Sécurité psychologique – 9 pratiques collectives et 6 attitudes individuelles pour la renforcer

Vous êtes dans un processus de changement pour répondre aux défis présents et futurs ? Vous observez des obstacles ou des résistances internes ? Vous souhaitez faire évoluer vos équipes vers la performance et l’épanouissement au travail ? Et si la sécurité psychologique était la clé ? C’est du moins le quatrième sujet d’intérêt dans la formation au leadership.

Article rédigé en m’inspirant de la contribution (copy left) de Vincent De Waele enrichie de mon expérience avec mes équipes.

Google et Microsoft ont identifié la sécurité psychologique comme un facteur clé de la performance de l’équipe. Les ressources humaines considèrent la présence de la sécurité psychologique comme l’un des facteurs les plus importants dans le processus de recrutement. Un pourcentage croissant de millennials refuse de travailler pour des employeurs qui ne créent pas de sécurité psychologique. À peine 33% des travailleurs américains pensent que leurs opinions comptent. La liste pourrait s’allonger à l’infini.

Imaginez…

Imaginez travailler dans une équipe où vous pouvez prendre des risques en toute sécurité, dans une équipe où les erreurs ne sont pas retenues contre vous. Imaginez travailler avec des collègues qui peuvent soulever des questions et des problèmes difficiles, avec des personnes qui acceptent les autres comme étant différents, qui se sentent en sécurité pour demander de l’aide aux autres et qui vous apprécient vous et vos talents uniques. Imaginez une équipe qui peut prendre des risques en toute sécurité sans reproche de la part du management ?

Cette équipe travaille dans la sécurité psychologique.

Performance des équipes

Les chercheurs de Google ont mené une recherche [2012-2016] pour découvrir les secrets des équipes efficaces chez Google sous le nom de code « Projet Aristote » – en hommage à la citation d’Aristote « le tout est plus grand que la somme de ses parties ». En effet, les chercheurs de Google pensaient que les employés peuvent faire plus en travaillant ensemble que seuls. L’objectif du projet était de répondre à la question : « Qu’est-ce que rend une équipe efficace chez Google ? ». Cette recherche est décrite dans re:Work, une collection de pratiques, de recherches et d’idées de Google et d’autres donner la priorité à l’humain.

Parmi les cinq dynamiques-clés des équipes performantes que les chercheurs ont identifiées, la sécurité psychologique était de loin la plus importante :

Source : re:work

Les chercheurs de Google ont trouvé que les membres d’équipes avec une sécurité psychologique élevée sont moins susceptibles de quitter Google, ils sont plus susceptibles d’exploiter la puissance des idées de leurs coéquipiers, ils apportent plus de revenus et ils sont jugés deux fois plus efficaces par les dirigeants.

Définition

Selon re:Work, la sécurité psychologique fait référence à la perception qu’a un individu des conséquences de la prise de risque interpersonnel ou la conviction qu’une équipe est sûre pour prendre des risques sans être considéré comme ignorant, incompétent, négatif ou perturbateur.

Dans une équipe à haute sécurité psychologique, les coéquipiers se sentent en sécurité pour prendre des risques avec les membres de leur équipe. Ils sont convaincus que personne de l’équipe embarrassera ou punira toute autre personne pour avoir admis une erreur, posé une question ou proposé une nouvelle idée.

Comment mesurer la sécurité psychologique ?

Pour mesurer le niveau de sécurité psychologique d’une équipe, demandez-vous dans quelle mesure vous êtes d’accord ou en désaccord avec ces affirmations :

  • Si vous faites une erreur dans cette équipe, elle est souvent retenue contre vous.
  • Les membres de cette équipe sont réticents à soulever des problèmes et des questions difficiles
  • Les membres de cette équipe rejettent parfois les autres parce qu’ils sont différents.
  • Il est prudent de prendre un risque avec cette équipe.
  • Il est difficile de demander de l’aide aux autres membres de cette équipe.
  • Certaines personnes de cette équipe agiraient délibérément d’une manière qui sape mes efforts.
  • Mes compétences et mes talents uniques ne sont pas pleinement valorisés et utilisés lorsque je travaille avec les membres de cette équipe.

4 étapes de la sécurité psychologique

Etape 1 : sécurité d’inclusion

La sécurité d’inclusion satisfait le besoin humain fondamental de se connecter et d’appartenir. Que ce soit au travail, à l’école, à la maison ou dans d’autres contextes sociaux, tout le monde veut être accepté. En fait, le besoin d’être accepté précède le besoin d’être entendu. La sécurité de l’inclusion nous permet de devenir membre d’une unité sociale et d’interagir avec ses membres sans crainte d’être rejeté, embarrassé ou puni, renforçant la confiance, la résilience et l’indépendance.

Etape 2 : sécurité d’apprentissage

La sécurité d’apprentissage satisfait le besoin humain fondamental d’apprendre et de grandir. Il permet de nous sentir en sécurité lorsque nous nous engageons dans tous les aspects du processus d’apprentissage, en posant des questions, en donnant et recevant des feedbacks, en expérimentant des erreurs. Lorsque nous ressentons la sécurité d’apprentissage, nous sommes plus disposés à être vulnérables, prenons plus de risques et développons la résilience dans le processus d’apprentissage. A l’inverse, un manque de sécurité d’apprentissage déclenche l’instinct d’autocensure, nous obligeant à nous éteindre, à nous retrancher et à gérer le risque personnel.

Etape 3 : sécurité de contribution

La sécurité de contribution satisfait le besoin humain fondamental de contribuer et de faire une différence. Lorsque la sécurité de contribution est présente, nous nous sentons en sécurité pour contribuer en tant que membre à part entière de l’équipe, en utilisant nos compétences et nos capacités pour participer au processus de création de valeur. Plus nous contribuons, plus nous développons notre confiance et nos compétences. Lorsque nous créons la sécurité de contribution pour les autres, nous les responsabilisons avec autonomie, guidance et encouragements en échange des efforts et résultats.

Etape 4 : sécurité de remise en question

La sécurité de remise en question répond au besoin humain fondamental d’améliorer les choses. C’est le soutien et la confiance dont nous avons besoin pour poser des questions telles que « Pourquoi faisons-nous cela de cette façon ? « Et si on essayait ça ? » ou « Puis-je suggérer une meilleure manière de faire ?» Cela nous permet de nous sentir en sécurité pour questionner le statu quo sans représailles ni risque de nuire à notre position ou à notre réputation personnelle.

Comment renforcer la sécurité psychologique ?

La première étape est de reconnaître que la sécurité psychologique est un enjeu important dans toute organisation et de la thématiser explicitement au sein de l’équipe. Mesurer la sécurité psychologique permet de savoir où se situe l’équipe à un certain moment par rapport à sa capacité à prendre des risques et à évoluer. Il existe des pratiques collectives et des attitudes individuelles qui favorisent la sécurité psychologique. Voici quelques exemples qui peuvent y contribuer.

9 pratiques collectives

1. Tour d’inclusion

Il s’agit de donner la parole à chacun pour arriver dans la séance. Cela permet d’être pleinement présent et de se sentir écouté. Cela renforce la confiance collective et donne une voix à chacun. Dans ma pratique avec mes équipes, je demande à mes collègues quelle est la qualité de leur présence aujourd’hui et quel est le degré de confiance qu’ils ont dans le projet.

2. Tour de clôture

Il s’agit de prendre un temps de recul en fin de séance pour que chacun-e exprime ce qu’il a retenu de la séance et comment il a vécu la séance du jour. Cela permet de synthétiser l’essentiel et de recueillir les impressions pour apporter d’éventuels ajustements lors de la prochaine séance. Un exemple récent de ma pratique dans un contexte multilingue a fait ressortir à la fin d’une séance que la langue d’expression était majoritairement le français et que certains collègues alémaniques avaient eu des difficultés à maintenir la concentration et à capter certaines nuances. Nous avons discuté ensemble ce qu’il conviendrait de modifier pour notre prochaine séance.

3. Tour de parole

En moyenne, il s’avère que 80 % des conversations sont dominées par seulement 20 % des participant-e-s. Le tour de parole, qui consiste à donner activement la parole successivement à chacun-e, permet de s’assurer que chaque personne a son temps de parole. Il ne s’agit pas d’obliger quelqu’un-e à prendre la parole. Une prise de parole peut aussi consister à dire qu’on n’a rien à dire à ce moment-là. Le but ici est de s’assurer qu’une personne qui a quelque chose à dire puisse le faire et qu’il y ait un équilibre entre les membres de l’équipe.

4. Non interruption

Il s’agit de s’accorder sur le principe que lorsque quelqu’un parle, les autres écoutent activement sans l’interrompre. Et au besoin, l’animateur de la séance est invité à interrompre les personnes qui interrompent les autres. Cela permet à chacun-e d’exprimer son idée jusqu’au bout et d’éviter la pensé « spaghetti » qui consiste à rebondir spontanément sur ce qui est dit. Cela aide à structurer ou à canaliser la discussion pour éviter qu’elle parte dans tous les sens.

5. « Elephant in the room »

Il s’agit de problèmes que tout le monde connaît mais que personne n’ose aborder. Pour faire descendre l’éléphant de la table… il s’agit tout d’abord de demander aux participants d’énumérer toutes les questions qui sont évitées, dont personne ne veut parler ou qui sont taboues. Ensuite, de partager la responsabilité de la prise en charge des éléments qui sont sortis et d’abordez la cause profonde des problèmes.

6. Rétrospective

Les rétrospectives permettent à l’équipe de reconnaître ses erreurs et de partager les leçons apprises. Elles font une norme culturelle de la prise de parole et du partage des erreurs, ainsi que des idées d’amélioration.

7. Participation aux décisions

Solliciter les commentaires, les opinions et les réactions des autres membres de l’équipe et adopter un processus décisionnel participatif. Il existe divers processus de décision selon les circonstances (importance et urgence de la décision). La décision par consensus signifie que tout le monde est d’accord. Ce qui prend nécessairement du temps… La décision par consentement signifie que personne n’est contre, ce qui permet une grande adhésion et prend moins de temps.

8. Histoires personnelles

Les histoires personnelles sont le moyen idéal d’accroître le sentiment d’appartenance et de commencer à instaurer une sécurité psychologique au sein des équipes. Dans mon équipe, j’ai le plaisir de côtoyer une danseuse, un musicien, un philosophe, une personne engagée dans la préservation du climat et de la planète et une personne passionnée par l’Inde. C’est une immense richesse qui contribue également à la qualité des relations au sein de l’équipe.

9. « Anxiety party »

Chacun-e passe 10 minutes à noter ses plus grandes angoisses et à classer les problèmes du plus au moins inquiétant. Puis, chacun-e les partage avec ses collègues, qui les notent en fonction de leur degré de pertinence pour eux-mêmes. Cela permet une prise de conscience collective de divers problèmes qu’il s’agit ensuite de thématiser ensemble.

6 attitudes individuelles

1. Problème d’apprentissage et non d’exécution 

Reconnaître qu’il y a beaucoup d’incertitudes et d’interdépendances. Il s’agit de se demander ce que ce défi ou cette difficulté va nous apprendre.

2. Nul n’est parfait

Chacun-e de nous fait des erreurs, est vulnérable, et c’est normal. Alors il s’agit de donner le bon exemple en reconnaissant ses erreurs et en cherchant vraiment à s’améliorer et à apprendre.

3. Pas de jugement

Nous avons appris dès notre plus jeune âge à juger. Il est important de distinguer une personne de son comportement et de ne pas juger une personne négativement, mais de remettez en question ses actes de manière constructive.

4. Poser des questions

Poser beaucoup de questions et chercher à comprendre le monde de l’autre. Cette dynamique incite les autres à s’exprimer.

5. Faire preuve d’engagement

Être pleinement présent, se concentrer sur la conversation. Ceci est d’autant plus important avec l’augmentation des interactions à distance (visioconférence). Alors pensons à enclenchez la vidéo, à affichez l’intervenant, etc.

6. Se connaître au sein de l’équipe

Pour bien se connaître au sein d’une équipe, il est utile de partager des informations sur son style de travail et ses préférences. Un outil que j’utilise dans ma pratique est « le mode d’emploi de l’équipe » qui permet d’explorer les conditions dans lesquelles chaque membre de l’équipe aime travailler, ses horaires préférés, la manière de communiquer avec elle/lui, la manière de lui donner du feedback, ce dont elle/il a besoin, ce qu’elle/il n’aime pas, ce qu’elle/il adore et les autres choses à savoir à son sujet. Selon mon expérience, il faut compter quinze minutes de préparation individuelle pour remplir son mode d’emploi à l’avance et environ deux heures pour un partage dans une équipe de six personnes.

Conclusion

Vous l’aurez compris, il n’y a pas de recette miracle qui puisse s’appliquer telle quelle à toute organisation. Il s’agit d’explorer, au sein de chaque équipe, ce qui fait le plus de sens et d’ajuster les pratiques à la culture de l’organisation ou de l’entreprise.

Envie d’en savoir plus ?  

Vincent De Waele, Nautealus

re:Work 

What Google Learned From Its Quest to Build the Perfect Team, By Charles Duhigg, Feb. 25, 2016, The New York Times Magazine

Building a psychologically safe workplace” and you will find many more videos by Amy Edmondson on Youtube

Tool: Foster psychological safety, re:Work

Understand team effectiveness, re:Work

9 Exercises to Promote Psychological Safety in Your Organization, by Gustavo Razzetti

7 Ways to Promote Psychological Safety In Your Organization, by Gustavo Razzetti

How to Increase Psychological Safety in a Virtual Team, by Gustavo Razzetti

Psychological Safety: How Pioneers Create Engaged Workforces, Corporate Rebels

How to create Psychological Safety in your work culture, Ameet Ranadive, Medium

The 4 Stages of Psychological Safety, Timothy R. Clark

Fuckup Nights, Sharing Stories of Failures

Where’s the Psychological Safety for Speaking Truth to Power in Self-Organisation?, Nock Osborne

Psychological safety and the critical role of leadership development, McKinsey

Laura Perret

Responsable nationale du secteur Formation et membre de la direction de la Haute école fédérale en formation professionnelle (HEFP), Laura Perret est une experte du système suisse de formation. Elle allie sa passion pour l’humain et sa vocation pour la formation afin de permettre aux personnes de se former à leur métier de coeur et aux entreprises/organisations de disposer de professionnels qualifiés pour réaliser leur vision. Elle est aussi coach, superviseure, facilitatrice et formatrice d’adultes.

2 réponses à “Sécurité psychologique – 9 pratiques collectives et 6 attitudes individuelles pour la renforcer

  1. Excellent article, mais il y a la face sombre d’un tel processus, qui n’est pas négligeable, à savoir; rendre les individus dépendants, au point de perdre leur propre liberté de pensée et l’élimination de l’entre-soi dans la vie professionnelle de chacun. Les entreprises cherchent l’épanouissement personnelle des salariés pour des raisons évidentes, mais surtout dans ce cas pour accroître leurs dominations sur les individus. La personne individuelle est vouée à se fondre dans le décor avec le temps au profit du Groupe, why not? personnellement ça ne me plaît pas. La tendance de déshumanisation a fait ses preuves comptablement depuis les années 50, quand les tâches ont été subdivisées de sorte que le travailleur se limite à une spécialisation et ne parvient plus à avoir une vue d’ensemble.

    1. Bonjour,

      Je vous remercie de votre réaction à cet article. Je suis d’accord avec vous que si l’épanouissement personnel est pensé comme une forme d’instrumentalisation qui aboutit à la déhumanisation des salariés, c’est une profonde méprise. Ce que je n’ai pas écrit, parce qu’implicite à mes yeux, mais rendu nécessaire à la lecture de votre commentaire, c’est l’intention et l’authenticité d’une démarche visant à l’épanouissement personnel. Si les personnes se sentent bien dans leur vie personnelle et professionnelle, elles contribueront au bien commun, dans l’entreprise ou l’organisation qui les emploie, mais aussi dans la société. Qu’est-ce qui fait sens aujourd’hui dans ma vie, quelle est ma raison d’être et ma contribution spécifique ? Quels sont mes talents et mon unicité que je peux mettre au service de la société ? Que puis-je apprendre de mon parcours, de mon expérience, qui m’aide et aidera aussi les autres ? Voilà des questions qui peuvent aider à prendre du recul, à garder la vue d’ensemble, à s’émanciper et à cultiver sa liberté, qui va de pair avec responsabilité sociétale.

      Je vous souhaite le meilleur et vous adresse mes meilleures salutations,

      Laura Perret

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