Un soir de défaite

Il ne sert à rien d'échouer si on n'en comprend pas la raison, et même la raison de la raison, celle qui ne sera pas mentionnée. Refuser de défiscaliser les allocations familiales, c'est sans doute la peur de devoir payer des impôts supplémentaires pour tout ceux qui ne sont pas en situation de bénéficier de cette détaxation. Sur les marchés, lors de la campagne, j'ai entendu plus d'une fois la remarque : quand va-t-on faire quelque chose pour ceux qui n'ont pas d'enfants? Comme s'il était indifférent d'en avoir ou pas, comme si c'était facultatif.

S'il est une réalité bien absente du débat, c'est la dénatalité suisse. Il manque un tiers des naissances qui seraient nécessaires pour assurer le maintien de la population. Mais personne n'en a cure. Tout se passe comme si c'était normal. Tout se passe comme si les générations vieillissantes n'avaient pas besoin des générations montantes, ne serait-ce que pour payer les pensions et pour dispenser les soins. Le problème est occulté pat l'immigration. Bon an mal an, il y a 40 000 immigrants qui viennent combler les vides. Il y a aujourd'hui plus d'habitants qui ont 65 ans que ceux qui ont 20 ans. mais cela ne dérange personne. Ou plutôt ce qui dérange, c'est l'immigration, cet afflux de personnel qualifié qui assure les services indispensables, la santé, la recherche, l'hôtellerie, la construction. L'UDC emporte la votation contre l'immigration massive, le PDC perd la votation en faveur des familles. C'est un pays où il vaut mieux prôner le non que le oui, être pour ce qui est contre et contre ce qui est pour.

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.