La leçon asiatique du confinement mobile

 

Les faits tout d’abord.

Certes la Chine fut le foyer initial mais elle a réussi à juguler la propagation interne par des mesures policières à la disposition d’une dictature.

Ce qui est plus surprenant pour un Occident incapable de se protéger, c’est la réussite de pays asiatiques développés : Taïwan, Hongkong, Corée du Sud, Singapour et même Japon. Cette riposte laisse une amertume aux Européens. Comment se fait-il que le Vietnam ne soit affligé que de 123 cas et d’aucune mortalité ? Nous, les Européens, nous nous considérons au sommet du développement technique, les plus capables de maîtriser la Nature rebelle. Nous recevons comme une gifle le démenti de pays que nous considérions jusqu’à présent comme tout juste sortis de l’arriération.

L’arme utilisée en Asie est le masque, simple, en tissu, pas le masque perfectionné pour le personnel médical qui comporte une soupape pour l’expiration. Le masque est imposé à tout le monde. Son usage est traditionnel lors des épisodes de pollution. La politesse asiatique comporte le port du masque. En revanche, dans la mentalité occidentale, le port du masque par un vendeur est ressenti comme une marque de méfiance pour les clients et interdit dans certains commerces.

Ce masque simple fut décrié en particulier dans nos émissions de télévision, parce qu’il ne protège pas le porteur mais seulement son environnement. Telle est la singularité de l’individualisme occidental, opposé à la discipline communautaire de l’Asie. Car c’est mal réfléchir que d’en conclure que ce masque ne sert à rien.

Il sert à tout, si tous le portent, puisque tous se protègent en protégeant les autres.

Vieille leçon : ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas que l’on vous fasse. Fin du raisonnement. Aussi élémentaire que l’œuf de Colomb, mais inaccessible aux esprits obtus que nous portons démocratiquement au pouvoir à proportion de leur incompétence.

Dès lors que le port du masque devient obligatoire pour quiconque arpente le domaine public. On réalise la même protection que le confinement à domicile par une sorte de confinement mobile. L’activité économique peut reprendre en Asie alors qu’elle s’arrête en Occident. Des médecins chinois peuvent débarquer en Italie pour assister une culture incapable de réfléchir sérieusement et d’en tirer des conclusions évidentes.

Pourquoi ce trouble occidental de la réflexion ? Sans doute par le biais de l’individualisme forcené, du chacun pour soi, de la compétition professionnelle, de la surenchère des partis toujours en campagne préélectorale. Mais aussi, par manque de prévoyance des autorités, qui n’ont pas prévu des stocks de masques, comme si une pandémie ne pouvait pas se répandre à demeure. Dès lors que les masques n’étaient pas disponibles, elles ont menti gravement en prétextant qu’ils ne servaient à rien.

Si l’Asie redémarre son économie et que la nôtre reste en panne, cela signifie que le centre de gravité du monde est en train de glisser à l’Orient. C’est déjà arrivé. De l’Egypte et de la Mésopotamie, vers la Grèce, puis Rome, puis l’Europe du Nord. Enfin après deux guerres civiles en Europe entre la France et l’Allemagne, vers les Etats-Unis. Chaque fois par les blocages internes des plus évolués.

Une épidémie est donc porteuse de leçons. Si les pouvoirs politiques persistent dans la consigne du confinement à domicile plutôt qu’au port universel du masque, ils déclenchent un phénomène de décadence.

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.

12 réponses à “La leçon asiatique du confinement mobile

  1. En Suisse nous disposons d’un Exercice du Réseau national de sécurité !!!!
    Le 31 octobre 2019, Madame la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter, ainsi que le président de la CCDJP, le Conseiller d’État Urs Hofmann, le vice-président de la CCPCS, Monsieur Varone et le directeur de l’exercice ERNS 19, Monsieur Käser, annoncèrent le passage de la phase de préparation de l’exercice à celle de la pratique. Beau programme!
    On a visiblement bien rigolé, et échangé nos cartes de visites ainsi que celles de nos lobbyistes financiers de nos agapes…..
    Une semaine avant le début de l’exercice-cadre d’état-major se déroula la manifestation d’ouverture de l’ERNS 19. Plus de 300 membres des instruments de politique de sécurité fédéraux, cantonaux et communaux furent rassemblés à la caserne de Berne.
    On a bien rigolé, et échangé nos cartes de visites etc etc ….

    Mias il faut savoir que LE premier ERNS a eu lieu en 2014!!! Le scénario choisi était celui d’une situation complexe impliquant une pénurie d’électricité et une pandémie de grippe !!!! Dingue non ?
    La fin des activités autour de l’ERNS 19 fut marquée par la manifestation de clôture du 21 novembre. À cette occasion, les intervenants ont pu partager un bon repas un apéro et on a bien rigolé, et échangé nos cartes de visites etc etc ….
    Et après hop retour aux affaires courantes ….. SANS prendre aucune mesure corrective !
    Qu’est ce qui a été entrepris? Donnez nous la liste! Qui a pris des responsabilités ? Changer les choses? Préserver la population d’un risque?

    On va plus loin dans l’incompétence :
    Il existe une loi :
    (Loi sur l’approvisionnement du pays, LAP)du 17 juin 2016 (Etat le 1er janvier 2020)
    Qui décrit précisément que les graines et plants font partie des biens vitaux, Art 4, sec 2 !
    Or comment l’office fédéral peut interdire le commerce de ces biens ?
    Sur quelle base légale ?

    Pourquoi aussi les stocks de masques ou même de respirateurs ne semble pas être suffisant ?
    On comprend pourquoi ils nous disent de ne pas en mettre, mais en Chine TOUT le monde le porte ce masque!
    Quand je pense que certain conseillers nationaux se moquait de Mme Blocher au parlement parce qu’elle était la seule à en porter …. Affligeant de la part de nos élites!

  2. Et la peur du ridicule, qu’en faites-vous ?
    La solution serait donc si simple ?
    Je serais d’autant porté à y croire qu’elle émanerait d’un spécialiste de la santé !
    Mais les ingénieurs sont omniscients, c’est bien connu.
    Dans l’ensemble, je vous remercie de votre réflexion, hélas pertinente.

  3. Ce n’est pas être omniscient que de constater les chiffres, les faits, mais plutôt un certain bon sens qui devrait nous permettre de changer les choses à l’avenir.
    L’ingénieur ne peut se prévaloir d’être omniscient sauf peut être dans son domaine si il le maitrise à la perfection, par contre en général il reste rationnel, orienté par la réflexion et la démonstration.
    Nul doute que les démonstrations d’une partie de nos élites ressortent progressivement au grand jour avec ce que nous vivons actuellement.

  4. Et bien, il aurait fallu d’abord assurer le stock de masques avant de dicter son port obligatoire !
    De plus , les pays insulaires présentent l’avantage de pouvoir s’isoler plus facilement .
    Et puis en qui concerne le Japon, je serais moins péremptoire que les déclarations de M. Neirynck :
    https://www.la-croix.com/Monde/Asie-et-Oceanie/A-Tokyo-alerte-generale-contre-coronavirus-2020-03-26-1201086275
    les dernières informations en provenance de Tokyo ou Osaka laissent présager une flambée de cas !?
    Il faudra faire les comptes à la fin de la pandémie , pas avant .
    Rien ne prouve que les chiffres fourni par ces pays soient le reflet exact des cas traités !

    1. Entendez-vous affirmer que les Asiatiques sont fourbes et menteurs tandis que les Européens sont honnêtes et transparents?

  5. Toujours aussi incisif et instructif… Un grand merci pour cette leçon d’humilité.

    Peut-on m’expliquer pourquoi, alors que Swiss est clouée au sol à ne rien faire si ce n’est quémander des millions (peut-être des milliards…) à la confédération pour survivre, que seule une initiative privée ait eu l’idée d’affréter des avions entre la Suisse et la Chine pour aller chercher ces masques et le matériel médical de protection pour nos hôpitaux suisses ?
    Ne serait-ce pas le travail de nos autorités, d’une administration un peu courageuse que de demander à Swiss d’affréter ces avions ?

  6. Nous somnes donc (presque) tous des covidiots (en Occident). Et si on n’était pas que covidiots?

  7. Méfions-nous…
    http://www.asianews.it/news-en/Wuhan,-endless-queues-for-ashes-of-coronavirus-dead-cast-doubts-on-numbers-49673.html

    La Chine a mis en ordre de marche ses services de propagande;
    Mes amis japonais ont reçu l’ordre de débuter la semaine dernière le teletravail à Tokyo;
    Et la Corée du Sud a su juguler une épidémie au sein de membres de mouvements religieux, facilement traçables…

    A mon avis, à cause des lacunes sanitaires de l’Occident, il va y avoir un contre-coup en Asie … la grippe espagnole avait également frappé modérément l’Asie puis avait été impitoyable à son retour…

  8. Au-delà de la polémique sur les stocks de masques, je crois que le problème est principalement culturel.
    Dans notre quête de toujours plus de liberté (en soi positive), toute entraves ou contraintes, qu’elles soient sanitaires (le masque), sécuritaires (contrôles aux frontières, fichage, …) ou économiques (taxes, impôts,) nous paraissent insupportable.
    Nous avons certainement oublié que la liberté ne tombe pas du ciel mais qu’elle est un privilège soumis à conditions – la première étant la santé – et que la préservation de ces conditions requiert, parfois, des mesures fortes, voire des sacrifices.
    Nous sommes, en occident, devenu blasé et avons oublié que nous devons nous battre, collectivement et en continu, pour préserver notre liberté. A cet égard, les pays asiatiques semblent avoir une conscience plus développée.

  9. Disons surtout que les voisins de la Chine connaissent la musique et que ce n’est pas la première fois qu’ils ont à faire à un problème de ce type.

    Alors que la Chine avait seulement 12K cas et 200 morts, le Vietnam a déclaré l’état d’urgence sanitaire le 2 février… confinement, arrêt des vols avec la Chine, etc.

    Plus ou moins à la même date (30 janvier), nous arrêtions nos vols… mais on laissait les gens se balader tranquillement jusqu’au 13 mars. Résultat des courses?

    Le problème n’est pas forcément à chercher du côté des masques, du nombre de lits à disposition ou de savoir si on a assez de réactifs pour faire 20K tests/jour. Le problème c’est d’agir vite et fort pour que le virus ne se propage pas.

    Bien entendu, les médias auraient critiqué à tout va une décision rapide et forte. Ils auraient aussi été prendre tous les témoignages des gens qui disent que c’est débile de faire ça alors qu’il n’y a rien.

    Mais deux mois plus tard, ces mêmes médias auraient loué les décisions prises par le CF en faisant les gros titres sur les morts chez nos voisins plutôt que sur les nôtres.

  10. Ainsi donc, le sourire (jaune) de façade et la naïveté helvétique qui croit l’honnêteté universelle se vérifient. (lire l’excellent article “De forts doutes sur le bilan chinois de l’épidémie” de Simon Leplâtre, Shanghai, in LE TEMPS du 31.03.20.

    1. Sans doute la Chine a-t-elle faussé les résultats. Mais Taïwan, Singapour et Hong-Kong ne l’ont-ils pas. L’Asie se tire mieux d’affaire que l’Europe et l’Amérique. Pourquoi?

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