Soutenir l’ensemble d’une profession liée au dévouement

Vous vous souvenez quand, au début de la pandémie, nous étions sur nos balcons tous les soirs pour applaudir le personnel soignant qui faisait face avec courage et abnégation à la première vague de coronavirus? Il est temps de le remercier d’une manière plus concrète en acceptant l’Initiative sur les soins infirmiers. Voici pourquoi:

 

1. Pour ne pas compter que sur la main d’oeuvre étrangère

Depuis une année et demi, le personnel soignant est mis sous pression par la COVID-19. De manière générale, la situation dans la profession est très problématique, et ceci déjà avant l’arrivée de la pandémie: près de la moitié du personnel infirmier quitte en effet la profession prématurément. La Suisse manque ainsi cruellement de soignant∙e∙s. Actuellement 10’000 postes ne sont pas repourvus et d’ici 2029 nous aurons besoin de 70’000 soignant∙e∙s supplémentaires.

Cette pénurie est notamment due aux efforts insuffisants en matière de formation: depuis 2014, la Suisse ne forme que 56% de son besoin annuel en personnel soignant, voire 43% pour les diplômé∙e∙s. Le solde, c’est la main d’oeuvre étrangère qui le comble. Or, cette pénurie ne peut pas être résorbée à volonté. La Suisse doit redoubler d’efforts afin que le nombre de personnes choisissant cette profession s’accroisse rapidement. C’est justement l’objectif de l’initiative sur les soins infirmiers.

2. Le contre-projet est insuffisant

Le Conseil fédéral et la majorité du Parlement estiment que l’initiative va trop loin et lui opposent un contre-projet indirect. Ce dernier prévoit que la formation et la formation continue recevront jusqu’à un milliard de francs sur huit ans. C’est un pas dans la bonne direction mais qui est insuffisant. D’une part parce qu’avec le contre-projet, la base légale doit d’abord être créée dans tous les cantons avant que les parlements respectifs puissent prendre des décisions budgétaires. Et si un canton rejette le budget, il n’y aura pas non plus de financement fédéral. D’autre part, le contre-projet se limite à investir dans la formation. Mais cela n’en vaut la peine que si le personnel formé reste plus longtemps dans la profession. C’est pourquoi il faut absolument améliorer les conditions de travail, les salaires et la dotation en personnel des hôpitaux et établissements médico-sociaux.

3. Réduire l’épuisement du personnel soignant

La situation de pénurie conduit rapidement à l’épuisement du personnel soignant. L’initiative sur les soins infirmiers permet ainsi non seulement d’en former davantage, mais aussi, de par meilleure anticipation des plannings et en offrant des suppléments de salaire pour le travail de nuit, le week-end et les jours fériés, pourra rendre la vie familiale compatible avec cette profession difficile.

4. Améliorer la qualité des soins

En offrant de meilleures conditions de travail et de formation au personnel soignant, l’initiative permet in fine, et c’est un point particulièrement important, d’améliorer la qualité des soins et la sécurité des patient∙e∙s.

A cause de la pénurie de personnel, les soignant∙e∙s doivent traiter de plus en plus de patient·e·s simultanément. Cela met en danger la qualité des soins et empêche une approche humaine avec les patient·e·s, avec une probabilité d’erreurs médicales bien plus importante.


5. Soutenir l’ensemble d’une profession liée au dévouement

Un dernier argument pour tordre le cou à une idée reçue : un·e infirmier·ère travaillant en EMS ou gériatrie n’a pas moins de compétences qu’un·e infirmier·ère travaillant en chirurgie ou aux urgences. Les deux mobilisent des compétences différentes toutes aussi indispensables. L’un·e utilisera des compétences peut être plus techniques sur un temps de prise en charge réduit, l’autre fera appel aux compétences nécessaires à une prise en charge davantage holistique sur une période à moyen, voire long terme, avec toute la complexité que cela implique. C’est pourquoi il est nécessaire de soutenir l’ensemble de la profession.

Cette évolution fondamentale de la profession, couplée à l’évolution démographique de la suisse et à un contexte de pénurie chronique de soignant·e·s, sont les éléments essentiels pour comprendre la démarche faite aujourd’hui au travers de cette initiative.

L’origine des soins infirmiers est historiquement liée au dévouement. C’est une profession de cœur au service des malades. Cette profession est incarnée, de la fin du Moyen-Âge jusqu’au début du 20ème siècle par la femme consacrée. Ensuite les soins se laïcisent et deviennent de plus en plus techniques, les formations évoluent, l’infirmier·ère gagne en autonomie notamment avec la reconnaissance de son rôle propre au milieu des années 1950 et aujourd’hui ce sont les sciences infirmières qui sont enseignées dans les hautes écoles.

Cette évolution fondamentale de la profession, couplée à l’évolution démographique de la suisse et à un contexte de pénurie chronique de soignant·e·s, sont les éléments essentiels pour comprendre la démarche faite aujourd’hui au travers de cette initiative. L’infirmier·ère a aujourd’hui des compétences spécifiques, il·elle n’est plus une subalterne du médecin, est un partenaire aux compétences indispensables tout comme les ingénieur·e·s et les architectes sont partenaires pour construire un hôpital.

Dire Oui à l’initiative pour les soins infirmiers, c’est concrétiser nos applaudissements du printemps 2020 et assurer une meilleure qualité des soins pour nos aîné∙e∙s, pour nos enfants, pour nous.

 

 

Christophe Clivaz

Christophe Clivaz est le premier conseiller national vert valaisan. Il a été auparavant député (2013-2016) et conseiller municipal à Sion (2009-2019). Politologue de formation (Dr. en administration publique), il s'est spécialisé dans l'étude du tourisme alpin. Il est professeur associé à mi-temps à l'Institut de géographie et durabilité de l'Université de Lausanne, sur le site de Sion.

Une réponse à “Soutenir l’ensemble d’une profession liée au dévouement

  1. L’enjeu n’est pas que la profession soit liée au dévouement, c’est que l’institution ne le soit pas.

    Quel que soit le résultat qui sortira des urnes, je crains que cet aspect central du problème ne change guère.

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