La Ligne Claire

Comment peut-on être catholique?

Comment peut-on être catholique?

Comment peut-on être catholique?

Cette question rhétorique, clin d’œil aux Lettres Persanes, donne son titre au livre paru il y a six mois sous la plume de Denis Moreau, professeur de philosophie à l’Université de Nantes. Catholique parce que philosophe, Moreau entend fournir en guise de réponse une argumentation raisonnée de la foi catholique et établir qu’elle constitue un choix raisonnable, au sens où il est conforme à la raison. Ce mariage de la foi et de la raison ne date pourtant pas d’hier : les Actes des Apôtres nous livrent le récit de Paul de Tarse s’adressant à l’Aréopage d’Athènes tandis que, face à la première grande crise doctrinale née de la diffusion de l’arianisme, le Concile de Nicée, réuni en 325, fera appel aux concepts empruntés à la philosophie grecque (nature, substance) et les réunira en une profession de foi que les catholiques de nos jours appellent le Credo.

Destiné à un large public, chrétien ou pas, l’ouvrage de Moreau est rédigé dans un langage très accessible, souvent drôle, qui tantôt fait appel aux classiques des lettres françaises, Pascal et Descartes en particulier, et tantôt fourmille des références les plus variées au monde actuel, le festival Hellfest, le philosophe Michel Onfray, ou encore le quotidien Libération, et qui fourniront autant de points de repères facilement identifiables. Car, faut-il le rappeler, le christianisme est la religion de l’incarnation, de la rencontre de Dieu avec l’homme tel qu’il est en réalité.

S’il s’adresse à un vaste public, le livre de Moreau n’en exige pas moins du lecteur un effort intellectuel honnête envers son sujet, celui-ci comme n’importe quel autre. Il invite le lecteur à s’intéresser tout autant à des concepts philosophiques, logos ou ontologie par exemple, à des citations bibliques ou à leurs commentaires par saint Augustin ou saint Thomas d’Aquin.

A l’issue d’un intermède délicieux que La Ligne Claire se gardera bien de dévoiler, dans la seconde partie de son livre, Moreau, qui s’affiche sans fard en catholique de gauche, une espèce désormais menacée en France, Moreau donc enjambe à grands pas  le terrain de la philosophie politique en vue de plaider la cause de la gauche. Selon lui, si elle est aussi malmenée en France comme en Europe, c’est qu’elle s’est dépourvue d’éthique, c’est-à-dire de la faculté de distinguer le bien du mal (1) (« pas de discours moralisateur »). En guise d’ersatz, elle s’est lancée dans une poursuite à outrance du libéralisme des mœurs, tout aussi mortifère que celui du capital, que Moreau dénonce à corps et à cri.

Moreau se défend haut et fort d’être prosélyte, tout simplement parce qu’il sait que ça ne marche pas. Il se propose au contraire, pour reprendre un terme quelque peu désuet, de faire une apologie du christianisme, à savoir une défense, une argumentation qu’il mène avec intelligence, foi et humour ; il  mérite d’être écouté car son sujet le mérite.

 

(1) cf Philippe de Woot: la finalité de l’économie 

Denis Moreau, Comment peut-on être catholique ? Editions du Seuil, 368 pages

Quitter la version mobile