Les enfants à l’école: pas de droit constitutionnel à un enseignement privé à domicile !

Le Tribunal fédéral refuse à une mère le droit de dispenser à son enfant en âge de suivre une scolarité obligatoire des cours privés à domicile (“Homeschooling”).

Dans un arrêt du 22 août 2019, notre Haute Cour rappelle que la Constitution fédérale – en particulier le droit au respect de la vie privée et familiale – ne confère pas aux parents un droit de faire l’école à la maison.

Les cantons sont toutefois libres de prévoir un droit à l’enseignement effectué directement par les parents à domicile, pour autant que cela respecte les exigences fédérales au respect d’un enseignement de base suffisant.

Dans le canton de Bâle-Ville, l’enseignement privé à la maison est réglementé par la Constitution cantonale et par la loi sur l’instruction publique, laquelle permet le “homeschooling” à la condition que le requérant démontre une impossibilité de fréquenter un établissement scolaire.

En l’espèce, suite au refus des instances compétentes, la mère a saisi le Tribunal fédéral, estimant que la réglementation cantonale en question violait le droit au respect de sa vie privée et familiale et constituait, de fait, une interdiction de l’enseignement privé à domicile.

En vain.

Le Tribunal fédéral rappelle que le droit fondamental au respect de sa vie privée et familiale (13 Cst. féd) et les dispositions sur l’enseignement de base (19 et 62 Cst. féd) ne confèrent pas un droit à suivre des cours privés à domicile. Les cantons peuvent adopter des réglementations très restrictives, voir même prévoir une interdiction de “homeschooling”, sans que cela ne constitue une violation du droit au respect de sa vie privée et familiale.

Le canton de Vaud: un bon élève en matière de “homeschooling”

Dans le canton de Vaud, la législation sur la scolarisation à domicile est relativement souple.

Les parents souhaitant scolariser leur enfant à la maison doivent en faire l’annonce au directeur de l’établissement scolaire de l’enfant, et ce chaque année.

La Direction pédagogique effectue toutefois des contrôles (réalité de l’enseignement donné, acquisitions de l’enfant et progression dans les apprentissages) et l’enfant doit également se présenter aux épreuves (ECR) afin de tester son niveau de compétence.

En cas d’insuffisance du “homeschooling”, le retour à l’école régulière peut être exigé.

Attention par conséquent avant de s’improviser enseignant à la maison !

 

Anaïs Brodard

Avocate et médiatrice FSA

 

Congé paternité: deux semaines pour les pères envisagées!

Le Parlement a accepté ce mercredi le contre-projet permettant aux pères d’obtenir un congé paternité de deux semaines à la naissance d’un enfant. 

La Suisse est actuellement un mauvais élève en terme de possibilités laissées aux pères de s’occuper de leur enfant à la naissance de ceux-ci. Elle est d’ailleurs le seul pays d’Europe dont la législation ne prévoit ni congé paternité, ni congé parental, alors que les pays membres de l’OCDE proposent plus de 54 semaines en moyenne à se répartir entre les deux parents.

Le changement est, pour ainsi dire, le bienvenu !

Ce mercredi, le Conseil national a soutenu un contre-projet indirect proposant 2 semaines de congé paternité par 129 voix contre 62, après plus de 6h30 de débat.

L’idée :

  • permettre au père de prendre un congé paternité de deux semaines ;
  • à prendre dans les 6 mois qui suivent la naissance de l’enfant ;
  • pouvant être pris sous forme de journées isolées ou consécutivement à la naissance ;
  • à régler dans le Code des obligations ;
  • à financer par le régime des allocations pour perte de gain.

Si l’UDC est le seul parti à s’être majoritairement opposé à ce projet, les autres acteurs du monde politique suisse y sont favorables sur le principe.

Congé paternité VS congé parental ? 

Aujourd’hui, si les initiants maintiennent leur initiative pour un congé paternité de 4 semaines, c’est le peuple qui aura le dernier mot.

L’initiative “Pour un congé de paternité raisonnable – en faveur de toute la famille vise à obtenir un congé paternité légal de 20 jours financé par les allocations pour perte de gain (APG). Il s’agirait pour les mères et les pères de se partager ce congé parental, qu’ils pourraient utiliser dans l’année suivant la naissance de l’enfant.

Les deux modèles seraient financés par les allocations pour perte de gains (APG). Le montant maximal sera de CHF 196.- par jour.

La politique des petits pas 

Si aujourd’hui, la situation des pères est insoutenable, ceux-ci bénéficiant légalement uniquement d’un seul jour de congé à la naissance d’un enfant, la Suisse fait preuve de timidité en ne proposant aux pères que deux semaines de congé paternité.

A l’aune des débats parlementaires, le constat est sans appel: le congé parental visant à permettre aux deux parents de se répartir du temps pour leur enfant est refusé par la majorité des politiques suisses.

Dommage, la Suisse manque ici à mon sens une occasion de rétablir l’égalité entre hommes et femmes, en permettant à chacun – selon le libre choix convenu entre le père et la mère au sein de sa propre cellule familiale – d’organiser le temps passé durant les premiers mois de vie de leur enfant.

Affaire à suivre…

 

Anaïs Brodard

avocate et médiatrice FSA

 

En quelques mots

 

Me Anaïs BRODARD

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les femmes se mobilisent aujourd’hui pour l’égalité: soutenons-les!

La grève des femmes en ce 14 juin 2019 

Ce matin, 14 juin 2019, 6 heures du matin au réveil, ma première pensée va aux Femmes. Nous sommes le 14 juin 2019: les Femmes font grève aujourd’hui. Maman de deux filles, je me sens de soutenir ce mouvement, avant tout pour nous, Femmes d’aujourd’hui, mais surtout pour elles, qui seront amenées à devoir gérer vie de famille et vie professionnelle dans un monde encore, pour l’heure, inégal.

Lorsque j’explique vouloir écrire sur la grève des Femmes, j’ai droit à une réaction du type : “ne fais pas ta féministe”.

Interpellée, je suis allée rechercher la définition du mot féminisme afin de saisir ce propos.

Le féminisme est un ensemble de mouvements et d’idées politiques, philosophiques et sociales, qui partagent un but commun: définir, promouvoir et atteindre l’égalité politique, économique, culturelle, personnelle, sociale et juridique entre les femmes et les hommes. 

A l’aune de cette définition, j’en conclu que oui, je suis féministe.

Aujourd’hui, je me demande pourquoi, plus de 38 ans après l’inscription dans la Constitution fédérale du principe de l’égalité des droits entre les hommes et les femmes, une grève des Femmes est-elle nécessaire?

Les mouvements de grévistes y répondent:

Parce que les femmes ont des salaires inférieurs aux hommes 

En moyenne, les femmes gagnent 19,6% de moins que les hommes. L’écart est de 16,6% dans le secteur public. Cette différence est calculée pour un plein temps. Comme la majorité des femmes travaillent à temps partiel, la différence de salaire sur la fiche de salaire est de 35% : en Suisse, la moitié des femmes gagnent moins de 3’750 francs par mois contre 5’760 pour les hommes.

Parce que seules les femmes travaillent à temps partiel et sont ainsi sujettes à la précarité, à des chances minimes de faire carrière, à des droits amputés en matière d’assurances sociales et de retraite

En Suisse, près de 59 % des femmes, contre 18% des hommes, travaillent à temps partiel. Pour les parents d’enfants de moins de 4 ans, ce taux est de 83% pour les mères, contre 13% pour les pères. Aussi, seules les femmes, la plupart du temps, cumulent emploi et travail domestique et de soins aux enfants pour un salaire minime à temps partiel. Cela a comme conséquences la précarité, des chances de carrière amoindries et des droits amputés en matière d’assurances sociales et de retraite.

Parce que le temps passé à effectuer du travail domestique n’est pas reconnu (ni rémunéré)

Les femmes assument encore les deux tiers du travail domestique: tâches ménagères, prise en charge et éducation des enfants, soins aux proches âgées et/ou malades, alors que les hommes consacrent la plus importante partie de leur temps à leur emploi. Ce temps de travail offert par les femmes pour le bien-être commun (de la famille, de la société) n’est pas rémunéré. Cela a pour conséquence d’exposer davantage les femmes à la pauvreté, en particulier les femmes vivant seules avec des enfants ou étant à la retraite.

Parce que concilier vie de famille et vie professionnelle est compliqué 

Si la mère suisse est actuellement protégée durant sa grossesse et son congé maternité, qu’elle à un droit à l’allaitement et dispose de trois jours en cas d’enfant malade, la Suisse est l’un des pays les moins généreux en matière de congé maternité et c’est sans parler du congé paternité qui est, quant à lui, laissé au bon vouloir des entreprises. Les Femmes revendiquent à ce titre que des mesure concrètes soient prises pour pouvoir concilier plus harmonieusement vie de famille et travail, à l’exemple d’un congé maternité plus long, d’un congé parental, de jours supplémentaires rémunérés pour enfants ou proches malades.

Parce que les professions féminines sont dévalorisées, parce que le harcèlement sexuel n’est pas admissible et que les violences faites aux femmes doivent cesser

Le monde du travail est cloisonné et les professions “féminines” sont moins bien rémunérées à niveau d’étude équivalent.

A cela s’ajoute que bien que la Loi sur l’égalité interdise le harcèlement sexuel, peu de femmes aboutissent dans leur démarche visant à dénoncer ces agissements contraires au droit et 83% des plaintes déposées par les Femmes sont rejetées.

Quant aux violences, en Suisse, une personne décède en raison de violences domestiques toutes les deux semaines, les victimes étant majoritairement des Femmes.

* * *

Pour toutes ces excellentes raisons visant à obtenir une réelle égalité, les femmes sont dans la rue aujourd’hui et nous nous devons de les soutenir, que nous soyons nés Homme ou Femme.

 

                                                                  Anaïs Brodard

avocate et médiatrice FSA

 

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Imposition du couple et de la famille

Selon les estimations de l’Administration fédérale des contributions, 450’000 couples mariés à deux revenus et 250’000 couples de rentiers mariés sont discriminés en comparaison aux couples non mariés, à situation économique égale. Cette discrimination se chiffre à 10% d’impôts supplémentaires payés par la première catégorie. 

Pour parer à cette inégalité de traitement, le Conseil fédéral (Dff) a adopté, en date du 21 mars 2018, son message relatif à la modification de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct (Imposition équilibrée des couples et de la famille).

Le 9 mai 2018, il a également adopté son message sur la déduction fiscale des frais de garde des enfants par des tiers.

Principales mesures proposées par le Conseil fédéral 

La méthode du calcul alternatif de l’impôt, qui consiste pour l’autorité de taxation à procéder en deux étapes. Premièrement, elle calcule l’impôt du couple d’après les règles de la taxation ordinaire commune. Deuxièmement, elle procède au calcul de l’impôt de manière individuelle, comme si le couple se trouvait en situation de concubinage.

Le couple devra alors acquitter uniquement le moins élevés des deux montants calculés.

Le calcul alternatif d’impôt permet de prendre en compte aussi bien des éléments de l’imposition individuelle que des éléments de l’imposition commune et constitue ainsi un bon compromis. Par ailleurs, dans la mesure où ce calcul n’a d’impact que sur l’impôt fédéral direct, les cantons pourront garder leur régime d’imposition des couples mariés.

La suppression de la “prime au concubinage”, qui permettait aux personnes non mariées avec enfants d’obtenir la réduction du barème prévue pour les couples mariés avec enfants. Désormais, le barème ordinaire de l’impôt fédéral direct s’appliquera à toutes les personnes non mariées avec enfants, à la place du barème pour personnes mariées. Cette mesure, qui permet de rétablir l’égalité entre concubins avec enfants et personnes mariées avec enfants a toutefois pour conséquence une augmentation de la charge fiscale des couples de concubins avec enfants. Pour des raisons de politique sociale et afin de palier à cette augmentation, une déduction d’un montant de CHF 11’500.- de la base de calcul pour les familles monoparentales est prévue, étant précisé que la déduction actuelle accordée par enfant pour ces familles-là est maintenue.

La prise en compte fiscale des frais de garde par des tiers, qui permettra à l’avenir de déduire au maximum CHF 25’000.- dans le cadre de l’impôt fédéral direct, contre CHF 10’100.- actuellement. Cette mesure découle de l’initiative visant à combattre la pénurie de personnel qualifié, laquelle a pour objectif de limiter les effets dissuasifs du système fiscal sur l’exercice d’une activité lucrative. Le but est d’inciter les mère ayant de bonnes qualifications professionnelles à exercer une activité lucrative.

Les deux objets susmentionnés sont actuellement traités par le Parlement… affaire à suivre !

Mon opinion personnelle

Si les deux premières mesures visant à ce que le principe de l’égalité entre les couples mariés ou non mariés avec enfants à situation égale soit respecté ont du sens, celle qui me fait le plus écho est la mesure visant à permettre une déduction augmentée des frais de garde des enfants par des tiers.

En effet, en tant que mère de deux jeunes enfants et entourée d’amies en situation d’emploi, il est clair que la réalité des fais de garde (environ CHF 2’100.- par mois pour un temps plein de crèche pour un enfant) doit être prise en compte dans le cadre des déductions possibles.

Aujourd’hui, trop nombreuses sommes-nous à nous demander si travailler vaut la peine compte tenu du budget nécessaire aux frais de garde de nos enfants.

Cette question pourra se loger un peu plus dans le coin de nos esprits grâce à l’augmentation de ce montant déductible, passant de CHF 10’100.- à CHF 25’000.-.

               

                                                                        Anaïs Brodard

avocate et médiatrice FSA

 

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Comment obtenir une baisse/suppression des contributions d’entretien ?

Diminution ou suppression des pensions alimentaires dues : comment l’obtenir? 

A l’approche de Noël, les magasins se remplissent de monde à l’affût des derniers cadeaux à acheter avant les fêtes.

Malheureusement, pour certain, les fins de mois sont difficiles: les pensions qu’il se sont vus condamnées à payer pèsent lourdement sur le disponible mensuel à la fin du mois.

Se pose alors la question suivante : comment faire baisser/supprimer les pensions dues à l’issue d’une séparation/d’un divorce?

Dans un arrêt récent TF 5A_400/2018 du 28 août 2018, le Tribunal fédéral rappelle les conditions auxquelles un débiteur d’entretien peut obtenir la baisse, voir la suppression d’une contribution d’entretien due à la suite d’une séparation, d’un divorce. La demande visait à obtenir la réduction de la contribution d’entretien due par un père en faveur de ses enfants issus d’un premier lit.

Deux conditions doivent être remplies: d’une part, il faut qu’il existe des faits nouveaux importants et durables et, d’autre part, que ces faits nouveaux importants et durables aient un impact significatif sur la nouvelle situation financière.

  • Un fait nouveau – important et durable 

En matière de contribution, si la situation change notablement, le juge modifie ou supprime la contribution d’entretien à la demande du père, de la mère ou de l’enfant. Cette modification ou suppression suppose que des faits nouveaux importants et durables surviennent, qui commandent une réglementation différente. La procédure de modification n’a pas pour but de corriger le premier jugement, mais de l’adapter aux circonstances nouvelles.

Le fait revêt un caractère nouveau lorsqu’il n’a pas été pris en considération pour fixer la contribution d’entretien dans le jugement de divorce. Ce qui est déterminant, ce n’est pas la prévisibilité des circonstances nouvelles, mais exclusivement le fait que la contribution d’entretien ait été fixée sans tenir compte de ces circonstances futures.

Le moment déterminant pour apprécier si des circonstances nouvelles se sont produites est ainsi la date du dépôt de la demande de modification du jugement de divorce.

  • Un impact significatif

La survenance d’un fait nouveau – important et durable – n’entraîne toutefois pas automatiquement une modification de la contribution d’entretien. Ce n’est que si la charge d’entretien devient déséquilibrée entre les deux parents, au vu des circonstances prises en compte dans le jugement précédent, en particulier si cette charge devient excessivement lourde pour le parent débirentier qui aurait une condition modeste, qu’une modification de la contribution peut entrer en considération.

Le juge ne peut donc pas se limiter à constater une modification dans la situation d’un des parents pour admettre la demande; il doit procéder à une pesée des intérêts respectifs de l’enfant et de chacun des parents pour juger de la nécessité de modifier la contribution d’entretien dans le cas concret.

Mon opinion personnelle 

Dans ma pratique quotidienne, j’agis avec prudence lorsqu’il s’agit d’obtenir la baisse d’une contribution d’entretien en faveur d’enfants mineurs issus d’une précédente union.

En effet, bien qu’une baisse significative des revenus du débiteur d’entretien permette d’obtenir d’un Juge qu’il jette un coup d’oeil à notre dossier, cela ne signifie pas encore qu’il tranchera en faveur d’une baisse/suppression de la pension due à l’enfant mineur.

Faut-il encore qu’à l’issue des nouveaux calculs, le Juge estime que la pension calculée selon la nouvelle situation financière du débiteur d’entretien provoque un véritable déséquilibre entre les deux parents dans la prise en charge financière de l’enfant, au vu des circonstances prises en compte dans le jugement précédent.

 

                                                                                              Anaïs Brodard, avocate et médiatrice FSA

 

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Contributions d’entretien en faveur des enfants lors d’une séparation ou d’un divorce

Contributions d’entretien en faveur des enfants en cas de séparation/divorce: montant, durée, le Tribunal fédéral en ébullition !

Depuis le 1er janvier 2017, le droit de l’entretien des enfants s’est trouvé profondément modifié.

La situation des pères et mères séparées ou divorcées face à leurs obligations familiales financières est incertaine. Elle dépend à ce jour de l’appréciation du Juge tenu d’appliquer les lois interprétées à la lumière de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral.

Deux arrêts récents tentent de clarifier la situation : 5A_454/2017 du 17 mai 2018 et 5A_384/2018 du 21 septembre 2018

Au préalable et de manière simplifiée, le montant de l’entretien dû à l’enfant se détermine en allouant, à chacun des parents, une proportion de son coût d’entretien. Cette allocation se fait en proportion du disponible respectif des parents, en tenant compte du temps consacré à l’enfant. 

Entretien de l’enfant: que comprend-il ? 

L’entretien de l’enfant comprend :

  • l’entretien en nature, à savoir les soins, l’accompagnement et l’éducation fournie par les parents à leur enfant;
  • les coûts directs, à savoir les frais qui doivent effectivement être payés pour l’enfant (les frais de garderie/d’accueil extra-scolaire, les primes d’assurance maladie, les frais de loisirs, etc.);
  • les coûts indirects qui sont la contribution de prise en charge.

Le cumul de ces trois postes permet de déterminer le montant qui correspond à l’entretien convenable d’un enfant.

La contribution de prise en charge: de quoi s’agit-il ? 

Il s’agit là de la grande nouveauté de la réforme du droit de l’entretien.

Son but: compenser l’impossibilité, pour le parent qui s’occupe essentiellement de l’enfant, d’assurer sa propre subsistance, en raison justement du fait qu’il s’occupe personnellement de son enfant.

L’idée du législateur ne consiste pas à favoriser un mode de garde (par le père ou la mère/en collectivité), mais vise à permettre la continuité du système mis en place par les parents jusqu’à leur séparation afin d’apporter un maximum de stabilité à l’enfant.

En clair, il s’agit d’allouer un montant (la contribution de prise en charge) au parent gardien afin qu’il puisse continuer à s’occuper personnellement de l’enfant, en lieu et place d’occuper un emploi rémunéré. La contribution de prise en charge doit permettre au parent gardien de garantir sa présence aux côtés de l’enfant.

La contribution de prise en charge: combien ça coûte ? 

Dans son arrêt 5A_454/2017 du 17 mai 2018, le Tribunal fédéral applique la méthode dite des frais de subsistance pour définir le montant de la contribution de prise en charge.

Il s’agit de la différence entre le salaire net (réel ou hypothétique) et le montant total des charges du parent assurant la prise en charge de l’enfant, calculées selon le minimum vital du droit des poursuites, respectivement du droit de la famille dès que la situation financière le permet.

Aussi, seule une situation financière déficitaire du parent gardien permet d’aboutir à la prise en compte d’une contribution de prise en charge.

Se pose ici la question de savoir précisément quelles sont les charges qui pourront être comprises dans le budget du parent gardien. Si un forfait de base (nourriture, vêtement, linge), le montant du loyer/coût d’un logement, la prime d’assurance-maladie et les impôts en cas de situation aisée sont des postes peu discutables…

… se pose la question de savoir si le Juge tiendra compte, par exemple, de primes de leasing ou de primes d’assurances privées ?

Nous n’avons à ce jour pas de réponse à donner à ces questions.

Malheureusement, le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de l’étendue matérielle de la contribution de prise en charge, à savoir la définition précise des postes du budget qui pourront être pris en compte dans le calcul.

Retour au travail après une séparation/un divorce: dans quel délai ? 

Quand est-ce qu’un parent peut être contraint de reprendre, respectivement d’augmenter son activité professionnelle?

Le Tribunal fédéral a révisé sa jurisprudence bien établie dite “des 10/16 ans” qui prévoyait, jusqu’alors, qu’on ne pouvait exiger d’un parent la prise/l’augmentation d’une activité lucrative à un taux de 50% avant que le plus jeune des enfants n’ait atteint l’âge de 10 ans révolus et de 100% avant qu’il n’ait atteint l’âge de 16 ans révolus.

A présent, s’applique le modèle des degrés de scolarité: un parent qui prend en charge les enfants la plupart du temps doit ainsi exercer, sauf motifs suffisants, une activité lucrative à un taux de:

  • 50% dès la scolarisation obligatoire du plus jeune enfant ; 
  • 80% dès l’entrée au niveau secondaire du plus jeune enfant ;
  • 100% dès la fin de la seizième année du plus jeune enfant.  

Les pères et mères qui avaient ainsi choisi un système de répartition des rôles classique où l’un deux restait à la maison pour garder les enfants seront ainsi contraints de retrouver une activité lucrative à 50% dès la scolarisation obligatoire du plus jeune enfant, soit environ 4 ans, en lieu et place des 10 ans.

Le modèle des degrés de scolarité est désormais applicable au calcul de la contribution à l’entretien pour des parents mariés ou divorcés

A la suite de l’arrêt rendu le 21 septembre 2018, les parents gardiens devront exercer une activité lucrative à 50% dès la scolarisation obligatoire du cadet, à 80% dès son entrée au niveau secondaire, puis à 100% dès ses 16 ans.

A défaut, un revenu hypothétique (à savoir non réellement perçu) leur sera probablement imputé.

Mon opinion personnelle 

Cette évolution jurisprudentielle est conforme à la réalité sociale actuelle où de plus en plus de famille comprennent deux parents qui travaillent.

Toutefois, je la juge sévère.

Dans l’optique de fonder une famille, beaucoup de femmes en particulier orientent leur formation et leur carrière professionnelle de manière à pouvoir se rendre disponible pour leurs enfants à venir.

Des choix qui, souvent, les mènent à exercer une activité professionnelle alimentaire, bien en deçà de leur réelle compétence, activité qu’elles exercent alors avec résilience en se confortant sur le fait qu’elles ont la chance de pouvoir voir grandir leurs enfants.

Or, cette conception, ce mode de vie, n’est plus envisageable à présent.

A la suite d’une séparation, souvent douloureuse et imposée unilatéralement par l’un des conjoints, elles seront soumises à un stress supplémentaire: celui de retrouver un emploi, respectivement d’augmenter leur activité lucrative, cela ajouté au deuil de leur schéma familial.

                                                                            Anaïs Brodard

                                                                                              Avocate et médiatrice FSA

 

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La Médiation: amie ou ennemie de la Justice ?

Rapport sur « La pratique des avocats et des notaires en relation avec la médiation »

Les résultats de l’enquête menée au sein des ordres des cantons de Fribourg, Genève et Vaud, sur le recours à la médiation en matière civile, pénale et administrative, mise en place par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) sont révélés dans un rapport.

Le constat est sans appel: le recours à la médiation, à savoir la résolution/prévention volontaire d’un conflit par les parties elles-mêmes, à l’aide d’un tiers neutre et impartial, facilitateur de communication, est extrêmement rare.

En Suisse romande, la médiation n’est proposée ni par les avocats, ni par les magistrats en présence de parties en litige.

Les statistiques parlent d’elles-mêmes :

dans le canton de Vaud :

  • 38.46% des avocats n’ont jamais suivi de sensibilisation informant sur la médiation, respectivement de formation pour devenir médiateur accrédité ;
  • 65.38% proposent rarement à leurs clients de résoudre/prévenir un litige par la médiation ;
  • 73.08% des avocats constatent que les magistrats proposent rarement la médiation aux parties en présence devant eux.

dans le canton de Genève :

  • 29.73% des avocats n’ont jamais suivi de sensibilisation informant sur la médiation, respectivement de formation pour devenir médiateur accrédité ;
  • 52.78% proposent rarement à leurs clients de résoudre/prévenir un litige par la médiation ;
  • 61.11% des avocats constatent que les magistrats proposent rarement la médiation aux parties en présence devant eux.

dans le canton de Fribourg :

  • 65.67% des avocats n’ont jamais suivi de sensibilisation informant sur la médiation, respectivement de formation pour devenir médiateur accrédité ;
  • 59.09% proposent rarement à leurs clients de résoudre/prévenir un litige par la médiation ;
  • 57.58% des avocats constatent que les magistrats proposent rarement la médiation aux parties en présence devant eux.

Les codes de déontologie, à savoir les règles auxquelles se soumettent les avocats pour l’exercice de leur pratique, incitent les avocats européens à examiner la possibilité, avec leur client, de créer les conditions d’un dialogue avant d’intenter une action en justice, de donner à leur client au moment opportun les conseils quant à l’opportunité de rechercher un accord ou de recourir à des modes amiables de règlement des litiges.

En Suisse, seul l’Ordre des Avocats du canton de Vaud a édicté des recommandations sur la médiation et est, de ce fait, un exemple pour les autres barreaux cantonaux, dont les dispositions en la matière sont volontairement inexistantes (à l’exception du canton de Fribourg, pour qui le recours à la médiation fonctionne sans qu’il ne soit dicté par des règles déontologiques).

En effet, quelques mois seulement après l’entrée en vigueur du Code de procédure civil, l’Ordre des Avocats vaudois adoptait des recommandations sur la médiation, mises à jour cette année, en commençant par citer le message du Conseil fédéral de 2006 aux termes duquel :

l’action judiciaire doit être l’ultime moyen de pacifier une situation litigieuse. Le règlement à l’amiable a donc la priorité (…) parce que les solutions transactionnelles sont plus durables et subséquemment plus économiques du fait qu’elles peuvent tenir compte d’éléments qu’un tribunal ne pourrait retenir“.

et

loin d’être une activité concurrente à celle de l’avocat, la médiation doit être appréciée comme une nouvelle opportunité pour les conseils de satisfaire les besoins réels de leurs mandants“.

Afin que l’ensemble des ordres cantonaux intègre des règles portant sur la médiation dans leur propre code de déontologie, il appartiendra au législateur de faire figurer dans la Loi sur la profession de l’avocat l’obligation faite à l’avocat d’informer ses clients sur la médiation et de les inciter à y recourir dans les cas qui s’y prêtent chaque fois que leurs besoins ou intérêts le commandent.

Pour l’heure, des permanences/centres de médiation existent, mais leur fréquentation et leur utilité varient d’un canton à l’autre.

A Genève, il existe la permanence d’information sur la médiation (PIM), laquelle est très peu visitée avec 6 visites par an de 2010 à 2016 et 25 visites par an pour 2013. Comme l’explique le rapport, cette agonie appelle une réforme radicale, qui implique de s’attaquer aux causes profondes de son échec: la loi qui prévoit que le Tribunal de première instance et la commission de conciliation informent les parties sur l’existence de la médiation et peuvent les inciter à y recourir reste lettre morte (art. 17 LACC-GE). Le rapport souligne que les tentatives des avocats et des médiateurs, soucieux d’ouvrir à leurs clients l’accès à la médiation judiciaire dans leur canton, se heurtent toujours à une collusion d’intérêts corporatistes, aussi efficace que sournoise qui, en ne faisant rien, fait tout pour retarder le développement d’une institution voulue par le législateur fédéral et par la constituante genevoise.

Le constat est sans équivoque: seule une collaboration triangulaire (magistrature – barreau – médiature), interactive, dynamique et adaptée, avec des rapports de satisfaction ou d’autres moyens de sondages auprès de justiciables permet à de tels systèmes de répondre correctement aux besoins.

Dans le canton de Vaud, à Lausanne, le Tribunal civil de Montbenon a ouvert une permanence médiation au moyen d’une salle dédiée à la médiation civile dans l’enceinte même du Tribunal. Il s’agit de la Permanence de médiation de l’Ordre judiciaire vaudois, qui a pour but d’informer les justiciables sur les possibilités de régler les différends par la médiation, ainsi que sur les modalités et les coûts d’un tel processus. La Directive de la CA No 56 du 04.06.2018 fixe les modalités de cette permanence et prévoit, notamment la gratuité de la permanence, laquelle fournit une séance d’information de 20 minutes.

Le rapport conclut qu’en Suisse, les Lignes directrices n’ont pas atteint leurs principaux destinataires que sont les avocats, les magistrats et les notaires. Pour remédier à cela, il est fourni à l’intention des avocats, les recommandations suivantes :

  • la nécessité d’introduire pour les avocats une sensibilisation obligatoire à la médiation dans les Ecoles d’Avocature ;
  • la nécessité d’encourager l’établissement de centres ou permanences de médiation auprès des Tribunaux ;
  • la nécessité de rappeler aux avocats l’intérêt des actes authentiques exécutoires pour renforcer les conventions (finales) de médiation, ainsi que celui des clauses contractuelles de médiation ;
  • rappeler aux avocats l’utilité d’organiser chaque année des “journées portes ouvertes sur la médiation”.

Aujourd’hui, ce sont 3000 dossiers touchant des litiges familiaux (divorce, mesures protectrice de l’union conjugale, etc.) qui sont envoyés chaque année auprès des Tribunaux vaudois, selon les statistiques 2016. Il est certain qu’une partie de ces litiges pourraient se résoudre par un (r)établissement de la communication entre les parties, qui aboutirait à des solutions plus satisfaisantes et pérennes.

Aussi, il est temps que la médiation ne soit plus seulement vue comme une tendance, un soft skill, mais soit un outil véritablement utilisé par les avocats et les magistrats au service de leur client et du justiciable, cela dans l’intérêt de notre société. 

 

Anaïs Brodard

 

Avocate et médiatrice FSA

 

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