Les grands projets photovoltaïques alpins pourront-ils produire de l’énergie avant les délais imposés par le parlement, à savoir fin 2025? Il semblerait que leur réalisation soit plus complexe que prévue. Faut-il prolonger ces délais comme le prônait le 2 juin dernier, le rédacteur en chef du Walliser Bote, Armin Bregy dans son éditorial? Au contraire, cela constitue un argument supplémentaire pour les rejeter. Démonstration.
Généreux subventionnement
Aujourd’hui en Suisse, la consommation d’électricité se monte à environ 60 TWh par année. La Suisse en produit globalement autant qu’elle en consomme. En été, elle exporte du courant, mais doit en importer en hiver. La loi Solarexpress a été adoptée pour palier à ce manque de production hivernale. Elle vise à installer des panneaux photovoltaïques en haute altitude, car ils produisent davantage que ceux situés en plaine. L’objectif de cette loi, c’est que 2 TWh, dont environ la moitié en hiver, soient produits par ces grandes installations solaires alpines d’ici à 2030, grâce à un généreux subventionnement de la Confédération pouvant se monter jusqu’à 60% des coûts.
Ces grands projets rallongeront la durée d’attente pour les privés et les PME
Pour répondre à cette question, on peut s’attarder sur la production supplémentaire d’électricité solaire hivernale en 2022. L’année dernière, les nouvelles installations solaires ont produit près de 1 TWh de courant supplémentaire dans notre pays. Dans son rapport « Production d’électricité en hiver grâce au photovoltaïque » de juin 2021, le Conseil fédéral précise qu’environ 27% de l’électricité d’origine photovoltaïque sur les bâtiments est produite pendant le semestre d’hiver. En reprenant ce pourcentage, cela veut dire que près de 0,27 TWh d’électricité solaire nouvelle a été produit en hiver en 2022.
Autrement dit, au rythme de 2022, on constate qu’en 4 ans, soit d’ici fin 2025, 1 TWh supplémentaire d’électricité solaire par an sera produit en hiver grâce aux installations posées sur les bâtiments existants. Ceci avant même que les premiers kilowattheures des grands parcs solaires soient produits. Et cette production sera très certainement plus élevée car la pose d’installations sur les premiers mois de 2023 est en augmentation comparée à l’année dernière qui était déjà une année record.
C’est là un des arguments principaux qui démontre l’inutilité des ces grands projets alpins: la demande est aujourd’hui supérieure à l’offre et la production d’électricité photovoltaïque décolle, en hiver aussi. Pourquoi dès lors allonger la durée d’attente pour les privés ou les PME qui veulent installer des panneaux solaires sur leurs toits au profit de grands groupes et investisseurs qui veulent réaliser de grands parcs en haute altitude?
En résumé, construire de grandes installations photovoltaïques en montagne ne peut se faire qu’au détriment:
- des paysages et de la nature, et donc de ce qui fait l’attractivité de notre tourisme
- du contribuable qui paie à hauteur de 60% la réalisation de ces grands parcs solaires alpins (alors que le privé ou la PME ne peut pas espérer plus que 30% pour une installation photovoltaïque)
- des propriétaires privés et des entreprises qui vont devoir attendre plus longtemps avant de pouvoir se faire livrer des installations photovoltaïques sur leurs toits et façades.
Incohérence du Parlement
Face à ces constats, et aussi incohérent que cela puisse paraître, le Conseil des Etats vient de refuser une proposition émanant du Conseil national de rendre obligatoire la pose des panneaux solaires sur les toits et façades des nouveaux bâtiments ainsi que sur les parkings. Autrement dit, il veut construire de grandes installations photovoltaïques en montagne mais n’en veut pas sur les nouveaux bâtiments!?
Au lieu de renforcer l’énergie solaire sur les infrastructures existantes, le Parlement la freine depuis des années et bricole des solutions dans l’urgence qui aggraveront encore plus la crise climatique et celle de la biodiversité. Pourtant, il existe suffisamment de surfaces adaptées sur les toitures et les façades pour couvrir une grande partie des besoins en électricité de la Suisse grâce à l’énergie solaire. Avec les toits et les façades nous disposons d’un potentiel théorique de 67 TWh annuels. C’est plus que la consommation du pays! Rien qu’en Valais, sur les surfaces de plus de 200m2 (donc sans les maisons individuelles et les petits immeubles), on peut produire de 1 à 1,8 TWh supplémentaire d’électricité solaire, selon une récente étude du canton. Nous devons enfin exploiter ce potentiel!
Les Vert.e.s lancent une initiative populaire
Selon le sondage publié le 31 mai par l’Association des entreprises électriques suisses (AES), installer du solaire sur les bâtiments et les façades est de plus massivement plébiscité par la population : 97% des répondants y sont favorables !
Face à l’impossibilité de trouver une majorité au parlement pour une offensive solaire sur les infrastructures existantes, les Vert·e·s lanceront une initiative: “Une installation solaire sur chaque toit”. On peut soutenir son lancement en promettant une signature ici.
Concernant la production électrique la politique Suisse actuelle se place devant un défi qui est à mon sens difficilement réalisable. Par exemple, on recherche une mobilité moins polluante en misant sur les moteurs à propulsion électrique. Changer le parc automobiles a des conséquences importantes sur un approvisionnement massif en électricité. Il ne faut pas négliger les conséquences indirectes de l’énergie grises pour la constructions de ces véhicules. Allez dans cette direction demande des ressources complémentaires qui demandent des pharaoniques investissements.
La cohérence de la politique suisse veut qu’il faut développer d’immense parcs photovoltaïques alpins, de surélever les murs de certains barrages pour augmenter le stockage d’eau, de développer des parcs éoliens. Tout ces projets pourraient se mettre en place au détriment du paysage, de la faune et la flore. De telles infrastructures demanderaient de construire ou d’améliorer des chemins d’accès ou pire encore prévoir de nombreuses rotations d’hélicoptères pour acheminer les matériaux de construction.
Ces changements ne sont pas anodins. Trouver un juste milieu entre la demande et la protection du patrimoine naturel demande une grande sagesse. Dans ces enjeux je suis partisan d’introduire, une politique d’économie individuelle, locale, cantonale et nationale, étant bien conscient des enjeux financiers des entreprises de construction et de producteurs d’électricité.
Une politique de soutien:
Poursuivre la pose de petites centrales photovoltaïques, petites éoliennes, petites centrales hydrauliques
Favoriser les subventions aux petits producteurs électriques
Favoriser la pose sur les toitures comme support de panneaux photovoltaïques et thermiques
Rechercher des sites pour poser des panneaux photovoltaïques avec peu d’impact sur l’environnement.
Favoriser la recherche de stockage dans des batteries moins polluantes
Economiser l’électricité par:
Développement des transports électrifiés en commun à des prix abordables
Obliger les communes d’éteindre l’éclairage public de 23h à 05h30 sauf pour les endroits à risques
Obliger les propriétaire de magasins à éteindre les lumières intérieures et enseignes lumineuses de 21h30 à 6h00
Restreindre les éclairages privés, bien souvent inutiles
Pénaliser les résidences secondaires qui utilisent de l’électricité de manière indécente
Economie d’énergie indirecte:
Subsidier les isolations des bâtiments
Pénaliser les propriétaires de voitures et de motos de grosses cylindrées
Pénaliser les propriétaires de voitures 4×4 qui n’ ont pas la nécessité
Développement des pistes cyclables en favorisant la sécurité des usagés
Soyons responsable en prenant librement des dispositions d’économie, en participant à notre niveau à la protection de notre patrimoine naturel