Souvent critiqués de sécher l’école pour manifester, les jeunes grévistes du climat ont démontré leur extraordinaire engagement en rédigeant un plan d’action climatique (CAP) avec 138 mesures concrètes prouvant qu’il est possible d’atteindre le taux zéro d’émissions nettes de CO2 d’ici 2030. La Suisse vise le taux zéro en 20501, et n’atteint qu’une baisse minimale des émissions CO2 en 20192.
Article coécrit avec Susanne Bergius Artison
Leandra, apprentie en informatique d’entreprise en 2019/20 et membre de la Grève du Climat, est déçue de son passage à l’école professionnelle : pas un mot sur la durabilité en lien avec la fabrication de la technologie ; pas de conscience chez ses camarades de classe que le changement climatique est une crise dont les conséquences contraignent d’ores et déjà des populations à fuir leurs champs inondés d’eau salée par la montée des océans. Elle apprend par elle-même et au sein de la Grève du Climat, et martèle face au déni qui l’entoure que «le système scolaire a échoué» .
Le système scolaire a échoué, Leandra, apprentie
Pendant que ses camarades planifient un voyage autour du monde pour leur 25 ans, elle craint une famine.
Que propose le CAP ?
Tout aussi sidéré par l’inadéquation entre la gravité des conséquences d’un réchauffement emballé et la faible véhémence des actions, le Prof. Dr. Henrik Nordborg, responsable du Bachelor en énergies renouvelables et technique d’environnement de la HES OST, participant à la rédaction du CAP3, s’explique que – vu l’exemple du lockdown du monde entier qui était possible pour venir à bout de la crise sanitaire – outre les connaissances, «il faut des émotions pour agir» et salue le fait que le CAP en tient compte. Si l’éducation au développement durable EDD est entrée dans les plans d’études de l’école obligatoire (Plan d’études romand PER, Lehrplan 21), le CAP se concentre sur l’urgence de réduire les émissions du CO2 à zéro.
Par conséquent, il met l’accent sur la nécessité d’introduire à tous les niveaux scolaires l’éducation au changement climatique en vue du Développement durable (ECCDD)4, non seulement de manière transversale et orientée compétences, mais également via la transmission de connaissances factuelles liées à l’action : « Les principaux moteurs de l’action sont la connaissance des causes du changement climatique, les compétences adéquates et pertinentes et le bon état d’esprit. Les gens doivent avoir les compétences appropriées pour contribuer activement et de manière appropriée à la tâche sociétale de réduction des émissions. Enfin, ils doivent avoir développé l’attitude et l’état d’esprit (mindset) adéquats pour appliquer réellement leurs connaissances et leurs compétences. » ou : « Les gens doivent se rendre compte de l’impact du changement climatique sur leur vie […], ils doivent savoir comment réduire les émissions de gaz à effet de serre afin de maintenir le réchauffement de la planète en deçà de 1,5° degré » .
Un-e conseiller-ère environnemental-e en entreprise ?
La Confédération et les cantons sont appelés à organiser des programmes nationaux pour former les enseignant-e-s au changement climatique et des semaines d’action pour le climat axés sur l’expérience. Plus spécifiquement pour la formation professionnelle, il est prévu d’introduire dans les entreprises le rôle d’un conseiller en matière environnementale qui organise des formations sur le changement climatique. Les employé-e-s et les apprenti-e-s devraient suivre ces formations pratiques et liées avec le travail des destinataires. Henrik Nordborg insiste sur la nécessité de transmettre des savoirs spécifiques au changement climatique et d’introduire cette ECCDD directement dans les entreprises, car «les personnes qui peuvent faire la différence ne sont plus à l’école». Ces conseillers pourraient veiller à la cohérence entre les enseignements et le discours autour du développement durable : Roman, apprenti pâtissier en 3e année affirme d’avoir bien eu des leçons à l’école professionnelle thématisant le développement durable et conseillant de privilégier, à titre d’exemple des ingrédients locaux, mais qu’en même temps, au cours interentreprise prévalaient des réflexions liées à l’économie de marché. Il était alors conseillé de commencer la production de chocolats de Noël déjà dès septembre pour produire de grandes quantités, ce qui est plus rationnel, et de stocker la production dans des grands congélateurs. A plusieurs reprises, il a pu constater que dans les cours interentreprise prévalait l’enseignement de manières de fabrication correspondant à l’industrie alimentaire conventionnelle sans réflexion critique et sans tenir compte des questions environnementales.
Pour atteindre toute la population, le CAP a une vision Lifelong Learning: des réseaux locaux organisent des évènements lors desquels se réunir pour échanger, fournissent des plateformes d’apprentissage par les pairs et encouragent des «conversations carbone» pour discuter et partager ses pensées et émotions concernant ce problème; le Gouvernement et les médias diffusent des informations fiables sur la crise climatique pour soutenir un débat constructif pour sortir de la crise.
Quel rôle pour la formation ?
Selon Manuel Fischer, responsable du département du développement durable de la HES bernoise et co-rédacteur du CAP, «la formation a le devoir de montrer la voie : Comment attendre que la population et les entreprises prennent au sérieux la crise si la formation ne le fait pas ? ».
La formation a le devoir de montrer la voie, Manuel Fischer HES bernoise
Pour ce faire, résume Henrik Nordborg, «la formation devrait s’orienter plutôt sur le CAP que sur l’Agenda 2030, dilué par les intérêts des 193 pays signataires. Elle devrait s’appuyer directement sur la science, considérer dans sa définition du DD des contenus thermodynamiques et mesurables et travailler avec les technologies actuelles au lieu de miser sur des miracles technologiques futurs». La formation pédagogique, ajoute M. Fischer, «doit habiliter les formateurs-trices à faire le lien entre le changement climatique et leurs domaines d’enseignement respectifs».
En attendant, Leandra a arrêté son apprentissage et s’est tournée vers l’école de culture générale à la recherche d’une « formation de base plus complète pour mieux comprendre la politique et pouvoir participer d’avantage au façonnement de la société » .
Liens et ressources
1 Stratégie pour le développement durable 2030 du 23 juin 2021, p. 19, Office fédéral du développement territorial ARE
2 Très faible recul des émissions de gaz à effet de serre en Suisse en 2019, Office fédéral de l’environnement OFEV, Communiqué aux médias du 12.04.2021
3 Plan d’action climatique CAP
“Les gens doivent….”, “Les gens doivent”, “Les gens doivent…”, “La formation devrait. “, “La formation doit…”
Que d’injonction !
La question se pose de savoir pourquoi “les gens” ne font pas ce qu’ils devaient…
Où sont les obstacles ? Seulement dans “la société” ou tout au fond de chacun de nous ?
Je vous remercie de votre commentaire. Vous posez les bonnes questions. Quels sont les obstacles ? Au niveau individuel ou de la société ? Je changerais la question en demandant de quoi avons-nous besoin, au niveau individuel et collectif, pour contribuer à la durabilité dans notre société ? Quelles prises de conscience, ressources, capacité d’action, énergie, expertise, formation, etc ? Vaste débat auquel chacun-e de nous peut participer. Avec mes meilleures salutations, Laura Perret
Il faut commencer par comprendre ce qu’est le climat , sa définition clairement exprimée, ses fondements théoriques, ses mesures , … non se contenter de parler de réchauffement sans en comprendre les causes !
Parler d’emballement climatique n’a aucun sens et ne correspond pas à la réalité et il n’y a pas lieu de se précipiter à abandonner sa voiture au bord de la route , de peur que la température va augmenter l’heure qui suit !!!
Une profonde et saine analyse de la situation permet de prendre les bonnes actions en temps et en heure : les mesures de températures en 2021 montrent une baisse sensible par rapport à 2020 , ce qui signifie que les variations naturelles sont plus importantes que le prétend le GIEC !!!
Il faut établir une liste des priorités des actions à mener et non les appliquer toutes sans discernement . Il faut au contraire choisir celles dont l’impact est le plus important et qui sont à notre portée , comme par exemple les pompes à chaleur en remplacement des chauffages à mazout, tout en prenant compte du cycle de vie des systèmes de chauffages entre 20 et 30 ans , …
On ne pourra en aucun cas réduire à 0 l’émission de CO2 avant 2030 ou à l’échelle mondiale avant 2050, c’est un leurre autant économique qu’éco – logique !
Et justement, c’est en proposant une prévision du climat correcte qu’on pourra aussi amener un plan rationnel , pondéré et réalisable que l’on pourra atteindre l’objectif .
Se précipiter n’est pas la bonne option , hâte-te toi lentement, dit le proverbe …
Cher Monsieur,
Je vous remercie de votre commentaire. Je ne suis pas qualifiée pour intervenir dans un débat d’experts sur le réchauffement climatique. Il y a d’autres lieux d’échange pour les spécialistes. Je pense personnellement que la durabilité est un enjeu majeur de notre société et que chaque acteur a la capacité de contribuer à son niveau pour l’avenir de notre société. Et la formation a un rôle à jouer pour sensibiliser et ouvrir les champs de réflexion. Je vous remercie de votre contribution à ces réflexions.
Avec mes meilleures salutations,
Laura Perret
« Si on veut limiter le réchauffement à 2 degrés, il faut limiter à 3000 – 4000 milliards de tonnes les émissions de CO2, soit environ 5% par an dès maintenant.
5% c’est l’année du COVID en 2020.
Donc, pour lutter contre le réchauffement climatique dans les bons ordres de grandeur, il faudrait un COVID supplémentaire (supplémentaire !) chaque année. »
Jean-Marc Jancovici (lors d’une conférence donnée le 06.09.2021 à l’ESCP Paris. Intégralité de la conférence ici : https://www.youtube.com/watch?v=LCZQZMpfAWE )
Cher Monsieur,
Je vous remercie de votre commentaire et de votre référence. Je ne connais pas les travaux de Jean-Marc Jancovici. Il semblerait que ses prises de position soient parfois controversées. Je laisse les lecteurs se faire leur propre opinion à ce propos.
J’invite les lecteurs à suivre la conférence de la Professeure de climatologie appliquée, Martine Rebetez, que j’ai le plaisir de connaître personnellement, lors du Congrès des Suisses de l’étranger en 2019 ici : https://www.youtube.com/watch?v=fP1OfNVbtkQ
Avec mes meilleures salutations,
Laura Perret
Chère Madame,
Jancovici parle des causes et Rebetez des conséquences. Ces deux présentations sont donc totalement complémentaires.
Bonjour
Je suis président d’un centre socio culturel et je souhaite, avec d’autres acteurs, partager avec la population locale les problèmes aux enjeux climatiques. Le but est de trouver tous ensemble des solutions localement. Je pense aux fresques du climat pour animer quelque chose dans ce sens mais je me demande s’il n’y a pas d’autres moyens. Je souhaite parfaire mes apprentissages et suivre des formations pour comprendre plus précisément ces enjeux. Je ne sais pas où commencer, merci à vous de m’indiquer de bonnes adresses, cordialement
Cher Monsieur,
Je vous remercie de votre demande. Je vous suggère de contacter Sanu : https://www.sanu.ch/fr/
Sanu propose diverses formations dans la durabilité et pourra probablement vous conseiller.
J’espère que cette piste vous sera utile dans vos démarches et vous adresse mes meilleures salutations.
Laura Perret