Ronnie Fueglister

Mon projet de recherche à Milan concerne la typographie dans la sphère publique. Plus précisément, il se concentre sur les enseignes typographiques de magasins qui se déclinent en une riche variété aussi bien en Italie que dans d’autres pays du sud de l’Europe. Mon objectif est de prendre en photo ces enseignes et de créer une archive ­– éventuellement publique – en ligne qui suscite une approche novatrice en matière de dessin de caractères contemporain.

A une époque où le design et les logos d’entreprise, de sociétés mondiales et de chaînes nationales occupent de plus en plus l’espace visuel mondial, elles ont pour effet secondaire une influence négative sur la stratégie de marque des boutiques et chaînes de magasins locales. Dès lors, chaque charpentier et chaque fleuriste sont censés avoir une identité visuelle d’entreprise, bien que ce ne soit pas forcément nécessaire. La plupart des enseignes que je collecte sont fabriquées sur mesure, certaines par des dessinateurs de caractères professionnels ou des graphistes, d’autres par des amateurs. Elles n’ont pas été conçues par un précédent étudiant en communication visuelle comme il arrive souvent de nos jours, mais elles suivent un bon instinct et se démarquent par le fait d’oser se démarquer dans une optique d’individualité.

Les enseignes sont apparues au cours du siècle dernier, quelques-unes avant la Seconde Guerre mondiale, dessinées à la main ou découpées au papier d’aluminium, beaucoup d’entre elles entre les années 1980 et 1990, dans le style plutôt libre.

En termes typographiques, ces œuvres sont des lettrages ou des polices de caractères. Les lettrages sont généralement conçus dans un seul but, la forme d’une lettre s’adapte souvent aux lettres qui l’entourent, ce qui signifie que la même lettre peut également exister sous différentes formes. En revanche, les polices de caractères utilisent généralement une seule forme par lettre (caractère) et ne changent pas en fonction de leurs voisines, mais elles doivent fournir une quantité cohérente de caractères afin de couvrir différentes langues et de s’adapter à divers contenus. Afin de faire de cette archive une source d’inspiration visuelle, je mélange volontairement ces deux domaines, car il est plus riche de s’intéresser aux deux que de trancher pour l’une ou l’autre.

Cependant, afin de rendre les archives concrètement pratiques, il faut il faut procéder au classement des enseignes trouvées. Les systèmes de classification habituels qui existent pour les caractères et les lettrages, par exemple DIN 16518, ne disposent généralement pas de dispositions suffisantes. Les échantillons de signes éclectiques seraient tous dans le même groupe. Je travaille avec trois sections de balises; “Forme”, “effet” et “style”. Alors que “forme” implique des balises décrivant la construction des lettres (#geometric, #rounded, #serif), “effet” est associé à des couches optiques supplémentaires, par exemple (#outline, #dropshadow, #gradient). La section “style” décrit plus subjectivement l’apparence dans son ensemble (#playful, #selfconfident, #happy). Les balises décrivent et relient des conceptions communes et montrent dans le même temps la diversité possible par différentes combinaisons de mots-clés.

Jusqu’à présent, la collection compte 100 à 150 motifs. 50% à 60% seront exclus au second tour car ils ne fournissent pas assez d’individualité. Et bien sûr, ce projet ne doit pas nécessairement être limité à Milan ou à l’Italie, j’aime photographier des caractères et des lettrages éclectiques dans le monde entier.


Ronnie Fueglister (1980, Bâle) – graphiste, Milan
A étudié à Bâle à la Schule für Gestaltung Basel et à Zurich à la Zürcher Hochschule der Künste. Il compte parmi ses travaux le design du site web de la Kunsthalle Basel et les livres réalisés pour les artistes Miriam Cahn, Bruce Nauman, Amy Sillman, Hannah Weinberger, Mike Bouchet et Paul McCarthy. Il enseigne actuellement la typographie expérimentale à la Schule für Gestaltung Basel et le dessin d’édition à la Porto Design Summer School. À Milan, il entend travailler au projet « Type in Public Sphere », qui s’occupe du « caractère typographique » dans l’espace public à Milan.

Istituto Svizzero

L’Istituto svizzero a plus de 70 ans. Il souhaite se faire mieux connaître et illustrer, grâce aux récits de ses résidents de Rome, Milan ou Palerme, comment cette plateforme interdisciplinaire permet à des artistes et à des scientifiques venus de toute la Suisse de développer leurs projets en croisant leurs expériences et leurs pratiques. Sous l’impulsion d’une nouvelle équipe et de Joëlle Comé, sa directrice depuis quatre ans, l’institut a ouvert des résidences à Milan, la ville du design, de l’architecture et de la mode. Mais aussi à Palerme, la cité qui se situe depuis toujours au carrefour des civilisations et de la Méditerranée. Le blog donne la parole aux résidents et permettra de suivre ces chercheurs tout au long de leur séjour et de leur cohabitation inédite à l’Istituto svizzero. Il informera de l’avancée de leurs recherches qui vont, de l’archéologie à l’architecture, en passant par les arts visuels, la composition musicale ou l’histoire de l’art. Et ainsi de les accompagner dans leur découverte de l’Italie et des trois villes de résidence.