurité de contribution satisfait le besoin humain fondamental de contribuer et de faire une différence. Lorsque la sécurité de contribution est présente, nous nous sentons en sécurité pour contribuer en tant que membre à part entière de l’équipe, en utilisant nos compétences et nos capacités pour participer au processus de création de valeur. Plus nous contribuons, plus nous développons notre confiance et nos compétences. Lorsque nous créons la sécurité de contribution pour les autres, nous les responsabilisons avec autonomie, guidance et encouragements en échange des efforts et résultats.

Etape 4 : sécurité de remise en question

La sécurité de remise en question répond au besoin humain fondamental d’améliorer les choses. C’est le soutien et la confiance dont nous avons besoin pour poser des questions telles que « Pourquoi faisons-nous cela de cette façon ? « Et si on essayait ça ? » ou « Puis-je suggérer une meilleure manière de faire ?» Cela nous permet de nous sentir en sécurité pour questionner le statu quo sans représailles ni risque de nuire à notre position ou à notre réputation personnelle.

Comment renforcer la sécurité psychologique ?

La première étape est de reconnaître que la sécurité psychologique est un enjeu important dans toute organisation et de la thématiser explicitement au sein de l’équipe. Mesurer la sécurité psychologique permet de savoir où se situe l’équipe à un certain moment par rapport à sa capacité à prendre des risques et à évoluer. Il existe des pratiques collectives et des attitudes individuelles qui favorisent la sécurité psychologique. Voici quelques exemples qui peuvent y contribuer.

9 pratiques collectives

1. Tour d’inclusion

Il s’agit de donner la parole à chacun pour arriver dans la séance. Cela permet d’être pleinement présent et de se sentir écouté. Cela renforce la confiance collective et donne une voix à chacun. Dans ma pratique avec mes équipes, je demande à mes collègues quelle est la qualité de leur présence aujourd’hui et quel est le degré de confiance qu’ils ont dans le projet.

2. Tour de clôture

Il s’agit de prendre un temps de recul en fin de séance pour que chacun-e exprime ce qu’il a retenu de la séance et comment il a vécu la séance du jour. Cela permet de synthétiser l’essentiel et de recueillir les impressions pour apporter d’éventuels ajustements lors de la prochaine séance. Un exemple récent de ma pratique dans un contexte multilingue a fait ressortir à la fin d’une séance que la langue d’expression était majoritairement le français et que certains collègues alémaniques avaient eu des difficultés à maintenir la concentration et à capter certaines nuances. Nous avons discuté ensemble ce qu’il conviendrait de modifier pour notre prochaine séance.

3. Tour de parole

En moyenne, il s’avère que 80 % des conversations sont dominées par seulement 20 % des participant-e-s. Le tour de parole, qui consiste à donner activement la parole successivement à chacun-e, permet de s’assurer que chaque personne a son temps de parole. Il ne s’agit pas d’obliger quelqu’un-e à prendre la parole. Une prise de parole peut aussi consister à dire qu’on n’a rien à dire à ce moment-là. Le but ici est de s’assurer qu’une personne qui a quelque chose à dire puisse le faire et qu’il y ait un équilibre entre les membres de l’équipe.

4. Non interruption

Il s’agit de s’accorder sur le principe que lorsque quelqu’un parle, les autres écoutent activement sans l’interrompre. Et au besoin, l’animateur de la séance est invité à interrompre les personnes qui interrompent les autres. Cela permet à chacun-e d’exprimer son idée jusqu’au bout et d’éviter la pensé « spaghetti » qui consiste à rebondir spontanément sur ce qui est dit. Cela aide à structurer ou à canaliser la discussion pour éviter qu’elle parte dans tous les sens.

5. « Elephant in the room »

Il s’agit de problèmes que tout le monde connaît mais que personne n’ose aborder. Pour faire descendre l’éléphant de la table… il s’agit tout d’abord de demander aux participants d’énumérer toutes les questions qui sont évitées, dont personne ne veut parler ou qui sont taboues. Ensuite, de partager la responsabilité de la prise en charge des éléments qui sont sortis et d’abordez la cause profonde des problèmes.

6. Rétrospective

Les rétrospectives permettent à l’équipe de reconnaître ses erreurs et de partager les leçons apprises. Elles font une norme culturelle de la prise de parole et du partage des erreurs, ainsi que des idées d’amélioration.

7. Participation aux décisions

Solliciter les commentaires, les opinions et les réactions des autres membres de l’équipe et adopter un processus décisionnel participatif. Il existe divers processus de décision selon les circonstances (importance et urgence de la décision). La décision par consensus signifie que tout le monde est d’accord. Ce qui prend nécessairement du temps… La décision par consentement signifie que personne n’est contre, ce qui permet une grande adhésion et prend moins de temps.

8. Histoires personnelles

Les histoires personnelles sont le moyen idéal d’accroître le sentiment d’appartenance et de commencer à instaurer une sécurité psychologique au sein des équipes. Dans mon équipe, j’ai le plaisir de côtoyer une danseuse, un musicien, un philosophe, une personne engagée dans la préservation du climat et de la planète et une personne passionnée par l’Inde. C’est une immense richesse qui contribue également à la qualité des relations au sein de l’équipe.

9. « Anxiety party »

Chacun-e passe 10 minutes à noter ses plus grandes angoisses et à classer les problèmes du plus au moins inquiétant. Puis, chacun-e les partage avec ses collègues, qui les notent en fonction de leur degré de pertinence pour eux-mêmes. Cela permet une prise de conscience collective de divers problèmes qu’il s’agit ensuite de thématiser ensemble.

6 attitudes individuelles

1. Problème d’apprentissage et non d’exécution 

Reconnaître qu’il y a beaucoup d’incertitudes et d’interdépendances. Il s’agit de se demander ce que ce défi ou cette difficulté va nous apprendre.

2. Nul n’est parfait

Chacun-e de nous fait des erreurs, est vulnérable, et c’est normal. Alors il s’agit de donner le bon exemple en reconnaissant ses erreurs et en cherchant vraiment à s’améliorer et à apprendre.

3. Pas de jugement

Nous avons appris dès notre plus jeune âge à juger. Il est important de distinguer une personne de son comportement et de ne pas juger une personne négativement, mais de remettez en question ses actes de manière constructive.

4. Poser des questions

Poser beaucoup de questions et chercher à comprendre le monde de l’autre. Cette dynamique incite les autres à s’exprimer.

5. Faire preuve d’engagement

Être pleinement présent, se concentrer sur la conversation. Ceci est d’autant plus important avec l’augmentation des interactions à distance (visioconférence). Alors pensons à enclenchez la vidéo, à affichez l’intervenant, etc.

6. Se connaître au sein de l’équipe

Pour bien se connaître au sein d’une équipe, il est utile de partager des informations sur son style de travail et ses préférences. Un outil que j’utilise dans ma pratique est « le mode d’emploi de l’équipe » qui permet d’explorer les conditions dans lesquelles chaque membre de l’équipe aime travailler, ses horaires préférés, la manière de communiquer avec elle/lui, la manière de lui donner du feedback, ce dont elle/il a besoin, ce qu’elle/il n’aime pas, ce qu’elle/il adore et les autres choses à savoir à son sujet. Selon mon expérience, il faut compter quinze minutes de préparation individuelle pour remplir son mode d’emploi à l’avance et environ deux heures pour un partage dans une équipe de six personnes.

Conclusion

Vous l’aurez compris, il n’y a pas de recette miracle qui puisse s’appliquer telle quelle à toute organisation. Il s’agit d’explorer, au sein de chaque équipe, ce qui fait le plus de sens et d’ajuster les pratiques à la culture de l’organisation ou de l’entreprise.

Envie d’en savoir plus ?  

Vincent De Waele, Nautealus

re:Work 

What Google Learned From Its Quest to Build the Perfect Team, By Charles Duhigg, Feb. 25, 2016, The New York Times Magazine

Building a psychologically safe workplace” and you will find many more videos by Amy Edmondson on Youtube

Tool: Foster psychological safety, re:Work

Understand team effectiveness, re:Work

9 Exercises to Promote Psychological Safety in Your Organization, by Gustavo Razzetti

7 Ways to Promote Psychological Safety In Your Organization, by Gustavo Razzetti

How to Increase Psychological Safety in a Virtual Team, by Gustavo Razzetti

Psychological Safety: How Pioneers Create Engaged Workforces, Corporate Rebels

How to create Psychological Safety in your work culture, Ameet Ranadive, Medium

The 4 Stages of Psychological Safety, Timothy R. Clark

Fuckup Nights, Sharing Stories of Failures

Where’s the Psychological Safety for Speaking Truth to Power in Self-Organisation?, Nock Osborne

Psychological safety and the critical role of leadership development, McKinsey

Quel est le rôle de la formation dans les enjeux climatiques ?

Souvent critiqués de sécher l’école pour manifester, les jeunes grévistes du climat ont démontré leur extraordinaire engagement en rédigeant un plan d’action climatique (CAP) avec 138 mesures concrètes prouvant qu’il est possible d’atteindre le taux zéro d’émissions nettes de CO2 d’ici 2030. La Suisse vise le taux zéro en 20501, et n’atteint qu’une baisse minimale des émissions CO2 en 20192

Article coécrit avec Susanne Bergius Artison

Leandra, apprentie en informatique d’entreprise en 2019/20 et membre de la Grève du Climat, est déçue de son passage à l’école professionnelle : pas un mot sur la durabilité en lien avec la fabrication de la technologie ; pas de conscience chez ses camarades de classe que le changement climatique est une crise dont les conséquences contraignent d’ores et déjà des populations à fuir leurs champs inondés d’eau salée par la montée des océans. Elle apprend par elle-même et au sein de la Grève du Climat, et martèle face au déni qui l’entoure que «le système scolaire a échoué» .

Le système scolaire a échoué, Leandra, apprentie

Pendant que ses camarades planifient un voyage autour du monde pour leur 25 ans, elle craint une famine.

Que propose le CAP ?

Tout aussi sidéré par l’inadéquation entre la gravité des conséquences d’un réchauffement emballé et la faible véhémence des actions, le Prof. Dr. Henrik Nordborg, responsable du Bachelor en énergies renouvelables et technique d’environnement de la HES OST, participant à la rédaction du CAP3, s’explique que – vu l’exemple du lockdown du monde entier qui était possible pour venir à bout de la crise sanitaire – outre les connaissances, «il faut des émotions pour agir» et salue le fait que le CAP en tient compte. Si l’éducation au développement durable EDD est entrée dans les plans d’études de l’école obligatoire (Plan d’études romand PER, Lehrplan 21), le CAP se concentre sur l’urgence de réduire les émissions du CO2 à zéro.

Par conséquent, il met l’accent sur la nécessité d’introduire à tous les niveaux scolaires l’éducation au changement climatique en vue du Développement durable (ECCDD)4, non seulement de manière transversale et orientée compétences, mais également via la transmission de connaissances factuelles liées à l’action : « Les principaux moteurs de l’action sont la connaissance des causes du changement climatique, les compétences adéquates et pertinentes et le bon état d’esprit. Les gens doivent avoir les compétences appropriées pour contribuer activement et de manière appropriée à la tâche sociétale de réduction des émissions. Enfin, ils doivent avoir développé l’attitude et l’état d’esprit (mindset) adéquats pour appliquer réellement leurs connaissances et leurs compétences. » ou : « Les gens doivent se rendre compte de l’impact du changement climatique sur leur vie […], ils doivent savoir comment réduire les émissions de gaz à effet de serre afin de maintenir le réchauffement de la planète en deçà de 1,5° degré » .

Un-e conseiller-ère environnemental-e en entreprise ?

La Confédération et les cantons sont appelés à organiser des programmes nationaux pour former les enseignant-e-s au changement climatique et des semaines d’action pour le climat axés sur l’expérience. Plus spécifiquement pour la formation professionnelle, il est prévu d’introduire dans les entreprises le rôle d’un conseiller en matière environnementale qui organise des formations sur le changement climatique. Les employé-e-s et les apprenti-e-s devraient suivre ces formations pratiques et liées avec le travail des destinataires. Henrik Nordborg insiste sur la nécessité de transmettre des savoirs spécifiques au changement climatique et d’introduire cette ECCDD directement dans les entreprises, car «les personnes qui peuvent faire la différence ne sont plus à l’école». Ces conseillers pourraient veiller à la cohérence entre les enseignements et le discours autour du développement durable : Roman, apprenti pâtissier en 3e année affirme d’avoir bien eu des leçons à l’école professionnelle thématisant le développement durable et conseillant de privilégier, à titre d’exemple des ingrédients locaux, mais qu’en même temps, au cours interentreprise prévalaient des réflexions liées à l’économie de marché. Il était alors conseillé de commencer la production de chocolats de Noël déjà dès septembre pour produire de grandes quantités, ce qui est plus rationnel, et de stocker la production dans des grands congélateurs. A plusieurs reprises, il a pu constater que dans les cours interentreprise prévalait l’enseignement de manières de fabrication correspondant à l’industrie alimentaire conventionnelle sans réflexion critique et sans tenir compte des questions environnementales.

Pour atteindre toute la population, le CAP a une vision Lifelong Learning: des réseaux locaux organisent des évènements lors desquels se réunir pour échanger, fournissent des plateformes d’apprentissage par les pairs et encouragent des «conversations carbone» pour discuter et partager ses pensées et émotions concernant ce problème; le Gouvernement et les médias diffusent des informations fiables sur la crise climatique pour soutenir un débat constructif pour sortir de la crise.

Quel rôle pour la formation ?

Selon Manuel Fischer, responsable du département du développement durable de la HES bernoise et co-rédacteur du CAP, «la formation a le devoir de montrer la voie : Comment attendre que la population et les entreprises prennent au sérieux la crise si la formation ne le fait pas ? ».

La formation a le devoir de montrer la voie, Manuel Fischer HES bernoise

Pour ce faire, résume Henrik Nordborg, «la formation devrait s’orienter plutôt sur le CAP que sur l’Agenda 2030, dilué par les intérêts des 193 pays signataires. Elle devrait s’appuyer directement sur la science, considérer dans sa définition du DD des contenus thermodynamiques et mesurables et travailler avec les technologies actuelles au lieu de miser sur des miracles technologiques futurs». La formation pédagogique, ajoute M. Fischer, «doit habiliter les formateurs-trices à faire le lien entre le changement climatique et leurs domaines d’enseignement respectifs».

En attendant, Leandra a arrêté son apprentissage et s’est tournée vers l’école de culture générale à la recherche d’une « formation de base plus complète pour mieux comprendre la politique et pouvoir participer d’avantage au façonnement de la société » .

Liens et ressources

1 Stratégie pour le développement durable 2030 du 23 juin 2021, p. 19, Office fédéral du développement territorial ARE

2 Très faible recul des émissions de gaz à effet de serre en Suisse en 2019, Office fédéral de l’environnement OFEV, Communiqué aux médias du 12.04.2021

3 Plan d’action climatique CAP

4 Le changement climatique en classe de l’UNESCO

5 Education21

23% de salaire en plus si on maîtrise une deuxième langue nationale

Les compétences en langues étrangères jouent un rôle essentiel à l’heure de la mondialisation. Elles ouvrent des portes, augmentent les possibilités de carrière et contribuent à de meilleurs revenus. Dans la formation professionnelle, 16% seulement des formations initiales intègrent l’enseignement de langues étrangères (deuxième langue nationale ou l’anglais). Tour d’horizon de cette thématique d’actualité.

Enfin la soupe arrive. La soupe du professeur, à trois heures de l’après-midi, very delicious! Nous sommes dans une classe de formation professionnelle pour les cuisiniers de troisième année et nous vivons la fin d’un cours de cuisine spécial. Pendant vingt minutes, le professeur Erwin Mumenthaler de l’école professionnelle Gibb à Berne a préparé des oignons et des poireaux, a fait griller du gruau et a goûté la soupe, tandis que les élèves ont décrit les actions en anglais. La leçon de cuisine comme leçon de langue (voir article de Daniel Fleischmann dans Panorama référencé au bas de l’article).

L’Institut fédéral des hautes études en formation professionnelle (IFFP) a accompagné le projet d’introduction de la langue étrangère dans les leçons de cuisine et a conçu un manuel bilingue en collaboration avec les cuisiniers. Depuis quelques années maintenant, l’acquisition d’une langue supplémentaire fait partie du programme de formation des cuisiniers et est intégrée dans l’enseignement professionnel.

Compétences linguistiques – une clé de la réussite professionnelle

Des entreprises en réseau à l’échelle mondiale, des conférences via Skype, des collègues internationaux ou un paysage professionnel en constante évolution : les compétences en langues étrangères jouent un rôle essentiel à l’heure de la mondialisation. Elles ouvrent des portes, augmentent les possibilités de carrière et contribuent à de meilleurs revenus. Ceci est également confirmé par une étude du professeur François Grin de l’Université de Genève, qui a évalué la valeur financière des compétences en langues étrangères : si une personne de Suisse alémanique parle le français “de bien à très bien”, elle peut gagner jusqu’à 15 % de plus qu’un employé ne connaissant pas le français ; avec l’anglais, l’augmentation de salaire peut atteindre 25 %. De même, en Suisse romande, la connaissance de l’allemand est payante : Ceux qui parlent un allemand “bon à très bon” peuvent gagner jusqu’à 23 % de plus. Une très bonne maîtrise de l’anglais permet à une personne de Suisse romande de gagner jusqu’à 12 % de plus.

Pour reprendre les mots de Josef Widmer, directeur adjoint du Secrétariat d’État à l’éducation, à la recherche et à l’innovation SERI : “Cela dit, l’économie et la société s’internationalisent chaque jour un peu plus. Et la notion de “mobilité professionnelle” n’a rien d’une expression à la mode, mais fait partie de la réalité professionnelle d’aujourd’hui”.

L’enseignement bilingue dans la formation professionnelle

Les compétences en langues étrangères ne sont pas un objectif traditionnel de la formation professionnelle et peu d’ordonnances de formation prévoient l’enseignement d’une ou plusieurs langues étrangères. En effet, à ce jour, 36 des 222 ordonnances de formations intègrent l’enseignement de langues étrangères (deuxième langue nationale ou l’anglais), soit à peine 16%. Par ailleurs, les horaires des apprenants sont si chargés qu’ils ne permettent guère d’intégrer des cours de langues étrangères supplémentaires.

L’enseignement bilingue selon le principe “deux en un”, selon lequel le contenu des matières est transmis dans une langue étrangère, peut être un moyen de faire en sorte que les compétences linguistiques acquises au niveau secondaire I (école obligatoire) ne soient pas perdues.

L’enseignement bilingue dans les cantons

C’est en 1999 que l’enseignement bilingue a été introduit dans la formation professionnelle à travers le projet pilote « bi-li » auquel ont participé environ 25 classes d’écoles professionnelles des cantons de Zurich, Saint-Gall, Zoug, Schwyz et des Grisons. L’objectif était de permettre à tous les apprenants de poursuivre leur apprentissage et de conserver une deuxième langue à travers l’utilisant en classe. Le projet pilote a fait l’objet d’une évaluation. Selon les chercheurs Brohy et Gurtner (2011), l’enseignement bilingue est considéré comme propice à l’apprentissage tant du point de vue des matières enseignées que des contenus et des compétences linguistiques.

La Conférence allemande des ministres de l’éducation et des affaires culturelles (KMK) a déclaré que le bili était un modèle de réussite dès 2006. Actuellement en Suisse, les cantons de Lucerne, Zürich, Berne et du Tessin soutiennent activement l’enseignement bilingue au niveau de la formation professionnelle. Dans le canton de Lucerne, environ 20 % des apprentis sont formés en bilingue.

Les ingrédients d’un enseignement bilingue réussi

Cependant, l’enseignement bilingue est confronté à divers défis. Souvent les enseignants ont eux-mêmes appris peu de langues étrangères. En outre, ils partent du principe que ce sont avant tout leurs compétences en langues étrangères qui déterminent la qualité de leur enseignement bilingue.

Or, pour réussir un enseignement bilingue, il est nécessaire de disposer de méthodes et d’approches permettant de soutenir les apprenants à se servir de la langue étrangère. Cette méthode, selon laquelle la langue s’apprend par le contenu et le contenu par la langue, a été conceptualisée sous le nom d’EMILE (apprentissage intégré du contenu et de la langue). Elle représente encore aujourd’hui le cadre didactique de l’enseignement bilingue.

Qu’en disent les personnes concernées ?

Pour Luca Pession, Directeur de l’école professionnelle commerciale (EPC) de Fribourg, son école vise à donner la possibilité aux apprentis de suivre leur formation duale en bilingue grâce au modèle de l’immersion. “Pour garantir la réussite de ce projet il a été fondamental de compléter la formation des enseignants par un CAS en enseignement bilingue.”

Les jeunes qui suivent la formation bilingue sont plus ouverts à échanger avec les collègues de “l’autre langue”, Luca Pession

Qu’est-ce qui a amené Luca Pession à orienter son école vers le bilinguisme ?

“Dans un canton bilingue, il nous semblait fondamental de donner une opportunité supplémentaire pour améliorer l’employabilité de nos jeunes ainsi que de promouvoir la compréhension interculturelle dans un canton bilingue. En effet, l’EPC étant une école bilingue (français / allemand), nous pouvons mettre en parallèle les horaires de classes francophones et de classes germanophones permettant aux apprentis de suivre une partie des cours dans une classe de la langue partenaire. Nous constatons que les jeunes qui suivent la formation bilingue ou ceux qui suivent les cours avec des élèves bili sont plus ouverts à échanger avec les collègues de « l’autre langue ».”

Claudine Brohy, chargée de cours, mène des recherches sur le bilinguisme à l’Université de Fribourg. En collaboration avec le Prof. Jean-Luc Gurtner, elle a publié l’étude d’évaluation de l’enseignement bilingue dans les écoles professionnelles du canton de Zurich (précisions sur l’étude au bas de cet artcile). Quels résultats l’ont le plus frappée ?

Les apprenantes et apprenants bili font clairement plus de progrès en anglais, Claudine Brohy

“Les résultats les plus saillants montrent qu’en ce qui concerne les notes obtenues dans les disciplines non linguistiques, il n’y a pas de différences significatives entre les classes de contrôle et les classes expérimentales avec un enseignement partiel en anglais, ce qui est corroboré par les directions des établissements et le corps enseignant, les contenus techniques et professionnels sont donc maîtrisés également en anglais. Les apprenantes et apprenants bili font clairement plus de progrès en anglais que celles et ceux du groupe de contrôle. Les observations dans les classes montrent que l’anglais est utilisé de manière communicative, spontanée et décontractée, et que le plurilinguisme fait partie de la vie professionnelle et sociale. La présentation du travail personnel d’approfondissement montre de l’aisance dans l’utilisation de l’anglais. Les résultats montrent aussi que le dispositif demande des efforts de tous les protagonistes, qu’une bonne communication et information sont importantes, et que bili en français devrait être promu.”

Centre de compétences bili de la Confédération pour la formation professionnelle

La nécessité de renforcer l’apprentissage des langues en formation professionnelle a été reconnue par la Confédération. Pour soutenir les écoles professionnelles et les enseignants dans cette démarche, le Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation a mandaté l’IFFP d’agir comme centre de compétence bili. L’IFFP propose divers cours de didactique et travaille avec les cantons et les hautes écoles pédagogiques dans le but d’implémenter davantage l’enseignement bilingue dans la formation professionnelle.

Kathrin Jonas Lambert, responsable du centre de compétences bili de l’IFFP, est la figure de proue, « la magicienne » de l’enseignement bilingue. Je la remercie chaleureusement ici d’avoir coécrit cet article avec moi 😊.

Vous avez besoins de ressources ou d’informations complémentaires ?

Centre de compétences de l’enseignement bilingue de l’IFFP : www.iffp.swiss/enseignement-bilingue-bili

Panorama : «Näher an der Praxis», Daniel Fleischmann, Panorama 05/2014, www.panorama.ch

Vous voulez en savoir plus sur l’étude d’évalutation de l’enseignement bilingue dans les écoles professionnelles du canton de Zurich qu’a mené Claudine Brohy ? L’étude est ici : https://edudoc.ch/record/100393?ln=de

Sur mandat du « Mittelschul- und Berufsbildungsamt » de l’Instruction publique du canton de Zurich, l’Université de Fribourg a effectué en 2010 une recherche sur l’enseignement/apprentissage bilingue dans les écoles professionnelles (bili). Neuf écoles professionnelles étaient impliquées, avec presque 1’200 apprenantes et apprenants, 71 classes et 35 enseignantes et enseignants, en plus des directions des écoles et des responsables du projet. Par triangulation, la recherche a dégagé un nombre élevé de données tant quantitatives (comparaison des notes, tests et auto-évaluation de l’anglais, représentations, etc.) que qualitatives (entrevues semi-dirigées, discussions, observations dans les classes, etc.).

 

Covid-19 : Stress test pour la formation professionnelle à distance

Lundi 16 mars 2020, le couperet tombe. Le Conseil fédéral décide de mettre la Suisse en semi-confinement et d’interdire l’enseignement présentiel. Le coronavirus aura mis le système de formation sous pression. Quels enseignements provisoires pouvons-nous en tirer en pleine deuxième vague de la pandémie ? Tour d’horizon pour la formation professionnelle.

La numérisation de la formation avait commencé bien avant le coronavirus. Les institutions de formation disposaient déjà de l’infrastructure technique et de logiciels pédagogiques. Cependant, l’utilisation de médias numériques n’était pas généralisée à tous les niveaux de formation ni dans toutes les écoles. Les médias numériques étaient essentiellement utilisés dans l’enseignement présentiel et pas dans l’enseignement à distance. Si bien que le passage du jour au lendemain à un enseignement exclusivement à distance a mis les écoles, les enseignants et les élèves sous une immense pression. C’est ce qui ressort d’une récente étude réalisée par Aeschlimann B., Hänni M., Kriesi I. (2020) de l’Observatoire de la formation professionnelle de l’Institut fédéral des hautes études en formation professionnelle IFFP.

Quels facteurs influencent la qualité de l’enseignement à distance ?

Selon Büchter et al. (2011), la qualité de l’enseignement à distance dépend de plusieurs facteurs illustrés dans la figure ci-après :

  • La disponibilité d’une infrastructure technique appropriée;
  • La mise à la disposition des enseignants d’une expertise technique et didactique pour l’enseignement numérique;
  • L’organisation méthodologique et didactique de l’enseignement, par exemple le suivi, l’emploi de méthodes et de moyens pédagogiques variés ou une évaluation appropriée;
  • L’efficacité dans l’acquisition de compétences professionnelles et transversales par les personnes en formation.

Suffit-il de mettre sa présentation PowerPoint en ligne ?

Dès que l’enseignement présentiel a été interdit, l’enseignement à distance synchrone (enseignement présentiel en ligne) a pris le relai, accompagné par du travail individuel. Sur le plan technique, l’infrastructure était disponible. En revanche, l’utilisation des outils en ligne a présenté un défi majeur. En effet, les enseignants ont dû mettre leurs cours en ligne. Pour ce faire, il ne suffit pas de mettre sa présentation PowerPoint en ligne.

Il faut repenser la conception de son enseignement, ce qui implique un travail didactique conséquent, de surcroît dans un délai très court. Ceci a eu pour effet que la demande de formation continue des enseignants s’est orientée durant la pandémie vers l’organisation didactique de l’enseignement à distance et l’évaluation numérique, alors qu’auparavant elle était davantage ciblée sur l’emploi d’outils numériques.

A quels défis les enseignants ont-ils été confrontés ?

Deux enquêtes (3, 4) ont été menées auprès des enseignants pour connaître leur appréciation de la situation. Il en ressort plusieurs défis majeurs.

Suivi de l’apprentissage et suivi individuel

Le premier défi est sans aucun doute l’absence de contacts personnels. Les enseignants ont relevé des difficultés pour évaluer l’état d’esprit des élèves et leur participation. Ils ont également estimé que leur attachement subjectif aux élèves était plus faible durant l’enseignement à distance. En même temps, ils se sentaient plus responsables envers leurs élèves pour la transmission de la matière et le maintien d’un enseignement de qualité. Le suivi de l’apprentissage s’est révélé plus difficile également. L’échange social avec les élèves et leur encouragement individuel est limité à distance. Les enseignants ont aussi évoqué leur difficulté de trouver un équilibre optimal entre un encouragement excessif et insuffisant pour leurs élèves. Le soutien du travail individuel était lui aussi plus difficile.

Organisation des cours et évaluations

Un autre défi concerne l’organisation des cours et l’évaluation. Il s’est avéré plus difficile d’appliquer des méthodes pédagogiques variées dans le cadre de l’enseignement à distance. Quant aux évaluations, beaucoup d’enseignants n’avaient aucune expérience de l’évaluation numérique. Ils ont estimé pouvoir moins bien évaluer les prestations. Une majorité des enseignants interrogés estime d’ailleurs que les élèves ont moins appris que dans le cadre d’un enseignement présentiel.

Quelles perspectives pour l’avenir ?

Technique et infrastructure

Les enseignants expriment un besoin d’assistance pédagogique et didactique ainsi que la mise à disposition de logiciels appropriés pour l’enseignement et l’apprentissage numériques. La moitié des personnes interrogées voient également un potentiel de développement au niveau de l’infrastructure, du matériel et de l’assistance informatique.

Pédagogie et didactique

Pour la majorité des enseignants interrogés, cette crise a aussi été une opportunité pour apprendre ou améliorer leur utilisation des outils numériques. Ils ont développé leurs compétences numériques en favorisant l’emploi de nouvelles méthodes pédagogiques. Pour l’avenir, ils pensent intégrer dans leur quotidien ces nouvelles expériences et compétences. De nombreux enseignants souhaiteraient même une combinaison de cours en ligne et d’enseignement présentiel à l’avenir. Ce qui impliquera naturellement de la formation continue, notamment pour l’emploi des technologies numériques dans l’enseignement et le soutien à l’apprentissage, mais aussi une réflexion critique sur le sujet. Les enseignants estiment que la pandémie a contribué à une accélération de la numérisation des écoles.

Enseignement à distance : la panacée ?

Tous les acteurs s’accordent à dire que même les meilleures technologies ne peuvent remplacer le contact personnel entre les enseignants et les élèves. Un enseignement intégralement à distance n’est donc pas une option. En effet, il a une incidence négative sur le développement des compétences des personnes en formation et accroît les inégalités. Les écoles et les enseignants voient toutefois un grand potentiel dans les formes hybrides combinant l’enseignement présentiel et le travail individuel avec l’enseignement à distance.

Gardons un esprit critique !

La transformation numérique de l’enseignement, déjà amorcée avant la crise, a été accélérée par la pandémie. Cette opportunité d’innovation a permis de développer et d’utiliser des approches novatrices et de nouvelles modalités d’enseignement. Il faut cependant garder un regard critique sur cette évolution afin d’éviter les effets indésirables. Les méthodes pédagogiques numériques présentent des limites. Il faudra évaluer systématiquement ces expériences et partager les bonnes pratiques en matière d’enseignement numérique. Les enseignants ont besoin de formation continue et de soutien de leurs établissements de formation. Ce qui implique des investissements supplémentaires dans l’infrastructure et le développement des compétences. Les élèves, en particulier ceux qui ont des difficultés scolaires ou sociales, ont besoin d’un suivi et d’un accompagnement individuel pour éviter que la numérisation augmente les inégalités alors que la formation vise justement à les réduire. L’apprentissage à distance nécessite non seulement des compétences numériques, mais aussi une aptitude à l’apprentissage autonome. Tous les acteurs de la formation ont un rôle important à jouer. Le partenariat de la formation professionnelle, qui réunit la Confédération, les cantons et les partenaires sociaux, en est conscient et y travaille activement depuis le début de la crise.

Qu’en dit le syndicat des services publics ?

Suite à la publication de l’article, le syndicat des services publics (SSP) m’a fait part d’une enquête menée auprès de leurs membres enseignants du postobligatoire en juin dernier à laquelle plus de 300 personnes ont répondu. Voici quelques résultats issus de l’enquête.

La moitié des personnes sondées indiquent avoir travaillé plus qu’en période normale afin de conserver une relation pédagogique, maintenir un contact étroit avec les élèves et élaborer des contenus compatibles avec l’enseignement à distance. Les enseignants expriment également une fatigue physique et psychique ainsi qu’un isolement dans leur travail. Le seul élément positif ressorti de cette enquête est le gain de temps lié à l’absence de déplacement sur le lieu de travail.

Séparation difficile de la vie privée et professionnelle

L’éclatement des rythmes tout au long de la journée augmente la charge du travail et le stress. En effet, les personnes travaillant à domicile sont amenées à travailler le soir, la nuit ou le week-end. La séparation de la vie privée et professionnelle devient extrêmement difficile. Pour 50% des personnes interrogées qui ont-elles-mêmes des enfants, l’école à la maison a influencé négativement la situation du semi-confinement. Et ce d’autant plus si le lieu de vie manque d’espace comme un bureau pour s’isoler complètement pour travailler.

Les élèves également affectés

81% des enseignants déplorent le manque de lien pédagogique et social avec les élèves. Le décrochage de certains élèves et l’absence de réactivité de certaines classes après plusieurs sollicitations s’ajoutent à leur stress. De plus, beaucoup d’élèves ne disposent pas d’un ordinateur personnel, d’une connexion Internet suffisante ou d’un espace adéquat pour pouvoir s’isoler et travailler. Le manque de matériel, les conditions d’apprentissage et le déficit de maîtrise des outils de communication révèlent de fortes inégalités au sein des élèves.

Recommandations

Les enseignants sondés préconisent une meilleure répartition de l’horaire du travail à distance et le développement de meilleures pratiques d’autonomie du travail scolaire chez les élèves (gestion des multiples canaux de communication, planification et organisation du travail, gestion du temps et des objectifs…). Ils estiment qu’il faudra également entendre le point de vue des élèves et les associer à un bilan pédagogique de la situation.

Vous avez envie d’en savoir plus ?

Alors voici quelques sources qui pourraient vous intéresser !

Etude Enseignement à distance en formation professionnelle : défis et potentialités des méthodes numériques

Fort engagement des enseignant·e·s pour des résultats incertains et frustrants, enquête du Syndicat des services publics SSP

Task force Covid-19 « Perspectives Apprentissage 2020 »

Programme « Formation professionnelle 2030 »

Numérisation dans le domaine Formation, Recherche et Innovation FRI

Coronavirus – Informations du Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation SEFRI

Observatoire de la formation professionnelle

Numérisation de la formation professionnelle

Projet trans:formation – Transformation numérique des écoles professionnelles

Soutien à l’enseignement numérique

Swissuniversities : organisation faîtière des hautes écoles suisses

Fédération suisse pour la formation continue FSEA

Espace.FSEA – Plateforme d’échanges pour l’apprentissage et l’enseignement numériques dans la formation pour adultes

Références

1. Aeschlimann B., Hänni M., Kriesi I. (2020) : Enseignement à distance en formation professionnelle : défis et potentialités des méthodes numériques. Zollikofen, IFFP.
2. Büchter, K., Hahn, C., Jastrzebski, A., Kräenbring, R., Wölk, M. (2011). Qualitätsverständnisse in der betrieblichen Ausbildung von Kleinen und Mittleren Unternehmen (KMU) des Maler- und Lackiererhandwerks in Hamburg – Erste Ergebnisse des Modellversuches ML-QuES. Berufs- und Wirtschaftspädagogik Online, 21, 1–24.
3. Enquête de l’Observatoire de l’IFFP auprès du corps enseignant des écoles supérieures de Suisse alémanique : https://www.iffp.swiss/obs/enseignement-a-distance-dans-les-ecoles-superieures
4. Check-up Enseignement à distance pour les écoles du degré secondaire II : https://www.iffp.swiss/node/13016

Entrepreneurs : trouvez votre phare dans la tempête

Votre entreprise s’est fait surprendre par la tempête du coronavirus ? Comme tout capitaine de navire surpris par une tempête, l’équipage compte sur vous pour traverser les intempéries. Et vous aussi, vous comptez sur votre équipage. Chacun à un rôle à jouer pour diriger le bateau, le mettre à l’abri le temps nécessaire et lui permettre de reprendre sa route le moment venu. Parce qu’après la tempête, le beau temps reviendra, assurément. En tant que capitaine-leader, vous êtes à la barre pour redéfinir la stratégie et l’opérationnel et rassembler votre équipage pour sortir ensemble de la tempête.

Votre équipage, votre équipe

Votre équipage est affecté de manière différenciée selon les personnalités et expériences. Vous constatez diverses réactions. Certains sont incrédules, d’autres apeurés, d’autres banalisent quelque peu, certains prennent la fuite ou se cachent. En tant que capitaine-leader, il vous appartient de donner une réponse adaptée à chacune de ces réactions. Il s’agit d’abord d’accepter et d’accueillir ces réactions, en suspendant votre jugement. Ensuite, il est important de rassurer avec une approche spécifique pour chaque type de réaction. Par exemple, en cas de peur, communiquer sur les mesures qui ont été prises pour réduire les risques (sanitaires, économiques, organisation du travail, lien social, etc.). Ensuite, il s’agit de rassembler votre équipe autour d’un projet commun : sortir de la tempête. A vous de montrer l’exemple ! Soyez présent, physiquement si vous n’êtes pas à risque, ou par conférence vidéo ou téléphonique quotidienne. Un navire sans capitaine n’a plus de direction ! Et impliquez votre équipage, sur place ou à distance. Toutes les personnes doivent être mobilisées pour prêter main forte sur le pont. Chaque collaborateur peut apporter son aide et soutenir l’effort commun, même dans d’autres activités que sa fonction habituelle. N’hésitez pas à faire monter le cuisinier sur le pont ! Cela implique une réorganisation et une synchronisation des tâches au sein de votre équipe. En plus de vos leaders établis, identifiez autour de vous les nouveaux leaders qui émergent dans cette situation que vous pourrez aussi mobiliser pour guider vos équipes. En tant que capitaine-leader, restez à l’écoute de toute bonne idée qui pourrait surgir de votre équipe. Confiez de temps en temps, pour un moment, le gouvernail à une personne de confiance pour faire un pas de côté, prendre du recul sur la situation actuelle et changer de perspective. Allez visiter la cale, les machines et faites un état des lieux du bateau et de l’équipage.

Votre bateau est à l’arrêt, les moteurs sont coupés

Vous avez dû diminuer ou arrêter vos activités. Ce temps inattendu est une opportunité pour revoir votre business model et analyser ce qui fonctionne bien ou moins bien dans votre entreprise. De nombreux outils d’analyse sont à votre disposition, par exemple le diagnostic stratégique, SWOT, PESTEL, la matrice BCG, les 5 forces de Porter ou la chaîne de valeurs. Ils vous permettront de mettre en lumière vos forces, faiblesses, risques, opportunités pour mieux repositionner votre entreprise selon l’évolution du marché et les attentes de vos clients. C’est aussi le moment idéal pour observer ce que font vos concurrents et comment ils ont réagi face à la tempête afin de préparer les bases pour votre stratégie future.

Soyez prêts à faire repartir votre bateau, préparez la reprise

La tempête s’essouffle, la reprise est à l’horizon. Vous devrez être prêts à repartir, à relancer votre activité. N’attendez pas la reprise, soyez prêts avant vos concurrents ! Pour ce faire, définissez votre nouvelle stratégie à moyen et long terme. Il est illusoire de récupérer le temps perdu à court terme. Pour définir la stratégie, commencez par tirer le bilan de la crise. Quelles faiblesses avez-vous constatées ? Au niveau de vos produits et services, de la logistique, de la communication, de la structure d’entreprise, du financement, de la relation client, de la relation fournisseurs, du management, de l’agilité, etc. Étiez-vous préparé à l’environnement actuel VUCA (volatile, incertain, complexe, ambigu) ? Quels enseignements en tirez-vous ? Quels éléments retenez-vous pour faire évoluer votre stratégie ? Quelles innovations et diversifications pouvez-vous apporter à votre entreprise et votre activité ? Innovation de vos produits et services, de vos procédés et méthodes ou de votre organisation (management agile). Il est indispensable ici d’impliquer votre équipe qui est en contact direct avec les clients, les fournisseurs, les processus et le management. C’est une source constante et précieuse pour faire évoluer votre activité et une manière puissante de valoriser vos collaborateurs pour leur implication et leur travail.

Tracez la nouvelle route de votre bateau, votre plan d’action de relance

Votre stratégie est prête, vous avez déterminé votre destination. Il vous reste à tracer la route pour y arriver. Il est peu probable que vous y arriviez en ligne droite. Votre plan de relance se déclinera sur une année au moins. Vous devrez faire le plein des ressources telles que compétences, produits, services, finances, partenariats, etc. Ensuite, il faudra coordonner les actions et les planifier dans le temps. Les étapes dépendront fortement des ressources disponibles. Consultez régulièrement votre boussole pour vous assurer d’être sur le bon chemin et corrigez le cap si nécessaire. Si un jour, une nouvelle tempête devait surgir, seriez-vous mieux préparé à y faire face ? Établissez un plan d’action en cas de nouvelle crise.

Capitaine, vous avez des pistes à partager ?

Vous avez fait de bonnes expériences et avez des ressources à partager avec d’autres capitaines ? Alors elles sont bienvenues ici ! Merci à vous de participer à l’intelligence collective !

Article coécrit avec José Veloso

Chronique d’une maman ordinaire en période de Coronavirus

Le parcours semé d’embuches d’une maman ordinaire, divorcée, qui travaille et cherche des solutions pour assurer la prise en charge de ses enfants de 6 et 8 ans durant la crise du Coronavirus.

Vendredi 13 mars – superstitieux s’abstenir

Vendredi 13 à 14h00… le couperet tombe ! Le Conseil fédéral annonce en conférence de presse que la Suisse passe en situation particulière selon la loi sur les épidémies. Dans la foulée, les autorités cantonales neuchâteloises annoncent la fermeture des écoles de tous niveaux jusqu’au 30 avril.

La ministre de l’éducation du canton se veut rassurante dans la presse. “Tous les parents auront une solution de garde“, assure Monika Maire-Hefti. Dans l’interview que la ministre donne à la presse (ArcInfo, 13 mars 2020) elle précise “Mais d’ici là [lundi 16 mars], chaque parent aura été averti des dispositions prises et se sera renseigné sur les solutions d’accueil qui s’offrent à leurs enfants. Pour les familles qui n’ont pas de solution, un accueil minimal est organisé dans chaque centre scolaire. Nous les dépannerons, le temps que tout le monde puisse s’organiser et que les conditions d’accueil soient définies.

Tous les parents auront une solution de garde. Monika Maire-Hefti, Conseillère d’Etat

Une circulaire adressée le jour-même aux parents indique : “Pour les élèves de la scolarité obligatoire, un service d’accueil scolaire, dans le cadre des horaires habituels, et extrascolaire minimal sera mis sur pied pour les enfants dont les parents ne disposent d’aucune possibilité de les garder eux-mêmes, ni de les faire garder.

Lundi 16 mars – à l’épreuve de la réalité

Une nouvelle circulaire est adressée aux parents lundi 16 mars le matin. Des changements notables sont intervenus depuis vendredi : “Pour les élèves des années 1 à 8, seuls les élèves dont les parents sont actifs professionnellement (pour les deux parents ou en situation monoparentale) dans les domaines des soins, des secours et de la sécurité pourront y être accueillis selon l’horaire habituel.” Plus aucune mention de parents qui ne disposent d’aucune possibilité de les garder eux-mêmes, ni de les faire garder.

La maman que je suis est soudainement prise d’un accès d’adrénaline ! Mes enfants ont 6 ans et demi et 8 ans, ils sont en 3e et 4e année Harmos dans une école de Neuchâtel. Divorcée, avec une garde partagée, je travaille à 80% à Berne alors que le père de mes enfants travaille à 60% dans le canton. Nous pouvons donc être présents pour nos enfants trois jours sur cinq. En temps normal les deux autres jours sont assurés par les grands-parents et la structure parascolaire. Alors que faire lorsque ni la structure d’accueil ni les grands-parents ne sont disponibles ?

La cour d’école est vide et les portes sont fermées à clé

Au vu des circonstances, j’annule mes séances de travail à Berne lundi matin et m’organise pour travailler depuis le domicile, en télétravail. A défaut d’informations sur les possibilités de garde pour mes enfants, je décide de me rendre à l’école avec mes enfants pour obtenir des informations. Nous arrivons à 8h15 tapante, la sonnerie retentit. Par un magnifique temps ensoleillé de printemps, la cour d’école est désespérément vide. Aucun enfant, parent ni enseignant à l’horizon. Etonnant et inquiétant à la fois !

Je me dirige vers la porte du collège de la classe de mon fils. Elle est fermée à clé ! Je fais le tour du collège, toutes les autres portes sont aussi verrouillées. Aucune information n’est affichée. Pas de numéro de téléphone à appeler, ni d’adresse e-mail à contacter. Absolument rien. Je réalise que

Même pour les parents travaillant dans la santé ou la sécurité il n’y a aucune solution dans ce collège ce jour-là.

C’est absolument dramatique en pareille circonstance !

Serions-nous invisibles ?

Un peu déboussolée je l’avoue… je reste quelques instants incrédule dans cette cour. Mes enfants m’observent, sentent mon stress et attendent une réaction de ma part. Je reprends mes esprits et me dirige vers un autre bâtiment du collège, celui de la classe de ma fille. La porte n’est pas verrouillée cette fois-ci, alors nous entrons à l’intérieur. Nous montons les escaliers, des voix témoignent d’une présence. Je me sens soulagée. Lorsque nous arrivons à l’étage de la classe de ma fille, son instituteur est là et nous accueille gentiment. Il nous guide vers un groupe d’instituteurs et institutrices qui écoutent un briefing de leur directrice. Je regarde aux alentours, aucun autre enfant ou parent. J’écoute les informations… et au bout de quelques minutes, je me risque à prendre la parole pour demander ce qui est prévu pour la prise en charge des enfants dont les parents n’ont d’autre solution de garde que les grands-parents ou la structure d’accueil fermée. La réponse de la directrice est sans appel : “Comme c’est marqué dans la circulaire de ce matin, il n’y a rien qui soit organisé“. Elle poursuit ses explications à ses enseignants et ajoute, en ma présence et celle de mes enfants :

C’est bon, il n’y a aucun enfant qui est venu ce matin à l’école. Directrice adjointe du cycle 1

Je suis stupéfaite, la situation est complètement surréaliste !

Réponse des autorités

Après cet épisode perturbant, je rentre avec mes enfants à la maison. Je décide d’écrire un courriel au cercle scolaire pour demander quelle solution est prévue dans ma situation. Je reçois la réponse automatique suivante :

Bonjour, Compte tenu de la situation sanitaire actuelle, merci de vous référer aux indications que vous recevrez par les voies de communications officielles. Nous ne pourrons répondre à vos messages à ce sujet. Merci de vous adresser à nous seulement en cas d’extrême urgence. Merci de votre compréhension

Nous ne pourrons répondre à vos messages à ce sujet. Cercle scolaire

Je réponds à ce message en expliquant que je n’ai pas de solution de garde autre que les grands-parents de plus de 65 ans et la structure d’accueil fermée. J’ajoute qu’en l’absence de solution de leur part, je me verrai dans l’obligation de solliciter les grands-parents dès le lendemain. En fin de matinée, je reçois une réponse personnalisée du cercle scolaire :

Chers parents, Votre courriel a retenu toute notre attention. Nous vous remettons les directives validées par la Ville et le canton de Neuchâtel concernant cette situation de crise. En cas de difficultés de garde pour vos enfants, vous pouvez vous adresser à votre structure d’accueil. Nous vous adressons nos cordiales salutations.”

Une lueur d’espoir… vite douchée

Sur la base de la réponse du cercle scolaire, je décide de m’adresser à ma structure d’accueil. La directrice, aimable et réactive, me répond dans l’heure qui suit :

… Étant donné la situation, j’ai envoyé votre mail au canton afin de savoir si je peux ouvrir pour accueillir vos enfants. Dès que j’ai une réponse du canton, je vous recontacterai...”

Peu après, la réponse tombe :

Rebonjour Madame, J’ai téléphoné à l’OSAE suite à votre demande d’accueillir vos 2 enfants. Étant donné que vous ne travaillez ni dans le domaine de la santé, ni dans la sécurité, vous devez vous adresser à votre commune de domicile …

Tout le monde se renvoie la balle – les parents sont sur le carreau !

La commune autorise : “vous pouvez vous adresser à votre structure d’accueil

La structure d’accueil demande l’autorisation au canton.

Le canton refuse : “Étant donné que vous ne travaillez ni dans le domaine de la santé, ni dans la sécurité, vous devez vous adresser à votre commune de domicile.

La maman est sur le carreau… Un vrai casse-tête chinois !

Nous voilà mercredi soir, trois jours ouvrables après la fermeture des écoles et des structures d’accueil. Et aucun dispositif n’a pu être mis en place pour les parents dans ma situation. Je me sens totalement abandonnée par les autorités. Je suis démunie dans cette situation.

Je réécris donc au cercle scolaire mercredi en fin d’après-midi en transmettant la réponse de la structure d’accueil et du canton pour demander de l’aide :

A ce jour, je n’ai pas de solution. Je me sens complètement abandonnée par les autorités et je ne sais pas comment faire pour assurer la prise en charge de mes enfants de 6,5 et 8 ans. J’ai pris congé lundi, j’ai engagé une baby-sitter privée toute la journée mardi (à 130.- la journée), j’ai fait du télétravail mercredi. Le père des enfants va les prendre jeudi et vendredi. Je suis au bout de mes ressources et de mes possibilités. J’ai besoin d’aide. Sans solution de la part des autorités communales et cantonales à ma demande de prise en charge de mes enfants, je me vois dans l’obligation de recourir aux grands-parents dès le lundi 23 mars.”

Jeudi en fin  de journée, soit quatre jours ouvrables après la fermeture des écoles et des structures d’accueil, la réponse de la commune est sans équivoque… et sans solution non plus :

L’accueil d’urgence dans les écoles, dans les structures d’accueil privées subventionnées ou les structures d’accueil communales est destiné uniquement aux enfants dont les deux parents travaillent dans la santé, les soins et la sécurité. Avec ces directives, vous comprendrez que nous ne sommes pas en mesure de répondre positivement à votre demande malgré le contexte vous concernant.”

En vous souhaitant de trouver des solutions, nous vous adressons, Madame, nos cordiaux messages. Anne-Françoise Loup, Conseillère communale

Agir pour ne pas se laisser déborder par l’angoisse

Je travaille dans la politique nationale de la formation et la jeunesse à Berne. Les deux sphères, professionnelle et privée, se rejoignent aujourd’hui. Mes rôles de secrétaire politique et de maman sont sollicités. Je suis convaincue que beaucoup d’autres parents se sentent démunis et abandonnés dans cette situation. Certes, il y a des actions de solidarité via les réseaux sociaux, des réseaux de parents qui s’entraident. Mais cela ne suffit pas. Il est de la responsabilité des autorités de répondre aux besoins légitimes de la population en matière d’accueil des enfants d’âge scolaire.

Je suis à la fois inquiète, démunie et révoltée face à cette situation. J’ai donc décidé de partager mon expérience sur mon blog avec vous. Parce que l’éducation est mon domaine de cœur et que mes enfants sont dans mon cœur !

Vos témoignages sont les bienvenus

Vous souhaitez partager vos expériences avec la prise en charge de vos enfants durant cette période de Coronavirus ? Alors commentez cet article et je relaie vos témoignages dans une intention clairement positive de susciter la prise de conscience et de trouver des solutions.

Voyage au cœur de l’apprentissage

L’édition 2020 du salon des métiers et de la formation valaisan « Your Challenge » vient de fermer ses portes. De retour de Martigny, je vous propose de vous emmener dans une visite virtuelle de l’exposition « Au cœur de l’apprentissage » pour y découvrir le parcours de l’apprentissage.
Photo de l’entrée de l’expo, ©IFFP C. Chammartin

Posons le décor

Commençons la visite ! Nous entrons dans cet espace qui, de prime abord, ressemble à un labyrinthe. Rassurez-vous, il n’y pas de risques de s’y perdre, le parcours suivant la chronologie d’une formation : de l’embauche à l’obtention d’un diplôme. L’entrée invite les visiteurs à passer la tête dans un décor qui rappelle celui d’un appartement. Fauteuil, téléviseur, tableaux au mur et même un coucou. Tout rappelle l’implantation de la voie de l’apprentissage dans le quotidien helvétique. Cet espace introductif pose le décor en rappelant la longue histoire du système suisse, une galerie de photos permet ainsi de parcourir l’évolution de l’apprentissage, monde très masculin sur les premiers clichés. Plus récemment, des images de filles dans des métiers largement masculinisés illustrent certaines campagnes publicitaires.

Mécanicienne en maintenance d’automobiles CFC
©AGVS/UPSA, 2017

Dans ce premier espace, comme dans tous les suivants une porte fermée par une bâche permet d’entrer dans l’espace central qui vient présenter les zones d’ombre du système, les difficultés. Il est possible d’y accéder depuis chaque espace pour découvrir les difficultés en lien avec les thématiques abordées dans la salle précédente. La visite peut également se faire plus tard. Lire la section Angles morts ci-après.

Embauche

On quitte l’appartement pour entrer de plein pied dans le parcours : première étape, cruciale, l’embauche ! Apprentis et formateurs rappellent les enjeux : trouver une place d’apprentissage dans le « bon métier » dans un marché parfois tendu pour les uns. Trouver la « bonne » personne, qui fera de cette formation son métier, qui restera peut-être dans l’entreprise pour les autres. Un jeu invite à se mettre « Dans la peau d’un recruteur » et à choisir un-e apprenti-e, un-e seul-e, pour le métier que vous aurez sélectionné. La sensation est inconfortable, les informations insuffisantes, il faut évaluer au « feeling » qui sera ou non engagé-e. Malgré les notes, les tests et les stages, il y a bien quelque chose qui se joue dans le face à face de l’entretien d’embauche… Quelques personnages n’ont jamais passé la rampe de la « première impression ». Au moment de quitter cet espace, un graphique s’arrête sur les 20 métiers les plus choisis par les jeunes (top 5 : Commerce et administration ; Vente en gros et en détail ; Construction et génie civil ; Soins infirmiers ; Mécanique et technique apparentée). Cela rappelle à quel point la formation professionnelle est genrée. Et une jeune visiteuse de dire : « c’est pas vraiment une surprise, c’est l’éducation ».

Jeu « Dans la peau d’un recruteur », © Céline Ribordy

Apprentissage au quotidien

Une fois embauché-e, nous voilà dans le quotidien de l’apprentissage en entreprise. Un espace plus encombré, qui rappelle le travail et la spécificité de former en entreprise. Quatre films présentent les enjeux de cette transmission sur le lieu de travail, mais aussi d’autres : le jeune âge des apprenti-e-s, la transition vers le monde du travail, le passage à l’âge adulte, la pénibilité de certains métiers. Mais aussi l’envie, la motivation des jeunes et des personnes qui les forment.

Jeunes regardant les films sur la transmission, © IFFP C. Chammartin

L’accent est mis sur un point crucial de l’apprentissage : il faut à la fois former, se former et produire. Des graphiques illustrent comment dès la première année, de manière plus ou moins importante selon le métier, les apprenti-e-s participent à la production. Enfin, l’enjeu du temps ou plutôt de l’absence de temps est évoqué. Des témoignages sont présentés au travers d’un dispositif vidéo qui va en s’accélérant. Petit à petit on ressent à son tour cette pression typique de l’apprentissage dual.

Le quotidien, © IFFP C. Chammartin

Zones d’ombre

Avant d’arriver à la fin de la formation, entrons dans l’espace central, où sont présentées les difficultés. Fermé par des bâches, il est plus petit et légèrement oppressant. Tout d’abord, le rappel de l’allongement et des difficultés liées à la transition école-travail, les temps d’attente, les inquiétudes. Face à l’embauche, la réalité de la discrimination des jeunes immigrés, mais aussi des filles visant un métier où elles sont minoritaires. Rappel également du décalage qualitatif entre offres et demandes de places d’apprentissage (des places, oui, mais pas dans les métiers rêvés des jeunes !). On découvre les chiffres des arrêts prématurés (22%) et les raisons de ceux-ci (orientation et performances certes, mais aussi relations au travail, conditions de travail et de formation). Enfin, retour sur la réalité des échecs finaux ou encore sur l’attente avant de trouver un premier emploi. Les témoignages sont cachés sous un clapet, rappelant qu’en Suisse, on aime la discrétion quand il s’agit des limites du système d’apprentissage. A nous de le soulever et de découvrir ce qui s’y cache ! Cet espace, véritable réplique au discours vantant le « meilleur système au monde », se veut également un lieu d’approfondissement et de réflexion.

Les difficultés cachées, © Céline Ribordy

Obtention du diplôme

Nous voilà presqu’au terme du parcours. Entrons dans le dernier espace à l’ambiance plus festive. Au mur d’innombrables diplômes : de très anciens, des métiers ayant disparus, des curiosités, mais surtout des AFP, des CFC, des maturités professionnelles et autres brevets, maîtrises, bref toute la palette des diplômes de la formation professionnelle. Derrière ces diplômes, on trouve des histoires, celles des pionnières ayant bravé les bastions masculins, celles des mobilités sociales rendues possibles par une maîtrise après un CFC, celles aussi de familles où trois générations ont en commun d’avoir fait un CFC. Ces histoires renvoient au premier espace, où le décor a été posé, et soulignent encore une fois l’importance du système dans la réalité et le quotidien de notre pays.

A la croisée des chemins…

Pour quitter l’expo, un dernier dispositif interactif. Au sol, un cercle nous invite à nous positionner face à quatre sorties, autant de voies après un apprentissage : entrer sur le marché du travail, poursuivre vers la formation professionnelle supérieure et ouvrir son entreprise, poursuivre vers des études dans une haute école ou retourner dans l’expo et démarrer un nouvel apprentissage. Laquelle choisirez-vous ?

Sortie de l’expo, © IFFP C. Chammartin

Prochaines dates de l’expo

Vous avez raté l’exposition à Martigny ? Ou au contraire, vous l’avez adorée ? Alors vous pourrez la (re)voir dans différents salons des métiers et de la formation en Suisse romande et aux Swiss Skills aux dates suivantes :

  • Salon interjurassien de la formation, Delémont : 1er – 5 avril 2020
  • Swiss Skills, Berne : 9 – 13 septembre 2020
  • Salon des métiers et de la formation, Lausanne : 24 – 29 novembre 2020
  • Start! Forum des métiers, Fribourg : 2 – 7 février 2021
Fiche signalétique 

L’exposition « Au cœur de l’apprentissage » est un projet réalisé dans le cadre d’un financement FNS-Agora pour la vulgarisation et le transfert scientifique. Elle est le fruit de différentes recherches menées à l’IFFP par Prof. Nadia Lamamra et son équipe sur les arrêts d’apprentissage, les parcours de transition et le quotidien des formateurs et formatrices en entreprise. Elle est produite par l’IFFP et le Collège du travail à Genève et est soutenue par le FNS, la Loterie romande et divers fonds professionnels cantonaux.

Auteurs

L’exposition a été conçue par Nadia Lamamra, Barbara Duc et Isabelle Dauner, avec Stéphane Klaefiger (scénographie), KO Production (graphisme), Katharine Dominicé (films) et Isabelle Closuit Chouadra (médiation).

YES : une démarche innovante pour former les entrepreneurs de demain

Young Enterprise Switzerland (YES) développe des programmes de formation économique afin de connecter l’économie et l’école. Des élèves de 16 à 18 ans ont ainsi l’opportunité de créer leur mini-entreprise. L’initiative lancée en Suisse alémanique en 2006 se développe en Suisse romande depuis 2014.

Pour l’édition 2019-2020, sur un total de quelques 200 mini-entreprises au plan suisse, seules six étaient romandes, dont deux neuchâteloises. L’Ecole supérieure de commerce du Lycée Jean-Piaget à Neuchâtel a été pionnier en tant que première école romande à participer à ce projet en 2014.

Comment débute un projet YES ?

Selon le témoignage recueilli auprès de Pascal Debély, enseignant d’économie et coach d’équipe YES au Lycée Jean-Piaget à Neuchâtel, l’activité est présentée au mois de mai de la première année auprès de 50 à 70 élèves. Les personnes intéressées sont invitées à adresser une postulation d’une demi-page qui décrit leur motivation. Vingt personnes environ sont sélectionnées sur la base de l’énergie qui se dégage de chaque personne et pas de ses notes. Puis, les candidats passent un entretien individuel de dix minutes. Au final, douze personnes sont retenues, qui sont par la suite réparties dans deux équipes de six, selon les profils et les affinités. Les deux équipes sont alors invitées à une séance pour leur expliquer le déroulement du projet et ce qu’elles auront à faire durant les vacances d’été. Il s’agit d’une part de trouver un projet concret, et, d’autre part, de répartir entre les participants les domaines de Direction, Administration, IT, Marketing, Finances, Production et Ventes. Au mois de juin, les équipes sont constituées.

L’équipe de BÂCH&CO lors du concours suisse en mai 2019. Photo : Lycée Jean-Piaget

Et ensuite ?

A la rentrée en deuxième année, les deux équipes sont invitées à une rencontre. Les projets choisis sont discutés et le cadre de travail est fixé. Les équipes doivent ensuite définir un produit, choisir son nom, concevoir son logo, mettre en place sa production et en assurer la commercialisation. En septembre, cette étape doit être terminée. Mi-octobre, le prototype est présenté lors de la cérémonie d’ouverture YES à l’école. A cette occasion, les équipes lèvent des fonds à hauteur de 3000 francs au maximum sous forme de bons de participation de 15 francs des parents et amis présents. Cet «actionnariat» leur permet de financer la fondation de leur entreprise et de poursuivre leur projet. La production et la distribution démarrent ensuite avec des ventes dans les marchés de Noël. Le plan d’affaires doit être livré à YES en janvier. Le concours régional YES se déroule en mars à Neuchâtel, l’européen en avril et le national en mai à Zurich. Pour chacun de ces concours, les deux mini-entreprises conçoivent un stand à l’image de leur produit. Le rapport de gestion doit être transmis à YES en mai. Puis, les équipes procèdent au bouclement des comptes et à la liquidation des stocks. En juin, le projet se termine par la cérémonie de clôture à l’école avec les «actionnaires». A la fin de cette deuxième année, les élèves reçoivent leur note de travail de maturité, évalué sur des critères tels que le comportement en équipe, la motivation, l’attitude face aux problèmes ou l’implication dans le projet.

Rôle des coaches

Les coaches sont des enseignants qui accompagnent les équipes YES. A l’instar de Pascal Debély, ils apprécient de diversifier leur enseignement. Ils y voient une opportunité d’innovation et de challenge stimulante. Leur rôle est d’accompagner, encourager et guider les équipes. Ils ne leur disent pas ce qu’elles doivent faire mais leur laissent beaucoup de liberté. Ils aident les participants à faire le lien entre ce qu’ils veulent transmettre et leur marché potentiel. Les coaches doivent surtout leur dire ce qu’il n’est pas possible de pas faire sur la base de l’expérience des projets antérieurs, comme un projet trop compliqué ou des produits trop chers. C’est en quelque sorte un rôle de garde-fou.

Pascal Debély, enseignant et coach YES. Photo: Laura Perret

Motivation et bénéfices pour les jeunes

Pour les participants, c’est l’occasion de mettre en pratique leurs acquis de formation et de prendre de véritables responsabilités dans un projet innovant. Ils rêvent de créer leur propre entreprise et ils apprécient le travail en équipe. Grâce à ce projet, ils découvrent par eux-mêmes toutes les étapes, les joies et les difficultés de la création et de la gestion d’une petite entreprise, ainsi que la commercialisation d’un produit. Ils touchent à beaucoup de domaines professionnels comme l’économie, la commercialisation, la communication, l’informatique, le droit ou les finances. Ils vivent une expérience humaine unique de collaboration au sein d’une équipe. Ils présentent leurs réalisations à Zurich et en Europe dans des langues étrangères. Ils apprennent à parler aux médias et en public. Ils réussissent chaque année, et sans aide, à trouver une personnalité pour leur concept marketing, par exemple Bastian Baker ou Didier Cuche. Les participants développent également leur réseau, en cherchant des informations, des ressources et de l’aide, auprès de parents, d’amis ou de chefs d’entreprises. Par la suite, ils feront partie du réseau d’alumni YES international.

« Si le bénéfice ne figure pas forcément dans le compte d’exploitation, il est en tous les cas dans la tête et dans les acquis de ces douze étudiants ! A la cérémonie de clôture, ces jeunes ont grandi, mûri et gagné en assurance. » Pascal Debély, enseignant et coach YES

Tout est rose ?

Ce serait illusoire de croire que tout est rose. Il peut y avoir des problèmes avec les fournisseurs. En Chine par exemple, les coûts de production sont bas, mais la qualité et les délais laissent à désirer et il n’y a pas de contact personnel direct. La vente n’est pas facile non plus. Les équipes participent à des foires commerciales ou des marchés de Noël. Enfin, les délais à tenir sont stricts. Ces difficultés font partie de l’expérience et sont bénéfiques en termes d’apprentissage.

Exemples de mini-entreprises YES du Lycée Jean-Piaget

En 2016, le projet Cook’easy a produit un récipient pour réaliser diverses recettes de cuisine. L’équipe a gagné le premier prix du concours régional et le 2e prix du concours national à Zurich, parmi 220 teams. En 2017, le projet Movie’t a réalisé un mini-rétroprojecteur pour smartphone en bois et sans électricité. L’équipe a gagné le concours régional; elle s’est classée dans les 22 meilleures formations de Suisse au concours national et a participé au concours européen en Lituanie. En 2019, Drink’eat a commercialisé des pailles comestibles et aromatisées. Arrivée dans le top 22 au classement suisse, l’équipe a remporté le prix YES Media Award 2019 attribué par des professionnels alémaniques de la publicité. Ce prix consiste en une publicité professionnelle télévisée réalisée en studio qui passera à l’antenne sur deux chaînes zurichoises. Enfin, avec ses sacs banane en bâche de bateau recyclée, l’entreprise BÂCH&CO est arrivée dans les huit premières équipes suisses au concours national.

L’équipe de Drink’eat lors du concours suisse en mai 2019. Photo : Lycée Jean-Piaget

Et après ?

Certains projets tels que Cook’easy et Drink’eat continuent au moins une année. Une fois leur cursus terminé, les équipes se dispersent et les chemins se séparent. L’expérience reste cependant très utile sur un C.V., à l’image de cette alumni YES du Lycée Jean Piaget qui a poursuivi sa formation à Saint-Gall et qui a été engagée par un employeur, lui aussi ex-participant YES.

Références

Young Enterprise Switzerland YES

YES du Lycée Jean Piaget à Neuchâtel