Il est temps de s’affranchir du droit de timbre

Reliquat d’une époque fiscale lointaine, le droit d’émission sur capital propre reste une taxe absurde pénalisant les entreprises qui investissent, en particulier les PME. Soumise au vote le 13 février prochain, sa suppression s’impose en ces temps de pandémie, pour la prospérité de notre économie.

La suppression du droit de timbre d’émission sur le capital propre, l’un des objets des votations fédérales du 13 février prochain, est demandée depuis plusieurs années par les milieux économiques. L’heure de l’abolir semble avoir enfin sonné. De quoi s’agit-il? Cette taxe de 1% frappe tout capital nouvellement créé. Elle concerne toute société émettrice de nouvelles actions et touche ainsi directement l’outil de production des entreprises. En clair, l’investissement en capital propre dans une société se trouve amputé de ressources dont les entrepreneurs auraient bien besoin, en particulier les dirigeants de PME.

D’un point de vue strictement économique, cette taxe est contre-productive lorsqu’on prend conscience que chaque franc investi dans une start-up est nécessaire à sa croissance. Le patron d’une scale-up de la région, en pleine recherche de fonds indispensables à son développement, a dû payer au titre de cette taxe près de 700’000 francs, ce qui représente à peu près six postes de travail qu’il n’a pas pu créer. Un non-sens. Cette pratique, qui remonte au début du XXe siècle, n’existe nulle part ailleurs qu’en Suisse sous cette forme. Il est impératif de s’en affranchir au plus vite, a fortiori à une époque où les incertitudes conjoncturelles et structurelles se multiplient à l’horizon. Le Conseil fédéral lui-même considère le droit d’émission comme obsolète et néfaste à la place économique suisse.

Un frein à l’esprit d’entreprise

Ce droit de timbre constitue à l’évidence un frein à l’esprit d’entreprise. Il est particulièrement lourd pour les PME touchées par la pandémie. C’est précisément en période de crise que les firmes ont besoin d’augmenter leurs fonds propres afin de compenser leurs pertes et se montrer ainsi plus résilientes. Lorsqu’un chef d’entreprise augmente le capital propre de sa société, il prend certes un risque, mais il crée surtout des emplois. Il apparaît clairement absurde de le pénaliser par une taxe.  La suppression de ce droit d’un autre temps est d’autant plus urgente et pertinente que la pandémie complique singulièrement la vie des entreprises. Par ailleurs, les réformes fiscales prévues par l’OCDE visant à établir des taux d’imposition minimaux sur les sociétés vont contraindre la Suisse à renforcer sa compétitivité pour maintenir son rang de nation à succès.

Les opposants à cette réforme arguent qu’elle fera perdre 250 millions de recettes fiscales par an à la Confédération, soit à peine 0,35 pourcent des recettes fédérales. Cette perte sera largement compensée selon une étude de BAK Economics, publiée en juin 2019. Celle-ci conclut que la suppression du droit d’émission, couplée à une réforme de l’impôt anticipé, serait clairement rentable, y compris pour les caisses de l’État. Les experts estiment que le PIB augmenterait en outre d’environ 1,4 % sur dix ans, ce qui correspond à environ 22’000 nouveaux emplois à temps plein. Dire oui à cette suppression, c’est donc investir dans les emplois et la prospérité.

Photo: economiesuisse 

Claudine Amstein

Claudine Amstein est la directrice de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, depuis 2005. Après avoir été juriste et secrétaire générale de la Chambre vaudoise immobilière, elle en reprend la direction en 1993. Elle a été constituante au Grand Conseil vaudois, avant d’en être députée pendant dix ans. Elle est très engagée dans les associations faîtières de l'économie suisse.

6 réponses à “Il est temps de s’affranchir du droit de timbre

  1. A vous lire on croirait la Suisse exclusivement composée de start-up tellement en danger qu’elles ont besoin de leur dernier franc pour survivre à la pandémie…. on va dire qu’une politique intelligente avec l’UE arrangerait déjà bien les choses.
    Le droit de timbre est dans le viseur depuis au moins 40 ans, il a déjà été bien raboté, et maintenant on va lui porter le coup de grâce. Bravo!
    Vive la finance sans taxes ni imposition, car tout prélèvement effectué par l’Etat limite fondamentalement la capacité à l’argent de ruisseler, comme le veut la théorie, alors que les bonus et dividendes y contribuent largement comme chacun le sait.
    L’augmentation de la TVA sera bienvenue au final pour que le peuple continue de payer pour ces derniers.

    1. Les PME, qui représentent plus de 90% des entreprises et qui génèrent deux tiers des emplois dans le pays, vont pleinement bénéficier de cette abolition.

        1. La société dont je parle compte une cinquantaine de collaborateurs et il existe quantité de cas dans ces catégories-là.

  2. Quelle est la proportion des PME levant du capital qui sont soumises aux droit de timbre ? Dit autrement quelle est la proportion des levées de fond pour PME qui dépasse un million de francs ? Cela donnera une idée de la problématique.
    PS: parler du % de PME qui sont soumises au droit de timbre chaque année n’a aucun sens puisque la plupart des PME n’ont ni le besoin ni le désir de lever du capital. Par contre, les start-ups et les entreprises innnovantes, oui.

    1. Si les petites PME ne sont a priori pas concernées, un grand nombre – comme l’exemple de celle qui emploie cinquante personnes cité dans le blog – auraient bien besoin de ce coup de pouce.

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