Le Conseil fédéral planifie la pénurie de médecins

Selon le communiqué du 26 février de la Confédération, le numerus clausus continuera à être appliqué cette année dans les Facultés de médecine alémaniques. Rien moins que 3 491 candidats se sont présentés, mais il n’a aura que 793 admis, soit moins d'un quart. Or, la pénurie de médecins est patente et elle n’est palliée que par l’importation massive de médecins formés à l’étranger : massif signifie concrètement autant, voire plus de diplômés étrangers que de diplômes accordés aux Suisses. Pour former ses propres médecins, la Suisse devrait accepter deux fois plus d'étudiants en médecine qu'elle ne le fait. Le ridicule argument avancé prétend qu'il y a trop peu de malades disponibles pour former les étudiants. Mais plus tard, il y a trop peu de médecins pour soigner les malades. Dès lors ce ne sont par les malades qui manquent mais le budget pour la formation.

En d’autres mots, la Suisse feint d’être trop pauvre pour former ses propres étudiants et attend des pays voisins qu’ils compensent cette carence. Et ces pays de recruter des médecins encore plus loin, -l’Allemagne en Tchéquie, celle-ci en Ukraine, celle-ci en Kazakhstan – de sorte que de fil en aiguille les pays les plus pauvres fournissent les pays les plus riches. Plusieurs interventions parlementaires ont demandé la suppression du numerus clausus. Le Conseil national l’a même soutenue à une large majorité. Le Conseil fédéral a reconnu qu’il faudrait doubler le nombre de médecins formés en Suisse, ce qui signifie dégager un supplément annuel de l’ordre de 700 millions au budget FRI. Ce qui n’est pas prévu.

Comment le Conseil fédéral compte-t-il assurer la couverture médicale du pays dans les années à venir ? Quand va-t-il assumer cette tâche nationale plutôt que se défausser chaque fois sur les cantons ? Est-il raisonnable d’attendre de cinq cantons universitaires qu’ils aient le souci de former des médecins pour les cantons périphériques ? Est-ce que le but de cette carence planifiée est de réduire les frais de l’assurance maladie par le rationnement camouflé de l’offre ? Le Conseil fédéral a-t-il prévenu les pays voisins qu’ils doivent prévoir la formation des médecins nécessaires à la Suisse ?

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.