Réussir: oui, mais pourquoi?

Volontairement, je ne parle pas de « comment » gagner. Ni de la volonté de gagner. C’est plus profond. Qu’est-ce qui fait la différence entre celui qui accumule les titres et le sportif amateur ? Dans l’entreprise, ce sera assimilé aux collaborateurs et à celui qui fait la différence, qui fait du chiffre, au leader.

La focale au bon endroit

Le sportif amateur est centré sur son résultat, sur son chrono, sur le nombre de personnes vaincues sans oublier le plaisir qu’il prendra lors d’une course. On le voit par leurs réseaux sociaux : cela leur permet de se démarquer socialement, qu’on veuille l’entendre ou non ; il est toujours bon de recevoir des félicitations ou de se sentir soutenu.

Paradoxalement, le sportif d’élite (c’est mon cas) a d’autres priorités que bien performer ou non, bien que les enjeux soient parfois grands (financièrement – primes, économiquement – sponsors, socialement – implication de son équipe sportive, psychologiquement – les émotions et sportivement – critères de sélection, entre autres). Je ne nie pas les bénéfices du sportif amateur ; cela n’est qu’amplifié dans ma situation. Or, l’essentiel n’est pas là : pour performer, cela ne suffit pas. Loin de là ! Avez-vous déjà connu quelqu’un qui, en entreprise, fait exploser les ventes, alors que le produit qu’il propose ne fait pas – ou peu – de sens pour lui ? Bonne chance ! En sport, c’est pareil. Être passionné est indispensable, mais ne suffit pas. Certes : c’est le premier prérequis. Vivre sa discipline le jour, la nuit, la respirer, sur le terrain, pendant les exercices, la dévorer, dans l’assiette, mais aussi chaque élément qui la concerne.

L’état d’esprit gagnant

Pourquoi l’entreprise sollicite-t-elle des sportifs ? Parce que nous avons des capacités de gestion, de planification, une pensée stratégique dépendant de notre discipline, une assiduité et une discipline d’enfer. En plus de tout cela, nous avons appris à gérer la pression, plein d’enjeux de domaines variés, la pression, à parler aux médias lors de victoires mais aussi de déceptions, à gérer la frustration. Toutes ces qualités tant recherchées.

Evoquant souvent ces sujets lors de mes conférences en entreprises, je remarque qu’elles pourraient augmenter davantage leurs chiffres grâce à la perspective d’évolution mentale des collaborateurs. Pourquoi l’intérêt n’est-il pas encore affirmé ? La psychologie du sport tout comme la préparation mentale doivent encore plus être démystifiée. On le sait : on attend le moment d’être confronté à une problématique pour y recourir. Par un suivi régulier, l’équilibre est plus facile à maintenir et une difficulté plus facile à surmonter.

L’équipe : mes résultats leurs appartiennent

Être bien dans sa peau permet de le rayonner auprès d’autres. C’est aussi un prérequis pour être un meneur, un « leader » comme on le dit en anglais. Il est préoccupé de prendre soin des autres (« care »). Puis, de les défier (« dare »). En commençant par sortir soi-même de sa zone de confort.

Tout sportif aimerait être suivi. Être intéressant pour un sponsor peut aussi signifier avoir une certaine notoriété. L’apprentissage des trois éléments cités ci-dessus lui est indispensable (ce qu’il pourra apporter à l’entreprise le jour de sa reconversion).

A ce stade, une équipe pourra être menée. La mienne est composées de nombreuses personnes et de fonctions différentes, des spécialistes médico-sportifs aux sponsors. Tous jouent un rôle important ! Voir décisif. Une reconnaissance largement méritée. Grâce à leur engagement, ma réussite (la pointe de l’iceberg) est leur succès, étant aux sources du projet. Une récompense pour chacun d’eux.

En partant de soi vers les autres, je tenais à partager ces quelques éléments que l’on pourrait approfondir davantage. La prochaine interrogation : pourquoi est-ce que je parviens, pour la première fois de ma carrière, à décrocher des titres internationaux dont j’ai toujours – ou justement pas – rêvé ?

 

Plus d’informations: mon livre “Tout est possible, d’une situation à l’autre”, éditions Slatkine

Photo: Journée des entreprises 2021, Plan-les-Ouates

Celine van Till

Celine van Till défie l’impossible. Du dressage équestre au cyclisme sur route, en passant par le 100 mètres sprint, valide et handisport, elle court d’un extrême à l’autre. L’ennui n’existe pas. Les surprises attendent. Les limites sont remises en question. Elle gagne la Coupe du Monde 2022 et est aussi auteure et conférencière.

5 réponses à “Réussir: oui, mais pourquoi?

  1. Je pense que cette philosophie du « gagnant » ou du « leader » en entreprise est un peu infantile. Cet état d’esprit est d’ailleurs en train d’être largement remis en question à la lumière des crises que nous allons devoir traverser. La seule volonté ne suffira pas à affronter ces périodes troublées et incertaines.

    La capacité d’endurer et de gérer l’incertitude absolue (tout peut arriver de toutes les manières possibles à tout moment sans signes avant-coureurs) va devenir la clé de la survie des individus et des collectivités.

    Toutes les techniques auxquelles vous faites référence partent du présupposé que l’on évolue dans un environnement fait d’un minimum de règles et de principes. Je crains qu’il faille apprendre à vivre dans un monde qui en est dépourvu. C’est là une toute autre manière d’aborder les défis à venir.

    Au vu des temps qui nous attendent, il me semble qu’un habitant d’un bidonville du tiers-monde a plus à nous apprendre, en terme de mental et de résistance psychologique, qu’un sportif d’élite.

    1. Merci pour votre remarque et je suis navrée pour ma réponse tardive. Vou avez raison: c’est un mélange subtile d’élémennts qui permettront de traverser les (prochaines) crises. Des voontés collectives mênent à des actions menées collectivement. Un chose parmi d’autres. Vivre dans l’inconnu ou avec une certaine incertitude du moins n’est pas évident. L’endurance est un moyen de rebondir moultes fois. D’autres part, les règles et les principes semblent bel et bien être là. Bien qu’ils ne soient parfois bafoués. En vous lisant, je me demande s’ils continueront d’exister: il y aura un autre mode de fonctionnement auquel il va falloir s’adapter.
      Merci pour votre conclusion: je le pense aussi. C’est ça, la vraie vie. Les individualités formant les collectivités, les valeurs qui nous unissent diffèrent de plus en plus d’une personne à l’autre. Il en découle plus de complexité…

  2. Au Moyen-âge, il y avait les montreurs d’ours, les jongleurs, les magiciens. Dans l’antiquité, on allait voir les gladiateurs. De même aujourd’hui les sportifs de haut niveau offrent un spectacle. Au cinéma, au théâtre les acteurs apportent une catharsis, diminuent la peine des spectateurs, leurs chagrins tout en créant un sentiment de communion avec ses voisins. La personne qui regarde un exploit sportif s’identifie un peu à l’athlète et atténue ainsi sa frustration de ne pouvoir en faire autant. En outre il se sent proche de ceux qui regardent et oublie un peu son présent. Le sport de haut niveau a-t-il valeur d’exemple? S’il en était ainsi tout le monde ferait du sport. Mais un peu quand même: après une grande victoire beaucoup s’inscrivent pour pratiquer … pendant un certain temps. Le sport amateur devrait tendre à être le sport pour tous. C’est vital pour la santé : celui qui reste perpétuellement dans son fauteuil, pour regarder la télé ou non, se condamne à bien des maux physiques, cardiaques, psychologiques. On doit faire du sport comme on se lave, c’est vital

  3. Bonjour Madame,

    J’ai infiniment de respect pour votre parcours, votre volonté et vos résultats.

    Ancien haut-gradé dans une armée, témoin et acteur de guerres et de combats, l’âge avançant, mon scepticisme va grandissant, le mot “leader” ( galvaudé à mon sens ) n’évoquant par exemple plus celle ou celui que l’on “aime” mais celle ou celui que l’on suit ( car il inspire une confiance totale ).

    Je regrette sincèrement de ne pouvoir entendre votre opinion dans de nombreusrs années ( je serai trop vieux) pour voir comment évolue ( ou pas ) votre perception de la réussite et de l’esprit “gagnant”. Ma curiosité serait grande, et je le répète, sincère.

    Merci pour votre témoignage et vous souhaitant tous les succès !

    1. Cher Monsieur,
      Merci infiniment pour votre message. Tout d’abord, je m’excuse de répondre si tard.
      Oui, je peux comprendre ce que vous ressentez en évoquant le mot “leader”. Dans ce contexte, les verbes aimer et suivre peuvent-ils se distinguer? Pour moi (c’est peut-être lié à l’éducation d’aujourd’hui), nous suivons ceux qu’on aime! En me posant la question si est possible (oui) et utile (pas nécessairement) de suivre quel’un qu’on n’aime pas? Dans le dernier cas, je ne trouve pas l’action sereine car elle sous-entend des émotions néfastes au bien-vivre, négatives, qui ne vont pas nous aider à s’accomplir ou nous rendre joyeux. Comme vous le prétendez très justement, nos idées évoluent au cours de notre vie et sont potentiellement influencées par notre parcours de vie, par les expériences vécues. Merci pour votre apport; je me poserai cette question “plus tard”. Ce sera utile puisque nous avançons grâce à des remises en question perpétuelles (il m’aura peut-être fallu vivre des choses terribles pour formuler ces sages paroles).
      Merci pour cet échange et pour votre intérêt!

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