Contributions d’entretien en faveur des enfants en cas de séparation/divorce: montant, durée, le Tribunal fédéral en ébullition !
Depuis le 1er janvier 2017, le droit de l’entretien des enfants s’est trouvé profondément modifié.
La situation des pères et mères séparées ou divorcées face à leurs obligations familiales financières est incertaine. Elle dépend à ce jour de l’appréciation du Juge tenu d’appliquer les lois interprétées à la lumière de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral.
Deux arrêts récents tentent de clarifier la situation : 5A_454/2017 du 17 mai 2018 et 5A_384/2018 du 21 septembre 2018
Au préalable et de manière simplifiée, le montant de l’entretien dû à l’enfant se détermine en allouant, à chacun des parents, une proportion de son coût d’entretien. Cette allocation se fait en proportion du disponible respectif des parents, en tenant compte du temps consacré à l’enfant.
Entretien de l’enfant: que comprend-il ?
L’entretien de l’enfant comprend :
- l’entretien en nature, à savoir les soins, l’accompagnement et l’éducation fournie par les parents à leur enfant;
- les coûts directs, à savoir les frais qui doivent effectivement être payés pour l’enfant (les frais de garderie/d’accueil extra-scolaire, les primes d’assurance maladie, les frais de loisirs, etc.);
- les coûts indirects qui sont la contribution de prise en charge.
Le cumul de ces trois postes permet de déterminer le montant qui correspond à l’entretien convenable d’un enfant.
La contribution de prise en charge: de quoi s’agit-il ?
Il s’agit là de la grande nouveauté de la réforme du droit de l’entretien.
Son but: compenser l’impossibilité, pour le parent qui s’occupe essentiellement de l’enfant, d’assurer sa propre subsistance, en raison justement du fait qu’il s’occupe personnellement de son enfant.
L’idée du législateur ne consiste pas à favoriser un mode de garde (par le père ou la mère/en collectivité), mais vise à permettre la continuité du système mis en place par les parents jusqu’à leur séparation afin d’apporter un maximum de stabilité à l’enfant.
En clair, il s’agit d’allouer un montant (la contribution de prise en charge) au parent gardien afin qu’il puisse continuer à s’occuper personnellement de l’enfant, en lieu et place d’occuper un emploi rémunéré. La contribution de prise en charge doit permettre au parent gardien de garantir sa présence aux côtés de l’enfant.
La contribution de prise en charge: combien ça coûte ?
Dans son arrêt 5A_454/2017 du 17 mai 2018, le Tribunal fédéral applique la méthode dite des frais de subsistance pour définir le montant de la contribution de prise en charge.
Il s’agit de la différence entre le salaire net (réel ou hypothétique) et le montant total des charges du parent assurant la prise en charge de l’enfant, calculées selon le minimum vital du droit des poursuites, respectivement du droit de la famille dès que la situation financière le permet.
Aussi, seule une situation financière déficitaire du parent gardien permet d’aboutir à la prise en compte d’une contribution de prise en charge.
Se pose ici la question de savoir précisément quelles sont les charges qui pourront être comprises dans le budget du parent gardien. Si un forfait de base (nourriture, vêtement, linge), le montant du loyer/coût d’un logement, la prime d’assurance-maladie et les impôts en cas de situation aisée sont des postes peu discutables…
… se pose la question de savoir si le Juge tiendra compte, par exemple, de primes de leasing ou de primes d’assurances privées ?
Nous n’avons à ce jour pas de réponse à donner à ces questions.
Malheureusement, le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de l’étendue matérielle de la contribution de prise en charge, à savoir la définition précise des postes du budget qui pourront être pris en compte dans le calcul.
Retour au travail après une séparation/un divorce: dans quel délai ?
Quand est-ce qu’un parent peut être contraint de reprendre, respectivement d’augmenter son activité professionnelle?
Le Tribunal fédéral a révisé sa jurisprudence bien établie dite “des 10/16 ans” qui prévoyait, jusqu’alors, qu’on ne pouvait exiger d’un parent la prise/l’augmentation d’une activité lucrative à un taux de 50% avant que le plus jeune des enfants n’ait atteint l’âge de 10 ans révolus et de 100% avant qu’il n’ait atteint l’âge de 16 ans révolus.
A présent, s’applique le modèle des degrés de scolarité: un parent qui prend en charge les enfants la plupart du temps doit ainsi exercer, sauf motifs suffisants, une activité lucrative à un taux de:
- 50% dès la scolarisation obligatoire du plus jeune enfant ;
- 80% dès l’entrée au niveau secondaire du plus jeune enfant ;
- 100% dès la fin de la seizième année du plus jeune enfant.
Les pères et mères qui avaient ainsi choisi un système de répartition des rôles classique où l’un deux restait à la maison pour garder les enfants seront ainsi contraints de retrouver une activité lucrative à 50% dès la scolarisation obligatoire du plus jeune enfant, soit environ 4 ans, en lieu et place des 10 ans.
Le modèle des degrés de scolarité est désormais applicable au calcul de la contribution à l’entretien pour des parents mariés ou divorcés
A la suite de l’arrêt rendu le 21 septembre 2018, les parents gardiens devront exercer une activité lucrative à 50% dès la scolarisation obligatoire du cadet, à 80% dès son entrée au niveau secondaire, puis à 100% dès ses 16 ans.
A défaut, un revenu hypothétique (à savoir non réellement perçu) leur sera probablement imputé.
Mon opinion personnelle
Cette évolution jurisprudentielle est conforme à la réalité sociale actuelle où de plus en plus de famille comprennent deux parents qui travaillent.
Toutefois, je la juge sévère.
Dans l’optique de fonder une famille, beaucoup de femmes en particulier orientent leur formation et leur carrière professionnelle de manière à pouvoir se rendre disponible pour leurs enfants à venir.
Des choix qui, souvent, les mènent à exercer une activité professionnelle alimentaire, bien en deçà de leur réelle compétence, activité qu’elles exercent alors avec résilience en se confortant sur le fait qu’elles ont la chance de pouvoir voir grandir leurs enfants.
Or, cette conception, ce mode de vie, n’est plus envisageable à présent.
A la suite d’une séparation, souvent douloureuse et imposée unilatéralement par l’un des conjoints, elles seront soumises à un stress supplémentaire: celui de retrouver un emploi, respectivement d’augmenter leur activité lucrative, cela ajouté au deuil de leur schéma familial.
Anaïs Brodard
Avocate et médiatrice FSA
http://mediation-avocate-lausanne.ch
Merci pour cet excellent article, Me Brodard.
“…cette conception, ce mode de vie, n’est plus envisageable à présent.”
Précisément, et cela vaut aussi pour le père. Voir son enfant pleurer tous les matins quand il le quitte pour aller travailler est une souffrance journalière, qu’un parent est prêt à accepter parce qu’en contrepartie, il revoit son enfant tous les soirs. Imposer alors au père de continuer ce sacrifice, sous prétexte de “permettre la continuité du système mis en place par les parents jusqu’à leur séparation”, en lui enlevant le droit de vivre avec son enfant tous les jours, sera perçu par lui comme une sentence de travaux forcés, sur vingt ans.
L’arrêt du 21 septembre, aussi sévère qu’il vous paraisse, ne fait qu’aller un peu plus dans le sens de l’égalité de traitement des parents. Il peut d’ailleurs être aisément contourné par le juge qui, usant de son pouvoir d’appréciation, estimera à la hausse les charges et besoins de la mère, de façon a lui attribuer un revenu disponible positif, même après déduction d’un salaire hypothétique. Dans les faits, la mère continue à pouvoir éviter d’augmenter son temps de travail. Et je vous parle d’un jugement réel que je viens de recevoir.
La véritable égalité ne sera atteinte que lorsque la garde partagée, à temps égale, sera imposée d’office en cas de séparation, sans considération de la situation antérieure qui, évidemment, avait été convenue dans le cadre d’une vie partagée et donc “n’est plus envisageable à présent” pour les deux parents.
Lorsque les contributions d’entretien seront fixées de façon équilibrée entre les parents et non plus à charge presque exclusivement des pères, l’égalité entre homme et femme sera enfin réalisée !
On parle beaucoup de l’égalité homme/femme, mais il faut bien avouer que dans le cadre familial en rupture, trop souvent le père est considéré comme … pourvoyeur de fonds …
Un enfant a deux parents et non un seul …
Réflexion d’une secrétaire d’avocat à la retraite !
Merci pour votre article sur l’évolution de la loi sur le divorce. Malheureusement, je trouve qu’il y a un manque de transparence sur la manière dont est calculée les contributions d’entretiens envers les enfants et surtout envers la femme s’il y a eu lieu d’être. Je n’ai jamais eu connaissance de femme qui versaient de pension à leur ex-mari…
Concernant votre opinion personnelle, je vous rassure, les juges gardent leur marge d’interprétation. Le poste des coûts indirects permettent notamment de justifier la compensation d’un travail à temps partiel. Pourtant selon l’arrêt du 17 mai, il n’est pas question de «rémunérer» la personne qui fournit les soins! Les hommes sont à la merci des femmes, qu’ils soient de bon ou de mauvais pères. Elles peuvent les tromper impunément tout en étant protégées financièrement en cas de divorce puisque l’adultère n’est pas considéré comme une faute. La séparation est aussi douloureuse du côté masculin et peut aussi être imposée par l’autre partenaire. Le stress de garder un emploi pour payer une pension sans s’endetter existe aussi, tout comme le deuil du schéma familial!
Merci. Combien d’enfants ne reçoivent pas de pensions alimentaires en cas de séparation ou de divorce? Je cherche cette information au sujet de parents exemptés de verser une contribution d’entretien mais ne la trouve nulle part.
Bonjour Marie, vous cherchez des informations au sujet de parents exemptés de verser une contribution d’entretien.
Normalement, si un parent est exempt de verser une contribution d’entretien, c’est que l’autre parent gagne suffisamment pour subvenir seul à ses besoins et ceux des enfants pris en charge par lui.
Selon arrêt du 17 mai 2018,
“… lorsqu’un parent s’occupe … de l’enfant tout en disposant de ressources suffisantes, aucune contribution de prise en charge n’est due, la prise en charge de l’enfant étant garantie (Message, FF 2014 556 s. ch. 2.1.3; BÄHLER/SPYCHER, op. cit., p. 258, 279 s.; SPYCHER, Kindesunterhalt, p. 15, 25 s., 28; idem, Betreuungsunterhalt, p. 212).”
On ne devrait donc pas dire dans ce cas que l’enfant ne reçoit pas de pension alimentaire, mais que sa prise en charge est garantie exclusivement par le parent gardien.
Depuis que les adolescents peuvent choisir leur lieu de résidence, il arrive que les pères en aient aussi la garde. Quant à une contribution d’entretien… je serais curieux d’apprendre s’il en est qui touchent quelque chose. Ce n’ai certes pas mon cas. Non pas que la mère ait toujours eu un revenu inférieur, mais sa fuite délibérée à l’étranger a été un élément suffisant pour qu’elle en soit dispensée officiellement.
Egalité quand tu nous tiens.
Belle article.
Mais aujourd’hui ou en ai le TF?
Car lancer des loi comme ca dans la nature et laisser les juge, avocats et surtout les pères ce faire depuiller librement et perdrent leur temps.
Joli la justice de cautionner cela.
Bonjour,
Combien de temps un homme divorcé devra verser une pension pour son ex femme?
Merci.
Je pense que les modalités des prises en charges des enfants par les parents de couples divorcés devraient avoir lieu en amont avant le divorce, et avant même d’avoir des enfants, par contrat si possible, afin que le couple soit au clair à quoi chacun peut s’attendre. Le juge aura ainsi une base sur laquelle il déterminera la responsabilité de chacun en fonction des engagements antérieurs et l’évolution de la situation du couple.
Donc si je lis bien <> <>>
Donc les hommes ne font pas le deuil de leur schéma familial ???? Ahh… ))) Les hommes ne s’occupent non plus pas de leurs enfants je suppose ????….. Pour ma part juste en Mesure protectrice de l’Union Conjugale où si mon ex bossais à 100% (je le luis avait proposé à l’époque mais :” Non, ça me fatigue trop”) gagnerais 15% de plus que moi. Je garde ma fille à 50%, lui paie des vêtements, des activités. Je n’arrive plus à joindre les 2 bouts, je n’ai plus de vacances car obligé de bosser à côté pour payer ma pension (27% de mon salaire)…. vivement le divorce… (si j’arrive à payer du moins) pour rétablir un peu d’équilibre…..