Frontex: les dérives de la politique migratoire européenne

Dans son édition du 26 avril, Le Temps nous apprend qu’un article lié à Frontex est censuré par l’Office fédéral des douanes (OFDF). Le journaliste du Temps cherchait à répondre à la question fondamentale de cette votation : « En participant à Frontex, la Suisse renforce-t-elle la protection des droits fondamentaux des migrants ou ne se fait-elle pas la complice des corps nationaux de garde-frontières – notamment celui des Grecs – qui n’hésitent pas à les refouler sans scrupules ? »

 

Censure

L’OFDF n’a pas autorisé la parution de l’article qui contenait le portrait déjà réalisé d’un garde-frontière genevois et a refusé toute demande d’interview de son vice-directeur, membre du conseil d’administration de Frontex. On ne peut que regretter cette attitude, qui met forcément la puce à l’oreille.

La question du journaliste était pourtant dans le mille. En moins d’une décennie, des dizaines de milliers de personnes ont péri en Méditerranée. Aux portes de l’Europe, de ses ports, de ses plages, de ses stations balnéaires. Chaque année, ce drame humain se reproduit, et de nouveaux corps agrandissent le grand cimetière bleu, sous les yeux indifférents des dirigeant·e·s et des populations européennes. Ce tragique constat, il convient de le garder à l’esprit lorsque l’on parle de politique migratoire européenne et lorsque se pose la question de l’augmentation du budget de l’Agence Frontex.

 

Bafouement du droit international

Frontex, c’est l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. Cette agence fait l’objet de nombreuses critiques, en raison notamment de son manque de transparence et des violations des droits humains qu’elle ne dénonce pas ou dont elle se rend coupable. Des enquêtes journalistiques et des rapports d’organisations d’aide aux réfugié·e·s font état de renvois collectifs et de refoulements bafouant le droit international. Des violences à l’encontre des personnes migrantes sont relatées aux frontières de l’Europe, sans que les pays membres de l’UE n’interviennent. Du fait des agissements de Frontex, les droits des réfugié·e·s ne sont pas respectés. L’agence est notamment accusée d’avoir participé à des opérations consistant à repousser des embarcations de migrant·e·s au large des côtes (opérations dites «push-back»). Le 27 avril, une enquête publiée par le quotidien Le Monde et Lighthouse Reports a démontré qu’entre mars 2020 et septembre 2021, Frontex a répertorié des renvois illégaux de migrants, parvenus dans les eaux grecques, comme de simples “opérations de prévention au départ, menées dans les eaux turques”.

Image: pixabay.com

En couvrant – voire en prenant part à – ce genre de pratiques au lieu de les dénoncer, Frontex empêche les personnes migrantes de faire valoir leurs droits et de déposer une demande d’asile, étape initiale et indispensable de toute procédure d’asile.

 

L’augmentation massive du budget de Frontex de la part de la Suisse et des autres États membres des accords Schengen contribuera à renforcer davantage la militarisation de l’Agence, alors même qu’elle souffre de graves dysfonctionnements.

 

La contribution de la Suisse à Frontex s’élevait à 24 millions de francs en 2021. L’extension prévoit une contribution de 61 millions en 2027. L’augmentation massive du budget de Frontex de la part de la Suisse et des autres États membres des accords Schengen contribuera à renforcer davantage la militarisation de l’Agence, alors même qu’elle souffre de graves dysfonctionnements, ayant entre autres conduit à la récente démission de son directeur le 28 avril dernier. L’objectif principal de cette augmentation de budget n’est pas de garantir un meilleur respect des droits humains des personnes migrantes, mais de continuer à fortifier les frontières européennes et à mener une politique de repli incompatible avec les traités internationaux relatifs aux droits des réfugié·e·s.

 

Plus simple de fermer les yeux?

Contrairement à ce que l’on peut parfois entendre et lire autour de Frontex, la votation ne porte pas sur le retrait ou non de la Suisse de l’espace Schengen, avec ses conséquences en matière de sécurité ou de voyages touristiques. Les Vert·e·s soutiennent d’ailleurs les accords Schengen et la collaboration interétatique qu’ils prévoient. L’objet de la votation du 15 mai prochain, c’est l’arrêté fédéral ayant trait à l’extension de Frontex. En cas de non, la Suisse ne serait pas automatiquement exclue des accords Schengen mais des négociations avec les États membres de l’UE et la Commission européenne auraient lieu.

En effet, il serait plus simple de continuer à fermer les yeux sur ce qui se passe aux frontières de l’Europe. Mais au prix de rendre la Suisse coresponsable de violations des droits humains en soutenant une telle politique migratoire?

 

En s’opposant à l’extension de Frontex, le peuple suisse a la possibilité d’envoyer un signal fort non seulement au Parlement et au Conseil fédéral, en les exhortant de retravailler un projet davantage orienté sur le respect des droits humains.

 

Pourquoi ce référendum?

Durant les débats parlementaires concernant la reprise du règlement européen relatif à Frontex, des propositions visant un engagement plus important de la Suisse en matière de droits humains avaient été émises par les partis de gauche. Mais elles ont été refusées par le Parlement!

 

Image: flickr.com

En s’opposant à l’extension de Frontex, le peuple suisse a la possibilité d’envoyer un signal fort non seulement au Parlement et au Conseil fédéral, en les exhortant de retravailler un projet davantage orienté sur le respect des droits humains, mais aussi à l’agence Frontex elle-même, en montrant que ses actions et sa politique ne sont pas acceptables. De ce fait, la Suisse rejoindrait les critiques proférées par le Parlement européen ainsi que de nombreux médias et associations d’aide aux personnes migrantes à l’encontre de Frontex. Dans le but de conduire à une réforme plus large de la politique européenne, aujourd’hui dans l’incapacité de répondre aux défis migratoires avec humanité et respect de la dignité des personnes en exil. Les migrants ne sont pas des délinquants mais des personnes qui sont en situations de détresse !

 

 

Gondosolar: le développement du solaire ne justifie pas tout!

S’il faut accélérer la transition énergétique bas carbone, la pose de milliers de panneaux solaires sur des alpages isolés se justifie-t-elle?  C’est à cette question que je vais tenter de répondre en prenant l’exemple du projet Gondosolar.

Les promoteurs du projet Gondosolar ont présenté début février les grandes lignes de ce qui devrait devenir le plus grand parc solaire de Suisse. Ces promoteurs sont la société Energie Electrique du Simplon SA (détenue à 81,97% par Alpiq), la commune de Gondo-Zwischbergen et l’initiateur et propriétaire de la parcelle concernée Renato Jordan. Situé entre 2’000 et 2’200 mètres d’altitude sur site de l’Alpjerung, pas très loin du Simplon, ce parc devisé à 42 millions de CHF serait composé de 4’500 éléments solaires bifaciaux disposés verticalement à 1,5 mètre du sol sur une surface de 10 hectares (environ 15 terrains de foot). Il pourrait délivrer une puissance de 18 MW (mégawatt) et produire 23,3 GWh (gigawattheure) par an, soit la consommation moyenne d’environ 5200 ménages.

Avantage d’une centrale en altitude par rapport à une centrale installée en plaine ? Non seulement une centrale alpine bénéficie d’un rayonnement plus intense, mais elle est au-dessus du stratus et bénéfice en plus de la réverbération de la neige. Selon les promoteurs, la part produite en hiver serait nettement plus élevée comparativement à une installation située sur le Plateau suisse : 55% de la production aurait ainsi lieu en hiver, une saison où la Suisse doit importer du courant.

 

Description idyllique

Au niveau environnemental, les promoteurs en font une description idyllique. Ce parc solaire ne poserait aucun problème ni sur le plan paysager ni sur la biodiversité. Il ne serait visible que depuis le côté opposé de la vallée depuis le Seehorn, à une distance de 3,7 km et donc hors de portée de vue depuis une zone habitée. De plus, aucune zone protégée n’est concernée. Les plantes et les insectes devraient même profiter de l’installation des panneaux solaires, ainsi que les oiseaux nicheurs et les reptiles grâce à la création de nouveaux habitats.

Vraiment? Peut-on « coloniser » avec ce type d’infrastructures de nouveaux pans de nos montagnes alors que celles-ci ont déjà payé un lourd tribut environnemental et paysager, avec en particulier la construction des nombreux barrages et domaines skiables qui parsèment les vallées alpines?

En Valais, des personnalités politiques haut-valaisannes de tous bords ont rapidement affirmé leur soutien à Gondosolar. Quant au Grand conseil valaisan, il leur a emboîté le pas le 7 mars dernier en décidant de soutenir une motion prenant pour exemple ce projet-ci et demandant que le Conseil d’Etat évalue les emplacements se prêtant à la construction de grandes installations solaires sur des surfaces libres et procède aux éventuelles modifications législatives afin de promouvoir et d’encourager de telles installations. Seuls les Vert.e.s ont refusé la motion, soulignant notamment les enjeux liés à la biodiversité et au paysage et le fait qu’il y ait déjà suffisamment de surfaces bâties qui peuvent être équipées avec des panneaux solaires.

La question est en effet bien là: est-il vraiment nécessaire d’installer des panneaux solaires sur les alpages pour atteindre nos objectifs énergétiques? La réponse est clairement non, comme l’a notamment montré Arnaud Zufferey dans l’article « Gondosolar : miroir aux alouettes » paru sur son blog le 9 mars dernier et dont je vais reprendre ici une partie de l’argumentaire.

 

Gros potentiel sur les bâtiment sans défigurer les alpages

En Valais, le potentiel de production d’électricité photovoltaïque sur les bâtiments est estimé à un maximum de 4’200 GWh, dont 3’100 GWh en toitures et 1’100 GWh en façades, soit 180 fois la production de Gondosolar ! Produire sur son propre toit est aussi avantageux économiquement pour le propriétaire car le courant consommé est bien meilleur marché qu’en passant par un distributeur comme dans le cas de Gondosolar.

 

En plus des bâtiments, de nombreuses infrastructures peuvent accueillir des installations solaires (autoroutes, parkings, parois anti-bruit, murs et lacs de barrages, gares de départ et d’arrivée d’installations de remontées mécaniques, etc.). Par exemple, la société EnergyPier prévoit d’installer une centrale électrique mixte (soleil + vent) sur 1,6 km d’autoroute à Fully. Cette centrale produirait au total 50 GWh : 30 GWh grâce à de petites « éoliennes » installées de part et d’autres des piliers porteurs de la structure métallique servant de support aux panneaux photovoltaïques dont la production serait de 20 GWh.

La faune et la flore seront aussi fortement impactées avec la pose de 4’500 (!) panneaux solaires verticaux, et donc d’autant de pieux forés dans le sol, la construction d’un téléphérique provisoire et l’enfouissement de la ligne électrique sur des centaines de mètres, voire des kilomètres. Car il faudra bien pouvoir transporter jusqu’au consommateur cette électricité produite loin de tout, ce qui signifie aussi une perte de production qui annule en partie l’avantage de pouvoir produire davantage grâce à l’altitude

2 priorités: économiser l’énergie et développer le solaire sur les infrastructures existantes

Avant d’envisager de coloniser les surfaces vierges d’activités humaines, il faut aussi et en urgence plancher sur les mesures d’économies d’énergie. En Valais la consommation d’électricité liée au chauffage électrique est d’environ 360 GWh. Un remplacement de tous ces chauffages par des pompes à chaleur permettrait de réduire la consommation d’électricité en hiver de 240 GWh, soit 10 fois Gondosolar! Et le potentiel de l’efficacité énergétique ne s’arrête pas là: pour éviter l’utilisation d’énergie inutile on pourrait, entre autres, éteindre l’éclairage public entre minuit et 5h du matin, ou interdire l’éclairage nocturne des vitrines et enseignes commerciales. J’ai d’ailleurs déposé une motion sur ce dernier point lors de la session de décembre 2021.

Source: https://olika.ch/index.php?art=gondosolar

Alors oui il faut vraiment accélérer le développement du solaire, en complément de l’efficacité et de la sobriété, afin de mettre en œuvre la transition énergétique. Mais pourquoi donc poser des milliers de panneaux solaires sur des alpages isolés alors qu’il y a largement assez de surfaces bâties et d’infrastructures déjà existantes et proches des consommateurs pour ce faire ?

L’enjeu est de concrétiser ce potentiel : l’adoption par le parlement le 1er octobre 2021 de l’initiative parlementaire de mon collègue Bastien Girod « Promouvoir les énergies renouvelables de manière uniforme. Accorder une rétribution unique également pour le biogaz, la petite hydraulique, l’éolien et la géothermie » permet de booster le solaire (même si le solaire ne figure pas dans le titre de l’initiative !) et les autres énergies renouvelables en prévoyant des rétributions uniques à l’investissement élevées (jusqu’à 60% pour le solaire). Donnant suite à cette décision, le Conseil fédéral vient le 30 mars dernier d’ouvrir la procédure de consultation sur la révision de plusieurs ordonnances dans le domaine de l’énergie. Ces ordonnances devraient entrer en vigueur au début de l’année prochaine, assurant le financement nécessaire à un développement rapide de la capacité photovoltaïque du pays.

Mais par pitié, ne couvrons pas nos alpages encore préservés par des milliers de panneaux solaires!

 

La désobéissance civile est-elle légitime pour sauver le climat?

Les « procès climatiques » en cours questionnent les formes de l’engagement politique.

Menées par des jeunes activistes, personnalités publiques ou citoyen·ne·s engagé·e·s, de nombreuses actions militantes pour le climat ou l’environnement finissent devant les tribunaux. Si le phénomène n’est pas nouveau, il prend une ampleur considérable depuis quelques années. Blocage de la circulation automobile, match de tennis dans une banque, occupation d’une carrière (ZAD du Mormont) ou de la place fédérale à Berne, de telles actions visant à sensibiliser à la question climatique divisent l’opinion publique.

 

Criminels ou éveilleurs de conscience?

Tandis que certain·e·s défendent avec ferveur les activistes du climat, considérés comme des éveilleurs de conscience qui bousculent un monde politique trop attentiste face à l’urgence climatique, d’autres les condamnent sans réserve pour leur violation des lois et règlements, en particulier l’occupation non autorisée d’espaces publics ou privés.

L’acte citoyen dans une démocratie ne consiste pas seulement à glisser un bulletin de vote dans une urne ou à défendre son avis comme élu·e au sein d’un parlement.

 

A cet égard, la vision que nous avons de la démocratie ne doit pas être trop étroite. L’acte citoyen dans une démocratie ne consiste pas seulement à glisser un bulletin de vote dans une urne ou à défendre son avis comme élu·e au sein d’un parlement. Manifester dans la rue, partager son opinion sur un réseau social, revendiquer un changement dans une discussion entre ami·e·s ou encore récolter des signatures pour une initiative populaire sont aussi des moyens de participer à la vie démocratique.

La désobéissance civile constitue un pas supplémentaire. Elle ne peut pas être uniquement considérée comme l’exercice d’une activité illicite nuisant à l’ordre public. Il s’agit avant tout d’une manière – qui doit rester non-violente – d’interpeller l’opinion publique sur une situation existante jugée profondément préoccupante, tout en exprimant souvent un projet commun alternatif pour l’avenir.

 

La désobéissance civile au service de la collectivité

Il ne faut pas oublier que les activistes du climat qui pratiquent la désobéissance civile investissent leur temps, leur énergie, et parfois leur argent pour interpeller la collectivité, les entreprises, ainsi que les institutions dirigeantes de notre pays. En exprimant leur inquiétude quant à l’état de notre planète, en réclamant des actes plus conséquents en matière de lutte contre le réchauffement climatique ou en matière de protection de la biodiversité, les activistes participent aux débats qui animent notre société.

Les actions qui poursuivent ces objectifs – qu’elles soient licites ou non – s’inscrivent dans le cadre d’un engagement civique au sens large, et ce même lorsque une partie de leurs auteur·e·s se revendiquent «anti-système» et appellent de leurs vœux une réforme de nos institutions politiques.

 

Les actions des activistes sont complémentaires à celles prises dans le cadre des processus politiques ou des manifestations autorisées qui cherchent elles aussi à trouver des réponses à la crise climatique.

La frontière entre un acte licite et un acte illicite peut s’avérer ténue. Les libertés d’expression et de réunion, garanties fondamentales de nos ordres juridiques, ne se limitent pas à couvrir des actions ou prises de position autorisées, mais s’étendent au-delà, tant que lesdites actions font preuve d’une certaine mesure. Ainsi, la limite de la désobéissance, parfois nécessaire pour questionner le droit et susciter des réflexions sur des thématiques d’intérêt public, reste naturellement la mesure. Au lieu de réprimer certaines actions du fait de leur nature-même, il s’agit d’analyser si elles ont été effectuées de façon proportionnée, permettant ainsi l’émergence de débats bienvenus dans toute démocratie.

 

Au regard des connaissances scientifiques actuelles sur les effets du réchauffement climatique, les juges pourront de moins en moins contester l’état de nécessité revendiqué par les activistes du climat.

 

Le dernier rapport du GIEC sur la vulnérabilité des systèmes socio-économiques et naturels face au changement climatique, qui vient d’être publié[1], apporte à ce titre une preuve supplémentaire qu’il faut impérativement et rapidement agir pour la protection du climat et du vivant. Et ce constat est particulièrement vrai pour la Suisse où le réchauffement climatique, deux fois plus rapide qu’à l’échelle mondiale, se traduit notamment par une augmentation de la fréquence et de l’intensité des dangers naturels qui pourrait rendre impossible la vie dans certaines régions alpines. Il va devenir en effet de plus en plus difficile, techniquement et financièrement, d’assurer la sécurité des personnes et des infrastructures.

 

[1] https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg2/resources/press/press-release-french/

Industrie du tabac: la Suisse gravement complice d’un business mortel!

La complaisance du monde politique suisse à l’égard de l’industrie du tabac est scandaleuse et inquiétante. Concernant les restrictions de la publicité pour le tabac, notre pays pointe à l’avant-dernier rang du classement 2019 du « Tobacco control Scale » en Europe. Cette échelle mesure depuis 2006 les politiques de prévention anti-tabac des pays européens

 

Un business mortel dont nous sommes complices

La cigarette tue chaque année prématurément 9500 personnes en Suisse, soit plus d’un décès sur 7.[1] Et un fumeur sur deux. Ce fardeau sanitaire global du tabac est colossal. À lui seul, il est responsable de 1 cancer sur 3, dont principalement ceux du poumon, de la gorge, de la bouche, des lèvres, du pancréas, des reins, de la vessie, et de l’utérus.[2] Le tabac cause aussi de graves pathologies cardio-vasculaires tels que l’infarctus du myocarde ou les accidents vasculaires cérébraux. Et 90% des personnes souffrant de broncho-pneumonie chronique obstructive (BPCO), une maladie terrible ayant un impact majeur sur la qualité de vie, sont des fumeurs ou d’anciens fumeurs.[3] Ainsi, un fumeur régulier sur deux mourra des conséquences de son tabagisme.[4] Drôle d’industrie que celle qui tue la moitié de ses consommateurs.trices…

57% des fumeurs ont commencé alors qu’ils étaient mineurs. Les cigarettiers le savent, les autorités politiques aussi. Pourtant, nous laissons faire.

La cigarette a été développée par une industrie particulièrement sans scrupule qui au cours de son histoire n’a pas hésité à mentir à plusieurs reprises lors d’importants procès (tant sur la nocivité de la cigarette que sur l’addictivité de la nicotine) pour éviter de devoir rendre des comptes et pouvoir étendre son business mortel.

De plus, la publicité et la promotion des produits du tabac sont au cœur de la démarche marketing des cigarettiers et elles ciblent avant tous les jeunes. En effet, la nicotine contenue dans la cigarette est une aubaine pour l’industrie du tabac. Plus addictogène que la cocaïne, elle garantit la fidélité du client sans nécessité de carte cumulus ou de cadeaux annuels. Ainsi, l’essentiel du business model des cigarettiers est simple : trouver des nouveaux clients. En toute logique, les jeunes sont leur cible favorite. Et le constat est sans appel : 57% des fumeurs ont commencé alors qu’ils étaient mineurs.[5] Les cigarettiers le savent, les autorités politiques aussi. Pourtant, nous laissons faire.

La complaisance, ou même complicité, du monde politique suisse à l’égard de l’industrie du tabac a pour conséquence une mauvaise protection de notre jeunesse. 31.6% des jeunes de 15 à 25 ans fument quotidiennement ou occasionnellement dans notre pays.[6] Ce pourcentage élevé n’est malheureusement pas surprenant quand on sait que la Suisse est le seul pays d’Europe à ne pas avoir ratifié la convention cadre de l’OMS pour la lutte antitabac. L’influence importante du lobby de la cigarette est la seule explication à cette passivité extrême des autorités helvétiques en matière de prévention antitabac.

 

Un cendrier pour illustrer la Suisse

Source: Tobacco Control

Les récents épisodes (2019) du financement du vernissage de l’ambassade suisse à Moscou[7] et celui prévu pour le pavillon suisse à l’expo universel de Dubaï[8] ont même mené à ce que la Suisse fasse la une de la revue scientifique « Tobacco Control » dans son numéro de septembre 2019. En effet, la couverture représentait une carte de l’Europe avec au centre une Suisse en forme de cendrier. L’éditorial de ce numéro était d’ailleurs sans appel, fustigeant la politique suisse en matière de prévention anti-tabac et l’influence malsaine de l’industrie du tabac sur le monde politique suisse.[9] Cette proximité douteuse entre industrie du tabac et monde politique et diplomatique suisse dure depuis trop longtemps et nous nous devons de faire passer l’intérêt public de la santé de notre jeunesse avant celui de quelques entreprises privées.

 

 

Source: https://www.tobaccocontrolscale.org/

Concrètement, comment se traduit cette influence du lobby de l’industrie du tabac sur le monde politique suisse ?

La réponse est peut-être à chercher dans la comparaison avec nos voisins européens. Ainsi, la Suisse pointe au 35ème rang sur 36 du classement 2019 du « Tobacco control Scale » en Europe. Cette échelle mesure depuis 2006 les politiques de prévention anti-tabac des pays européens. Ce qui est d’autant plus inquiétant, c’est que la Suisse était encore au 21ème rang en 2016. Pire, et comme mentionné plus haut, notre pays est dernier de classe concernant les restrictions de la publicité pour le tabac!

 

L’interdiction de la publicité auprès des mineurs est une des mesures les plus efficaces

 

Pourtant, la lutte antitabac existe maintenant depuis des décennies et nous savons parfaitement quels sont les outils de prévention efficaces. Selon l’OMS, il y en a 4 essentiellement[10] :

  1. Augmenter le prix du paquet de cigarette ;
  2. Sensibiliser et informer la population (paquet neutre, message choc, etc.) ;
  3. Soutenir les programmes d’aides au sevrage ;
  4. Interdire la publicité pour le tabac.

Selon l’OMS qui se base sur de nombreuses données scientifiques, une interdiction de la publicité qui atteint les mineurs a ainsi pour impact de réduire clairement la consommation à long terme.

L’interdiction concernant les produits du tabac de toute forme de publicité qui atteint les enfants et les jeunes est en vigueur dans la plupart des pays européens et dans 182 pays dans le monde. Mais pas en Suisse!

Dans ce cadre, l’initiative « Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac » comble une lacune importante de la politique sanitaire suisse. Cette initiative propose en effet d’inscrire dans la Constitution une interdiction concernant les produits du tabac de toute forme de publicité qui atteint les enfants et les jeunes. Cette interdiction est d’ailleurs en vigueur dans la plupart des pays européens et permettrait à la Suisse de respecter, sur ce point, la Convention cadre de l’OMS en matière de prévention contre le tabac, convention ratifiée par 182 pays (représentant plus de 90% de la population mondiale), mais pas par la Suisse (!).

Quant au contre-projet adopté par le Parlement, ce n’est qu’un exercice alibi : la publicité dans les médias gratuits, les festivals ou les réseaux sociaux, soit partout où l’on peut particulièrement bien atteindre les jeunes, resterait autorisée. Le contre-projet montre surtout qu’au Parlement les intérêts de l’industrie du tabac pèsent davantage que le bien-être et la santé des enfants et des jeunes.

Qu’en 2022 des politiciennes et politiciens osent encore tenir le discours du libre choix et de la liberté économique dans un contexte de dépendance à une substance psycho-active relève d’un aveuglement idéologique, d’une ignorance coupable ou d’une soumission aux intérêts privés du lobby du tabac.

5 milliards par année. C’est le montant des coûts socio-sanitaires du tabac en Suisse.  Ils sont répartis entre frais médicaux (3 milliards) et baisse de productivité (2 milliards).[11] Ces coûts dépassent donc largement l’impôt sur la cigarette qui a rapporté 2.08 milliards de francs en 2018.[12] Une diminution du nombre de fumeurs, objectif final de cette interdiction de la publicité auprès des enfants et des jeunes, sera donc bénéfique aussi pour les caisses publiques.

Contrairement à la rhétorique des opposants à l’initiative, fumer ne se limite pas à une question de libre choix. La publicité et la promotion des produits du tabac, ciblant tout particulièrement la jeunesse, influencent le consommateur jeune et l’incite à commencer à fumer. L’addictivité de la nicotine fait le reste pour que la dépendance s’installe rapidement. Qu’en 2022 des politiciennes et politiciens osent encore tenir le discours du libre choix et de la liberté économique dans un contexte de dépendance à une substance psycho-active relève d’un aveuglement idéologique, d’une ignorance coupable ou d’une soumission aux intérêts privés du lobby du tabac.

D’ailleurs, plus de 60% des fumeurs souhaiteraient arrêter la cigarette.[13] Mais face une substance aussi addictive, le défi est majeur. En légiférant sur la publicité et en soutenant cette initiative, on limite les tentations.

La question est simple : souhaitons-nous mieux protéger notre jeunesse contre un danger sanitaire majeur ou préférons-nous poursuivre cette publicité mortifère ? C’est à chacun.e d’entre nous d’en décider en son âme et conscience.

Protégeons nos enfants et nos jeunes contre les méfaits du tabac.  Stopper la publicité auprès de la jeunesse est une des meilleures façons de réduire cette importante cause de mortalité.

 

[1] https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/sante/determinants/tabac.html

[2] https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/tabac/articles/quelles-sont-les-consequences-du-tabagisme-sur-la-sante

[3] https://www.stop-tabac.ch/fr/risques-et-maladies/les-maladies-consecutives-au-tabagisme/bpco).

[4] https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/tabac/articles/quelles-sont-les-consequences-du-tabagisme-sur-la-sante

[5] https://enfantssanstabac.ch/arguments-2/

[6] https://enfantssanstabac.ch/arguments-2/

[7] https://www.letemps.ch/suisse/un-oligarque-russe-sponsor-lambassade-suisse-moscou

[8] https://www.letemps.ch/economie/philip-morris-sponsor-pavillon-suisse-dubai-tolle

[9] https://tobaccocontrol.bmj.com/content/28/5

[10] https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/tobacco

[11] https://www.suchtmonitoring.ch/fr/1/8.html

[12] https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/strategie-und-politik/politische-auftraege-und-aktionsplaene/politische-auftraege-zur-tabakpraevention/tabakpolitik-schweiz/tabaksteuer.html

[13] https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/sante/determinants/tabac.html

Mi-temps au conseil national: 2 ans pour « faire son nid » et faire avancer la cause verte

Durant cette première moitié de législature, la pandémie a marqué le travail parlementaire, en s’installant durablement au sommet de l’agenda politique.

 

Fin prématurée de la session de mars 2020, déplacement à Berne Expo pour pouvoir garder les distances pendant les délibérations, puis installation de plexiglas partout au parlement et obligation du port du masque. Pas de quoi se plaindre, toute la société a été soumise au même régime des restrictions sanitaires. Mais un peu perturbant, au moment de faire ses marques, pour les nouveaux.

 

Ce qui a le plus impacté le travail des parlementaires? Sans aucun doute l’annulation de toutes les séances d’information organisées par les différents lobbies en marge de sessions parlementaires. L’accès à l’information (orientée certes, mais information quand même) est devenu plus compliqué. Tout comme les relations avec les collègues. Sans liens humains, il n’est pas toujours aisé de demander du soutien pour créer des accords au-delà des frontières partisanes. Lors de cet automne, les séances d’information en présentiel étaient de retour mais elles sont de nouveau annulées pour la plupart lors de cette session de décembre suite à l’évolution préoccupante de la situation sanitaire.


Apprivoiser le fonctionnement de la machine législative

L’apprentissage du “métier” de conseiller national est long, même sans pandémie.  Car il faut apprivoiser le fonctionnement de la machine législative fédérale, comprendre des procédures complexes et le jeu politique entre les deux chambres du parlement. Et c’est un aspect peu connu des citoyen·ne·s: un·e conseiller·ère national·e croule sous des quantités impressionnantes de documents, de courriels et de courriers. Il·elle a intérêt à développer un sens aigu des priorités! Car il faut bien avouer qu’une grande partie des courriers et documents ne seront jamais lus.

 

Bâtir des ponts

Sans beaucoup de surprise, en tant que Vert, mon activité à Berne s’est concentrée sur les enjeux environnementaux. En siégeant à la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie (CEATE), j’ai pu m’engager véritablement sur les questions écologiques. Dans un esprit constructif et en m’appuyant souvent sur des études scientifiques, je cherche à questionner certaines pratiques, à proposer des modifications et à apporter des solutions. Il est à mes yeux nécessaire de trouver du soutien auprès de représentant·e·s d’autres partis afin qu’elles et ils co-signent mes interventions parlementaires. Je suis convaincu que le dialogue et la collaboration permettent d’aboutir à des résultats plus acceptables collectivement. Cette façon de travailler m’a valu d’être classé dans le top 10 (de justesse 😉) des « constructeurs de ponts » au parlement.

 

Objectif: un environnement plus sain pour nos enfants, ici et ailleurs

Dans ce bilan, je peux inscrire 64 interventions portant sur la protection du climat, la préservation de la biodiversité, la pollution de l’air, la santé et la gestion de la crise COVID, mais aussi sur l’économie circulaire, le tourisme ou la migration  (1 initiative parlementaire, 7 motions, 12 postulats, 29 interpellations, 4 questions, 11 questions à l’heure des questions). Une hyperactivité sans préméditation qui m’a valu d’être nommé récemment nouvel élu le plus actif sous la coupole par le Blick. Malgré leur diversité, ces interventions ont toutes le même but: assurer un environnement plus sain pour nous et nos enfants, ici et ailleurs, tout en tenant compte de la nécessaire prise en compte des besoins des plus démunis, justice écologique et sociale allant de pair. 

Ceci ne constitue cependant qu’une part de l’activité parlementaire. Un travail important se fait aussi en amont des décisions du conseil national dans le cadre des séances des commissions. Dans le cadre de la CEATE, il a fallu défendre les positions vertes dans différents dossiers comme la révision de la loi CO2, l’économie circulaire ou la protection de la biodiversité. Je me suis aussi battu pour le maintien des acquis dans des domaines comme la protection du patrimoine ou l’aménagement du territoire. Enfin, j’ai demandé des informations sur la mise en œuvre de la loi sur les résidences secondaires ou sur les impacts du changement climatique sur les ressources en eau en Suisse.

 

Le mythe du parlement de milice est toujours très vivace mais dans la réalité, il est très difficile à appliquer. 

 

En marge du travail directement lié aux activités parlementaires, les interventions dans les médias, la présence sur les réseaux sociaux ou les tâches de représentation font aussi partie des activités habituelles d’un·e conseiller·ère national·e et elles peuvent être particulièrement chronophages.

Celles et ceux qui exercent encore une activité professionnelle à temps partiel, comme moi (je suis professeur à mi-temps) à l’Université de Lausanne, savent que le temps que l’on peut consacrer à la politique, et par conséquent certainement leur influence, est réduit. Le mythe du parlement de milice est toujours très vivace mais il ne correspond pas vraiment à la réalité, nombre de parlementaires étant quasiment des professionnels de la politique. 

 

La vague verte toujours minoritaire

Est-ce que la « vague verte » des dernières élections se matérialise dans les décisions prises? Oui et non. Oui parce que les avancées obtenues sont concrètes. Non, parce que sur les votes environnementaux, il faut reconnaître qu’avec nos alliés socialistes et vert·e·s libéraux·ales, nous restons souvent minoritaires. Tant que les forces favorables à l’écologie et au changement n’auront pas la majorité, il sera toujours difficile d’obtenir des avancées significatives en matière de climat et de biodiversité.

 

Soutenir l’ensemble d’une profession liée au dévouement

Vous vous souvenez quand, au début de la pandémie, nous étions sur nos balcons tous les soirs pour applaudir le personnel soignant qui faisait face avec courage et abnégation à la première vague de coronavirus? Il est temps de le remercier d’une manière plus concrète en acceptant l’Initiative sur les soins infirmiers. Voici pourquoi:

 

1. Pour ne pas compter que sur la main d’oeuvre étrangère

Depuis une année et demi, le personnel soignant est mis sous pression par la COVID-19. De manière générale, la situation dans la profession est très problématique, et ceci déjà avant l’arrivée de la pandémie: près de la moitié du personnel infirmier quitte en effet la profession prématurément. La Suisse manque ainsi cruellement de soignant∙e∙s. Actuellement 10’000 postes ne sont pas repourvus et d’ici 2029 nous aurons besoin de 70’000 soignant∙e∙s supplémentaires.

Cette pénurie est notamment due aux efforts insuffisants en matière de formation: depuis 2014, la Suisse ne forme que 56% de son besoin annuel en personnel soignant, voire 43% pour les diplômé∙e∙s. Le solde, c’est la main d’oeuvre étrangère qui le comble. Or, cette pénurie ne peut pas être résorbée à volonté. La Suisse doit redoubler d’efforts afin que le nombre de personnes choisissant cette profession s’accroisse rapidement. C’est justement l’objectif de l’initiative sur les soins infirmiers.

2. Le contre-projet est insuffisant

Le Conseil fédéral et la majorité du Parlement estiment que l’initiative va trop loin et lui opposent un contre-projet indirect. Ce dernier prévoit que la formation et la formation continue recevront jusqu’à un milliard de francs sur huit ans. C’est un pas dans la bonne direction mais qui est insuffisant. D’une part parce qu’avec le contre-projet, la base légale doit d’abord être créée dans tous les cantons avant que les parlements respectifs puissent prendre des décisions budgétaires. Et si un canton rejette le budget, il n’y aura pas non plus de financement fédéral. D’autre part, le contre-projet se limite à investir dans la formation. Mais cela n’en vaut la peine que si le personnel formé reste plus longtemps dans la profession. C’est pourquoi il faut absolument améliorer les conditions de travail, les salaires et la dotation en personnel des hôpitaux et établissements médico-sociaux.

3. Réduire l’épuisement du personnel soignant

La situation de pénurie conduit rapidement à l’épuisement du personnel soignant. L’initiative sur les soins infirmiers permet ainsi non seulement d’en former davantage, mais aussi, de par meilleure anticipation des plannings et en offrant des suppléments de salaire pour le travail de nuit, le week-end et les jours fériés, pourra rendre la vie familiale compatible avec cette profession difficile.

4. Améliorer la qualité des soins

En offrant de meilleures conditions de travail et de formation au personnel soignant, l’initiative permet in fine, et c’est un point particulièrement important, d’améliorer la qualité des soins et la sécurité des patient∙e∙s.

A cause de la pénurie de personnel, les soignant∙e∙s doivent traiter de plus en plus de patient·e·s simultanément. Cela met en danger la qualité des soins et empêche une approche humaine avec les patient·e·s, avec une probabilité d’erreurs médicales bien plus importante.


5. Soutenir l’ensemble d’une profession liée au dévouement

Un dernier argument pour tordre le cou à une idée reçue : un·e infirmier·ère travaillant en EMS ou gériatrie n’a pas moins de compétences qu’un·e infirmier·ère travaillant en chirurgie ou aux urgences. Les deux mobilisent des compétences différentes toutes aussi indispensables. L’un·e utilisera des compétences peut être plus techniques sur un temps de prise en charge réduit, l’autre fera appel aux compétences nécessaires à une prise en charge davantage holistique sur une période à moyen, voire long terme, avec toute la complexité que cela implique. C’est pourquoi il est nécessaire de soutenir l’ensemble de la profession.

Cette évolution fondamentale de la profession, couplée à l’évolution démographique de la suisse et à un contexte de pénurie chronique de soignant·e·s, sont les éléments essentiels pour comprendre la démarche faite aujourd’hui au travers de cette initiative.

L’origine des soins infirmiers est historiquement liée au dévouement. C’est une profession de cœur au service des malades. Cette profession est incarnée, de la fin du Moyen-Âge jusqu’au début du 20ème siècle par la femme consacrée. Ensuite les soins se laïcisent et deviennent de plus en plus techniques, les formations évoluent, l’infirmier·ère gagne en autonomie notamment avec la reconnaissance de son rôle propre au milieu des années 1950 et aujourd’hui ce sont les sciences infirmières qui sont enseignées dans les hautes écoles.

Cette évolution fondamentale de la profession, couplée à l’évolution démographique de la suisse et à un contexte de pénurie chronique de soignant·e·s, sont les éléments essentiels pour comprendre la démarche faite aujourd’hui au travers de cette initiative. L’infirmier·ère a aujourd’hui des compétences spécifiques, il·elle n’est plus une subalterne du médecin, est un partenaire aux compétences indispensables tout comme les ingénieur·e·s et les architectes sont partenaires pour construire un hôpital.

Dire Oui à l’initiative pour les soins infirmiers, c’est concrétiser nos applaudissements du printemps 2020 et assurer une meilleure qualité des soins pour nos aîné∙e∙s, pour nos enfants, pour nous.

 

 

Notre économie creuse la dette environnementale: une initiative des Jeunes Vert·e·s entend y remédier

C’est une des premières choses que l’adulte responsable apprend en grandissant: gérer son budget et ne pas vivre au dessus de ses moyens. On n’en attend pas moins d’un service étatique ou d’une entreprise: qu’ils gèrent et respectent les limites budgétaires.

On devrait, en toute logique, s’attendre à ce que notre civilisation respecte les ressources que la terre lui alloue. Or, c’est exactement le contraire que prône notre système capitaliste basé sur une économie “court termiste” qui favorise l’accumulation du capital et des biens matériels. En terme de ressources, les Suisses consomment l’équivalent de près de 3 planètes et le reste du monde nous emboîte le pas.

La capacité de renouvellement de notre planète n’est pas infinie. Conceptualisée en 2009 puis actualisée en 2015 par un groupe de chercheurs·euses internationaux·ales, la notion de limites planétaires définit les seuils à ne pas dépasser dans neuf domaines pour que la Terre reste durablement viable pour l’humanité. Une nouvelle initiative populaire des Jeunes Vert·e·s nous invite donc à respecter ces limites planétaires.

 

4 limites planétaires déjà dépassées

Quels sont les 9 domaines de ces limites planétaires? Il s’agit de 1. réchauffement climatique, 2. érosion de la biodiversité, 3. acidification des océans, 4. diminution de l’ozone stratosphérique, 5. charge en aérosols atmosphériques, 6. perturbation des cycles de l’azote et du phosphore, 7. (sur)consommation mondiale d’eau douce, 8. changement d’usage des sols et 9. pollutions chimiques.

Limites planétaires selon le rapport de Rockström et al. publié dans Nature en 2009. Les zones en rouge représentent l’état actuel estimé et le cercle vert définit les limites estimées.

 

Ces domaines peuvent paraître lointains ou abstraits. Toutefois, ils sont les garants d’un environnement planétaire permettant la vie et l’épanouissement des sociétés humaines. Or, à l’échelle mondiale, au moins quatre limites ont déjà été dépassées (climat, biodiversité, cycles d’azote et de phosphore et utilisation des sols).

C’est dans ce contexte que les Jeunes Vert·e·s Suisse viennent de lancer une initiative populaire « Pour une économie responsable respectant les limites planétaires (initiative pour la responsabilité environnementale) ». Cette initiative demande que l’économie nationale respecte les limites planétaires les plus facilement quantifiables en Suisse, rapportées à l’échelle de notre pays. Ces limites concernent les domaines du climat, de la disparition des espèces, de la déforestation et de la pollution de l’air, de l’eau et du sol.

 

Une dette environnementale croissante

On l’a déjà dit, si la population mondiale consommait autant que la moyenne suisse, il faudrait près de trois planètes Terre pour garantir cet équilibre essentiel entre consommation des ressources et capacité de renouvellement de la nature. L’initiative exige que l’impact environnemental de la Suisse se réduise, dans les dix ans, de manière à respecter ces limites planétaires définies scientifiquement. Elle demande également que cet objectif soit atteint d’une manière socialement acceptable.

L’article 73 de notre Constitution fédérale pose certes déjà le principe de développement durable et insiste sur l’importance de la capacité de renouvellement de la nature. L’article 2 de cette même Constitution définit les buts de la Confédération et cite à son alinéa 4 le fait de s’engager « en faveur de la conservation durable des ressources naturelles ». Le principe de durabilité est donc au cœur de notre Constitution. Toutefois, lorsqu’il s’agit de véritablement le mettre en application au quotidien, les aspects écologiques sont trop souvent laissés au second plan au profit du développement économique à court terme.

Tant que nos activités économiques ne tiendront pas compte des limites planétaires, nous continuerons à creuser une dette environnementale toujours plus grande sur le dos des générations futures. Et sur le dos des populations des pays les plus pauvres qui subissent déjà, encore plus fortement que nous, les conséquences de cette crise environnementale alors qu’historiquement elles n’ont que très peu contribué à la détérioration des écosystèmes et du climat.

Signer l’initiative « Pour la responsabilité environnementale » c’est donc aussi opter pour plus de justice environnementale.

 

Climat: passer à un monde post-croissance et tendre vers la sobriété heureuse

Selon le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) il ne fait désormais plus aucun doute que les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine ont réchauffé le climat et sont également en partie responsables des récents phénomènes climatiques et météorologiques extrêmes. Malgré cette évidence scientifique, elles ont continué à augmenter ces dernières années. La concentration de CO2 dans l’atmosphère est aujourd’hui plus élevée qu’elle ne l’a été depuis au moins 2 millions d’années.

 

Les coûts des événements météorologiques extrêmes vont prendre l’ascenseur

Très concrètement, cela se traduit par la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes pouvant provoquer des catastrophes géologiques comme des laves torrentielles, des chutes de pierres du fait notamment de la fonte du pergélisol (le sol gelé en permanence). Les glaciers, qui fondent à vue d’œil, auront tous quasiment disparus à la fin du siècle en Valais si on n’agit pas de manière déterminée. A l’avenir, les étés seront plus secs, les précipitations plus intenses et la limite du zéro degré va continuer à s’élever avec des conséquences, entre autres, sur la couverture neigeuse en hiver.

Le réchauffement climatique a déjà et aura un impact de plus en plus important pour des secteurs économiques importants comme l‘hydro-électricité, le tourisme ou l’agriculture. Dans les régions de montagne, ce sont aussi les coûts liés à la réparation des dégâts après les intempéries et événements météorologiques extrêmes qui vont prendre l’ascenseur. Ainsi que les coûts liés à la prévention et à la sécurisation contre les risques naturels.

 

La croissance n’est pas compatible avec les limites de l’écosystème planétaire

Mais la partie n’est pas encore perdue. Le 6ème rapport du GIEC précise bien que l’augmentation de la température mondiale pourrait être limitée à moins de 2 °C d’ici la fin du siècle par rapport aux valeurs préindustrielles si des mesures conséquentes de protection du climat sont prises. Qu’entend-on par “mesures conséquentes”?

Soutenir les énergies renouvelables? Favoriser les progrès technologiques favorisant la décarbonisation de l’économie? Développer l’économie circulaire? Oui bien sûr! mais ce ne sera pas suffisant.

Si l’on tient compte qu’une partie importante de la population mondiale cherche tout à fait légitimement à sortir de la pauvreté et par conséquent émettra plus de gaz à effet de serre à l’avenir, les pays industrialisés devront prendre leurs responsabilités et nous devrons changer nos modes de vie.

 

Une transition difficile qui passe par un nouvel imaginaire du bonheur

Moins de consommation, moins de déplacements, voilà la direction qu’il faut emprunter. Une transition difficile qu’il faut accompagner par l’invention d’un nouvel imaginaire du bien-vivre. A l’image de la sobriété heureuse prônée par le penseur Pierre Rabhi.

 

« Qu’est-ce que vivre ? Nous avons choisi la frénésie comme mode d’existence et nous inventons des machines pour nous la rendre supportable. Tandis que nous nous battons avec le temps qui passe, celui qu’il faut gagner, nos véhicules, nos avions, nos ordinateurs nous font oublier que ce n’est pas le temps qui passe mais nous qui passons. »
                                                       Pierre Rabhi, dans Vers la Sobriété Heureuse, Actes Sud Editions

 

La croissance économique et l’augmentation du PIB, aujourd’hui indicateurs de la réussite planétaire, ne peuvent pas servir à la lutte contre le réchauffement. La croissance n’est simplement pas compatible avec les limites de l’écosystème planétaire. Sans compter que les richesses que nous produisons, en Suisse et dans le monde, améliorent toujours plus notre confort, mais elles sont mal réparties et ne profitent pas à toute la population.

Si nous voulons que nos enfants et petits-enfants puissent encore voir un bout de glacier ou qu’ils puissent encore vivre dans nos vallées sans que les risques naturels les en empêchent, il faut non seulement des politiques étatiques fortes de protection du climat, mais aussi que nous changions nos valeurs. La publicité nous fait croire que le bonheur est assimilé à la possession de toujours plus de biens matériels. Mais la vraie richesse, c’est celle de nos relations sociales et du partage avec les plus démunis. La protection du climat passera certainement par ce nouvel imaginaire du bonheur.

 

Faire triompher l’amour sur la haine, le rejet, la discrimination et le conservatisme

Les opposant·e·s au Mariage pour toutes et tous se font actuellement remarquer par une campagne mêlant pseudo-vérités et affabulations qui ne correspondent ni au texte soumis au vote ni aux connaissances scientifiques sur le sujet. Des arguments fallacieux qui sont accompagnés par une campagne visuelle violente, agressive voire carrément choquante. J’aimerais apporter des clarifications sur ces points qui ont malheureusement un seul objectif, tromper pour convaincre.

 

Le bien-être de l’enfant dépend de l’amour qu’on lui donne, pas du sexe de ses parents

Dire OUI au mariage civil pour tous·tes c’est faire un pas nécessaire et bienvenu vers l’égalité entre couples de sexe opposé et couples de même sexe. Les couples d’hommes et les couples de femmes pourront accéder à l’adoption conjointe et la procréation médicalement assistée (PMA). Le don de sperme sera possible pour les couples de femmes. Les couples hétérosexuels et homosexuels bénéficieront des mêmes droits. Le mariage pour tous·tes entrainera aussi une diminution des préjugés et un renforcement de l’acceptation sociale des personnes LGBT+. Il n’est que l’évolution logique d’une société ouverte et désireuse de garantir une meilleure protection des familles et de leurs enfants.

 

L’intérêt de l’enfant sera davantage respecté dans une société tolérante et ouverte

Si un couple de parents hétérosexuels était un modèle parfait, cela se saurait! Combien sont-ils à consulter, enfants et adultes, pour des problèmes liés à une éducation déficiente, violente ou déséquilibrée?  Non, le bien-être d’un enfant ne dépend pas du sexe de ses parents, mais du fait qu’il dispose de figures d’attachement stables et aimantes! L’intérêt supérieur de l’enfant, qui est évidemment primordial, sera davantage respecté dans une société tolérante, ouverte et garantissant une protection suffisante aux minorités sexuelles et de genre. Avec le mariage pour tous·tes, les deux femmes d’un mariage lesbien seront en outre reconnues comme les parents de l’enfant dès sa naissance. De cette manière, les enfants bénéficieront d’une protection légale si l’une des deux mères décède, ce qui n’est pas le cas actuellement. Les droits des enfants seront donc mieux protégés avec le mariage pour tous·tes.

 

L’accès au sperme pour les couple de femmes n’est pas une discrimination

Ce n’est pas à cause d’un choix arbitraire discriminant que les hommes ne peuvent pas accéder au don de sperme, mais simplement à cause d’une réalité biologique. Le fait que les couples lesbiens puissent le faire, à l’instar des couples hétérosexuels, ne discrimine pas les couples d’hommes, qui soutiennent d’ailleurs cette avancée sociétale.

 

La gestation pour autrui (GPA) ne sera pas autorisée pour les couples homosexuels

Non, la gestation pour autrui (GPA) ne sera pas autorisée pour les couples homosexuels, de même qu’elle ne l’est pas pour les couples hétérosexuels. Le mariage pour tous·tes créé une situation d’égalité entre les couples et n’instaure aucuns droits aux couples homosexuels dont ne bénéficient pas déjà les couples hétérosexuels. Cet argument avançant que le Mariage pour Tous créera un “tourisme” de mère porteuses à l’étranger est donc complètement farfelu.

Le mariage pour tous·tes correspond bien plus au renforcement d’une Constitution moderne qui garantit les droits fondamentaux de tous·tes qu’à une transgression du droit supérieur par le Parlement

 

Non, le mariage pour tous·tes n’est pas anticonstitutionnel

Le droit au mariage est garanti par l’art. 14 de la Constitution fédérale. Il était certes majoritairement admis, dans une interprétation historique, qu’un droit au mariage pour les couples homosexuels ne pouvait pas être directement déduit de l’art. 14 Cst. En revanche, il est faux de prétendre qu’un tel droit irait à l’encontre de cet article. De plus, d’autres dispositions de la Constitution suisse vont dans le sens d’un mariage pour tous·tes. Par exemple, l’orientation sexuelle est protégée contre les discriminations en vertu de l’art. 8 al. 2 Cst. et les relations homosexuelles sont inclues dans le droit à la vie privée garanti par l’art. 13 al. 1 Cst. Ainsi, le mariage pour tous·tes correspond bien plus au renforcement d’une Constitution moderne qui garantit les droits fondamentaux de tous·tes qu’à une transgression du droit supérieur par le Parlement. Introduire le mariage pour les couples de même sexe dans le Code civil ne nécessite donc pas de modification constitutionnelle.

 

Au-delà des aspects techniques développés précédemment, la votation sur le mariage pour tous·tes pose surtout la question des valeurs de la société dans laquelle nous voulons vivre. L’institution civile du mariage a déjà connu des heureuses évolutions par le passé. Pensons notamment à l’égalité entre les deux membres du couple. Aujourd’hui, il est grand temps que le mariage soit en adéquation avec les valeurs sociétales d’égalité et de tolérance à l’égard des personnes LGBT+. Il est donc évident que le mariage et les droits qui en découlent doivent être possibles pour les couples de même sexe. Dire oui le 26 septembre, c’est préférer les visages souriants et aimants sur fond arc-en-ciel aux affiches mensongères, provocantes et violentes derrières lesquelles se cache un conservatisme obscurantiste. Dire oui le 26 septembre, c’est faire triompher l’amour sur la haine, l’inclusion sur le rejet, l’égalité des droits sur la discrimination.

 

Avenir du tourisme de montagne: Investir dans les processus collectifs de transition plutôt que dans de nouvelles infrastructures

Le Conseil des Etats a adopté en juin une motion demandant la mise en place d’un programme d’impulsion pour le tourisme. L’objectif est de renforcer les instruments existants comme la nouvelle politique régionale ou Innotour afin de redonner une capacité d’investissement à une branche durement touchée par la pandémie.

 

Quel redémarrage faut-il encourager? Faut-il profiter de la crise sanitaire pour revoir les orientations de notre tourisme basées jusqu’ici sur la croissance et l’acquisition de clientèle lointaine? Et favoriser ainsi une transition vers un autre modèle touristique?

 

Diversification et fidélisation de la clientèle “Covid”

Tout d’abord, les stations auront l’obligation  se diversifier car la saison d’hiver devient plus aléatoire, avec le changement climatique qui impacte fortement l’activité du ski, moteur ces dernières décennies de l’économie touristique en montagne. Il s’agit donc en particulier de proposer des activités estivales. Dans l’idéal, il faudrait se diversifier sur l’ensemble des saisons, hiver compris, afin de satisfaire les attentes de la clientèle avide d’expériences nouvelles, voire insolites. Ce besoin de diversification, déjà identifié avant la crise sanitaire, a encore gagné en importance.

En raison de la fermeture des frontières, des restrictions de voyage et des quarantaines, de nombreux Suisses ont (re)découvert leur pays depuis l’été dernier. Des personnes qui avaient l’habitude de se rendre régulièrement dans des pays lointains se sont soudainement rendu compte que la Suisse abonde en régions et lieux superbes offrant des expériences variées. L’enjeu pour les stations est de parvenir à fidéliser une partie de cette nouvelle clientèle indigène qui est venue presque « par obligation ».

 

Innovation sociale et  processus participatifs

Trop souvent on n’a pas demandé l’avis de la population sur le développement du tourisme, partant du principe que celui-ci ne pouvait que lui être profitable, directement ou indirectement. La pandémie peut aussi être l’occasion d’engager des processus participatifs incluant tous les habitants pour se poser des questions sur les limites à la croissance des infrastructures et de l’urbanisation, la mobilité, la qualité de vie des résidents permanents, le type d’activités touristiques souhaitées ou une meilleure redistribution des retombées économiques du tourisme.

En outre, les activités et offres touristiques peuvent encore être mieux coordonnées, notamment entre celles des vallées et celles de la plaine. Relier ces offres par un système de transports publics performant sera aussi un défi à relever, pour des raisons de protection du climat mais aussi parce que les jeunes générations en connaissent les codes et sont prêts à les utiliser si l’offre existe.

Enfin, l’Etat ne soutient pas assez les acteurs dans les processus collectifs de transition touristique. De nombreux soutiens publics existent pour financer les infrastructures, mais il faudrait davantage financer le savoir-faire nécessaire à la mise en place d’une nouvelle gouvernance qu’impliquent une vision et des projets touristiques 4 saisons. Dans ce sens, l’Etat devrait financer des postes de responsables de projet, sur une période relativement longue (3 ans au moins), qui seraient chargés d’organiser, dans les destinations, des processus participatifs avec les habitants, les prestataires touristiques et les résidents secondaires. Le développement touristique s’est beaucoup basé jusqu’ici sur la construction d’infrastructures: la transition touristique demande aujourd’hui que davantage de moyens soient consacrés à l’innovation sociale et aux ressources humaines.