Milan. Milan.

Café à 1 euro. Ne pas s’asseoir, rester debout, boire en vitesse. Conduire vite, se dépêcher. S’asseoir. Manger. Marcher vite, conduire vite, se dépêcher. Travailler. Travailler. Travailler. Marcher vite, conduire vite, se dépêcher. Aperitivo. Speak Italian ? Un poco. Parler vite, boire vite. Manger. La nuit vient de tomber. Trouver un bar. Donnez-moi votre carte. Parler vite, marcher vite, conduire vite. Ciao.

Milan se révèle une ville ouverte. Je regarde avec émerveillement l’ancien, le traditionnel, côtoyer l’ultra-moderne, la tendance au-delà de la tendance. Sans transition, maladroitement juxtaposés. Des styles contradictoires reliés par des rues pavées où les voitures dévalent sans complexe, klaxons hurlants, souvent sans raison ; une symphonie du chaos. En contrepoint à l’agitation ambiante, les Milanaises, au top de l’élégance, semblent déambuler sans bruit dans les méandres de la métropole. Mes collègues italiens me disent que je ressemble à une « mamie suisse du design ». Je ne le prends pas mal.

Je m’exprime dans un italien approximatif pour essayer de créer des contacts, nouer des liens, trouver ma place. Pas de chance. Je m’exprime dans un italien approximatif pour essayer de créer des contacts, nouer des liens, trouver ma place. C’est fait. Ici, « no » ne veut pas dire « non ». Un feu rouge ne veut pas dire stop, l’absence de places de parking ne veut pas dire qu’il n’y a pas de place pour se parquer, un menu n’est pas une liste figée des plats servis, mais un guide des produits disponibles en cuisine. Je pourrais m’y faire.

Dans ce pays, la zone grise est vaste et quand vous l’avez compris, les possibilités sont illimitées. L’absence de règles fait la règle. Il faut demander sans demander. Il n’y a pas de simple transaction avec un client, les relations sont valorisées, appréciées. J’ai déjà quelques contacts, mes projets semblent réalisables et Côme, avec son lac et ses usines textiles, n’est qu’à un jet de pierre d’ici. Je m’en rapproche petit à petit, le cœur battant.

A Milan, se faire plaisir c’est vivre et vivre est permis. Trop est tout juste suffisant et ça me convient parfaitement. Je me fais plaisir dans la surabondance milanaise. Le timing est parfait ; mes recherches sur l’absurde et mon questionnement sur la fonctionnalité dans le design ont toute leur place ici. Je suis là où je dois être.


Tania Grace Knuckey (1987, Genève) – Design textile et art visuels
Elle est diplômée à la Design Academy d’Eindhoven en 2009 et au Royal College of Art de Londres en 2012 avec un Master en textiles techniques mixtes. Elle a obtenu de nombreux prix, dont la bourse Marianne Straub Travelling du Royal College of Art en 2011, le prix The Future of Beauty en 2012 de l’International Flavours and Fragrances (IFF) et le premier prix pour les meilleurs tissus intérieurs de Textprint. De 2017 à 2019, Tania a été sélectionnée par la Ville de Genève pour une résidence à la Maison Des Arts du Grütli.

Istituto Svizzero

L’Istituto svizzero a plus de 70 ans. Il souhaite se faire mieux connaître et illustrer, grâce aux récits de ses résidents de Rome, Milan ou Palerme, comment cette plateforme interdisciplinaire permet à des artistes et à des scientifiques venus de toute la Suisse de développer leurs projets en croisant leurs expériences et leurs pratiques. Sous l’impulsion d’une nouvelle équipe et de Joëlle Comé, sa directrice depuis quatre ans, l’institut a ouvert des résidences à Milan, la ville du design, de l’architecture et de la mode. Mais aussi à Palerme, la cité qui se situe depuis toujours au carrefour des civilisations et de la Méditerranée. Le blog donne la parole aux résidents et permettra de suivre ces chercheurs tout au long de leur séjour et de leur cohabitation inédite à l’Istituto svizzero. Il informera de l’avancée de leurs recherches qui vont, de l’archéologie à l’architecture, en passant par les arts visuels, la composition musicale ou l’histoire de l’art. Et ainsi de les accompagner dans leur découverte de l’Italie et des trois villes de résidence.