Pourquoi ? Et pourquoi pas ? Bosser, c’est la condition initiale pour connaître le succès. Pour savourer le plaisir d’en avoir. Pour créer une sorte d’addiction aux défis pour le vivre à nouveau. Mais il y a bien plus d’éléments.
Retenir les leçons
Après avoir évalué mon expérience d’athlète (lire le livre « Tout est possible, d’une situation à l’autre », Slatkine) puis avoir fait le bilan après ma carrière de sprinteuse, il a fallu me préoccuper des leçons à retenir. Ajoutées à quelques autres changements, elles sont en grande partie responsables de mes débuts fulgurants en para-cyclisme. Pourtant… La compétition n’a jamais été aussi simple. Aussi agréable. Mon objectif principal est d’éprouver du plaisir. Est-ce le secret ? En sport, on parle de « se faire plaisir ». Nuance ! J’ai décidé de lever le voile qui recouvre mon parcours en 5 points à la fois tous liés :
- Des qualités intrinsèques
Vous pouvez apprendre des gestes comme vos cours de math, à force de répétition. Toutefois, vous préférez les langues aux branches scientifiques comme c’est possible d’être plus doué pour la vitesse que l’endurance. Votre talent doit-il se révéler naturellement ? Les activités qui correspondent le plus à vos « talents innés » vous coûteront moins chers en énergie, en temps et potentiellement en argent. Elles sont accessibles plus rapidement et plus facilement. Cela rime avec plus d’instants dans lesquels on se sent bien. Donc avec plus de plaisir aussi. Pourquoi alors se rendre la vie plus difficile de ce qu’elle est ?
J’en suis à ma troisième carrière sportive. L’équitation m’a mise en contact avec le sport d’élite. J’avais du talent, mais mon adolescence était ma plus grande barrière ; je peinais parfois à rester focalisée sur mes priorités, bien que j’aie appris à gérer ma carrière de A à Z. Ne sachant pas courir au départ, l’athlétisme était compliqué jusqu’à l’arrivée mais m’a permis de me forger, de développer d’autres capacités, de m’adapter et de trouver des solutions lors de chaque défi. Bien que j’étais passionnée, j’ai fait face à des difficultés qui ont touché ma santé. En cyclisme, je peux m’exprimer (aller au bout de mes forces) tout en ayant le sentiment d’être moins limitée et plus rarement blessée. Bien qu’en sport d’élite, les blessures et les chutes font parties du jeu. Conclusion : mes premières carrières ont certainement contribué aux succès (et à tout le plaisir) que je connais aujourd’hui (double championne d’Europe sur route et victoire de la Coupe du monde 2022).
- Bilan entre risques et bénéfices
« Tu as une carte à jouer ». Lorsque l’entraîneur national me l’a dit, j’ai réfléchi. Différemment. Avant de me lancer. Pourquoi ne me suis-je jamais sentie en insécurité à vélo ? Mon handicap joue-t-il un rôle ? Les risques ? Je ne savais pas si j’avais une grande marge de progression à l’avenir dans cette discipline mais mes difficultés actuelles étaient minimisées (mon handicap se fait moins ressentir ce qui est plus agréable). Peu importe, en diminuant les difficultés au départ, l’écart avec les meilleurs est déjà réduit. La quantité de risques aussi. Mes difficultés d’équilibre et de coordination sont minimisées, ayant cinq points d’appuis (les mains, la selle, les pieds clipsées), je me sens plus en sécurité : un avantage important. Néanmoins, j’ai été confrontée à d’autres adversités que je n’avais pas envisagées. Un coup de chaleur m’obligeant à renoncer aux championnats du monde. Un plan d’action sera mis en place et ce risque est à l’avenir minimisé.
- L’expérience permet un recul important
Troisième carrière. Bien que reprendre le sport d’élite n’était pas dans mes plans, cette opportunité s’est profilée. Je ne regrette pas de l’avoir saisie. Loin de là ! Cela m’a permis d’être championne d’Europe en mai… Et d’être sélectionnée aux championnats du monde (du 11 au 14 août) ! Le premier secret est là : ayant l’expérience de deux carrières précédentes (équitation et athlétisme), ayant vécu des victoires, des difficultés, ayant dû reconnaître mes limites l’année passée (mettre fin à ma carrière de sprinteuse pour des raisons de santé), je n’ai plus envie d’être confronté à un stress permanent. Celui que mettent les Fédérations, la pression vis-à-vis des acteurs économiques, des succès attendus… celui que l’on ressent lorsqu’une autre personne aimerait décider pour moi (et mon coach personnel) ce qu’il faut faire. Tout cela, c’est du passé. Je sais ce qu’il faut pour y arriver. J’écoute tous les conseils, je les trie et je choisis ceux que j’applique : tout est entre mes mains et celles de mon coach. Pourtant, il faut jongler avec différents acteurs et décideurs. Autant m’appuyer sur mes expériences passées pour jongler avec les enjeux.
- L’entourage humain
C’est parti. Avec mon entourage. Ensemble. Seule, j’aurais perdu d’avance. Je dis ce que je fais, mais surtout, je fais ce que je dis. La confiance, probablement motivée par un mélange entre mon attitude, mon honnêteté, la reconnaissance que j’accorde et les chances de réussites, n’a qu’augmentée. La preuve ? Mon équipe médico-sportive, déjà sur pied, m’a suivi instantanément. Des sponsors aussi, un mélange d’anciens et de nouveaux. Néanmoins, lors de mes carrières passées, c’était différent. Moins accessible pour moi ? Moins de visibilité ? Moins de cohérence dans mon environnement ? Lequel ? Avant, j’ai vécu le divorce compliqué de mes parents, l’accident de ma maman… J’évolue actuellement dans un environnement sain et compétent. L’impact est grand.
- Projets
Passionnée par la vie tout court, il est impératif de mettre des priorités. Sport en premier. Le reste après. Je décide moi-même de ma destinée. Pour cela, l’équilibre de vie est primordial. Celui entre entraînement, nutrition et repos. Mais aussi entre sport et autres activités. Le tout doit être balancé avec la vie sociale, notamment (je n’en parle pas dans ma situation, mais ce paramètre doit être prit en considération). Aujourd’hui, plus personne ne peut décider ce que je vais faire ou non. Je gère ma carrière moi-même. Mes investisseurs (les sponsors). La communication. Tout. Ayant ces compétences, les ayant aussi vécues auprès de ceux qui m’ont aidé par le passé et appréciant ces tâches, cela me permet d’agir, de trier mes activités, de faire face aux enjeux et de les comprendre. Exemple. J’ai décidé de poursuivre ma passion d’aider les autres, ma mission d’œuvrer pour les autres, en m’engageant en politique. Risque pris, risque assumé : je me dois d’être transparente sur cet enjeu dès le premier rendez-vous (possible impact pour un potentiel sponsor). Si le partenaire concerné veut me soutenir et n’est pas d’accord sur cet engagement, plusieurs possibilités s’offrent à nous : soit il renonce au soutien (démarche maladroite), soit je renonce à la politique (à contre-cœur donc mauvais pour mon moral), soit nous cherchons une solution ensemble (la meilleure option !) Mais il n’a pas été décidé pour moi ce que je dois faire ou pas. J’ai pu faire des choix et nous avons trouvé un terrain d’entente pour que je puisse accomplir ce qui me fait vibrer. Et avancer.
L’avenir, c’est le plaisir
Tous les éléments semblent alignés pour performer. Ou presque, devant contrôler ma volonté, ne devant pas dépasser ma sécurité. Lorsque la pression prend le dessus, il est nécessaire de me rappeler « pourquoi » j’ai commencé le cyclisme : pour avoir du plaisir ! L’équilibre d’aujourd’hui n’étant pas forcément identique à celui de demain, il faut rester prêt à s’adapter en permanence aux changements que son environnement impose. A se remettre en question lorsqu’ils surviennent. A en tirer des leçons et les mettre en application dans tous les domaines, comme je l’expliquais au début de cet article. Ecouter et suivre ses envies est important aussi. Cela demande parfois à trouver des compromis. Tout ça, pour continuer sereinement. Dès que vous l’avez compris, vous pouvez sourire à la vie.
Photo: Antonio Gambuzza